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Luisa Piccarreta
mystique italienne
(23 Avril 1865 -  4 Mars 1947)
Luisa Piccarreta
par Rozenn et JM.com

Le Royaume du Divin Fiat chez les créatures
Le Livre du Ciel
Tome 1
 
Appel des créatures à revenir
à la place, au rang et au but
pour lesquels elles ont été créées par Dieu
Luisa Piccarreta
La Petite Fille de la Divine Volonté
 
Luisa commence à écrire.
Un grand sacrifice m'est imposé par la sainte obéissance. Je dois écrire ce qui s'est passé entre moi et mon Jésus bien-aimé pendant une période de plus de 16 ans. Je me sens écrasée par la tâche (1). Néanmoins, quoique confuse, je veux m'appliquer de mon mieux. Je crois en Jésus, mon Époux bien-aimé, qui pourra me rendre la tâche tolérable. Ainsi, je pourrai la remplir pour la plus grande gloire de Dieu et pour l'amour que je nourris pour la noble vertu d'obéissance.
«Je commence donc, ô Jésus, en vous, avec vous, et pour vous. Je n'ai pas confiance en moi, mais j'ai foi en vous. Sans vous, je ne peux rien faire. Puisse cet écrit, du commencement à la fin, être fait pour votre plus grande gloire, pour la croissance de mon amour envers vous et pour ma plus grande confusion.»
Neuvaine préparatoire à la fête de Noël.
À l'âge de 17 ans, je voulais, par la pratique journalière de la méditation, de divers actes de vertu et de diverses mortifications, me préparer à la fête de Noël, c'est-à-dire à la fête de la Nativité de mon toujours aimable Jésus. Et tout ceci, pendant la durée d'une neuvaine. D'une manière spéciale, je voulais honorer les neuf mois pendant lesquels Jésus avait choisi de rester dans le Sein virginal de la Sainte Vierge en faisant pendant neuf jours neuf méditations par jour concernant le mystère béni de l'Incarnation.
Premier excès d'Amour.
Dans une méditation, j'avais choisi d'aller au Paradis par la pensée. Je m'imaginais la Très Sainte Trinité dans un concile décisif, planifiant de racheter la race humaine tombée dans la plus sordide misère, de laquelle, sans l'action divine, elle ne serait jamais capable de se relever, pour parvenir à une vie nouvelle d'absolue liberté. J'ai ensuite vu le Père prenant la décision d'envoyer son Fils Unique sur la terre, celui-ci acquiesçant au désir du Père, et le Saint-Esprit accordant son plein accord -- le tout pour le salut des hommes.
Tout mon être s'émerveillait d'un si grand mystère d'Amour réciproque entre les Personnes Divines, un Amour formidable liant entre elles les Personnes Divines et s'irradiant sur les hommes. Je considérai ensuite l'ingratitude de ceux-ci, rendant inopérant un si grand Amour.
Je serais restée dans cet état toute la journée, plutôt que pendant juste une heure, si Jésus ne m'avait pas fait entendre une voix intérieure me disant: «C'est assez pour le moment. Viens avec moi et tu verras d'autres et plus grands excès de mon Amour envers toi.»
Deuxième excès d'Amour.
Ma pensée était amenée à considérer mon toujours aimable Jésus, résidant dans le sein très pur de Marie Vierge et Mère. J'étais étonnée que notre grand Dieu, qui ne peut être contenu par les cieux, voulait, par Amour pour les hommes, devenir si petit et être confiné à un espace si restreint, jusqu'à ne pouvoir ni bouger ni respirer.
Comme cette considération me consumait d'amour pour mon Jésus nouveau-né, il me dit intérieurement: «Vois combien je t'aime! Par pitié, fais-moi un peu de place dans ton coeur. Sors-y tout ce qui n'est pas de moi, afin que j'y aie un peu plus d'aise pour bouger et respirer.»
Mon coeur se sentit alors broyé d'amour pour lui. Donnant libre cours à mes pleurs, je demandais pardon pour mes fautes, promettant d'être toujours toute à lui. Cependant, je devais constater que je répétais la même promesse jour après jour et que, à ma grande confusion, je retombais toujours dans les mêmes fautes. Ceci me causait une grande souffrance. Et je me suis exclamée: «Ah! mon Jésus, comme tu as toujours été bienveillant envers la misérable créature que je suis, et que tu l'es encore! Aie toujours pitié de moi!»
Fin de la neuvaine.
C'est ainsi que se sont passées ma deuxième et ma troisième heures de méditation. Et j'ai ainsi continué jusqu'à la neuvième heure, que j'ai omise, à cause de mes insipides et regrettables distractions. Cependant, la voix me demanda de poursuivre avec les méditations de la neuvaine, m'avertissant que si je ne le faisais pas, je n'aurais aucun répit, aucune paix. Et j'essayais d'imaginer comment je pourrais mieux le faire, parfois agenouillée, parfois prosternée jusqu'à terre. Il y avait des fois où ma famille m'empêchait de le faire pendant que je travaillais. Mais je voulais toujours satisfaire mon si bon Jésus.
C'est de cette façon que je passai tous les jours de ma sainte neuvaine, jusqu'à la veille du jour où mon bien-aimé Jésus me donna une récompense inhabituelle et inespérée. C'était la nuit avant Noël. J'étais seule et sur le point de terminer mes méditations quand, soudain, je ressentis en moi un courant de ferveur inhabituelle et me suis trouvée en présence du très gracieux bébé Jésus. Il était si beau et si charmant! Mais à cause du manque d'amour qui lui était donné par les créatures ingrates, il tremblait de froid. Et il agissait comme s'il voulait m'embrasser. J'étais ravie de joie. Je me suis levée immédiatement et j'ai couru pour l'embrasser. Mais quand j'ai essayé de le serrer dans mes bras, il disparut. Ceci arriva par trois fois, et chaque fois je n'ai pu l'embrasser.
J'en fus très contrariée. Et, toute pénétrée d'amour, je suis tombée dans une ivresse amoureuse -- c'est difficile pour moi de mettre tout ça dans des mots, car je n'ai pas la bonne manière de m'exprimer. Je ne nie pas que j'étais toute transformée d'amour par Jésus. Cette ferveur inhabituelle dura plusieurs jours. Ensuite, elle diminua graduellement. Pendant longtemps, je n'ai laissé transpirer absolument rien de tout cela à qui que ce soit.
Par la suite, la voix à l'intérieur de moi ne m'a jamais laissée. Comme je continuais à tomber, la voix me réprimandait après chacune de mes fautes coutumières. Elle me corrigeait et m'enseignait que je devais tout faire très bien. Elle me donnait un nouveau courage quand je tombais et me faisait promettre d'être plus vigilante dans le futur.
À présent, Notre-Seigneur continue d'agir avec moi comme un bon père envers son enfant, de toujours ramener l'enfant égarée dans le chemin de la vertu, de toujours user d'efforts paternels pour la garder à son devoir, afin qu'elle produise pour Dieu honneur et gloire, et qu'elle recherche toujours la couronne enviable de la vertu. Mais hélas, pour ma honte et ma confusion, je dois m'exclamer: «Ô Jésus, comme j'ai été ingrate envers vous!»
Jésus agit dans l'âme de Luisa,
la détachant du monde extérieur.
Puis mon Bon et Divin Maître commença à dégager mon coeur de toutes les affections qui l'attachaient aux créatures. Il vint à moi et, comme à l'accoutumée, me dit par une voix intérieure:
«Je suis ton Tout. Je mérite d'être aimé de toi d'un amour égal à celui que j'ai pour toi. Si tu ne laisses pas le petit monde de tes pensées, de tes affections et de tes sentiments pour les créatures, je ne pourrai pas entrer complètement en ton coeur et en prendre possession d'une façon permanente. Le constant murmure de tes pensées t'empêche d'entendre clairement ma Voix, ce qui m'empêche de déverser en toi mes grâces et de te faire tomber complètement en amour avec moi. Je suis un Époux très jaloux. Promets-moi que tu seras mienne totalement, et moi je me mettrai au travail pour faire de toi ce que je veux. Tu dis la vérité quand tu dis que tu ne peux rien faire par toi-même. Mais n'aie pas peur, je ferai tout pour toi. Donne-moi ta volonté: ce sera suffisant pour moi.»
Il me répétait souvent cela à l'occasion de la Sainte Communion. Je m'abîmais alors en pleurs de regrets et je promettais que, plus que jamais, j'allais être à lui totalement. Et si, à ce moment, je prenais conscience que je n'agissais pas en accord avec sa Volonté, je lui demandais pardon et lui déclarais que vraiment je voulais l'aimer de tout mon coeur. Et sachant que, privée de son aide, je ferais bien pire, je lui demandais de ne pas m'abandonner. Et Jésus, me faisant entendre sa Voix dans mon coeur, me disait: «Non! Non! Je serai avec toi partout où tu iras pour observer toutes tes actions et diriger et unifier tous les mouvements et les désirs de ton coeur.»
Je pensais à lui constamment. Quand il m'arrivait de me laisser distraire par des conversations avec ma famille ou des paroles sans importance ou non nécessaires, j'entendais rapidement sa Voix me dire: «Ces conversations ne me plaisent pas. Elles remplissent ta pensée avec des choses qui ne m'intéressent pas. Elles entourent ton coeur de sentiments nuisibles, qui rendent inefficaces les grâces dont je t'inonde, toi si faible et sans vie. Oh! essaie de m'imiter comme quand j'étais dans la maison de Nazareth: ma pensée était occupée seulement par ce qui concernait la Gloire de mon Père et le salut des âmes. Ma Bouche s'ouvrait seulement pour dire des choses saintes et pour persuader d'autres personnes de réparer pour les offenses commises contre mon Père. Ainsi, les coeurs brisés par le chagrin étaient attirés; et, adoucis par la grâce, ils étaient amenés à mon Amour. Devrais-je te parler des conférences spirituelles que j'avais avec ma Mère et mon père putatif? Tout ce qui était dit rappelait Dieu, et tout ce qui était fait était pour Dieu et se rapportait à lui. Ne peux-tu pas en faire autant?»
Ainsi je devenais muette intérieurement et toute confuse, et je désirais être seule dans la mesure du possible. Je confessais à Jésus mes faiblesses et demandais son aide et ses grâces pour être ponctuelle à exécuter ce qu'il me demandait. Je confessais aussi que, par moi-même, je ne pouvais rien faire, si ce n'est le mal. Et malheur à moi quand ma pensée ou mon coeur occasionnellement se détournait de Jésus et s'intéressait à des personnes que j'aimais. Vivement et brusquement, sa Voix revenait alors et disait sur un ton sec: «Est-ce ceci ta manière de m'aimer? Qui t'a aimée autant que moi? Sache que si tu n'arrêtes pas, je me retirerai et te laisserai seule, à tes propres moyens.» À la suite de tels et si nombreux reproches, je sentais mon coeur se briser, et je ne pouvais que pleurer abondamment et implorer son pardon.
Un matin, après avoir reçu la Sainte Communion, il me donna une claire vision du grand Amour qu'il avait pour moi, ainsi qu'une vision de l'amour inconstant et volage que les créatures ont pour lui. Mon coeur fut totalement saisi et, à partir de ce moment, j'étais incapable d'aimer qui que ce soit, si ce n'est lui seul.
Il m'enseignait aussi comment aimer les créatures sans me séparer de lui, en voyant chaque personne comme une image de Dieu. Par exemple, si quelque bonne chose venait à moi, je devrais reconnaître que lui, le moteur premier est l'auteur de ce bien et qu'il se sert de créatures pour me prodiguer son Amour.
Si, d'autre part, il m'arrivait d'être affectée par quelque mal, je devrais penser que Dieu le permettait pour mon bien spirituel ou corporel. Ainsi, mon coeur se sentirait attiré vers Dieu et attaché à lui. En voyant Dieu dans les créatures, mon estime pour celles-ci en serait rehaussée. Si elles me contrariaient, je me sentirais obligée de les aimer à travers Dieu et de croire qu'elles m'apportent des mérites pour mon âme. Si les créatures m'approchaient avec des louanges et des applaudissements, je les recevrais avec dédain et me dirais: «Aujourd'hui elles m'aiment; demain elles pourraient me haïr. Les créatures sont volages.» Ainsi mon coeur acquit une liberté que je ne peux exprimer par des mots.
Jésus continue son travail dans l'âme de Luisa, la
dégageant d'elle-même et purifiant son Coeur.
Après que mon Divin Précepteur m'eut coupée du monde extérieur, m'ayant séparée des créatures et libérée des pensées et des affections pour elles, il commença à purifier l'intérieur de mon coeur. Sa douce Voix résonnait souvent à mes oreilles en disant:
«Maintenant que nous sommes seuls, il n'y a rien pour nous déranger. N'es-tu pas plus contente maintenant, qu'au temps où tu cherchais à plaire à ceux qui vivaient autour de toi? Ne vois-tu pas qu'il est plus facile de plaire à moi seul, plutôt que de plaire à plusieurs? En retour, nous agirons comme si toi et moi nous étions seuls dans le monde. Promets-moi de m'être fidèle et je verserai en toi des grâces qui t'émerveilleront. J'ai de grands desseins sur toi, que je pourrai réaliser seulement si tu corresponds à ce que je te demande et que tu te conformes à ma Volonté. Je me réjouirai en faisant de toi une image parfaite de moi. Tu m'imiteras en tout ce que j'ai fait dans mon Humanité, de ma Naissance à ma Mort. N'aie aucun doute de la réussite, parce que je t'enseignerai peu à peu comment faire.»
Au jour le jour, spécialement après la Sainte Communion, il me parlait de ce dont je devais me préoccuper -- sans dépasser le seuil de la fatigue --, afin de faire mieux fructifier les grâces qui m'étaient accordées. La première chose dont il me parla, fut la nécessité de purifier l'intérieur de mon coeur et de m'anéantir, afin d'acquérir l'humilité. Dans ce but, il me disait souvent:
«Pour que je puisse déverser mes grâces dans ton coeur, il est nécessaire que tu te convainques que, par toi-même, tu n'es capable de rien. Je comble de mes dons et de mes grâces les âmes qui hésitent à s'attribuer à elles-mêmes les bons effets de leurs travaux faits avec ma grâce; je les regarde avec beaucoup d'approbation. Les âmes qui considèrent mes dons et mes grâces comme si elles les avaient acquises par elles-mêmes, commettent beaucoup de larcins. Elles devraient se dire: «Les fruits qui sont produits dans mon jardin ne doivent pas m'être attribués à moi, pauvre et misérable créature, mais sont le résultat des dons qui m'ont été accordés à profusion par l'Amour divin.»
«Souviens-toi que je suis généreux et que je verse des torrents de grâces sur les âmes qui reconnaissent leur néant, qui n'usurpent rien pour elles-mêmes, et qui comprennent que tout s'accomplit par le moyen de ma grâce. Ainsi, en voyant ce qui se passe en elles, ces âmes me sont non seulement reconnaissantes, mais elles vivent dans la peur de perdre mes grâces, mes dons et mes faveurs si elles ne me plaisent plus.
«Je ne peux pas entrer dans les coeurs qui sont enfumés par l'orgueil et qui sont si boursouflés d'eux-mêmes qu'ils n'ont pas de place pour moi. Ils ne font pas crédit à mes grâces et, de chute en chute, ils vont à leur ruine. C'est pourquoi je veux que très souvent -- voire continuellement -- tu fasses des actes d'humilité. Tu dois être comme un bébé dans les langes qui, incapable de bouger ou de marcher dans la maison par lui-même, doit se fier à sa mère pour tout. Je veux qu'ainsi tu restes près de moi comme un nouveau-né, demandant toujours mon aide et mon assistance, reconnaissant ton néant, attendant tout de moi.»
En faisant ainsi, je suis devenue une petite et je me suis anéantie, si bien que, quelquefois, je sentais tout mon être dissous et démembré, incapable de faire un pas ou de prendre une respiration sans l'assistance de Jésus. J'essayais de mon mieux de le satisfaire en tout, en devenant humble et obéissante.
Jésus amène Luisa à la conscience de son néant.
Comparant l'état de vie auquel Jésus m'appelait et celui dans lequel j'avais toujours vécu, je me sentais envahie par le chagrin. J'avais honte de regarder les personnes parce que je me sentais comme une des plus grandes pécheresses au monde. J'avais le goût de me retirer dans ma chambre, loin des créatures, et de me dire: «Si seulement ils savaient à quel point j'ai été pécheresse et combien de grâces le Seigneur m'a accordées, ils seraient horrifiés. J'espère que Jésus ne leur permettra pas de me connaître, parce que s'ils le savaient, je pourrais me suicider.»
En dépit de cela, le jour suivant, alors que je recevais Jésus dans le Saint Sacrement, mon coeur était joyeux de se voir si anéanti. Jésus me dit encore d'autres choses sur l'état du parfait anéantissement auquel il m'appelait, et il me faisait des suggestions -- toujours différentes de celles de la précédente visite. Je peux affirmer sans me tromper que chacune des nombreuses fois où Jésus me parlait, il se servait d'une approche différente pour expliquer les causes et les effets de la vertu qu'il voulait insuffler en moi. S'il l'avait voulu, il aurait pu parler sur la même vertu un millier de fois de plus, et d'un millier de façons différentes: «Oh! mon Divin Professeur, comme vous êtes savant, comme je suis ingrate de ne pas vivre selon ce que tu espères de moi!»
Je confesse que ma pensée a toujours recherché la vérité et a toujours cherché à se conformer à ce que Jésus m'enseignait. Mais j'ai souvent perdu ce désir d'une manière ou d'une autre, et je ne pouvais pas accomplir ce que Jésus me demandait, même à la fin. À cause de cela, je m'humiliais davantage moi-même. Je confessais ma nullité et, par la suite, je promettais d'être plus attentive et disposée. En dépit de tout cela, je n'aurais jamais pu réussir à faire le bien que sa perfection requérait s'il ne m'avait pas assistée continuellement. Il me disait souvent:
«Si tu avais été plus humble et plus près de moi, tu n'aurais pas fait ce travail si pauvrement. Mais parce que tu pensais que tu pouvais commencer, continuer et finir le travail sans moi, tu l'as réussi, mais pas selon mes désirs à moi. Pour cette raison, demande mon assistance au commencement de tout ce que tu entreprends. Assure-toi que je sois toujours présent pour travailler avec toi et ce que tu fais sera complété avec perfection. Sache que si tu fais toujours cela, tu acquerras la plus grande humilité. Si tu fais le contraire, l'orgueil rentrera en toi et étouffera cette très belle vertu d'humilité qui a été semée en toi.»
Ainsi il me donnait beaucoup de lumière et de grâces et me faisait voir la laideur du péché d'orgueil. L'orgueil est la plus terrible ingratitude envers Dieu et le plus grand affront qu'on puisse lui faire; il aveugle l'âme complètement, l'amène à tomber dans une grande impiété, et la conduit à sa ruine.
L'âme doit être contrite de ses péchés, mais Jésus
ne veut pas qu'elle s'attarde au passé.
Les grâces extraordinaires qui m'étaient données par Jésus me laissaient dans une grande tristesse par rapport au passé et dans une peur vive concernant l'avenir. Ne sachant que faire pour réparer les dommages du passé, j'essayais des mortifications choisies de mon propre chef. Je demandais aussi des mortifications à mon confesseur, mais elles ne m'étaient pas toujours consenties. Toutes les pénitences que je faisais me semblaient insignifiantes. Parce que j'étais incapable de changer le passé et que je ne savais que faire d'autre, je me mettais à pleurer à la pensée de mes péchés passés. Je me tournai finalement vers mon toujours aimable Jésus.
La peur d'être loin de lui me hantait, et la peur qu'ensuite il m'en coûte plus cher encore, me laissait sans savoir vraiment quoi faire. Qui pourrait dire combien de fois je courais vers Jésus à l'intérieur de mon coeur pour lui demander mille pardons, le remercier pour les nombreuses grâces qu'il m'accordait et lui demander de rester toujours près de moi. Souvent, je lui disais: «Voyez-vous, mon bon Jésus, combien de temps j'ai perdu et combien de grâces j'ai gaspillées, alors que j'aurais pu augmenter mon amour pour vous, mon plus grand Bien et mon Tout!»
Alors que d'une manière un peu ennuyeuse je continuais à lui parler ainsi, Jésus me réprimanda sévèrement en me disant:
«Je ne veux pas que tu reviennes sur le passé. Sache que lorsqu'une âme, convaincue de ses péchés, s'humilie en recevant mon sacrement de pénitence, elle devient plus disposée à mourir plutôt que de m'offenser de nouveau. C'est un affront à ma Miséricorde et un obstacle à mon Amour que de persister mentalement à remuer la boue du passé. Mon Amour ne peut accorder à une âme de prendre son envol vers le Ciel si elle reste plongée dans des pensées affreuses et des idées noires sur le passé. Sache que je ne me souviens plus du mal que tu as commis, ayant parfaitement tout oublié. Vois-tu en moi quelque rancoeur, ou même une ombre de mauvaise humeur envers toi?»
Et je repris: «Non, mon Seigneur, mon coeur se brise quand je pense à votre Bonté, à votre Gentillesse et à votre Amour envers moi, en dépit de mon ingratitude.» Et il me répondit en disant: «Très bien, mon enfant. Mais pourquoi veux-tu revenir sur le passé? Comme il serait beaucoup mieux si nous pensions à notre amour l'un pour l'autre! Essaie à l'avenir d'uniquement me plaire et tu seras toujours en paix.»
La créature doit garder son regard fixé sur Jésus,
et n'agir qu'avec lui et que pour lui.
À partir de ce moment, pour satisfaire mon adorable Jésus, je ne pensais vraiment plus au passé. Cependant, je l'ai souvent imploré pour qu'il m'enseigne comment faire réparation pour mes péchés passés. Et il me dit: «Tu vois bien que je suis prêt à t'accorder ce que tu désires: essaie de te souvenir de ce que je t'ai dit il y a quelque temps. La meilleure chose à faire est d'imiter ma vie. Dis-moi maintenant ce que tu veux.»
Je lui répondis: «Seigneur, j'ai besoin de tout, car je n'ai rien.» Et Jésus poursuivit: «Très bien, n'aie pas peur, car petit à petit nous ferons tout. Je sais comment tu es faible. C'est de moi que tu recevras la force, la persévérance et la bonne volonté. Fais ce que je t'ai dit. Je veux que tes efforts soient honnêtes. Tu dois garder un oeil sur moi et l'autre sur ce que tu fais. Je veux que tu saches faire abstraction des personnes, pour que, quand on te demande de faire quelque chose, tu le fasses comme si la demande venait directement de moi. Les yeux fixés sur moi, ne juge personne. Ne regarde pas pour voir si la tâche est douloureuse, dégoûtante, facile ou difficile. Tu fermeras tes yeux à tout cela et tu les ouvriras sur moi, sachant que je suis en toi et que je surveille ton travail.
«Dis-moi souvent: «Seigneur, donnez-moi la grâce de bien faire du commencement à la fin tout ce que j'entreprends, et que j'agisse seulement pour vous. Je ne veux plus être l'esclave des créatures.» Fais ainsi pour que, quand tu marches, tu parles, tu travailles, ou fais n'importe quoi d'autre, tu agisses seulement pour ma satisfaction et mon plaisir. Quand tu subis des contradictions ou reçois des blessures, je veux que tu aies les yeux fixés sur moi et que tu croies que tout cela vient de moi et non pas des créatures.
«Fais comme si, de ma bouche, tu entendais ceci: «Ma fille, je veux que tu souffres un peu. Par ces souffrances, je te ferai belle. Je veux enrichir ton âme de nouveaux mérites. Je veux travailler sur ton âme pour que tu deviennes comme moi.» Et pendant que tu endures tes souffrances pour mon Amour, je veux que tu me les offres en me remerciant de t'avoir fait gagner des mérites. En le faisant, tu compenseras avantageusement pour ceux qui t'ont fait du mal ou qui t'ont fait souffrir. Ainsi tu marcheras tout droit devant moi. Ces choses ne te dérangeront pas, et tu connaîtras une paix parfaite.»
La créature doit mourir à elle-même et ne vivre
que pour Dieu. Pour cela, elle a besoin d'esprit
de charité et d'esprit de mortification.
Après une période de temps où je faisais ce que Jésus me demandait, il m'entretint de l'esprit de mortification. Il me fit comprendre que toutes les choses, même les sacrifices héroïques et les plus grandes vertus seront considérés comme rien s'ils ne sont pas faits par amour pour lui. Si les mortifications ne sont pas motivées du commencement à la fin par l'amour de lui, elles sont insipides et sans mérite. Il me disait:
«La charité est la vertu qui donne aux autres vertus leur lustre, et les actions faites sans la charité sont des oeuvres mortes. Mes Yeux ne font pas attention aux actions qui ne sont pas faites en esprit de charité. Elles n'atteignent pas mon Coeur. Par conséquent, sois attentive et fais tes actions, même les plus petites, en esprit de charité et de sacrifice. Fais-les en moi, avec moi et pour moi. Je ne reconnaîtrai pas tes actions comme miennes si elles ne portent pas les deux sceaux, celui de tes sacrifices et mon propre Sceau. Comme la monnaie doit avoir l'image du roi imprimée sur elle pour être acceptée comme valable par les sujets du roi, ainsi tes actions doivent porter la marque de la Croix pour être acceptées par moi.
«Nous ne nous préoccuperons plus maintenant de travailler à éliminer tes affections pour les créatures, mais ton affection pour toi-même. Je veux te faire mourir à toi-même pour que tu puisses vivre seulement pour moi. Je veux imprimer en toi rien d'autre que ma Vie. C'est vrai qu'il t'en coûtera davantage, mais prends courage et n'aie pas peur. Moi avec toi et toi avec moi, nous ferons tout.»
Il me donnait de nouvelles idées en ce qui concerne l'anéantissement de soi-même. Il me disait: «Tu n'es pas, et tu ne dois pas te considérer plus qu'une ombre qui passe rapidement et qui t'échappe quand tu essaies de l'attraper. Si tu veux voir en toi-même quelque chose qui soit digne de moi, considère que tu n'es rien; et alors moi, heureux de ton véritable abaissement, je verserai mon Tout en toi.»
En me disant cela, mon bon Jésus imprimait dans ma pensée et mon coeur un tel anéantissement que j'aurais voulu me cacher dans le gouffre le plus profond. Sachant qu'il m'était impossible de lui cacher ma honte, et pendant que je poursuivais dans la destruction de mon estime personnelle, il me dit: «Approche-toi de moi, appuie-toi sur mon bras: je te soutiendrai et te donnerai la force de toujours travailler pour moi, de tout faire pour moi.»
L'âme doit totalement mourir à elle-même, et on
doit mortifier sa volonté dans tous ses choix.
Étant infiniment parfait, Dieu ne peut que désirer que chacune de ses oeuvres tende à sa perfection spécifique. Si donc tout ce qu'il a créé tend naturellement vers sa perfection et ne peut cesser de marcher vers son amélioration, alors, à bien plus forte raison, une créature à laquelle Dieu a donné une intelligence et une volonté personnelles ne peut laisser son perfectionnement stagner, si elle veut vraiment que Dieu trouve en elle son plaisir. Créé par Dieu à son image et à sa ressemblance, l'homme peut atteindre la plus haute perfection s'il s'applique à se conformer à la Volonté de Dieu et à correspondre aux grâces qui lui sont accordées par lui.
Si le Seigneur est près de moi et veut que je m'appuie sur son Bras, et si, par sa seule attirance, il me presse de me jeter dans ses Bras paternels, et si, de plus, il veut que je prenne toute ma force en lui afin de bien faire toutes choses, ne suis-je pas une idiote si je refuse cette grâce et que je ne me soumette pas à sa Divine Volonté? C'est pourquoi, moi, plus que toute autre créature, je crois qu'il est de mon devoir de toujours suivre mon adorable Jésus, lui qui me dit:
«Par toi-même, tu es aveugle, mais n'aie pas peur. Ma Lumière, maintenant plus que jamais, sera ton guide. Je serai en toi et avec toi pour faire des choses merveilleuses. Suis-moi en toute chose et tu verras. Pour un temps, je me placerai devant toi comme un miroir, et tout ce que tu auras à faire sera de me regarder, de m'imiter et de ne pas me perdre de vue.
«La première chose que tu dois faire est de mortifier ta volonté et de détruire ton ego qui désire tout, sauf le bien. Ta volonté doit être sacrifiée devant moi, pour que ma Volonté et la tienne ne fassent qu'un. Es-tu satisfaite de cela? Alors prépare-toi à des interdits de ma part, tout particulièrement par rapport aux créatures.»
Comme le vent fait bouger les pétales de la fleur, qui laisse ainsi voir le fruit minuscule qui se développe, ainsi est notre volonté départie de son expression personnelle, comme me l'a dit Jésus. Et quand viennent les mises en garde, je dois me conformer. Par exemple, si je ne me levais pas immédiatement à mon réveil le matin, j'entendais intérieurement sa Voix me dire: «Tu te reposais confortablement pendant que je n'avais pas de lit, mais plutôt ma Croix. Vite, vite, lève-toi! Ne sois pas si complaisante!» Et si je portais mon regard trop loin quand je marchais, il me grondait en disant: «Je ne veux pas que ton regard s'étende au-delà du nécessaire, afin que tu ne trébuches pas.»
Si je me trouvais dans la campagne, entourée de plantes, d'arbres et de fleurs variées, il me disait: «J'ai tout créé par Amour pour toi, et toi, par amour de moi, refuse-toi ce plaisir.» Si, à l'église, je fixais mon regard sur des décorations sacrées, il me réprimandait en disant: «Quelles délices y a-t-il pour toi, à part moi?» Si en travaillant, j'étais assise confortablement, il me disait: «Tu es trop confortable. Tu ne considères pas que ma Vie en fut une de souffrances continuelles!» Et, vivement, pour le satisfaire, je m'assoyais seulement sur la moitié de la chaise. Si je travaillais lentement et paresseusement, il me disait: «Dépêche-toi et viens vite demeurer avec moi en prière...»
Occasionnellement, il m'assignait un travail à faire dans un temps donné et je me mettais à l'oeuvre pour lui plaire. Quand je ne venais pas à bout de ma besogne, je lui demandais de l'aide. Plusieurs fois il m'aidait en faisant le travail avec moi afin que je sois libre plus tôt, généralement pas pour me divertir, mais pour avoir plus de temps pour la prière. Il arrivait parfois que, par moi-même ou avec lui, le travail qui devait m'occuper toute la journée était terminé en peu de temps. Il m'attirait alors vers la prière et me tenait complètement absorbée par la contemplation des nombreuses grâces accordées par lui aux créatures.
Après un certain temps, je commençai à me sentir plus impliquée et j'aurais aimé rester en prière indéfiniment; je n'expérimentais jamais la fatigue ou l'ennui, et je me sentais si bien, qu'il me semblait n'avoir besoin d'aucune autre nourriture que celle qui me venait de la prière. Mais Jésus me corrigeait en disant: «Dépêche-toi, ne tarde pas! Je veux que tu manges par amour pour moi. Prends la nourriture qui sera absorbée par ton corps. Demande que mon Amour s'unisse au tien, afin que mon Esprit s'unisse à ton âme et que ton être tout entier soit sanctifié par mon Amour.»
Occasionnellement, pendant que je mangeais, j'aimais un aliment et je continuais de le manger. Et Jésus me disait: «As-tu oublié que je n'avais pas d'autre désir que de me mortifier par Amour pour toi? Arrête de manger cela et tourne-toi vers quelque chose pour lequel tu n'as aucun désir.»
De cette manière, Jésus essayait de tuer ma volonté, même dans les plus petites choses, pour que je vive seulement en lui. Ainsi, il me permettait de faire l'expérience des paradoxes de l'amour, de l'amour entièrement saint et tourné vers lui.
Quand approchait le jour où j'allais pouvoir communier, je ne faisais rien le jour et la nuit d'avant, excepté de me préparer à le recevoir le mieux possible. Je ne fermais pas les yeux pour le sommeil à cause des actes d'amour continuels que je faisais à Jésus. Je disais souvent: «Hâte-toi, Seigneur, je ne peux plus attendre. Raccourcis les heures, fais que le soleil aille plus vite, car mon coeur défaille du désir de la Sainte Communion.»
Et Jésus me répondait: «Je suis seul et je languis sans toi. Ne te désole pas que tu ne puisses dormir. C'est un sacrifice que de demeurer à distance de ton Dieu -- ton Époux, ton Tout --, lui qui reste éveillé par Amour pour toi. Viens et sens les offenses qui sont continuellement commises contre moi par les créatures. Ah! ne me refuse pas le soulagement de ton aimable compagnie. Les palpitations de ton amour unies aux miennes effaceront partiellement l'amertume que beaucoup d'offenses me donnent jour et nuit. Je ne te laisserai pas seule avec tes souffrances et tes afflictions; plutôt je te rendrai la pareille par ma compagnie.»
Au lever du jour, j'allais à l'église avec un grand désir de recevoir Jésus dans le Saint Sacrement. J'approchais mon confesseur sans lui dire un mot de ce désir. Plus d'une fois il me dit: «Aujourd'hui je veux que tu sois privée de la Sainte Communion.» Ceci était si dur pour moi que souvent je commençais à pleurer; mais je ne voulais pas révéler à mon confesseur l'amertume que mon coeur ressentait. Puisque Jésus voulait que je me résigne aux désappointements, je cédais pour qu'il ne me gronde pas. Il voulait que j'aie une complète confiance en lui, lui mon plus grand Bien. Souvent je lui ouvrais mon coeur et lui disais:
«Oh! mon doux Amour, est-ce que ceci est le fruit de cette vigile que nous avons faite tous les deux cette nuit? Qui aurait pu imaginer qu'après tant d'attentes et de désirs, j'aurais à me passer de vous! Je sais bien que je dois t'obéir en tout. Mais, dis-moi mon bon Jésus, puis-je rester sans toi? Qui me donnera la force qui me manque présentement? Est-ce que j'aurai le courage et la force de quitter l'église sans t'amener à la maison avec moi? Je ne sais pourtant que faire d'autre. Mais toi, ô mon Jésus, si tu le désires, tu peux remédier à tout ça!»
Une fois, pendant que je parlais ainsi, j'ai ressenti une chaleur inhabituelle en moi. Ensuite une flamme d'amour fut allumée en moi et j'entendis sa Voix me dire intérieurement: «Sois calme, sois calme, je suis déjà dans ton coeur. Pour quelle raison es-tu effrayée? Ne sois pas triste. Je veux moi-même sécher tes larmes. Pauvre petite, c'est vrai, tu ne pourrais pas vivre sans moi, n'est-ce pas?»
Je m'émerveillai de ces Paroles de Jésus et du travail qu'il accomplissait en moi. Anéantie à l'intérieur de moi-même, je me tournai vers mon Jésus et lui dis: «Si je n'avais pas été aussi méchante, tu n'aurais pas inspiré à mon confesseur de me rebuter comme il l'a fait!» Et j'implorai Jésus de ne pas permettre de tels paradoxes, car, sans lui, je ne pourrais pas m'empêcher de mal faire et je ferais nombre d'étourderies. Parce que Jésus veut rendre mon âme amoureuse et l'amener à souffrir par Amour, il m'a conduite à me plonger dans l'océan infini de sa Passion.
La première vision de Jésus souffrant.
Un jour, après la Sainte Communion, Jésus Tout Amour me donna tant d'affection que je m'émerveillai et lui dis: «Jésus, pourquoi tant de tendresse envers moi, moi si méchante et si incapable de répondre à votre Amour? Sachant que je dois vous aimer de retour, j'ai peur que tu me laisses à cause de mon indifférence. Cependant je vous vois plutôt toute bonté et me pressant sur vous plus que jamais.»
Alors, aimablement comme toujours, il me dit: «Ma bien-aimée, les choses du passé n'ont rien fait de plus que de te préparer un peu. Maintenant j'en viens au travail. Je veux que ton coeur soit disposé à entrer dans l'immense océan de mon atroce Passion, si bien que, quand tu auras vraiment compris l'intensité de mes Souffrances, tu puisses comprendre l'Amour qui me consumait quand je souffrais pour toi. Dis-toi ceci: «Quel est celui qui a tant souffert pour moi? Et que suis-je, moi, si vile créature?» Et tu ne repousseras pas les blessures et les peines de la passion que tu souffriras par amour pour moi. Enflammée par l'amour, ton âme acceptera la croix que j'ai préparée pour toi. Quand tu considéreras tout ce que moi, ton Professeur, j'ai souffert pour toi, ta souffrance te semblera une ombre. Elle te semblera douce et tu atteindras un point où tu ne pourras plus vivre sans souffrance.»
À ces mots, je me sentis plus désireuse de souffrir. Néanmoins, ma nature tremblait à la pensée des souffrances que j'aurais à endurer. Aussi, j'ai prié Jésus de me donner assez de force et de courage et de me faire expérimenter l'amour à travers les souffrances auxquelles il m'appelait. Par cette requête, je n'avais pas voulu l'offenser, ni tirer parti du grand Pourvoyeur de dons qu'il est. Mais Jésus, dans tout son Amour et sa Douceur poursuivit ainsi:
«Ma chère, ceci va de soi. Si une personne qui entreprend quelque chose ne ressent pas un transport d'amour pour ce qu'elle entreprend, elle ne peut être motivée pour accomplir son travail. D'autre part, ceux qui entreprennent quelque chose de mauvaise foi, même s'ils l'achèvent, ne recevront pas ma récompense. Quant à toi, pour tomber en amour avec ma Passion, tu dois avant tout considérer calmement et dans la méditation tout ce que j'ai enduré pour toi, afin que ton jugement se conforme au mien, qui ne ménage rien par Amour pour l'aimé.»
Ainsi encouragée par Jésus, je commençai à méditer sur sa Passion, ce qui fit beaucoup de bien à mon âme. Je puis assurer que ce bien me vint de la Fontaine de la Grâce et de l'Amour. À partir de ce moment, la Passion de Jésus fit son chemin dans mon coeur, mon âme et mon corps -- dans lequel les souffrances de la Passion seront manifestées. Je devins immergée dans la Passion comme dans une immense mer de Lumière qui, avec ses chauds rayons, embrasait mon être tout entier d'amour pour Jésus, lui qui a tant souffert pour moi.
Plus tard, cette immersion me fera comprendre clairement la patience et l'humilité, l'obéissance et la charité de Jésus, et tout ce qu'il endura par Amour pour moi. Voyant quelle grande distance il y avait entre lui et moi, je me sentais complètement anéantie. Les rayons qui me submergeaient me semblaient comme des réprimandes me disant silencieusement: «Un Dieu si patient! Et qu'en est-il de toi? Un Dieu si humble, assujetti à ses ennemis! Et qu'en est-il de toi? Un Dieu de toute Charité qui souffre beaucoup pour toi! Et qu'en est-il de toi? Où sont les souffrances que tu portes par amour pour lui? Où sont-elles?»
Occasionnellement, Jésus me parlait des douleurs de son Agonie et de ses Souffrances d'Amour pour moi. Et j'en étais émue jusqu'aux larmes. Un jour, pendant que je travaillais et que je méditais sur les cruelles souffrances de Jésus, ma tête devint oppressée au point que j'en perdais la respiration. Par peur qu'il m'arrive quelque chose de sérieux, je voulus faire diversion en sortant sur le balcon. Là, je vis une foule immense de gens passant dans la rue. Ils conduisaient mon très gentil Jésus, le poussant et le tirant. Jésus portait sa Croix sur son Épaule. Il était exténué et suait le sang. Il faisait pitié au point d'émouvoir une pierre. Il leva les yeux vers moi pour me demander du secours.
Qui pourrait décrire le chagrin que j'ai alors ressenti? Qui pourrait décrire l'effet que cette épouvantable scène eut sur moi? Je suis rapidement retournée dans ma chambre, ne sachant plus où je me trouvais. Mon coeur était brisé de douleur et j'ai commencé à pleurer en me disant: «Comme tu souffres, mon bon Jésus! Je souhaiterais pouvoir t'aider à te libérer de ces loups enragés, ou souffrir des douleurs et des tortures pour toi, pour te donner du soulagement. Ô mon Dieu, permets que je souffre à tes côtés. Ce n'est pas juste que tu souffres tant par Amour pour moi, une pécheresse, et que moi je ne souffre rien pour toi!»
Jésus alluma tant d'amour en moi pour sa douce souffrance que c'était plus dur pour moi de ne pas souffrir. Ce vif désir qui prit vie en moi ne s'est jamais éteint. Dans la Sainte Communion, je ne demandais rien d'autre plus ardemment: qu'il me soit permis de faire l'expérience de douces souffrances similaires aux siennes. Quelquefois il me satisfaisait en enlevant de sa Couronne une épine qu'il jetait dans mon coeur. Occasionnellement, il enlevait les clous de ses Mains et de ses Pieds et les jetait en moi, ce qui me causait des douleurs très grandes, mais jamais égales aux siennes.
À d'autres occasions, il me semblait que Jésus prenait mon coeur dans ses Mains et qu'il le serrait si fort que la douleur me faisait perdre l'usage de mes sens. De peur que les gens autour de moi puissent noter ce qui m'arrivait, je le priais en disant: «Mon Jésus, donne-moi la grâce de souffrir sans que mes souffrances soient perçues par les autres.» Je fus satisfaite pour quelque temps, mais à cause de mes péchés, mes souffrances étaient parfois observées par les autres.
Jésus prive Luisa de toute consolation sensible pour
qu'elle apprenne la résignation et l'humilité.
Un jour, après la Sainte Communion, Jésus me dit: «Ta souffrance ne peut pas être similaire à la mienne, parce que tu souffres avec ma Présence. Je vais t'aider. Je veux te laisser seule un peu. Sois plus attentive qu'avant, parce que je ne te donnerai pas la Main pour te supporter et t'aider en tout. Tu agiras et tu souffriras avec bonne volonté, sachant que mes Yeux seront fixés sur toi, même si je ne me laisse plus voir ni ressentir par toi. Si tu me restes fidèle, je te récompenserai quand je reviendrai. Si tu es infidèle, je viendrai te punir.»
À ces paroles, je devins horrifiée et lui dis: «Seigneur, toi qui es ma Vie et mon Tout, dis-moi comment je peux vivre sans toi, mon Dieu! Qui me donnera la force de bien me conduire? Toi seul as été, es et seras ma force et mon soutien. Est-il possible que, maintenant, tu veuilles me laisser à mes seuls moyens, privée de ta présence, après que tu m'aies invitée à laisser le monde extérieur et tout ce qui va avec. As-tu oublié que je suis méchante et que sans toi je ne peux rien faire de bien?»
Et Jésus, doucement et calmement, me répondit: «Je ferai cela pour que tu puisses comprendre ce que tu vaux sans moi. Ne désespère pas. Je te ferai cela pour ton plus grand bien, pour préparer ton coeur à recevoir les nouvelles grâces dont je vais t'inonder. Jusqu'à présent, je t'ai aidée visiblement. Maintenant, invisiblement, je te ferai sentir ton néant en te laissant seule avec toi-même. Je vais faire en sorte que tu atteignes la plus profonde humilité. Et je te donnerai mes grâces, les meilleures, pour te préparer pour les hauts niveaux auxquels je te destine. Ainsi, plutôt que de désespérer, sois joyeuse et remercie-moi, parce que plus tu traverseras cette mer orageuse rapidement, plus vite tu atteindras le port. Plus les tests auxquels je te soumettrai seront sévères, plus seront grandes les grâces que je t'accorderai. Sois courageuse car, bientôt, je viendrai te consoler dans ton chagrin.»
Alors il me bénit et se retira. Qui pourrait exprimer la douleur que je ressentis, le vide qui envahit mon coeur, les larmes que je versai, quand je vis mon Jésus qui, pendant qu'il me bénissait, me quittait. Néanmoins, je m'étais résignée à sa Très Sainte Volonté. Et après avoir embrassé sa Main mille fois, cette Main qui me bénissait de loin, je lui dis: «Au revoir Saint Époux, au revoir! Souviens-toi de ta promesse que tu vas me revenir bientôt! Aide-moi toujours et fais que je sois totalement tienne.»
Et je me vis complètement seule. C'était comme si la fin arrivait pour moi. Parce que Jésus avait été mon Tout, sans lui je n'avais maintenant plus aucune consolation. Tout autour de moi se changeait subitement en amer chagrin. Il me semblait entendre les créatures se moquer de moi et me répéter dans un langage muet: «Tu vois ce que te fait ton Amoureux, ton Bien-Aimé; où est-il maintenant?» Quand je regardais l'eau, le feu, les fleurs, même les pierres familières de ma chambre, tout semblait dire: «Ne vois-tu pas que toutes ces choses sont de ton Époux? Tu as le privilège de voir ses oeuvres, mais tu ne peux pas le voir, lui!» Et je leur disais: «Oh! vous, les créatures de mon Seigneur, donnez-moi des nouvelles de lui! Dites-moi où je peux le trouver! Il m'a dit qu'il reviendra bientôt, mais qui parmi vous peut me dire quand il reviendra, quand je le verrai à nouveau?»
Dans cet état, chaque jour me semblait une éternité. Les nuits étaient des veilles sans fin, les heures et les minutes étaient comme des siècles et ne m'amenaient que des désolations. Je me sentais sur le point de m'effondrer. Mon coeur et ma respiration s'arrêtaient, et je me sentais parfois comme si tout mon être était gelé, envahi par une sensation de mort.
Les membres de ma famille remarquèrent que ça n'allait pas. Ils en parlaient beaucoup entre eux et attribuaient ma souffrance à une maladie physique. Ils insistaient pour que je rencontre le médecin. Cela se fit, mais ne m'apporta aucun bien. Pour ma part, je continuais à me souvenir de ce que le bon Jésus m'avait promis, de ce qu'il avait fait en moi, de l'onction de sa grâce. Je me remémorais une à une ses douces et tendres Paroles. Je me rappelais aussi ses réprimandes paternelles pour me rappeler au devoir de l'aimer.
Mon âme sait qu'elle est incapable de faire quoi que ce soit sans Jésus et que tout lui est dû. Il est le vrai directeur spirituel qui enseigne à mon âme comment rester humble et abandonnée à travers la prière, la Sainte Communion et les visites au Saint Sacrement.
Par elle-même, l'âme n'est capable
de rien; elle doit tout à Jésus.
Ne pas reconnaître que tout ce qui a été accompli en moi est redevable à la surabondance des grâces du Seigneur serait pure fourberie de ma part. Sans ses grâces et sa lumière, en effet, je n'aurais rien fait de bien: que du mal. Qui d'autre que mon aimable Jésus m'a éloignée des frivolités du monde? Qui a suscité en moi le désir si fort de faire une neuvaine pour Noël, avec neuf méditations par jour portant sur l'Incarnation de Jésus, lesquelles m'ont apporté du Ciel tant de grâces et de lumières surnaturelles? Et quelle était cette voix intérieure qui me prévenait que je n'aurais aucun répit ni aucune paix si je ne faisais pas ce que Jésus me demandait? Et qui me fit tomber en amour avec lui en me faisant voir le ravissant bébé Jésus?
N'était-ce pas Jésus qui agissait avec moi comme mon professeur, m'instruisant, me corrigeant, me réprimandant, amenant mon coeur à se départir de ses affections, infusant en moi les véritables esprits de mortification, de charité et de prière? Il ouvrit en moi la voie qui me conduisit à l'immense mer de sa Passion. C'est par lui que j'expérimentai la douceur de la souffrance et l'amertume quand je ne souffre pas. Ces choses n'ont-elles pas toutes été faites par sa grâce?
Maintenant qu'il me joue un tour en se retirant de ma vue, j'expérimente à fond que, sans lui, je ne ressens pas cet amour sensible comme avant. Je ne vois plus la lumière dans mes méditations; je ne suis plus capable de rester absorbée en méditation pendant deux ou trois heures. Pendant que j'essaie de faire ce que j'avais l'habitude de faire avant, j'entends se répéter en moi ces mots: «Si tu me restes fidèle, je viendrai te récompenser; et si tu es infidèle, je te punirai.» Je n'ai vraiment plus le succès que j'avais quand il était auprès de moi visiblement et sensiblement.
Dans cet état de privation, je passais tous mes jours dans une presque totale amertume, dans le silence et l'anxiété; j'attendais Jésus qui ne venait toujours pas comme il l'avait promis: «Je reviendrai à toi bientôt.» Mon seul réconfort était de le recevoir dans le Saint Sacrement, parce que, comme je l'espérais, je le trouvais là. Quand je répétais mes supplications, j'étais presque toujours satisfaite. Mon coeur battait plus vite, quoique pas de la même manière ineffable qu'avant. Il m'avait un peu sévèrement mise à l'épreuve, sans rien me dire.
Quand, finalement, la période de disette fut terminée et que, de mon mieux, j'avais terminé tout ce que Jésus voulait, je l'ai senti de nouveau dans mon coeur: «Petite Fille de ma Volonté, dis-moi tout ce que tu veux; dis-moi ce qui s'est passé en toi, tes doutes, tes peurs et tes difficultés, de telle manière que je puisse t'enseigner comment te conduire dans le futur quand je serai absent.» Alors, je lui racontai fidèlement ce qui m'était arrivé:
«Seigneur, sans toi j'ai été incapable de bien faire. Depuis le début, la méditation me dégoûte beaucoup; je n'ai pas eu le courage de t'offrir tout cela. Je n'ai pas voulu rester en communion avec toi, parce que l'attirance de ton Amour me manquait. Le vide et la douleur que je ressentais m'ont fait éprouver les agonies de la mort. Pour contrer la souffrance de rester seule, j'essayais de tout compléter. Quand je tardais, il me semblait que je perdais du temps. La peur qu'à ton retour tu me punisses de mes infidélités me faisait continuer. Mes souffrances intérieures augmentaient quand je pensais que toi, mon Dieu, tu es continuellement offensé; et je ne pouvais pas faire d'actes de réparation ni de visites au Saint Sacrement sans toi. Toi, tu aurais pu m'aider, mais je ne pouvais pas te trouver. Maintenant que tu es avec moi, dis-moi ce que j'aurais dû faire.»
En me parlant tendrement, il me dit: «Tu avais tort d'être si troublée. Ne savais-tu pas que je suis l'Esprit de Paix. La première chose que je t'avais recommandée n'était-elle pas que ton coeur ne soit pas angoissé? En prière, quand tu te sens dispersée, ne pense à rien et sois en paix. Ne cherche pas les raisons pour lesquelles ta prière est aride, parce que ceci cause davantage de distractions. Humilie-toi plutôt, crois aux mérites de la souffrance, et reste tranquille.
«Comme un agneau qui permet au couteau du tondeur de l'érafler légèrement, toi, quand tu te vois secouée, battue et seule, sois résignée à ma Volonté; remercie-moi du fond du coeur, et reconnais-toi digne de souffrir. Offre-moi tes désappointements, tes ennuis et tes détresses en sacrifice de louange, de satisfaction et de réparation pour les offenses qui me sont faites. Tes prières s'élèveront alors comme une fragrance d'encens jusqu'à mon Trône. Elles blesseront d'amour mon Coeur et t'attireront de nouvelles grâces et de nouveaux dons de mon Esprit-Saint. Le démon, te voyant humble, résignée et inébranlable dans ton néant, n'aura plus la force de t'approcher. Il se mordra les lèvres de désappointement. Conduis-toi de cette manière et tu acquerras des mérites, non pas des démérites comme tu le pensais.
«En ce qui a trait à la Sainte Communion, je ne veux pas que tu sois triste quand tu ne n'attardes pas là, privée de la puissance magnétique de mon Amour. Fais de ton mieux pour bien me recevoir, et remercie-moi après m'avoir reçu. Demande-moi les grâces et l'aide dont tu as besoin et ne t'inquiète pas. Ce que je te fais souffrir à la Sainte Communion n'est qu'une ombre comparé à ma souffrance à Gethsémani. Si tu es si en détresse maintenant, qu'en sera-t-il lorsque je te ferai participer à ma flagellation, aux épines et aux clous? Je te dis ceci parce que les pensées que je te donne actuellement concernant des souffrances majeures pourront te donner plus de courage dans les souffrances mineures. Quand tu es seule et que tu agonises après la Communion, pense à l'Agonie de mort que j'ai soufferte pour toi au Jardin de Gethsémani. Tiens-toi près de moi pour que tu puisses comparer ta souffrance à la mienne.
«C'est vrai que tu auras encore à te sentir seule et sans moi. Alors tu devras me voir seul et abandonné par mes plus grands amis. Tu les trouveras endormis parce qu'ils ont omis leurs prières. Par les lumières que je te donnerai, tu me verras dans de terribles souffrances, entouré d'aspics, de vipères venimeuses et de chiens féroces qui représenteront les péchés passés des hommes, leurs péchés actuels, ceux à venir, et tes propres péchés. Mon Agonie pour ces péchés était si écrasante que je me suis senti dévoré vivant. Mon Coeur et ma Personne tout entière se sentaient enserrés comme dans un pressoir à vin. Je transpirais le sang au point de mouiller le sol. Et ajoute à tout ceci l'abandon de mon Père. Dis-moi, quand ta souffrance a-t-elle atteint ce degré?
«Si tu te trouves privée de moi, privée de consolations, pleine d'amertume, débordante de douleurs et d'angoisses, alors pense à moi. Essaie de sécher mon Sang et soulage ma très amère Agonie en m'offrant tes légères peines. De cette manière tu recommenceras à t'attarder avec moi après la Communion. Ceci ne veut pas dire que tu ne souffrais pas, car la privation de moi est par elle-même la douleur la plus dure et la plus amère que je puisse infliger aux âmes qui me sont chères. Sache aussi que tes souffrances et ta conformité à ma Volonté me donnent beaucoup de soulagements et de consolations.
«Quant aux visites que tu me fais et aux actes de réparation que tu me fais dans le Sacrement de mon Amour -- que j'ai institué pour toi --, sache que je continue de revivre et de souffrir tout ce que j'ai souffert dans les trente-trois années de ma vie mortelle. J'aime naître dans le coeur des mortels; de cette manière, j'obéis à celui qui m'appelle du Ciel à m'immoler moi-même sur l'autel. Je m'humilie moi-même en attendant, en appelant, en enseignant, en illuminant.
«Quiconque le veut, peut revenir à moi à travers les sacrements. Aux uns je donnerai des consolations, à d'autres la force: je prierai le Père pour qu'il leur pardonne. J'en enrichis quelques-uns; je me marie à d'autres; je reste vigilant pour tous. Je défends ceux qui veulent être défendus. Je divinise tous ceux qui veulent être divinisés. J'accompagne ceux qui veulent de la compagnie. Je pleure pour l'imprudent et l'insouciant. Je me maintiens en adoration perpétuelle pour que l'harmonie universelle soit ramenée sur la terre et qu'y soit accompli le dessein divin suprême, qui est l'absolue glorification du Père dans le parfait hommage qui lui est dû, mais qui ne lui est pas donné par toutes les créatures. Pour cela, je vis ma Vie Sacramentelle.
«Pour me retourner l'Amour infini que j'ai pour les créatures, je veux que tu me visites trente-trois fois par jour pour honorer les années que mon Humanité a vécues sur la terre pour toi et pour tous. Joins-toi à mon Sacrement d'Amour, gardant toujours en mémoire mes intentions pour l'expiation, la réparation, l'adoration et l'immolation. Tu feras ces trente-trois visites en tout temps, à chaque jour et où tu seras: et je les recevrai comme si elles étaient faites à ma Présence Sacramentelle.
«Chaque matin, ta première pensée sera pour moi, Prisonnier d'Amour. Tu me donneras alors ton premier souhait d'amour. Ce sera notre première rencontre intime et nous demanderons l'un à l'autre comment nous avons passé la nuit, puis nous nous encouragerons l'un l'autre. Ta dernière pensée et affection de la soirée sera celle de recevoir ma Bénédiction, pour que tu puisses te reposer en moi, avec moi et pour moi. Tu prendras ce dernier baiser d'amour avec la promesse de t'unir à moi dans le Saint Sacrement. Tu feras d'autres visites du mieux que tu pourras, suivant les occasions, te concentrant entièrement sur mon Amour.»
Pendant que Jésus parlait, j'ai senti sa grâce se déverser dans mon coeur, comme s'il voulait me consumer dans son Amour. Ma pensée devint confuse et noyée dans une immense Lumière d'Amour. Cela m'a enhardie et je l'ai prié comme suit: «Mon bon Professeur, je t'implore de rester toujours tout près de moi, pour que, sous ta direction, je sois toujours disposée à bien faire. La preuve m'a été donnée que je peux tout bien faire avec toi et que, sans toi, je fais tout de travers.» Et, toujours tendrement, Jésus ajouta: «J'essayerai de te satisfaire sur ce point, comme je l'ai fait sur beaucoup d'autres. Je veux seulement ta bonne volonté, et je te donnerai à profusion l'aide que tu attends de moi.»
Oh! comme il était doux avec moi, mon bon Jésus. Jamais il ne manquait à ses promesses. À la vérité, je dois admettre qu'il en faisait toujours plus qu'il me promettait. Et moi, par la suite, j'arrivais à lui plaire. En agissant avec lui, j'éliminais de mon coeur tout doute ou toute perplexité, même si on me disait que ce qui se passait en moi n'était qu'une évasion fantaisiste. Pendant les jours que j'avais passés sans Jésus, je n'arrivais même pas à une bonne pensée. J'étais incapable de dire un seul mot en esprit de charité, et je n'avais pas de bons sentiments pour quiconque.
Jésus insiste pour que l'âme s'embellisse et s'enrichisse
toujours davantage, et qu'elle s'unisse intimement
à lui pour soutenir la terrible lutte contre les démons.
Pendant que Jésus était près de moi, il me parlait et me permettait de le voir. Et je comprenais bien que s'il venait à une âme d'une manière inhabituelle, il n'avait pas d'autre pensée que de préparer cette âme à recevoir de nouvelles et plus lourdes croix. Sa stratégie est d'attirer l'âme par la grâce afin qu'elle s'attache à son Amour. Son objectif est que l'âme en vienne à ne plus s'opposer à lui.
Un jour, après la Sainte Communion, je me sentais attachée à lui comme avec des lacets dorés. Il me teint des propos amoureux tels que: «Es-tu vraiment disposée à faire ce que je veux? Si je te demandais le sacrifice de ta vie, serais-tu disposée, par amour pour moi, à le faire de bonne grâce? Sache que si tu es prête à faire tout ce que je veux, alors, de mon côté, je ferai tout ce que tu veux.»
Et je lui répondis: «Mon Amour et mon Tout, est-il possible que tu me donnes quelque chose de plus beau, de plus saint, de plus adorable que toi-même? Aussi, pourquoi me demandes-tu si je suis prête à faire ce que tu désires? Il y a longtemps que je t'ai livré ma volonté: elle t'est acquise, même si ton désir était de me déchirer en morceaux. Oui, je suis disposée à cela, si cela te plaît. Je me suis abandonnée à toi, saint Époux. Fais en moi et sur moi tout ce qui te plaît. Fais avec moi tout ce que tu désires, mais donne-moi toujours de nouvelles grâces, puisque je ne peux rien faire par moi-même.»
Et Jésus me dit: «Es-tu vraiment prête à faire tout ce que je te demande?» À cette question, qu'il me posait pour la deuxième fois, je me suis sentie écrasée et anéantie. Et je lui ai dit: «Mon toujours aimable Jésus, dans mon néant, je suis toujours craintive et vacillante. Tu sembles te méfier de moi, alors que moi je te fais confiance complètement; je sens mon âme prête à surmonter toutes les épreuves auxquelles tu voudras bien me soumettre.»
Alors Jésus poursuivit: «Très bien! Je veux purifier ton âme de tout défaut qui pourrait faire obstacle à mon Amour en toi. Je veux savoir si tu m'es vraiment fidèle, assez pour être toute mienne. Et pour que tu me prouves que tout ce que tu m'as dit est vrai, je vais te mettre à l'épreuve dans une très âpre bataille. Tu n'as rien à craindre et tu ne souffriras d'aucun mal. Je serai ton bras et ta force, et je me battrai à tes côtés.
«La bataille est prête et les ennemis sont cachés dans les ténèbres, prêts à te livrer une bataille sanglante. Je leur donnerai la liberté de t'attaquer, de te tourmenter, de te tenter de toutes les façons, de manière à ce que, quand tu seras libérée -- grâce aux armes de tes vertus, lesquelles tu brandiras en opposition à leurs vices --, tu pourras triompher d'eux pour toujours. Tu te trouveras alors en possession de plus grandes vertus. Tu seras comme un roi victorieux, tout décoré de médailles, retournant glorieusement dans son royaume et rapportant d'immenses richesses.
«Et je ne ferai pas qu'enrichir ton âme de nouveaux mérites et dons, mais je me donnerai aussi à toi. Pour cette raison, prends courage, car après ta victoire, je ferai ma résidence stable et permanente en toi. Nous serons alors unis pour toujours. C'est vrai que je vais te soumettre à une très rude épreuve, à une rageuse et sanglante bataille, car les démons ne te donneront ni repos ni trêve, pendant le jour et la nuit. Mais tu devras toujours garder en mémoire ceci: commence la bataille en mon nom; invoque continuellement ce bouclier de sécurité. Utilise mon nom comme le sceau d'achèvement de ce très douloureux combat, qui commencera, se continuera, et se terminera victorieusement, dans ma Volonté. Ma Volonté te rendra complètement semblable à moi. Il n'y a pas d'autre voie, d'autre manière pour parvenir à la victoire. Tu seras plus tard bien récompensée.»
Je ne puis décrire quelles furent ma peur et ma consternation en entendant mon bon Jésus prédire cette furieuse bataille contre les démons? J'ai senti mon sang se geler dans mes veines et mes cheveux se dresser sur ma tête. Mon imagination était remplie de noirs fantômes voulant me dévorer vivante. Déjà, je me sentais entourée de tous côtés d'esprits infernaux. Dans cet état angoissant, je me tournai vers Jésus et lui dis:
«Mon Seigneur, aie pitié de moi, s'il te plaît; ne me laisse pas seule avec mon âme si découragée. Ne vois-tu pas que les démons me pressent avec rage; ils ne vont même pas laisser ma poussière derrière moi. Comment m'est-il possible de leur résister si tu me quittes? Tu connais ma froideur, mon esprit volage et mon inconstance. Je suis si méchante que, sans toi, je ne peux rien faire, que du mal.
«Mon Bien, au moins donne-moi beaucoup de grâces nouvelles pour que je ne t'offense pas davantage. N'es-tu pas conscient des souffrances qui torturent mon âme? La seule pensée que tu pourrais me laisser seule dans cette épreuve diabolique me terrifie. Qui me donnera la force pour m'engager dans un tel combat? À qui dois-je adresser mes supplications pour obtenir des instructions pratiques sur la manière de triompher de l'ennemi?
«Quoi qu'il en soit, je bénis ta Sainte Volonté. Forte de tes Paroles, et inspirée par celles que ma Très Sainte Mère a dites à l'archange Gabriel, je te dis de toute la force de mon coeur: «Je suis ta servante, fais de moi selon ta Volonté, qui est vie éternelle.»
Jésus me répondit: «Ne te chagrine pas. Sache que je ne permettrai jamais aux démons de te tenter au-delà de ta capacité. Sache que je ne permets jamais à une âme qui bataille contre les démons de périr. En fait, j'évalue en premier la force de l'âme, je lui donne ma grâce actuelle, puis je la conduis dans la bataille. Si une âme tombe occasionnellement, ce n'est jamais parce que je lui refuse ma grâce sollicitée par ses prières continuelles, mais parce qu'elle n'est pas restée unie à moi. Quand cela arrive, l'âme doit supplier pour être plus sensible à mon Amour, duquel elle s'est détachée. Elle n'a pas réalisé que moi seul peux remplir à satiété le coeur de l'homme. Quand une âme est remplie de son propre raisonnement, elle dévie de la voie sûre de l'obéissance, croyant témérairement que son propre jugement est plus exact et mieux balancé que le mien. Ce n'est pas une surprise qu'elle tombe alors.
«J'insiste donc pour que, par-dessus tout, tu sois constamment en prière, même si cela pouvait signifier souffrir des douleurs au point d'en mourir. Cependant, ne néglige pas les prières que tu fais habituellement. Quand tu te sentiras plus particulièrement menacée, invoque-moi avec des prières confiantes, et sois certaine que je t'aiderai.
«Je veux que tu ouvres ton coeur à ton confesseur et que tu lui fasses connaître tout ce qui se passe en toi actuellement, de même que tout ce qui doit arriver dans le futur, en n'omettant rien. Fais tout ce qu'il te dira sans délai. Souviens-toi que tu seras entourée de ténèbres épaisses -- aussi épaisses que la noirceur éprouvée par un aveugle. Ton obéissance aux indications de ton confesseur sera la main amie qui te guidera, les yeux qui, comme la lumière et le vent, dissiperont les ténèbres.
«Entre dans la bataille sans frénésie. Une armée ennemie est très consciente de la force et du courage de son adversaire. Si tu affrontes l'ennemi sans avoir peur, tu seras capable de soutenir les plus violentes batailles. Les démons craignent beaucoup l'âme entraînée dont le courage est basé sur moi. Supportée par moi, elle devient invincible contre tout démon qui se présente à elle. Apeurés et terrifiés, les démons essaient alors de s'enfuir, mais en sont incapables parce qu'ils sont forcés par ma Volonté d'endurer une grande et ignominieuse défaite. Sois courageuse. Si tu m'es fidèle, je te comblerai de force et d'abondantes grâces pour triompher d'eux.»
Luisa réussit dans son terrible combat contre les démons.
Qui pourra décrire le changement qui se fit en moi? Oh! quelle horreur me saisit! L'amour pour mon aimable Jésus que je sentais si fort un moment plus tôt se changea subitement en haine féroce, me causant d'indescriptibles souffrances. Mon âme se sentit torturée à la pensée que ce Dieu qui avait été si bienveillant envers moi était maintenant abhorré et blasphémé comme s'il était un implacable ennemi. J'étais incapable de regarder son image, parce que je ressentais une rage terrible. Mon incapacité de tenir dans mes mains les grains de mon chapelet et de les baiser me mettait en pièces. Une telle résistance en moi me fit trembler de la tête aux pieds. Oh! mon Dieu, quelle torture! Je crois que s'il n'y avait pas de souffrance en enfer, la souffrance de ne pas aimer Dieu constituerait l'enfer. Ainsi l'enfer était, est, et sera horrible!
Parfois, les démons plaçaient devant moi toutes les grâces dont Dieu m'avait gratifiée, faisant en sorte qu'elles m'apparaissent n'avoir été que de pures inventions de ma fantaisie; et ils insistaient pour que j'aie une existence plus libre et plus confortable. Alors que, naguère, les grâces m'apparaissaient réelles, les démons me semonçaient maintenant en disant: «Vois-tu le grand bien que Jésus voulait pour toi? Vois comment tu as été récompensée pour avoir répondu à ses grâces! Il t'a laissée entre nos mains, comme tu le mérites. Maintenant tu es à nous, entièrement à nous. Tout est fini pour toi! Tu es devenue notre jouet! Il n'y a plus aucune espérance qu'il t'aime encore.»
À ces paroles infernales, je me suis sentie envahie par un inexprimable mépris de Dieu et par un extrême désespoir pour mon salut. Alors que je tenais une image sainte dans mes mains, je fus, par l'indignation et le désespoir, entraînée à la mettre en pièces. L'ayant fait, je pleurais des larmes brûlantes et je ne cessais d'embrasser les morceaux déchirés. Si on m'avait demandé comment ces choses étaient arrivées, j'aurais dit que je ne le savais pas et que je fus forcée de le faire. Je suis maintenant convaincue que l'acte de les déchirer vint du démon avec une force incontrôlable et que mes baisers étaient l'effet de la grâce opérant en moi.
Immédiatement après, en réfléchissant sur ce qui m'arrivait, j'ai senti mon âme torturée par le chagrin. En voyant ce qu'ils avaient fait, les démons croyaient qu'ils avaient gagné et ils jubilaient. Ils me ridiculisaient et, avec des cris et des bruits infernaux, ils me disaient: «Vois comment tu es devenue nôtre! Tout ce qu'il nous reste à faire est de t'amener en enfer corps et âme, et c'est ce que nous allons bientôt faire.»
Les pauvres démons ne pouvaient pas voir à l'intérieur de mon âme. Là j'étais toujours unie à Jésus, pour qui j'avais un océan de bons désirs et pour qui je pleurais et j'embrassais sans cesse les morceaux d'image. Ils se fâchaient quand ils me voyaient prier et me prosterner par terre. De temps en temps, ils tiraient sur ma robe ou remuaient la chaise où je m'appuyais. Ils me faisaient parfois si peur que j'en oubliais de prier et que je me mettais à croire que je pourrais me libérer d'eux toute seule.
Ces choses arrivaient souvent la nuit quand j'étais au lit. Pour faire venir le sommeil, je priais mentalement. Mais quand ils s'en apercevaient, ils me molestaient en tirant sur les draps et les oreillers. Ainsi, incapable de fermer les yeux pour dormir, je restais éveillée comme une personne qui sait qu'un ennemi qui a juré de lui ôter la vie est tout près, attendant le bon moment pour asséner le coup fatal. J'étais forcée de garder les yeux ouverts pour pouvoir résister quand ils viendraient me prendre pour m'amener en enfer. Dans cet état d'esprit, mes cheveux se dressaient sur ma tête comme des aiguilles et tout mon corps était couvert d'une sueur froide qui glaçait mon sang et me pénétrait jusqu'à la moelle des os. Mes nerfs détraqués par la peur devenaient convulsifs.
À d'autres moments, je me sentais fortement incitée au suicide. Par exemple, en passant près d'un puits, j'ai senti une forte pulsion à m'y jeter pour mettre fin à mes jours. Consciente de l'habileté des démons, je fuyais, évitant toute occasion où ils pourraient m'attaquer. Néanmoins, je continuais d'entendre des propos diaboliques dans le genre de: «Il est inutile pour toi de vivre après avoir commis tant de péchés. Ton Dieu t'a abandonnée, parce que tu lui as été infidèle.»
Les démons me laissaient croire que j'avais commis beaucoup de crimes méchants, jamais commis auparavant, et qu'il était en conséquence inutile pour moi d'espérer que Dieu me fasse miséricorde. Dans le tréfonds de mon être j'entendais: «Comment peux-tu vivre si hostile à Dieu, si froide envers lui? Connais-tu ce Dieu que tu as tant torturé, blasphémé et haï? Tu osais offenser ce grand Dieu qui t'entoure de tous côtés? Et n'oublie pas que tu l'offensais devant ses propres yeux. Maintenant que tu l'as perdu, qui te donnera quelque paix?»
Entendant ces discours, j'éprouvais tant de détresse que je me sentais sur le point de mourir. Me mettant à pleurer, je priais de mon mieux. Pour augmenter ma terreur, les démons poursuivaient avec des vexations inhabituelles, en me battant sur chaque partie de mon corps, en pénétrant mon corps avec des aiguilles pointues, et en m'étouffant à la gorge pour me faire croire que j'étais en train de mourir.
Une fois, pendant que j'étais prosternée et que je priais le bon Jésus d'avoir pitié de moi et de me soutenir avec de nouvelles grâces pour que je puisse résister aux provocations diaboliques, j'ai senti la terre s'ouvrir sous mes pieds et des flammes rouges émerger du sol et m'envelopper. Et au moment où ces flammes se retirèrent, les démons firent un violent essai pour m'entraîner dans les profondeurs. Mais par mes invocations à Jésus, ils me laissèrent libre et sans mal.
Après cette expérience, comme après bien d'autres où je me sentais à l'article de la mort, mon très miséricordieux Jésus vint me réanimer et me redonner vigueur. Après m'avoir ravivée, il me fit comprendre qu'il n'y avait aucune offense dans tout ce qui m'arrivait, parce que ma volonté en éprouvait de la répugnance et que la pensée de l'ombre même d'un péché ajoutait à ma souffrance. Il m'incita à ne pas m'occuper du diable, qui était un esprit sauvage et menteur. Il me dit: «Prends patience et continue de souffrir avec tous ces désagréments, car, éventuellement, tu auras la paix totale.» Alors il disparut, me laissant seule et habitée d'un nouvel esprit.
De temps en temps, Jésus venait à moi avec des paroles réconfortantes, spécialement quand j'étais tentée de mettre fin à mes jours ou exposée à de nouveaux et brusques tourments diaboliques. À ces occasions, il m'apparaissait tout rayonnant et en fête; il émettait des rayons surnaturels de Lumière, et l'expression qu'il prenait aurait été impossible à percevoir par quelqu'un qui n'aurait jamais eu la pleine capacité de comprendre ces choses.
Plus tard, je me suis trouvée engagée dans une nouvelle bataille où, remplie de doutes, je tombai dans un profond état de tristesse et d'anxiété. Je veux vous parler ici de l'hostilité des démons par rapport à la Sainte Communion. Ils trouvaient toutes sortes de raisons pour m'empêcher de recevoir le sacrement. Ils réussissaient à me convaincre qu'après tant de péchés et de haine envers Dieu, il était effronté de m'approcher de lui et de recevoir le Dieu Sacrement. Ils réussissaient aussi à me convaincre que si je recevais la Communion, Jésus ne viendrait pas et qu'à la place un très méchant démon viendrait avec plusieurs tourments violents pour causer ma mort éternelle.
Il est vrai qu'après la Sainte Communion, je recevais d'indescriptibles et mortelles souffrances. J'en étais réduite à l'état d'immobilité; mais je récupérais immédiatement quand j'invoquais le nom de Jésus ou que je me rappelais que l'obéissance requérait que je ne reste pas dans cet état. Je demandais parfois à mon confesseur la permission de m'abstenir de communier pour ne pas éprouver cette agonie de mort, mais il me demandait de recevoir le sacrement quand même. Cependant, en plusieurs occasions, je me suis abstenue, prévoyant la guerre que me feraient les démons. D'autres fois, je communiais sans préparation ou remerciements pour ne pas trop souffrir.
Dans les soirées, pendant que je priais ou que je méditais, les démons me terrifiaient et m'empêchaient de prier, d'abord en éteignant ma lampe, ensuite en émettant des bruits assourdissants ou des plaintes qui ressemblaient à celles de personnes mourantes. Il est impossible de dire tout ce que ces chiens infernaux me faisaient pour semer la terreur en moi ou pour m'empêcher de faire de bons actes spirituels.
J'ai vécu cette cruelle épreuve durant trois ans, à l'exception d'un sursis d'environ une semaine, où les attaques étaient mitigées. Quiconque n'a pas été appelé par Dieu à soutenir de tels combats aura probablement de la difficulté à croire que j'aie pu vivre de telles épreuves. Cependant, pour ceux qui croient et veulent savoir comment mener ces luttes, je dirai que Dieu, à la Sainte Communion, m'enseigna comment combattre ces esprits infernaux. Il me suggéra de les ignorer, de les défier comme s'ils étaient des fourmis, de les réduire à la plus basse humiliation.
Il me conseilla aussi de méditer profondément sur Dieu dans la prière et la contemplation, de méditer plus particulièrement sur les Plaies sacrées de Notre-Seigneur, et d'unir mon esprit à Jésus qui souffrit dans son Humanité pour racheter l'homme de la perte de la grâce, pour l'élever à la vie surnaturelle et lui communiquer l'esprit de «Jésus Triomphant», c'est-à-dire de Jésus qui a triomphé du monde.
En vérité, dès que je commençai à mettre en pratique ces enseignements de Jésus, je ressentis tant de force et de courage que, en quelques jours, toute peur avait disparu. Quand les démons chahutaient, je leur disais de façon réprobatrice: «On voit bien que vous, misérables crapules, vous n'avez aucune manière d'occuper votre temps autre que de satisfaire votre goût pour les idioties. Continuez et quand vous serez fatigués vous arrêterez. Pendant ce temps, moi, infime créature, j'ai autre chose à faire. Par le moyen de la prière, je veux faire mon chemin vers la sainte Maison de Jésus, afin de pouvoir aimer et souffrir davantage.»
À de tels propos, les démons, enragés, faisaient encore plus de bruit. Ils m'approchaient avec ostentation et une violence invraisemblable. Pendant qu'ils feignaient de me prendre pour me conduire ailleurs, leurs bouches infernales dégageaient une puanteur horrible et suffocante qui m'enveloppait totalement. J'essayais d'arrêter tout cela avec courage et énergie en leur disant:
«Menteurs que vous êtes, vous feignez avoir du pouvoir pour m'amener, mais, si c'était vrai, vous l'auriez fait dès la première fois. Vous ne racontez que des mensonges, et ce qui vous est permis par le Dieu Tout-Puissant est pour mon bien. Vous chantez votre refrain jusqu'à ce que vous mourriez de rage et de dépit, tandis que moi je me sers de vos tourments pour obtenir la conversion d'un grand nombre de pécheurs. J'ai accepté de souffrir à la demande de mon bon Jésus, et je le fais pour le salut des âmes par l'union de ma volonté à la sienne.»
À la suite de ces propos, ils hurlaient et grondaient comme des chiens enchaînés essayant d'attraper un voleur. Avec un grand calme -- plus qu'avant --, je disais: «N'avez-vous rien d'autre à faire? Vous avez complètement manqué votre coup et une âme vous a été reprise et est retournée dans les bras de mon bon Jésus. Vous avez maintenant une bonne raison de vous lamenter.»
Si les démons sifflaient, je me moquais d'eux en disant: «Vous, pauvres infortunés, vu que vous ne vous sentez pas bien, je vais vous soulager de votre maladie.» Et je me prosternais et priais pour la conversion des pécheurs les plus endurcis en faisant des actes d'amour à mon miséricordieux Jésus pour la conversion des âmes pécheresses. Voyant cela, ils essayaient par tous les moyens de m'empêcher de prier. J'offrais alors cette nouvelle souffrance en réparation pour les outrages continuellement commis contre Dieu et je disais ironiquement: «Vile engeance, n'avez-vous pas honte de vous abaisser aussi bas que d'essayer de faire peur au pur néant que je suis? Ne vous comportez-vous pas comme des êtres idiots et ridicules?»
Alors, se mordant les lèvres, ils sacraient et hurlaient des invectives contre moi, essayant de me faire sacrer et haïr le bon Seigneur. Ressentant des douleurs indicibles en les entendant blasphémer le Saint Nom de Dieu, je réfléchissais sur la bonté du Seigneur qui mérite l'amour total des êtres doués de raison. Ensuite je transformais en prière l'amère souffrance que les démons provoquaient en moi, l'offrant à Dieu en réparation des blasphèmes commis contre lui par ceux qui ne se rappellent de lui qu'à travers les jurons. Je disais avec ferveur: «Accepte mes actes d'amour et de reconnaissance en compensation du manque d'amour et de reconnaissance des pécheurs.»
Mais cela n'arrêtait pas les démons. Ils se servaient de toutes les ruses possibles pour m'inciter au désespoir. Pour contrer ce désespoir, je leur disais: «Je ne me sens pas préoccupée par ce qui m'attend dans le futur, à savoir si j'irai au Ciel ou en enfer. Je veux seulement aimer le Bon Dieu et le faire aimer par les autres. Le temps présent m'est donné, non pas pour vivre dans le futur, mais pour vivre en harmonie avec Dieu et le rendre toujours plus favorable à moi, moi qui ai été créée par sa Bonté et son Amour. Je laisse la question du Paradis et de l'enfer entre ses Mains. Ma seule préoccupation est d'aimer et de faire aimer mon Dieu. Il me donnera ce qu'il voudra: j'accepte tout d'avance pour sa gloire.»
Et je leur disais aussi: «Sachez que cette doctrine m'est enseignée par mon bon Professeur, Jésus-Christ. Il m'a enseigné que le moyen le plus efficace pour acquérir le Paradis est de tout faire pour ne jamais l'offenser volontairement, même au prix de sa vie, et de ne pas craindre d'avoir mal agi quand il n'y a pas en soi la volonté de mal faire. C'est votre tactique, misérables esprits infernaux, d'essayer de décourager les personnes naïves en créant en elles des doutes et des peurs, non pour les amener à aimer Dieu davantage, mais pour les amener au désespoir total. Sachez que je n'ai pas l'intention de réfléchir pour savoir si, oui ou non, j'ai mal fait. Mon intention est de toujours aimer Dieu davantage. C'est suffisant que j'aie cette intention, même s'il m'arrive parfois d'offenser Dieu. Dégagée de toute peur, mon âme se sent libre de parcourir les cieux à la recherche de mon seul Bien.»
Qui pourrait décrire la colère des démons quand ils constataient que leurs manoeuvres tournaient à leur confusion. Ils espéraient des gains, mais enregistraient des pertes. D'un autre côté, à la suite de leurs tentations et pièges, mon âme semblait acquérir un amour plus ardent pour Dieu et mon prochain. Quand les démons me battaient et m'humiliaient, je suivais les enseignements inspirés en moi par Jésus et je le remerciais, offrant tout pour l'expiation des offenses commises continuellement dans le monde.
Souvent les démons essayaient de me pousser au suicide. Et je leur disais: «Ni vous ni moi n'avons le droit de détruire notre vie. Vous pouvez me tourmenter, mais le résultat est que je gagne davantage. Vous n'avez pas le pouvoir de m'enlever la vie. Et pour contrer votre dépit démentiel, je veux toujours vivre en Dieu, l'aimer davantage, lui être utile, et me souvenir de mon prochain, offrant pour lui tout ce que vous me faites subir.»
Il comprirent finalement qu'il n'y avait pour eux aucune espérance d'obtenir de moi ce qu'ils voulaient et que, par leur harcèlement, ils perdaient beaucoup d'âmes. Alors ils arrêtèrent pour de longues périodes, avec l'intention de recommencer quand je m'y attendrais le moins.
Luisa voit Jésus-Souffrant pour la deuxième fois.
Elle accepte le rôle de victime.
Je vais maintenant vous parler de la nouvelle vie de souffrances qui vint pour moi.
Voyant mon mauvais état de santé, ma famille m'envoya à la campagne pour y reprendre des forces, mais Dieu continuait en moi son action en m'appelant à un nouvel état de vie. Un jour, à la campagne, les démons voulurent faire un dernier assaut. Ce fut si dur pour moi que je vins sur le point de perdre connaissance. Vers le soir, j'ai en fait perdu connaissance et je fus réduite à l'état de moribonde. C'est à ce moment que j'ai vu Jésus entouré d'innombrables ennemis. Quelques-uns le battaient durement, d'autres le frappaient de leurs mains, et d'autres enfonçaient les épines dans sa Tête. Il en y avait qui disloquaient ses jambes et ses bras, le mettant presque en pièces. Ensuite ils le placèrent tout meurtri dans les bras de la Sainte Vierge.
Comme cela se passait à distance, la Vierge Mère, chagrinée et en larmes, m'invitait à m'approcher en disant: «Tu vois, mon enfant, ce qu'ils ont fait à mon Fils! Réfléchis un peu comment l'homme traite Dieu, son Créateur et son plus grand Bienfaiteur. L'homme ne donne à mon Fils ni repos ni répit et me l'amène tout brisé. Médite sur les offenses énormes que commettent les hommes en traitant Dieu de cette manière, ainsi qu'aux terribles punitions que Dieu leur Père ne manquera pas de leur donner.»
Pendant une vision, j'essayais d'apercevoir Jésus agonisant et j'ai vu son Corps sanglant, plein de plaies, tout coupé et laissé pour mort. Je ne voulais pas qu'il souffre ainsi. Je ressentais un si grand chagrin pour lui que, si on me l'avait permis, je serais morte mille fois pour lui et j'aurais souffert la même âpre Passion que lui. À cette vision, j'avais honte de mes petites souffrances causées par les démons, comparées à celles endurées par Jésus pour les hommes.
Ensuite, Jésus, me dit: «As-tu observé les énormes offenses commises contre moi par ceux qui marchent sur le chemin d'iniquité? Beaucoup, inconsciemment, ont une propension pour le mal et, d'abîme en abîme, tombent dans le chaos infernal. Viens avec moi et offre-toi toi-même. Viens devant la Justice divine comme victime de réparation pour les nombreuses violations commises contre cette Justice, pour que mon Père Céleste veuille donner la conversion aux pécheurs qui, les yeux fermés, boivent à la fontaine empoisonnée du mal.
«Sache cependant qu'un double champ s'ouvre devant toi: un plus souffrant et un autre de souffrances moins sévères. Si tu refuses le premier, tu ne pourras pas participer aux grâces pour lesquelles tu as bravement combattu. Mais si tu acceptes, sache que je ne te laisserai plus seule et que je viendrai en toi pour souffrir tous les outrages commis contre moi par les hommes. C'est là une grâce très singulière qui n'est donnée qu'à quelques-uns, parce que la plupart ne sont pas prêts à entrer dans l'univers de la souffrance. Deuxièmement, c'est une grâce que je t'ai promise, celle de t'élever à une gloire proportionnelle aux souffrances que je te présenterai. Et, troisièmement, je te donnerai l'assistance, la gouverne et le réconfort de ma Très Sainte Mère, à qui est donné le privilège de t'accorder toutes grâces -- même la grâce des grâces --, dans la mesure de ta coopération. Cet immense bien te semble-il petit? Essaie-le et tu te retrouveras élevée au-dessus de tous les mortels.
Ainsi il me confiait à sa Très Sainte Mère qui, avec joie, semblait m'accepter. Avec reconnaissance, je m'offrais à Jésus et à la Très Sainte Vierge, prête à me soumettre à tout ce qu'ils voudraient de moi.
Quand je suis revenue de cet acte de déférence envers Dieu, où ma volonté s'était conformée à celle de Jésus, je me suis retrouvée dans de terribles souffrances d'anéantissement dont je n'avais jamais connu l'expérience jusqu'alors. Je me voyais comme une misérable indigente, comme un ver de terre qui ne sait rien d'autre que de ramper sur le sol. Pour cette raison, je me suis tournée vers Dieu et lui ai dit:
«Aide-moi, ô mon bon Jésus. Ton Omnipotence en moi et en dehors de moi est si lourde qu'elle m'écrase totalement. Je vois bien que si tu ne me soulages pas, je finirai anéantie dans mon néant. Donne-moi de souffrir, je l'accepte; cependant, je te prie de me donner plus de force, parce que dans cet état, je sens que je vais mourir.»
À compter de ce jour, j'eus plus de grâces et d'aide. Les visites du Seigneur et de la Très Sainte Vierge alternaient presque continuellement, surtout quand j'avais été attaquée par les démons, car, plus j'étais disposée à la souffrance, plus ils étaient furieux contre moi.
Les souffrances qui m'étaient infligées par les démons étaient indescriptibles. Mais elles me semblent maintenant comme des ombres, comparées aux souffrances acceptées par Jésus, dont l'intention était d'expier et de réparer pour les très grandes et très nombreuses offenses commises par les hommes contre Dieu. Mais moi, qui crois en Dieu, qui tombe et me relève, qui suis parfois dépressive, parfois consolée, je suis disposée à souffrir pour sa plus grande Gloire et pour le bien de mon prochain, comme Dieu le veut.
La victime poursuit sa mission en participant
aux souffrances de Jésus couronné d'épines,
pour réparer pour les péchés, spécialement
ceux d'orgueil. Début du jeûne de Luisa.
Après quelques jours, alors que je m'étais accoutumée à être une victime, et après plusieurs invitations de Jésus et de sa Très Sainte Mère, je me suis sentie encore une fois sur le point de m'évanouir. Alors Jésus s'approcha de moi et me dit tendrement:
«Mon enfant, vois comment les hommes, qui n'ont aucun amour pour moi, me font souffrir. En ces tristes temps, leur orgueil est si grand qu'il a même infecté l'air qu'ils respirent. Son odeur s'est répandue partout et a atteint le Trône du Père dans le Ciel. Comme tu peux le comprendre, cette misérable condition a fermé pour eux les portes du Ciel. Ils n'ont plus d'yeux pour voir la Vérité, parce que le péché d'orgueil a complètement obscurci leur cerveau et produit la dépravation de leur coeur. En les voyant ainsi perdus, je souffre d'intolérables souffrances. Oh! donne-moi du soulagement et des réparations pour les si nombreuses fautes commises contre moi. Ne veux-tu pas amoindrir la souffrance que cette terrible couronne d'épines produit en moi?»
À ces mots, je ressentis beaucoup de honte et d'anéantissement et je répondis immédiatement: «Mon très doux Jésus, remplie de confusion, terrifiée de te voir perdre ton Sang, et en t'entendant parler si tendrement, j'ai oublié de te demander cette couronne afin que je puisse soulager ta souffrance. Maintenant que tu me l'offres, je t'en remercie et je te prie de me donner de nouvelles grâces pour bien la porter.»
Là-dessus, Jésus enleva sa couronne, et après l'avoir bien installée sur ma tête et m'avoir encouragée à bien souffrir, il disparût. Qui pourrait décrire les atroces spasmes que j'ai ressentis en revenant à moi-même. À chaque mouvement de ma tête, les douleurs devenaient plus grandes. Je sentais les épines pénétrer dans mes yeux, mes oreilles, ma nuque, et jusqu'à ma bouche, déclenchant des spasmes, de telle manière que je ne pouvais prendre aucune nourriture. Pendant deux à trois jours, je suis restée dans cet état de souffrance. En m'abstenant de manger, je diminuais les spasmes. Quand ils se calmaient et que je recommençais à prendre un peu de nourriture pour me restaurer, mon Jésus immédiatement et sensiblement prenait ma tête dans ses Mains et serrait. Les douleurs étaient renouvelées et plus intenses qu'avant, et parfois je perdais complètement mes sens et m'évanouissais.
Dès le commencement mon état de victime fut doublé par mon inquiétude au sujet de ma volonté de souffrir pour mon bon Jésus et par les continuels tracas causés à ma famille qui, me voyant souffrir et se voyant incapable de m'amener à prendre quelque nourriture, croyait que j'avais contracté cette indisposition parce que je ne voulais plus rester à la campagne. Ils attribuaient chaque refus de nourriture à mes caprices, ayant pour objectif mon retour rapide en ville.
Ma nature se rebellait contre cette double souffrance. Mais comme ma famille n'était pas une composante importante de ma souffrance, mon Seigneur me taquinait en me menaçant de me retirer sa grâce si j'avais du ressentiment contre ma famille.
Souffrances de Luisa provenant de sa famille. Sa grande
répugnance à ce que quelqu'un remarque ce qui lui
arrivait. Jésus voit à ce que rien ne soit remarqué.
Un soir, j'étais assise à la table et je souffrais d'une façon qui m'empêchait d'ouvrir la bouche. Ma famille, d'abord avec douceur, puis avec indignation, exigea que j'obéisse et que je mange. Incapable de les satisfaire, je commençai à pleurer. Afin de ne pas être vue ainsi, je me suis retirée dans ma chambre, où j'ai continué à pleurer. J'ai supplié mon Jésus et la Sainte Vierge de me donner la force de supporter cette épreuve. Pendant ce temps, je faiblissais et, de tout mon coeur je dis:
«Mon bon Seigneur, c'est un dur tourment pour moi de voir ma famille si ennuyée par ce qui m'arrive, et cela pour une si injuste raison. Ne permets pas qu'ils me voient dans cet état. Je préférerais mourir, plutôt que de leur laisser connaître ce qui se passe entre nous deux. Ce sentiment est si fort en moi que, sans trop que je sache pourquoi, je ne puis m'empêcher de me cacher pour que personne ne puisse me voir ainsi.
«Quand je suis surprise et que je n'ai pas le temps de dissimuler mes souffrances et mes larmes, je me sens anéantie et comme si tout mon être fondait comme de la neige dans un feu. Mon corps éprouve alors une chaleur anormale qui me fait transpirer abondamment et qui, par la suite, me fait trembler de froid. Ô mon bon Jésus, seulement toi peux changer cet état de choses. Garde-moi cachée de la vue des autres et donne à ma famille de réaliser que je ne m'éloigne d'eux que pour prier. Et j'aimerais beaucoup, ô mon Dieu, que ce qui m'arrive ne soit connu que de toi.»
Pendant que je me soulageais de mon fardeau par des pleurs, des prières et des promesses, Jésus se montra à moi entouré d'innombrables ennemis qui lui hurlaient toutes sortes d'insultes. Quelques-uns le piétinaient, d'autres lui tiraient les cheveux, d'autres encore le blasphémaient avec des sarcasmes diaboliques. Mon adorable Jésus semblait vouloir se dégager des pieds puants qui l'oppressaient et il regardait autour comme s'il cherchait un ami qui le libérerait. Je remarquai qu'il n'y avait là personne pour lui offrir de l'aide.
Réalisant l'affront immense qui était fait à Jésus, je pleurais beaucoup. J'aurais aimé me rendre au milieu de ces loups enragés pour le libérer, mais je me suis rendu compte que je n'étais pas capable, et je n'ai pas osé. Aussi, de loin, j'ai fait de ferventes prières à Jésus pour qu'il me rende digne de souffrir l'épreuve à sa place -- tout au moins en partie --, et je disais: «Ah! Jésus, si seulement je pouvais prendre ce fardeau pour te soulager et te libérer de ces ennemis.»
Et pendant que je disais cela, ces ennemis furieux, comme s'ils avaient entendu ma prière, se jetèrent sur moi comme des chiens enragés: ils me battaient, me tiraient les cheveux et me piétinaient. Je ressentais de la joie en moi, quand j'ai réalisé que, même de loin, j'étais en mesure d'accorder à Jésus quelque soulagement. Alors me voyant joyeuse, les ennemis disparurent. Puis Jésus s'approcha pour me consoler, même si je n'osais dire un seul mot. Il brisa le silence et dit:
«Mon enfant, tout ce que tu as vu qu'on me faisait n'est rien comparé aux nombreuses offenses commises contre moi par les hommes. Leur aveuglement les tient submergés dans les choses terrestres, ce qui les rend sans pitié et cruels envers moi et envers eux-mêmes. Ils ont répudié chaque vérité surnaturelle en se donnant complètement à la recherche de l'or. Ceci les a jetés dans la boue; et ils sont tombés dans la complète négligence en regard de leur vie éternelle.
«Ô mon enfant, qui élèvera une digue contre cette monstrueuse vague d'ingratitudes, qui augmente toujours dans le monde des faux plaisirs? Qui aura pitié et me délivrera de tant de personnes qui me font saigner et qui vivent noyés dans la puanteur des choses terrestres? Viens avec moi et prie, pleure et offre des réparations pour les offenses qu'ils commettent contre mon Père. Ils sont aveuglés, sans esprit ni coeur, et ils n'ont d'yeux que pour les choses terrestres. Ils s'opposent à moi et piétinent mes nombreuses grâces comme si elles étaient de la boue, et ils placent tout ce que j'ai fait pour eux sous leurs pieds mondains.
«Oh! toi au moins, élève-toi contre ce que tu connais du monde; abhorre et hais tout ce qui ne m'appartient pas; chéris toujours les choses du Ciel. Maintenant que tu m'as vu souffrir, ne t'inquiète pas des blessures qui te viennent de ta famille. Il y a des insultes bien plus grandes. Aie mon honneur dans ton coeur et fais des réparations pour les nombreuses offenses commises continuellement contre moi. Et pense à la perte de beaucoup d'âmes. Oh! ne me laisse pas seul avec de si nombreuses déceptions qui me déchirent le Coeur. Sache que tout ce que tu souffres maintenant n'est rien en comparaison de ce que tu souffriras dans le futur. N'ai-je pas répété plusieurs fois que je veux de toi une imitation de ma Vie. Vois comme tu es différente de moi! Aussi, prends courage et n'aie pas peur, car tu arriveras à trouver une manière de m'aider.»
Après ces Paroles de Jésus, au moment où je suis revenue à moi, j'ai remarqué que j'étais entourée de membres de ma famille qui pleuraient et qui étaient bouleversés. Ils pensaient que j'étais sur le point de mourir et se dépêchaient pour me conduire à la ville pour être examinée par des médecins. J'étais incapable d'expliquer ce qui m'arrivait, et je voyais bien que ma famille était consciente du problème physique que je vivais et que j'allais devoir me soumettre à un examen médical. Aussi, je pleurais et je me suis plainte à Jésus en lui disant:
«Combien de fois, mon bon Jésus, t'ai-je dit que je veux souffrir avec toi, mais en secret seulement! C'est ma seule joie! Pourquoi m'en prives-tu? Oh! quand donc aurai-je la paix avec ma famille? Toi seul, mon bon Jésus, tu peux arranger tout ça. S'il te plaît, fais en sorte qu'ils n'aient pas à craindre autant. Ne vois-tu pas comme ils sont tristes? N'entends-tu pas ce qu'ils disent et ont l'intention de faire! Certains pensent d'une manière, d'autres d'une autre. Quelques-uns veulent que j'essaye un remède, d'autres un autre. Tous les yeux sont tournés vers moi; on ne me laisse jamais seule et cela m'empêche de retrouver ma paix perdue. S'il te plaît, aide-moi dans ces inquiétudes -- les unes pires que les autres -- qui me font faiblir.»
À ces paroles, mon bon Jésus me dit avec douceur: «Mon enfant, ne sois pas attristée par cela. Comme une personne morte, essaie plutôt de t'abandonner dans mes Bras. Pendant que tes yeux sont fixés sur ce qu'ils font et disent à ton sujet, je ne suis pas libre d'agir en toi comme je le veux. Ne veux-tu pas me faire confiance? N'as-tu pas fait l'expérience de mon Amour pour toi? Sache que tout ce que je permets qu'il t'arrive, soit par les démons, soit par les créatures, ou sous mon action directe, est pour ton bien. Tout est fait pour guider ton âme vers cet état final que j'ai prévu pour toi. Pour cette raison, je veux que tu fermes les yeux, que tu restes en paix dans mes Bras, et que tu ne regardes pas autour pour examiner ce qui t'arrive. Tu perds ainsi ton temps et tu risques de ne pas atteindre l'état de vie auquel tu as été appelée.
«Ne sois pas préoccupée par les personnes qui t'entourent. Accepte leurs silences, sois joyeuse et soumise en tout. Conduis-toi de manière à ce que ta vie, tes pensées, tes battements de coeur, tes respirations et tes affections soient des actes de réparation continuels pour apaiser la Justice divine. Offre-moi tout.»
Après que Jésus m'eut enseigné cela, il disparut, et moi je m'efforçais de faire de mon mieux pour être soumise à la Divine Volonté. Parfois je pleurais amèrement, parce que ma famille me plaçait dans des conditions difficiles et m'obligeait à subir des examens médicaux. Ils décidèrent que ma maladie n'était qu'une question de nerfs, et ils me prescrirent de marcher, de prendre des bains froids et d'avoir des distractions continuelles. Ils décidèrent aussi que, pendant ma période d'ajustement, ils ne modifieraient pas mon entourage, car un tel changement pourrait aggraver plutôt qu'améliorer ma situation.
À partir de ce jour, il s'établit une guerre de feintes et de silences entre ma famille et moi. L'un m'empêcherait d'aller à l'église, un autre m'enlèverait ma liberté en étant constamment présent à la maison, un autre me convaincrait de prendre mes médicaments, et les autres feraient pression pour que je suive l'avis du docteur qui voulait même que je sois gardée la nuit. Néanmoins, il était facile pour eux de remarquer qu'il m'arrivait des choses qu'ils ne pouvaient pas comprendre.
Après une longue période de temps, incapable de supporter tout cela plus longtemps, je ramassai mon courage et me plaignis à mon Seigneur: «Ô mon bien-aimé Jésus, comme il m'est devenu difficile de supporter ma famille. La situation a atteint un point tel qu'ils me privent de choses qui me sont particulièrement chères. Je suis privée d'à peu près tout, même des sacrements. Qui aurait deviné que j'atteindrais un état où je serais incapable de m'approcher de toi dans les sacrements, ou de simplement te rendre visite? Qui sait où cet état de choses finira? Ô Jésus, donne-moi une aide nouvelle et ta force; autrement ma nature va craquer.»
Là-dessus, Jésus se laissa voir et reprit vivement: «Courage, mon enfant. Je suis venu t'aider. Pourquoi as-tu peur? Souviens-toi que j'ai souffert par rapport à toutes sortes de personnes. Quelques-unes pensaient d'une manière, d'autres d'une autre. Les choses les plus saintes que je faisais étaient jugées par quelques-uns comme mauvaises. J'étais même accusé d'être possédé du démon. D'autres me regardaient avec mauvaise volonté et avec des regards haineux; ils cherchaient des manières pour m'enlever la vie. Ma présence pour beaucoup était devenue intolérable. J'étais jugé mauvais par les méchants, alors que j'étais une consolation pour les bons. Aussi, ne veux-tu pas devenir comme moi et désirer souffrir, au moins en partie, les souffrances que j'ai endurées pour les créatures?»
Et je répondis: «J'embrasse tout par amour pour toi, mon Seigneur.»
Pendant sa vie sur la terre, il était pénible également pour
Jésus que ses souffrances soient connues par d'autres.
Je vécus plusieurs années de cette manière -- souffrant par les démons, par les créatures, et par Jésus lui-même qui me mettait à part pour partager ses souffrances. Avec le temps, j'atteignis un point où j'avais honte de moi-même: je rougissais quand j'étais vue par quelqu'un. D'ailleurs, même à l'époque où j'étais en bonne santé, le simple fait de rencontrer quelqu'un ou d'avoir à converser avec les autres, y compris avec les gens de ma famille, était pour moi un grand sacrifice. Dans cet état de souffrance, maintenant plus que jamais, je faisais l'expérience d'embarras et de troubles stupéfiants.
Voyant que le traitement prescrit par le premier médecin était sans effet, ma famille me fit voir par d'autres médecins, qui eux aussi furent incapables d'améliorer ma santé. Fondant en larmes, je dis à mon bien-aimé Jésus: «Seigneur, ne vois-tu pas que mes souffrances deviennent plus apparentes, pas seulement pour ma famille, mais aussi pour beaucoup d'étrangers qui, maintenant, connaissent mon affaire? Je suis confuse et je sens que ceux qui me regardent me montrent du doigt comme si j'avais fait quelque choses de honteux, ou comme si ma souffrance était contagieuse. Je ne peux pas t'exprimer la détresse que cela me cause. Qu'est-ce qui m'est arrivé pour que ces terribles peurs me reviennent encore et encore? En fait, si on les examine attentivement, on voit bien qu'elles sont injustifiées. Toi seulement, ô Jésus, tu peux me libérer d'une telle publicité et de telles appréhensions. Toi seul peux permettre que mes souffrances restent secrètes. Je supplie ta Bonté de m'entendre.»
En premier, Notre-Seigneur fit comme s'il ne m'entendait pas. Et ma souffrance augmentait. Ensuite, il eut pitié de moi et dit: «Viens à moi, mon enfant, je veux te consoler. Parce que tu souffres, tu as raison de te lamenter. Mais rappelle-toi combien plus j'ai souffert par Amour pour toi. D'une certaine façon, mes souffrances étaient cachées elles aussi. Néanmoins la Volonté de mon Père était que je souffre publiquement. Là-dessus j'ai fait face à tous les mépris, les disgrâces et les confusions, même d'être privé de mes vêtements: je suis apparu nu devant une très grande foule. Peux-tu imaginer une plus grande confusion que celle-là?
«Ma nature ressentait elle aussi ce type de confusion, mais mon Esprit était fixé sur la Volonté de mon Père. J'offrais cette épreuve en réparation des nombreuses indécences commises sans broncher devant le Ciel et la terre, ces orgueilleuses ostentations qui sont accomplies avec cran comme des actes grandioses. Et j'ai dit à mon Père: «Père Saint, accepte ma confusion et ma disgrâce en réparation des nombreux péchés commis effrontément en public, et qui sont parfois de grands scandales pour les petits enfants. Pardonne à ces pécheurs et donne-leur la lumière céleste pour qu'ils puissent réaliser la laideur du péché et revenir dans la voie de la vertu.»
«Et si tu veux m'imiter, n'as-tu pas aussi à participer à ce genre de souffrances, que j'ai supporté pour le bien de tous? Ne sais-tu pas que les plus beaux cadeaux que je puisse donner aux âmes qui me sont chères, ce sont les croix et les épreuves ressemblant à celles que j'ai vécues dans mon Humanité? Tu es seulement une petite enfant sur le chemin de la croix et donc tu te sens très faible. Quand tu seras plus vieille et que tu auras compris combien il est précieux de simplement souffrir, alors le désir de le faire deviendra plus grand. Pour cette raison, appuie-toi contre moi et repose-toi, et tu acquerras la force et l'amour de la souffrance.»
Luisa doit rester au lit pendant de longues périodes.
Son impossibilité de manger devient plus manifeste.
Appelé pour une première fois, son confesseur
la libère de son état de pétrification.
Après avoir vécu six ou sept ans dans ces souffrances, j'empirai et fus forcée de rester au lit. Très souvent, je m'évanouissais et ma bouche et ma mâchoire se fermaient si fort que je ne pouvais prendre aucune nourriture. Quand je réussissais à avaler quelques gouttes de liquide, immédiatement je devais les régurgiter en vomissant continuellement, ce qui m'arrivait toujours pendant mes plus sévères souffrances.
Après dix-huit jours de médications sans résultat, un confesseur fut appelé pour me confesser. Quand il vint et me trouva dans cet état de pétrification, il me plaça sous obéissance et m'ordonna de me libérer moi-même de cet état de léthargie mortelle. Il fit le signe de la Croix et m'aida à me libérer moi-même de cette maladie nerveuse. Quand je fus guérie, il me dit: «Dis-moi ce qui ne va pas.» Je demeurai silencieuse sur tout, mais je lui dis seulement: «Père, cela doit être quelque chose du démon.»
Sans autre interrogation, il me dit: «N'aie pas peur, ce n'est pas le démon. Et si c'est lui, moi, au Nom de Dieu, je le chasserai de toi.» Alors, je récupérai la liberté de mouvement pour mes bras et la capacité de librement ouvrir ma bouche.
Après que le confesseur fut parti, je pensai à ce qui était arrivé et je conclus que ce qui s'était passé était un miracle qui s'était produit par la sainteté de ce prêtre. Je pensai en moi-même: «Si j'avais continué dans cet état, ma vie se serait terminée en un rien de temps. Mais me voilà plutôt engagée dans une vie nouvelle.»
Je serai toujours reconnaissante à Dieu de m'avoir redonné la santé par la sainteté de son ministre. Je ne peux cependant pas cacher le fait que, dans ma situation, j'étais résignée à mourir et que, étant maintenant libre, je regrettais de ne pas être déjà morte. Mais Jésus ne permit pas que je meure, car il voulait compléter ses desseins sur moi. Ainsi, en un jour, il me montra qu'il voulait que je sois une victime à perpétuité. De temps à autre, il me ramenait à mon ancien état, mais seulement quand j'étais seule.
Après avoir recouvré la santé, je retournai à l'église pendant une période de temps pour satisfaire à mes devoirs religieux. Quand je recevais Jésus dans la Sainte Communion, il me disait quand réserver du temps pour les souffrances. Quelquefois il désignait l'heure à laquelle il reviendrait. Parce que mes souffrances m'étaient annoncées à l'avance par Jésus lui-même, je ne crus pas qu'il fut nécessaire d'en parler à mon confesseur. Car, à la seule pensée de pouvoir annoncer à l'avance mes souffrances, je serais devenue l'âme la plus fière du monde, même si j'étais guidée par la sainteté de mon père spirituel. Aussi, pendant longtemps, ma souffrance était soulagée, non par une assistance humaine, mais par Jésus qui faisait tout.
Il arriva qu'après m'avoir fait partager ses souffrances, Jésus ne me donna pas la capacité de retrouver mes sens par moi-même. Ainsi, ma famille dut faire revenir le confesseur. Après qu'il m'eut fait recouvrer mes sens, il me dit: «À partir de ce jour, quand tu viendras à l'église, ou avant la communion, ou après ton action de grâce, viens me voir dans le confessionnal et je te donnerai la bénédiction pour que tu puisses te sortir toi-même de ton état de souffrance sans que j'aie besoin d'aller chez toi.»
Une nouvelle et très lourde croix pour Luisa: l'obligation,
en tant que victime, de se soumettre aux prêtres.
Un matin, après la Communion, Notre-Seigneur me fit comprendre que, en ce jour même, alors que je serai en complet état de léthargie, il m'invitera à lui tenir compagnie en participant aux souffrances que lui faisaient subir certains hommes pervers. Sachant que mon confesseur était à la campagne, je dis à Jésus: «Mon bon Jésus, si tu veux me transférer tes douleurs, aie la bonté de me réanimer toi-même, car, si ma famille voulait faire chercher le confesseur, il ne serait pas disponible.»
Le Seigneur, dans toute sa bonté, me dit: «Mon enfant, ta confiance doit être placée pleinement en moi. Sois tranquille, confiante et résignée de manière à ce que tout en toi repose en moi. Cela rendra ton âme lumineuse et fera que toutes tes passions resteront calmes. En attirant ton âme par mes rayons de lumière, j'en prendrai possession et je la transformerai pleinement en moi, faisant de ta vie ma propre Vie.»
Après ces Paroles, je ne pouvais m'opposer à lui et me résignai à sa Volonté. J'offris la Sainte Communion que je venais de vivre comme si elle était ma dernière. Ainsi, devant le Saint Sacrement, je fis à Jésus un dernier adieu et quittai l'église. En dépit de ma résignation, je me sentais un peu inconfortable quand je pensais à ce qui allait m'arriver. Aussi je pleurai et priai pour que le Seigneur me communique des forces neuves pour me raviver si je perdais connaissance.
Ce jour-là, je fus surprise par l'attaque qui me plongea dans cet état mortel. Ce fut une très amère, nouvelle et extrêmement lourde souffrance pour moi. Ce fut la pire et la plus lourde que j'avais subie jusque-là.
En entrant dans cet état de souffrances extrêmes, je me résignai à faire la Volonté de Dieu et j'étais prête à mourir. Voyant mon état, ma famille envoya chercher un prêtre -- autre que mon confesseur habituel qui était absent. Ce prêtre, je le dis dans la charité, qui pouvait avoir l'intention de m'aider, refusa de venir à la maison. Ainsi, pendant dix jours, je fus dans cet état de pétrification mortelle, mais sans mourir. Finalement, au onzième jour, le confesseur que j'avais eu pour ma première communion vint. Il me réanima comme mon autre confesseur le faisait.
De cet événement, je compris deux choses: ce n'est pas seulement la sainteté des prêtres qui réanime mes sens, mais le pouvoir de Dieu lié au sacerdoce de ses ministres. Deuxièmement, je compris que le dessein de Dieu sur moi était de me soumettre à la subjectivité de ses ministres.
À partir de ce moment, je fus impliquée dans une guerre de longue durée avec plusieurs prêtres. Ils disaient que je feignais mon état pour avoir l'air d'une sainte. Quelques-uns disaient que je méritais d'être battue à coups de bâtons et de fouets pour que je ne retombe plus dans cet état lamentable. D'autres disaient que j'étais possédée du démon. Ils disaient aussi d'autres choses sur moi qu'il vaut mieux ne pas répéter.
Je ne savais que faire. Ma famille croyait que c'était leur devoir d'alléger ma souffrance et cherchait des prêtres qui viendraient. Dieu sait combien de refus ils ont essuyés. Je ne pouvais plus le supporter. Ma pauvre mère, plus spécialement, pleurait des rivières de larmes. Quant à moi, je restais tranquille. Que Dieu veuille pardonner à tous ceux qui me causaient ces souffrances. J'aimerais que le Seigneur dédommage cent fois tous ceux qui souffraient avec moi, spécialement ma mère.
Vous pouvez imaginer combien était pénible ma sujétion à ces prêtres, parce que j'avais absolument besoin d'un prêtre pour me réanimer. Dieu sait combien de fois j'ai prié Jésus, pleurant beaucoup pour être libérée de cette pénible sujétion. Et combien de fois je lui ai résisté quand il me redemandait d'être victime, pour que je partage ses plus dures souffrances! Je résistais parfois violemment. Je disais à mon bon Jésus: «Seigneur, je veux bien accepter l'état de victime, pourvu que tu me promettes que tu me réanimeras sans l'intervention d'un prêtre. Autrement, je ne veux pas me soumettre à ce si pesant joug.» J'ai même résisté de cette manière pendant trois jours. Mais qui peut résister à Dieu, quand il veut un sacrifice inconditionnel.
Pendant ces trois jours où je résistai à Dieu, je lui rappelais sa promesse en disant toute en larmes: «Seigneur, tu ne tiens pas la promesse que tu m'as faite. Tu m'as dit que tout se passerait entre toi et moi seulement, et maintenant, tu veux qu'une troisième personne me réanime et qu'elle me force éventuellement à lui révéler ce qui se passe entre toi et moi. N'as-tu pas remarqué les étranges refus et les humiliations que ma famille doit endurer de la part de ces prêtres qui ne nous croient pas? Et tu dis que ce n'est pas convenable que je puisse me réanimer moi-même? Ne pourrions-nous pas éviter ces complications et rester paisibles. Je serais contente de prendre sur moi tes souffrances aussi souvent que tu aimes, et toi tu pourrais être content parce que tu me réanimerais quand tu le voudrais. Et ainsi tu ne serais pas insatisfait de moi par rapport à mon acceptation de ta Volonté.»
Tout ce que je disais ne servait à rien. Jésus restait silencieux et feignait ne pas m'entendre. Cela semblait comme s'il ne voulait pas m'accorder ce que je pensais être convenable et saint. Plutôt il me dit: «Mon enfant n'aie pas peur. Je suis celui qui donne la nuit et le jour. Présentement, c'est un temps pour la nuit, mais le temps pour la lumière viendra bientôt. Sache que c'est ma coutume de manifester mes oeuvres à travers les prêtres. Je leur ai donné la faculté de savoir, de juger, et d'encourager l'âme à agir sans perplexité, en accord avec le critère du Lévitique. Mes prêtres ont aussi le pouvoir de suspendre ou d'ignorer ce qui, en accord avec leurs considérations, ne rencontre pas le critère de la Révélation.»
Il est inutile de vous dire qu'après ces Paroles de Jésus, je restai muette, avec l'intention de me soumettre à sa Volonté clairement exprimée. Mais puis-je rester silencieuse après avoir été, pendant quatre ans, forcée d'obéir alors que j'étais confrontée à tant de choses étranges et contradictoires? Parce qu'on me l'a commandé, je dirai ce qui suit: les prêtres de ce temps me soumettaient à de très pénibles épreuves. Par exemple, ils permirent que je reste immobilisée et pétrifiée pendant plus de dix-huit jours consécutifs: c'était vraiment une mort sans mourir, parce que j'étais immobilisée dans tous les sens du mot et que je ne pouvais pas prendre une seule goutte d'eau ni satisfaire mes besoins naturels. En bref, j'étais comme une morte (alors que je vivais encore), et j'étais à la merci de prêtres qui, délibérément et pour me narguer, me firent continuer de vivre dans une condition de mort.
Dieu seul sait ce que j'ai vécu pendant ces quatre années de vrai martyre. Quand un prêtre enfin décidait de me réanimer, il n'avait même pas la courtoisie de dire: «Prends patience et fais ce que Dieu attend de toi.» Plutôt, avec de rudes réprimandes dans le genre qu'on fait à des personnes dissolues ou désobéissantes, il disait des choses comme: «Mon opinion bien considérée est que tu appliques tes talents d'une bien mauvaise manière.»
Luisa se plie de bonne grâce aux souffrances et aux
dénégations lui venant des prêtres. Durant l'épidémie
de choléra, Jésus rend public son rôle de victime.
Oh! comme j'ai été méchante et comme je le suis encore, puisque je ressens encore vivement en moi les accusations que je ne suis qu'une âme capricieuse et désobéissante! Je pense en effet que la raison profonde de mes sentiments est que mes pensées et mon agir sont très différents de ceux de mon aimable Jésus. Toute sa Vie, il fut un signe de contradiction sur tous les plans. Cependant, il n'a jamais eu le moindre ressentiment. Il n'était jamais dérangé et, dans un grand calme, il supportait insulte après insulte et affront après affront.
Moi, j'ai honte de le dire, j'ai très souvent pleuré et je me suis souvent plainte à mon très doux Jésus -- au point même d'éprouver de la résistance envers lui --, pour qu'il ne me soumette pas à de si sévères souffrances ou qu'on ne m'accuse pas injustement d'être désobéissante et capricieuse. Oh! comme le Seigneur fut bon pour moi, méchante que je suis. Dans mes résistances, il feignait de se désintéresser de moi et ne disait rien. Il partait, mais seulement pour un temps très court. Il réapparaissait ensuite et me trouvait dans la désolation causée par son absence. Alors, avec ses séductions et ses caresses très douces, mon aimable Jésus me persuadait d'accomplir sa Sainte Volonté, puis il me replongeait dans les souffrance mortelles qu'il me donnait lui-même directement.
Une fois, quand le confesseur vint pour me réanimer, il me dit durement: «Je ne veux pas que tu retombes dans cet état.» Momentanément, je retrouvai mes sens et lui dis: «Mon père, il n'est pas dans mon pouvoir de tomber ou de ne pas tomber dans cet état de léthargie. C'est vrai que je suis capricieuse, désobéissante et bonne à rien; mais je dis la vérité quand je dis que la souffrance de ne pas pouvoir vous obéir est très pénible pour moi. Je pense, mon père, que je subis cette souffrance parce que je suis dépourvue de la vertu d'obéissance, qui est une brillante pierre précieuse de mon Jésus et sans laquelle je ne serai jamais acceptée avec plaisir par lui. J'ai beaucoup de regrets et je me sens très inconfortable quand je me vois si différente de lui. Quel bien peut-il accomplir dans une âme désobéissante?»
Ces paroles d'humilité venaient du fond de mon coeur qui palpitait d'amour pour mon très cher Jésus. Le confesseur me laissa alors avec un mot d'encouragement et un peu plus de bonheur qu'à la visite précédente.
Malgré cet encouragement, je décidai à contrecoeur que si le Seigneur ne voulait pas m'assurer que je pourrais être libérée de l'état de pétrification sans l'intervention d'un prêtre, et s'il voulait que j'accepte des épreuves et des souffrances en réparation pour les nombreux péchés commis continuellement par la majorité des hommes, alors je lui résisterai et m'opposerai à lui pour avoir ce que je veux. Mais, même si une créature propose, Dieu, dans son impénétrable sagesse accomplit ce qu'il a préparé pour elle.
À cette époque, Dieu fit augmenter l'épidémie de choléra de jour en jour au point que nos habitants étaient effrayés. Un jour, je suppliais le Seigneur plus que jamais pour qu'il fasse cesser ce fléau, fruit de sa juste et inexorable colère face aux innombrables affronts commis par les hommes méchants. Pendant que je priais, Jésus m'apparut et me dit: «Très bien, puisque tu t'offres volontairement comme victime de réparation pour souffrir dans ton corps et ton âme de graves et douloureuses souffrances, je t'accorderai ce que tu désires.»
Après cela je lui dis: «Seigneur, si les choses se passent entre toi et moi, je suis bien prête à accepter tout ce que tu m'imposeras. Autrement, je ne peux pas. Tu sais ce que les prêtres pensent et comment ils agissent avec moi.» Et Jésus, très doucement répondit: «Mon enfant, si j'avais médité sur ce que l'homme ferait de mon Humanité, je n'aurais jamais accompli la Rédemption du genre humain. Mon but était leur salut éternel. Un grand Amour me consumait et me fit tout sacrifier pour eux. Pour le salut éternel des créatures, j'offris à mon Père Éternel les épreuves et les souffrances produites injustement en moi par les pensées et les actions des hommes.
«As-tu oublié que je veux de toi une imitation de ma vie? Sache que, pour imiter ce que j'ai fait durant mes trente-trois ans de vie terrestre, tu dois te soumettre à mes labeurs, mes rejets, mes souffrances et ma mort. Et tu dois les vivre de la même manière qu'ils ont été ressentis par moi. C'est de cette manière que je te demande d'imiter ma Vie, si tu le veux. Autrement, m'imiter comme il te plaît n'est pas et ne sera jamais à mon goût. La plus belle action et la plus plaisante pour moi est l'action faite inconditionnellement par l'âme qui se soumet à moi sans sa volonté propre, mais uniquement dans la mienne.
«Ainsi, pour que je puisse trouver en toi l'accueil qui me soit le plus plaisant, fais l'acte héroïque de faire mourir totalement ta volonté et de laisser vivre uniquement la mienne en toi. Pour le moment, je veux que tu sois une victime d'amour, de réparation et d'expiation pour les personnes qui s'opposent à toi et qui continuent de te harceler. Souviens-toi que ces personnes sont mes enfants et qu'elles ont été rachetées par mon Sang. Si tu vis vraiment dans l'Amour, tu te soumettras et tu donneras tout pour leur salut.»
Est-ce que je pouvais m'objecter à ces justes Paroles de Jésus? C'est pourquoi j'ai accepté l'état de victime qu'il voulait pour moi. Le soir même, je fus reprise par cet état de souffrance qu'il me communiqua et dans lequel je suis restée pendant trois jours, sans réanimation. Quand je revins à moi, personne ne parlait plus de choléra à l'exception de quelques personnes agissant follement et qui ont dû payer leur contribution à la mort.
La majorité des habitants furent secoués par ce fléau de Dieu. Quand le confesseur vint pour me réanimer, il me dit à la blague: «Ces derniers jours nous avons eu un grand missionnaire avec nous, qui a fort bien prêché. Nous avons vu des gens à nos pieds, qui jusque-là résistaient à tout sentiment religieux et qui, durant leur vie entière n'avaient pas daigné passer devant une église. À l'appel de cet excellent prédicateur, ils se rendirent à la grâce et produisirent des fruits de vie éternelle.»
Je lui demandai où ce missionnaire avait prêché. Il répondit: «Pas seulement dans les églises, mais sur les places, dans les cercles, les boutiques et les maisons. Sa parole puissante atteignait tous les endroits avec une onction de grâce qui en amena beaucoup à la pénitence. Et veux-tu savoir son nom? Il a un bon nom. Il est appelé D. Coletto (allusion au choléra), le fléau de Dieu.»
Changement de confesseur. Il exige que Luisa ne se
soumette comme victime que sous son autorisation.
Pendant ce temps, le Seigneur préparait une autre mortification pour moi; elle me frappa après que le fléau du choléra fut passé. La mortification consistait en des changements rapides de confesseurs. Celui que j'avais à ce moment-là était membre d'un ordre religieux et était appelé à une vie sobre par ses supérieurs. J'étais satisfaite de lui parce qu'il était le seul à ne pas me faire souffrir. Tout le tumulte que j'ai raconté plus haut m'était fait par d'autres prêtres pendant que ce confesseur était à la campagne. Ses visites étaient isolées à cause du choléra. Et je souffrais beaucoup de son absence, parce que plus volontiers que les autres, il consentait à me réanimer.
Très chagrinée, j'eus recours à Notre-Seigneur et lui montrai ma souffrance. Avec son habituelle tendresse, Jésus me dit: «Mon enfant, ne sois pas chagrinée pour cela. Je suis le Seigneur des coeurs et je peux les tourner ou les tordre comme il me plaît. Si ton confesseur t'a fait du bien, il n'était que mon ambassadeur, qui recevait tout de moi et te donnait comme je décidais. Je ferai de même avec d'autres confesseurs et je leur donnerai les grâces pour remplir leur fonction. Qu'as-tu alors à craindre?
«Mon enfant, combien de fois dois-je te répéter qu'aussi longtemps que tu persisteras à regarder à droite et à gauche, à poser tes yeux parfois sur ceci, parfois sur cela, tu ne pourras pas vraiment te maintenir sur le chemin du Ciel? Si tu ne rives pas tes yeux seulement sur moi, tu boiteras toujours; l'influence de ma grâce ne pourra pas être complète en toi. C'est pourquoi je veux que tu restes dans la sainte indifférence par rapport aux choses qui t'entourent et que tu sois toujours disposée à accomplir tout ce que je veux de toi. Autrement tu ne pourras pas être préférée à d'autres pour le rôle de victime.»
Réfléchissant à ces Paroles qui m'étaient données directement par Jésus, mon coeur développa une telle force que je ne remarquais plus maintenant l'absence de mon confesseur, même s'il avait fait du bien à mon âme. Par la suite, Dieu m'inspira de me soumettre aux soins du prêtre qui me confessait quand j'étais jeune fille. Je n'ai jamais regretté ce choix. De fait, je me suis souvent exclamée à Dieu: «Puisses-tu toujours être béni ô Seigneur. Tu m'as confondue quand tu as tiré parti de ce qui me semblait dommageable à mon âme et que, pour ta plus grande Gloire, tu as transformé cette situation en bienfaits pour moi. Puisse-t-il en être toujours ainsi, ô mon Dieu!»
Alors que mon coeur avait toujours été fermé à mon autre confesseur, je l'ai ouvert à ce ministre de Dieu proposé par Jésus et accepté par moi. Malgré ses pressions et son insistance, mon coeur restait fermé à l'autre confesseur et, par conséquent, je ne pouvais pas me libérer intérieurement. Il essayait de toutes les manières de me faire parler, mais la simple pensée d'avoir à dire à un autre ce qui se passait entre Jésus et moi produisait en moi tant d'embarras et d'aversion que c'était comme si j'avais eu à confesser le plus affreux péché, lequel, merci à Dieu, je ne suis pas consciente d'avoir commis et pour lequel je n'ai d'ailleurs pas de penchant. À ce confesseur, cependant, et en de multiples occasions, j'ai fait connaître mon âme dans les menus détails, même si je le faisais sans aucun ordre.
Si on me demandait pourquoi je ne voulais pas de l'autre confesseur pour me réanimer, ma réponse serait que je me sentais incapable de lui expliquer ce qui m'arrivait. Ce n'était pas sa faute à lui, parce qu'il était bon et avisé et qu'il m'aurait écouté patiemment. Il aurait pris grand soin de mon âme si je lui avais dit ce qui se passait entre Jésus et moi. Il veillait néanmoins à ce que je demeure dans les chemins de la vertu. Quant à moi, je ressentais une très grande pesanteur en mon âme, de laquelle j'aurais bien voulu être soulagée en m'exprimant à quelqu'un d'autre, avec le désir de connaître son opinion.
Cependant, je le répète, il m'était impossible de le faire. Je crois que la raison pour laquelle mon premier confesseur ne pouvait pas me faire parler était le bon vouloir divin, tout simplement. Je dois ajouter que mon nouveau confesseur avait un talent spécial pour pénétrer dans mon intérieur. Avec lui, je prenais graduellement courage et je sentais en moi la volonté et la patience de m'exprimer. Petit à petit, je lui ouvris mon âme et je le laissai lire en moi comme dans un livre, page par page, même mot par mot, incluant les grâces spéciales que m'avait accordées le Seigneur. C'était comme si mon bon Jésus se donnait la peine de me rappeler tout ce qu'il m'avait déjà dit et tout ce qui m'était arrivé. Quelquefois, quand je ressentais de la répugnance à lui révéler quelque chose, il me réprimandait beaucoup et même menaçait de me quitter. La peur qu'il m'abandonne me faisait atrocement souffrir. Cependant, j'arrivais à surmonter les difficultés. J'étais très dure pour moi-même.
Je peux dire la même chose de l'autre confesseur, qui continuait à me demander une chose et ensuite une autre. Parfois il me demandait ce qui causait mes léthargies et quels en étaient les effets. Quelquefois, quand il voyait mon entêtement, il me commandait au nom de l'obéissance de lui répondre; et il plaçait devant moi la peur d'une grande illusion diabolique. Ensuite il ajoutait: «Quand l'âme est obéissante, nous sommes tous les deux plus sécurisés et tranquilles, parce que le Seigneur ne permettrait pas que son ministre, qui veut agir correctement dans la quête de la vérité, soit dans l'erreur.»
À ce sujet, il m'a souvent semblé que les deux, Jésus et le confesseur, savaient tout de la question, parce que, avant que Jésus me soumette à quelque souffrance, je remarquais que le confesseur connaissait la vérité. Je me disais en moi-même: «Il vaut mieux tout lui dire tout de suite que de garder le silence, puisque déjà il sait tout; et si je garde le silence, qui sait s'il ne sera pas alors amené à changer sa façon de faire.»
Tout cela n'arrivait pas avec mes confesseurs des années précédentes, qui non seulement ne m'ont jamais questionnée ni n'ont essayé de chercher la vérité sur mes états de pétrification -- par exemple si ça provenait de Dieu ou des démons, ou si c'était causé par une maladie corporelle. Bref, ils ne demandaient rien et ne disaient rien. Toutefois, j'étais très désireuse de savoir si j'étais oui ou non ajustée à la Volonté de Dieu quand je portais la croix qu'il m'envoyait. Je souffrais beaucoup quand j'étais incapable de trouver la patience de la porter.
D'autre part, quand le second confesseur apprit que le Seigneur se montrait à moi et qu'il me demandait si je voulais remplir le rôle de victime, il me dit que je devrais dire à Jésus: «Seigneur, je ne peux pas et je ne devrais pas accepter la souffrance à laquelle tu veux me soumettre, jusqu'à ce que j'aie la permission de mon confesseur. Si tu désires que je sois victime, va en premier lieu à lui pour lui demander son consentement, afin qu'il n'ait pas de ressentiment envers moi.»
Jésus demande à Luisa de s'offrir comme
victime perpétuelle et lui ouvre la voie
à de nouvelles grâces de sanctification.
Un matin, après la communion, mon aimable Jésus me dit: «Mon enfant, les iniquités des hommes sont telles et si nombreuses que l'équilibre entre mon Amour et ma Justice en est bouleversé. La prépondérance des forces du mal m'astreint à faire venir sur les hommes une violente guerre par laquelle j'infligerai une destruction sans précédent de chair humaine.»
Puis, tout en larmes, il ajouta: «Oh! oui! je leur ai donné des corps pour être des sanctuaires dans lesquels je comptais me réjouir. Plutôt, ils en ont fait de putrides fosses septiques; et leur puanteur est si grande que j'ai été forcé de m'éloigner d'eux. Ce sont là, mon enfant, les remerciements que je reçois pour tant d'Amour et tant de souffrances endurées pour eux. Qui d'autre que moi les a bénis aussi abondamment et a tant retardé leur juste châtiment? Personne n'a été comme moi! Et quelle est la cause de leur si grande perversion? Ce n'est rien d'autre, mon enfant, que les biens excessifs que je leur ai donnés. Maintenant je vais leur enseigner la manière de revenir à leur devoir par les plus dures punitions.»
À la suite de ces propos de Jésus, mon coeur était inondé d'amertume à la pensée qu'un Dieu si bon pouvait être aussi bafoué par l'ingratitude des hommes. Et qui pourrait aussi dire quelle était ma souffrance quand je pensais à ceux qui allaient être punis par le fléau de la guerre. Pour eux j'éprouvais un grand désir de souffrir plutôt que de les voir livrés à ces terribles châtiments.
Et j'essayais d'apaiser le Seigneur par toutes sortes de supplications. Et je lui dis: «Ô Saint Époux, épargne-leur ce fléau de ta Justice. Si leurs iniquités sont aussi grandes que tu dis, il y a encore l'immense mer de ton Sang dans laquelle tu peux les plonger. Ainsi, ils pourront en ressortir purifiés, et ta Justice sera satisfaite. Et je te le dis pour toujours, si tu ne trouves pas d'endroit que tu aimes, viens vers moi quand tu le désires. Je t'offre mon coeur afin qu'en lui tu puisses trouver le repos et la joie.
«Même si mon coeur est un cloaque de péchés et de défauts, avec l'aide de ta grâce si efficace, je suis disposée à le purifier et à le faire devenir comme tu le veux. Oh! mon Bien, sois apaisé! Et s'il est nécessaire et utile, je t'offre le sacrifice de ma vie. Je le ferai volontiers si je peux voir ton Image surgir de ce dur fléau.»
Me coupant la parole net, Jésus me dit: «Enfant bien-aimée, si tu veux volontairement t'offrir pour souffrir, pas sporadiquement comme par le passé, mais continuellement, j'épargnerai sûrement les hommes. Sais-tu comment je ferai? Je te placerai entre les deux, entre ma Justice et l'iniquité des hommes. Quand je voudrai appliquer ma Justice en envoyant sur eux des fléaux, te trouvant au milieu, tu seras frappée, mais eux seront épargnés. Si tu es prête à t'offrir ainsi, je suis prêt à épargner les hommes. Autrement, je ne peux plus être apaisé, ni ne peux m'abstenir plus longtemps.»
Après ces Paroles, je restai consternée et totalement confondue. Ma nature fut secouée, et je tremblais. Mais voyant que Jésus attendait un oui ou un non, je dis en me forçant pour parler: «Ô mon Divin Époux, je suis prête à faire tous les sacrifices que tu voudras, mais compte tenu de mon expérience passée, comment nous y prendre avec le confesseur qui, quand il vient de temps en temps, demande que je ne m'offre pas pour des souffrances sans avoir au préalable son consentement? Si, d'autre part, tu veux que je me soumette à ces souffrances sans son consentement, je suis prête, puisque ma réanimation ne dépendra pas de lui, mais de toi seulement, Dieu Très-Haut.»
Alors Jésus, mon Époux, qui a su tout sacrifier par obéissance, me dit: «Puisse-t-il ne jamais arriver que j'agisse contre mon épouse de Sang. Va à ton confesseur et demande son acquiescement. S'il veut t'écouter, dis-lui en détail ce que je t'ai dit; et dis-lui que tout ceci ne sera pas seulement pour le bien des créatures qui vivent dans le péché, mais pour le bien de ceux qui vont venir après. Il en va de ton plus grand bien que tu te soumettes à ces souffrances ininterrompues et presque mortelles, car, dans l'état futur dans lequel tu es invitée à être -- à travers l'obéissance --, je te purifierai de manière à ce que ton âme soit digne de ton mariage mystique avec moi.
«Par la suite, j'aménagerai ta dernière transformation en moi afin que nous deux puissions devenir un, comme deux cierges fondus par un même feu sont fusionnés et deviennent un seul corps. Ainsi unis, nous deviendrons de la même pensée, du même amour, et de la même oeuvre de réparation. Je te transformerai en moi et moi en toi pour que tu puisses être crucifiée en moi, avec moi et pour moi. Ne serais-tu pas heureuse de pouvoir dire: «Jésus mon Époux est crucifié en moi; et moi son épouse, je suis crucifiée en lui?» Il en sera bien ainsi, parce qu'il n'y aura plus rien qui te fasse dissemblable de moi.»
Quand le confesseur vint, je lui répétai tout ce que Jésus m'avait dit. Je lui ai même dit que je voulais souffrir sans limite de temps. Cependant, il me semblait, et j'en étais vraiment convaincue, que ces souffrances ne dureraient pas plus de quarante jours. Mais, au moment où j'écris ces lignes, ça fait douze ans que je vis dans un état de souffrances continues, et je ne sais combien de temps encore ça durera. Puisse Dieu être toujours béni et son insondable Jugement.
Il me reste à dire que si j'avais compris que j'aurais à passer mon temps continuellement au lit, peut-être que je ne me serais pas aisément soumise au rôle de victime perpétuelle. Ma nature aurait été alarmée et j'aurais difficilement pu rassembler assez de courage pour me prêter à un tel sacrifice. Je peux dire la même chose de mon confesseur: s'il avait connu le sacrifice qu'il aurait à faire chaque matin pour me réanimer, il n'aurait peut-être pas consenti à ce que je reste dans cet état pour aussi longtemps.
Je peux assurer que j'ai toujours été une amoureuse de cette douce souffrance. J'ai toujours été plus résignée quand j'étais dans une souffrance continuelle que quand j'en manquais. En fait, quand j'ai commencé à vivre dans cette situation de victime constante, je ne savais pas apprécier la valeur de la croix; mais le Seigneur m'a donné de la connaître durant les douze dernières années.
Victime permanente, Luisa est continuellement alitée.
Mon confesseur, à qui j'avais fait connaître ce que mon très aimable Jésus voulait de moi, me dit: «Si tout ce que vous m'avez dit est vraiment la Volonté de Dieu, vous pouvez recevoir ma bénédiction. À vrai dire, je pourrai faire le sacrifice de vous réanimer chaque matin. Si j'en éprouve des ennuis dans ma nature, je les surmonterai par la grâce de Dieu.»
Quand je pensais aux créatures qui seraient épargnées du terrible fléau de la guerre, mon âme jubilait. Néanmoins, ma nature commençait à trembler. Et j'ai passé quelques jours dans une profonde tristesse. On me conduisit à l'église. Après avoir reçu Jésus dans mon coeur, je lui dis:
«Très doux Jésus, vois la mer tourmentée dans laquelle mon âme est plongée. Plutôt que d'être dans une paix tranquille et de te remercier pour les lumières données à mon confesseur, lui qui m'a permis de faire dans l'obéissance ce que tu attends de moi, me voici soudainement troublée et confuse. Je le suis d'abord pour la condition de souffrance dans laquelle tu es sur le point de me plonger, et ensuite parce que j'aurai peut-être à rester dans cet état sans te recevoir, ce qui serait pour moi la plus grande souffrance. Qui pourrait survivre sans toi? Mon Bien, qui d'autre que toi pourra me donner la force de survivre, de me remettre de ma souffrance. Comment pourrai-je recevoir cette force, si on ne me permet pas de te recevoir dans ton Sacrement?»
Quand j'eus déchargé mon coeur de ses angoisses, j'ai beaucoup pleuré. Sympathisant avec moi, Jésus me dit poliment: «Mon enfant, n'aie pas peur. Je comprends ta faiblesse, et j'ai préparé des grâces nouvelles et spéciales pour soutenir ta fragilité. Ne suis-je pas tout-puissant en tout? Ne suis-je pas capable de faire en sorte que tu me reçoives dans le Sacrement? Sois résignée, et comme une personne morte, place-toi dans mes bras paternels, et offre-toi comme victime en réparation pour les nombreuses offenses que je reçois continuellement des hommes. Alors tu pourras sauver ceux qui méritent la discipline.
«Si tu veux faire le sacrifice volontaire de toi-même en te donnant comme victime d'amour, d'expiation et de réparation, je promets de ne pas laisser passer un jour sans que tu aies une visite. Jusqu'à maintenant, tu venais à moi, mais je t'assure à présent que je viendrai te visiter sans manquer. Ces visites pourront être courtes, mais elles seront toujours un bénéfice et une grande consolation pour ton âme. Es-tu satisfaite? Et parce que je connais ton adhésion à ma Volonté, sache que dès à présent, tu es déjà une victime permanente, dans un état de souffrance perpétuelle, en accord avec ma Volonté. Je te demande cela pour la réparation des péchés que d'autres créatures ont commis.»
Comment décrire les grâces que le Seigneur commença alors à m'accorder? Il est impossible pour moi de relater tout ce que mon aimable Jésus a fait pour moi à partir de ce jour jusqu'à aujourd'hui, surtout s'il s'agit de décrire avec exactitude chacune de ces grâces. Afin de satisfaire la sainte obéissance -- qu'on m'impose sans pitié --, je le ferai de mon mieux en m'efforçant de ne pas omettre les grâces les plus intimes, que je trouve si difficiles à révéler.
Concernant la promesse déjà mentionnée qui m'a été faite par Jésus, je dirai qu'il a toujours été irréprochable. Il a tenu sa promesse du commencement jusqu'à présent, et je crois qu'il la tiendra jusqu'à la fin. Je me souviens bien de ce qu'il m'a dit le premier jour où j'ai dû garder le lit: «Bien-aimée de mon Coeur, je t'ai placée dans cette condition pour pouvoir plus librement venir à toi et te parler. En effet, dès le commencement, je t'ai libérée du monde extérieur et des occasions d'avoir affaire aux créatures. Je t'ai ainsi purifiée intérieurement de manière à ce qu'aucune pensée ou affection de la terre ne reste en toi; et je les ai remplacées par des pensées célestes toutes remplies d'amour pour moi.
«Maintenant que toute autre chose t'est étrangère et que nous sommes devenus familiers, je veux t'identifier à moi-même, afin que ton corps aussi bien que ton âme puissent être à ma disposition pour être un perpétuel holocauste devant moi. Si je ne t'avais pas confinée à ce petit lit, tu n'aurais pas le bénéfice de mes fréquentes visites: tu aurais voulu d'abord remplir tes obligations familiales à coups de sacrifices, pour ensuite te retirer dans l'oratoire de ton coeur, en attendant une visite passagère de moi. Maintenant, tu ne peux pas faire cela. Nous sommes seuls et il n'y a personne pour déranger notre conversation ou pour nous empêcher de nous communiquer nos joies et nos souffrances.
«En me ressemblant, tu peux participer à la joie et au bonheur que quelques bonnes personnes me donnent, de même qu'à l'amertume et à l'oppression qui me viennent de ceux qui sont méchants. À partir de maintenant, mes consolations seront les tiennes et tes consolations seront les miennes. Mes afflictions et tes afflictions seront en communication pour que «ta volonté» et «ma Volonté» disparaissent complètement, pour être appelées «notre Volonté». Bref, tu prendras intérêt à mes choses comme si elles étaient vraiment tiennes; et moi, de la même manière, je prendrai intérêt à tes choses -- tes imperfections exceptées --, qui seront certainement miennes.
Sais-tu comment je me conduirai envers toi? Je serai comme un roi nouvellement marié à une noble reine, qui est provisoirement forcé d'être loin d'elle et qui, dans sa hâte d'être avec elle, garde son esprit et son coeur toujours tournés vers elle. Il s'active à finir son affaire pour pouvoir retourner vers elle le plus tôt possible. Une fois qu'il y est, ses yeux sont tournés vers elle pour voir si elle montre quelques signes de regret de son absence. Et s'il veut lui parler, il donne congé aux personnes qui l'entourent, l'amène avec lui à ses appartements et ferme la porte. Il place une personne de confiance au dehors, comme garde, pour que personne ne puisse interrompre leurs conversations ou entendre leurs secrets. Seul à seul, ils se communiquent leurs pensées. Si quelqu'un voulait imprudemment les priver de leur isolement et les déranger, cette personne serait immédiatement arrêtée comme une perturbatrice de la paix du roi et serait sévèrement punie.
J'ai agi de manière semblable en te plaçant dans cet état; et malheur à celui qui s'aviserait de déranger ces dispositions. Ça n'aurait pas seulement pour effet de me déplaire, mais ça m'amènerait à le punir. Es-tu contente de cela?
Jésus appelle l'âme de Luisa à se perfectionner conformément à sa Volonté. Il veut qu'elle soit dans la plus
complète pauvreté, absolument détachée de tout.
Si, en retour des nombreuses grâces que mon Jésus bien-aimé m'a accordées, mon coeur ne débordait pas d'amour reconnaissant envers lui, je mériterais d'être qualifiée du plus détestable de tous les noms. Si je n'acquiesçais pas totalement aux désirs de sa Sainte Volonté, tout le Ciel et la terre devraient me pointer du doigt -- y compris les générations futures -- comme étant l'âme la plus ingrate et la plus méprisable qui ait jamais existé. Ce serait comme si un va-nu-pieds couvert de guenilles sales boudait un seigneur très fortuné qui l'inviterait à devenir copropriétaire de ses immenses possessions et de s'en occuper comme si elles étaient siennes. Ce pauvre indigent ne deviendrait-il pas la risée de tous?
Jésus a agi ainsi avec moi. En échange de mon néant, il m'a accordé de posséder en commun avec lui ses biens infinis, à la seule condition que j'en prenne soin. Je ne lui ai rien apporté, si ce n'est mon néant. Avez-vous déjà vu quelque chose de semblable? Je me sens toute gênée d'en parler. Et Jésus devint non seulement propriétaire de mon néant, mais aussi de mes imperfections, qu'il veut totalement purifier dans son infinie Perfection. Oh! comme je suis endettée envers lui! Lui qui jamais ne s'est lassé, ne se lasse, et ne se lassera de me répéter: «Je veux de toi une parfaite conformité à ma Volonté, de telle manière que tu deviennes complètement fondue dans ma Volonté.»
Quand il remarquait mon plus petit attachement à des choses sans importance, gentiment il me pressait de faire marche arrière en me disant: «Mon enfant, je désire de toi une séparation absolue de tout ce qui n'est pas de moi. Je veux que tu considères tout ce que tu sais être de la terre comme fumier, dégoûtant à regarder. Mon Coeur se gèle quand tu regardes avec plaisir les choses de la terre qui ne sont pas des nécessités. Elles ennuagent les choses célestes en toi et retardent le mariage mystique que j'ai promis de conclure avec toi. Sache que je n'accorde aucune valeur aux choses de la terre qui ne sont pas totalement nécessaires. Je veux que tu suives cette abjecte pauvreté à laquelle je me suis moi-même assujetti, méprisant tout ce qui n'était pas nécessaire.
Dans ce petit lit où tu m'imites dans la pauvreté, tu dois te considérer comme une pauvre enfant abandonnée. Seulement alors pourras-tu dire que tu es vraiment pauvre. Parce que je veux une pauvreté vraie et pratiquée dans les actes. Ne désire jamais acquérir quelque chose, ne soupire jamais après quelque chose, et n'accepte jamais rien qui ne soit réellement nécessaire. Le cas échéant, remercie-moi en premier, ensuite tes donateurs. Je veux que désormais tu t'arranges avec ce qui t'est donné et ne demande rien d'autre, parce que désirer quelque chose qui ne t'est pas donné, peut devenir encombrant dans ton esprit. Résigne-toi avec une sainte indifférence à la volonté des autres sans considérer si c'est bon ou mauvais.»
Au commencement, cela fut vraiment un très grand sacrifice pour moi. Mais, rapidement, j'ai vu à ne pas penser à ceci ou cela; à l'exception de ce dont j'avais vraiment besoin, je ne demandais rien qui ne m'était pas offert.
Une nouvelle croix pour Luisa: elle vomit toute
nourriture et souffre de la faim. Son confesseur
lui défend de poursuivre dans son état de victime.
Ayant surmonté la précédente difficulté, le Seigneur désirait me soumettre à une tâche plus ardue. Une des souffrances continues qui me vint directement de Jésus fut l'épisode des vomissements après avoir mangé. Quand ma famille me donnait quelque chose à manger, je le vomissais immédiatement et je devenais si faible que je ne pouvais plus parler. Mais je me souvenais de ce que Jésus m'avait dit: «fais ce qu'on te dit», et je ne désirais rien d'autre. Je me sentais honteuse et comme si ma famille me grondait en me disant: «Pourquoi veux-tu encore manger alors que tu viens tout juste de vomir?» Aussi, je me disais en moi-même: «Je ne demanderai rien jusqu'à ce qu'ils m'apportent quelque chose; Dieu s'occupera des choses.» Et je poursuivais remplie de remerciements de pouvoir souffrir pour l'amour de Jésus, et j'offrais tout en réparation pour les offenses commises par le péché de gourmandise.
Je ne sais pas pourquoi, mais mon confesseur, qui avait entendu dire que je vivais des épisodes de vomissements, m'ordonna de prendre de la quinine chaque jour. Ceci dérangeait mon appétit. Et comme je ne pouvais prendre de la nourriture tant qu'elle ne m'était pas donnée, j'entendais toujours gronder mon estomac. Dans cet état, je me sentais comme si j'étais dans les affres de la mort, mais sans mourir. Ceci dura environ quatre mois, après quoi mon bien-aimé Jésus me dit: «Dis à ton confesseur qu'on ne te donne ni nourriture ni quinine quand tu vomis. Illuminé par la Lumière divine, il t'accordera cela.»
Ainsi donc le confesseur m'accorda que je ne prenne ni nourriture ni quinine. Par la suite cependant, pour ne pas que je sois mise en évidence, il voulait que je prenne de la nourriture une fois par jour. Ainsi j'avais plus de paix. Ma faim disparut, mais pas les vomissements. En effet, à chaque fois que je prenais de la nourriture, je devais la rendre. (2)
Mon bien-aimé Jésus me disait souvent: «Dis à ton confesseur de te donner la permission de ne plus manger du tout.» Mais, à chaque fois, il refusait en disant: «Accepte la nourriture qui t'est donnée comme un acte de mortification en réparation des nombreuses offenses faites au Seigneur par la gourmandise des hommes.» Chaque fois, au bout de quelques jours, Notre-Seigneur revenait à la charge et répétait: «Une fois encore, je veux que tu demandes à ton confesseur la permission de ne prendre aucune nourriture. Fais-le nonchalamment et sois disposée à accepter, dans l'obéissance, tout ce qu'il voudra que tu fasses.»
Une fois, alors que, comme le voulait Jésus, je refaisais la demande à mon confesseur, celui-ci, je ne sais pas pourquoi, non seulement refusa de me donner la permission sollicitée, mais il m'ordonna d'arrêter mes souffrances, comme si elles dépendaient de moi. La raison de sa réaction était peut-être la suivante: se souvenant que je lui avais dit que mes souffrances ne dureraient que quarante jours, alors qu'elles perduraient, il fut amené à croire que je ne lui disais pas la vérité concernant l'état de souffrance qui m'était demandé ou concernant le fait que je ne devais plus prendre de nourriture.
Pour des raisons qui me sont inconnues, il en vint à la conclusion que je ne devais plus rester dans cette situation de victime, et que si je retombais dans cet état de souffrance, il ne devrait plus venir me réanimer. Je dois dire ici que, par esprit d'obéissance, j'étais bien disposée à me soumettre à ses directives, d'autant plus que ma nature réclamait d'être déchargée du fardeau de tant de souffrances mortelles qui se reproduisaient fréquemment. Cependant, il m'apparaît clair que je n'aurais jamais pu porter de tels fardeaux sans une intervention divine spéciale.
Il y avait aussi la souffrance d'avoir à me soumettre en tout, même en ces choses qui me répugnaient tant (les nécessités naturelles): c'était vraiment un sacrifice que je faisais pour me conformer à la Volonté de Dieu. D'ailleurs, sans ce motif de la conformité à la Volonté Divine, même les plus grands saints auraient renoncé. À Jésus je dois mon habileté à lui retourner l'Amour immense qu'il m'a toujours manifesté.
C'est ainsi que j'éprouvais une certaine consolation vis-à-vis de mon passé et que j'étais disposée à tout faire dans la sainte obéissance. Puisque je faisais l'expérience de l'Amour et de la Bonté de Dieu envers moi, j'étais prête et consentante à rester confinée à mon petit lit aussi longtemps que le Seigneur le voudrait, dans l'état de victime. Sa Sainte Volonté qui sait si bien changer la nature des choses, les transformer d'amères à douces, obtenait pour moi la résignation et la conformité à sa Volonté.
Parce qu'elle n'a pas le consentement de son confesseur,
Luisa résiste à Jésus qui lui demande de souffrir. Jésus
fournit au confesseur la preuve que tout vient de lui.
Quoique j'eus accepté volontairement et dans l'obéissance d'être victime et de rester au lit, j'ai commencé à offrir de la résistance à mon toujours aimable Jésus. Une fois, quand il m'apparut pour me communiquer ses souffrances, je lui ai dit: «Mon bien-aimé Seigneur, ne prends pas mal mon refus de souffrir. Que veux-tu de moi? Puisque c'est l'obéissance qui m'en empêche, je ne peux plus me soumettre. Mais si tu veux que je fasse ta Volonté, donne la lumière à mon confesseur pour qu'il m'accorde ce que tu désires. Autrement, je suivrai ses désirs et m'opposerai obstinément à ta Volonté. Vraiment je croirai que tu n'es pas mon aimable Jésus!»
Notre-Seigneur voulait me soumettre à un test sévère en me faisant passer une nuit toute entière brouillée avec lui. Avec le risque d'être trouvée malavisée, j'ai maintenu ma position toute une nuit. Quand il viendrait, je lui dirais vivement: «Mon Amour, prends patience. J'ai besoin du consentement de mon confesseur pour que tu puisses me communiquer ta souffrance. Aussi, s'il te plaît, ne me force pas à opposer ma volonté à la Tienne. Sans le consentement de ma volonté qui ne pliera pas sans le consentement de mon confesseur, tu peux néanmoins me réduire à l'anéantissement et me communiquer toutes tes peines, tes chagrins et tes souffrances. (3)»
Dans cet état de souffrance où je me trouvais, je croyais que Notre-Seigneur avait donné la preuve qu'il avait gagné. Mais ce n'était pas ainsi. Car, en un instant, quand je fus libérée de toute souffrance, mon bien-aimé Jésus m'attira à lui d'une manière qui me fit hésiter; en conséquence je ne pus offrir aucune résistance. Je me suis trouvée liée à lui si fortement que peu importe comment j'essayais de m'opposer à lui, il était impossible pour moi de me dégager. Puisque je ne suis rien, il aurait été inutile pour moi de résister ou d'essayer de triompher dans une bataille avec lui, lui qui est omnipotent et qui est la Force des forts. Étant si près de Jésus, j'étais embarrassée par mes nombreuses oppositions à lui, et je me suis trouvée complètement anéantie. Aussi, dans la honte, je lui ai dit: «Pardonne-moi, Saint Époux, de t'avoir offert de la résistance. Ceci n'aurait pas été si l'obéissance ne m'avait pas forcée.» Et Jésus, très tendrement me dit:
«Enfant bien-aimée de mon Amour, n'aie pas peur que je sois offensé: je ne suis pas offensé par le geste de ton confesseur qui t'a donné cette directive. Il exerce son ministère avec délicatesse et conscience et il doit se servir de moyens et d'artifices pour s'acquitter de sa responsabilité morale face au mauvais et au bon. Retrouve ta paix et vis toujours abandonnée à moi. Viens à moi! Aujourd'hui, c'est le premier jour de l'année (c'était vraiment le jour de l'an). Viens, je veux te donner un cadeau.»
Il vint à moi, me serra sur lui et, pressant ses lèvres contre les miennes, il versa en moi un liquide, beaucoup plus doux que le lait et, m'embrassant encore et encore, affectueusement il prit un anneau de son Coeur en disant: «Admire et contemple bien cet anneau que j'ai préparé pour toi, pour notre mariage, puisque je te marierai dans la foi. Pour le présent, je t'ordonne de continuer de vivre dans cet état de victime et de dire à ton confesseur que c'est mon désir que tu continues de vivre dans cet état de souffrance. Et comme signe que c'est bien moi qui parle, sache que la guerre qui est à un arrêt entre l'Italie et l'Afrique continuera jusqu'au moment où il te donnera la permission de vivre dans l'état de victime. À ce moment, je ferai cesser la guerre, pour qu'ils aient la paix des deux côtés.»
Puis Jésus disparut. Je me suis alors sentie comme si j'étais habillée d'un habit de souffrance qui pénétrait jusqu'à la moelle de mes os, tellement je me sentais incapable de me réanimer moi-même de cet état mortel, sans l'intervention du confesseur. Dans ma douleur, je pensais à ce que j'allais lui dire quand il me trouverait dans cet état de souffrance majeur contre ses ordres. Que pouvais-je faire? Il n'était certainement pas en mon pouvoir de me réanimer moi-même.
Le liquide laiteux que Jésus m'avait versé produisait en moi tant d'amour pour lui que, malgré la douleur, je languissais d'amour. Cette douceur et cette satiété que je ressentais me forcèrent à prendre un peu de la nourriture offerte par ma famille après que le confesseur m'eut réanimée. Mais cette nourriture refusa absolument de descendre dans mon estomac. Il fut nécessaire que mon confesseur me l'impose au nom de l'obéissance pour que je l'avale. Cependant je fus immédiatement forcée de le rendre avec un peu du doux liquide versé en moi par Jésus. En le faisant, j'ai senti Jésus à l'intérieur de moi qui, avec humour, me dit: «Ce que j'avais versé en toi n'était pas assez? N'en étais-tu pas satisfaite?»
Très embarrassée et remplie de honte, je lui dis: «Que veux-tu de moi, ô Jésus? C'est l'obéissance qui m'a amenée à rendre aussi ce qui était tien -- qui était pourtant si doux et si délicieux.» Sans autre question, regardant ce qui était arrivé, mon confesseur se retira en disant: «Je reviendrai quand j'aurai du temps libre.» Je ne fus pas seulement indifférente à cette interférence du confesseur en rapport avec ce qui se passait entre le Seigneur et moi, mais j'en fus très ennuyée. Rapidement, je remerciai mon toujours aimable Jésus, qui avait permis que mon confesseur ne me pose aucune question.
Je ne savais vraiment pas ce qui m'attendait pour le jour suivant. Mon confesseur revint avec un air renfrogné et, sans me questionner, me traita d'âme désobéissante. Et il ajouta: «Le fait que tu sois tombée dans une faiblesse mortelle m'amène à croire que ce qui t'arrive est une pure maladie et non pas le fruit d'une intervention surnaturelle. Si cela était de Dieu, il ne t'aurait certainement pas laissée me désobéir, parce qu'il veut de toi l'obéissance et ne veut rien qui ne soit fait sans cette belle vertu. Aussi, plutôt que d'appeler ton confesseur, désormais tu appelleras les médecins qui, par leur science, te libéreront de ta maladie nerveuse.»
Quand il eut fini de me rabrouer, je me suis obligée à lui dire ce qui était arrivé, et tout ce que le Seigneur m'avait demandé de lui dire. En m'entendant, il changea d'idée et m'assura qu'il ne doutait pas de ce que j'avais dit regardant Jésus, parce que les paroles à propos de la guerre entre l'Italie et l'Afrique étaient véridiques. Il ajouta à propos de la prétendue paix, si elle arrive sous peu, conséquemment au fait que tu seras redevenue victime, alors je ne pourrai plus douter. Si, d'un autre côté, c'était dû à d'autres causes... Nous allons attendre et nous verrons.» Ainsi il consentit à ce que je réponde au désir exprimé par mon bon Jésus. Et il me répéta: «Nous allons attendre et nous verrons si cette guerre n'augmente pas et si bientôt nous aurons la paix.»
Quatre mois plus tard, mon confesseur apprit du journal que la paix prophétisée par Jésus s'était réalisée. Quand il me vit, il dit: «Sans victime d'un côté comme de l'autre, la guerre qui sévissait entre l'Italie et l'Afrique s'est terminée; il y a maintenant la paix entre les deux.» Parce que ce fait avait été prophétisé et qu'il s'était réalisé, mon confesseur devint convaincu de l'action de la Divinité dans ce qui m'arrivait, et il me laissa seule et en paix -- chose qu'on ne peut obtenir si on résiste à Dieu.
Jésus prépare Luisa pour le mariage
mystique déjà promis.
À partir de ce jour, Jésus ne fit rien d'autre que de me préparer pour le mariage mystique qu'il m'avait promis (4), me visitant plus souvent -- jusqu'à trois ou quatre fois par jour quand ça lui plaisait. Souvent il allait et venait continuellement. Il se comportait comme un amoureux qui ne peut s'empêcher de penser très souvent à son épouse, ainsi que de l'aimer et la visiter. Il se révélait à moi en me disant des choses comme: «Je t'aime tant que je ne peux pas rester loin de toi. Je me sens comme non payé de retour quand je ne te vois pas ou que je ne te parle pas directement et de tout près; je suis porté à penser que tu es seule et que tu languis d'amour pour moi. Et je viens voir si tu as besoin de quelque chose.»
Alors il relevait ma tête, arrangeait mon oreiller, mettait ses Bras autour de mon cou, m'embrassait et me couvrait de baisers encore et encore. Comme c'était l'été, il me soulageait de l'excès de chaleur en me rafraîchissant d'une légère brise qui émanait de sa douce Bouche. Quelquefois, il secouait quelque chose qu'il avait dans ses Mains ou tapait le drap qui me recouvrait pour que je sois rafraîchie, et il me demandait vivement: «Comment es-tu maintenant? Sûrement que tu te sens mieux, n'est-ce pas?» Et je lui répondais: «Tu sais, mon bien-aimé Jésus, quand tu es près de moi, je me sens mieux de toute manière.»
Après, quand il venait et qu'il me trouvait toute prostrée et faible à cause de mes souffrances continuelles, spécialement la nuit, après que mon confesseur soit venu, il m'approchait et, de sa Bouche, il versait un liquide laiteux dans la mienne. Il me laissait m'attacher à sa très sacrée Poitrine, de laquelle il me laissait tirer des torrents de douceur et de force qui me donnaient un avant-goût des délices du Paradis. Quand il me voyait dans l'état de parfaites délices, il me disait avec son ineffable bonté: «Je veux être vraiment ton Tout, me faisant la nourriture réconfortante non seulement de ton âme, mais aussi de ton corps.» (5)
Que dire de tout ce que j'expérimentai d'amour céleste à la suite de tant de grâces inhabituelles paradisiaques? Si je devais dire tout ce que mon très doux Jésus me communiquait, je risquerais de devenir ennuyeuse. À mon confesseur non plus je ne pouvais pas tout dire, parce que ça aurait pris beaucoup trop de temps. Je me limiterai ici à dire brièvement ce qu'il suffit de savoir pour comprendre un peu l'état d'une âme qui est en pleine possession de Jésus, le plus délicieux Époux de l'âme. Et, avec toute la véhémence de mon coeur, je veux m'exclamer en lui disant: «Ô Jésus, comme j'ai apprécié toutes tes douces et délicieuses communications!»
Elles sont à la fois amères, douces et intermittentes les souffrances qui me sont départies par mon Jésus, lui-même si rempli d'amertume. Mais si la douceur et l'amertume n'étaient pas données simultanément à l'âme qui est devenue une victime d'amour, d'expiation et de réparation, cette âme ne pourrait tenir bien longtemps sans mourir. Le corps se désintégrerait et l'âme irait rapidement rejoindre son Dieu. D'où mes gémissements et mes plaintes quand je pensais qu'il m'avait laissée. Quand il se cachait occasionnellement, je devenais très souffrante mentalement; il me semblait que je ne l'avais pas vu depuis un siècle. C'est pourquoi je me plaignais alors en lui disant des choses comme: «Ô Saint Époux, comment peux-tu me faire attendre si longtemps après toi? Ne sais-tu pas que je ne puis survivre sans toi? Viens et ravive-moi par ta Présence qui est pour moi, lumière, force et tout.»
Un jour, me sentant rejetée à cause de son absence de seulement quelques heures, il me semblait qu'il ne m'était pas apparu depuis plusieurs années. Aussi, dans ma souffrance, je pleurais des larmes amères. Alors il m'apparut, me consola, et sécha mes larmes. Il m'embrassa et, pendant qu'il me baisait, il me dit: «Je ne veux pas que tu pleures. Tu vois, je suis avec toi maintenant. Que désires-tu?»
Je répondis: «Je languis simplement après toi. Je cesserai de pleurer quand tu me promettras que tu ne me laisseras plus t'attendre aussi longtemps. Mon bon Jésus, tu sais comment est souffrante mon attente de toi, spécialement quand je t'appelle et que tu n'arrives pas rapidement pour me consoler, me fortifier et m'encourager par ta douce Présence.» Jésus reprit: «Oui, oui, je te plairai.» Et il disparut rapidement.
Un autre jour, je me plaignais encore et je le suppliais de ne pas me faire attendre si longtemps après lui. Quand il a vu que je n'arrêtais pas de pleurer, il me dit: «Maintenant, je veux vraiment te satisfaire en tout. Je suis tellement enthousiasmé par toi que je ne peux qu'accéder à tes désirs. Si, jusqu'à maintenant, je t'ai dégagée de ta vie extérieure et me suis manifesté à toi, maintenant je veux attirer ton âme à moi. Ainsi tu pourras me suivre de plus près, me réjouir, te presser plus intimement sur moi; je peux te montrer tout ce qui n'a pas été fait avec toi dans le passé.»
Jésus montre à Luisa la divine beauté
de sa très sainte Humanité.
Trois mois passèrent pendant lesquels je demeurai victime permanente dans mon lit, où je recevais non seulement les peines et les souffrances que Jésus me communiquait, mais aussi sa Douceur. Un matin, Jésus vint à moi comme un aimable et très charmant jeune homme d'à peu près dix-huit ans. Ses Cheveux couleur or étaient bouclés et descendaient de chaque côté de son Front. Il semblait que ses Boucles tissaient les pensées de son Esprit jointes aux affections de son Coeur. Sur son Front, serein et large, on pouvait voir, comme à travers un cristal très clair, son Esprit, où sa Sagesse infinie régnait dans un ordre et une paix célestes.
Mon esprit devint clair et mon coeur tranquille à la vue de ce très charmant Jésus. L'effet fut tel et mes passions si réprimées que je ne ressentais pas le moindre trouble. Puisque mon âme expérimenta un si grand sentiment de paix à seulement le voir, qu'est-ce que j'expérimenterais si je pouvais posséder sa Divinité? Je crois que Jésus ne pourrait pas se manifester dans une si grande beauté à une âme qui ne jouirait pas d'un calme parfait et d'une profonde humilité. Il se retirerait au moindre trouble de l'âme. D'un autre côté, si une âme ressentait une paix et un calme tels qu'elle ne serait pas troublée par un désastre et une guerre féroce autour d'elle, alors non seulement Jésus se laisserait voir par elle, mais il goûterait un doux repos en elle, un repos que ne pourrait lui procurer une âme troublée.
Sous l'aspect où Jésus se montrait à moi, je ne cessais de le regarder et de l'admirer, et je me disais en moi-même: «Oh! comme ils sont beaux ses Yeux si purs, qui brillent d'une lumière plus claire que le soleil.» Contrairement à la lumière du soleil, cependant, la lumière des Yeux de Jésus ne blessait pas ma vue. Et je pouvais fixer mon regard sur cette splendeur sans aucune fatigue; bien au contraire, mes yeux en recevaient plus de force. On ne peut quitter des yeux ce mystérieux miracle de beauté qu'est le bleu foncé des Pupilles de Jésus.
Un Regard venant de Jésus est suffisant pour transporter hors de soi-même et faire parcourir les vallées, les plaines, les montagnes, les cieux ou les plus profonds abîmes de la terre pour le trouver. Un Regard de Jésus est suffisant pour transformer l'âme en lui, et faire ressentir je ne sais quoi de sa Divinité. Plusieurs fois, cela m'a fait m'exclamer: «Ô mon très beau Jésus, ô mon Tout, qu'est-ce que ce sera de jouir de ta vision béatifique sans le mélange de la souffrance, toi qui, dans les quelques minutes où tu m'es apparu, as donné tant de paix à mon âme; toi pour qui on peut endurer des torrents de souffrances, le martyre ou des épreuves humiliantes; toi qui es habité par un mélange de peine et de plaisir dans une parfaite tranquillité d'esprit!»
Qui pourrait dire toute la beauté que dégage son adorable Visage. Son aspect est comme de la neige teintée de la couleur de très belles roses. Il transpire une noblesse majestueuse et divine. Son apparence invite à la crainte et à la révérence, et aussi à la confiance. Son apparence est comme le blanc comparé au noir, comme la douceur comparée à l'amertume. La confiance que pourrait inspirer une créature est une ombre comparativement au brillant soleil qu'est la confiance inspirée par Jésus.
Oh! oui! la confiance que Jésus inspire à l'âme transparaît sur sa sainte Figure, si majestueuse, si aimable. Et l'Amour qu'il dégage attire l'âme d'une manière qui ne lui laisse aucun doute quant à l'accueil qu'il lui offre. Jésus ne méprise pas une créature qui, attirée par la brûlante flamme de son Amour, veut retourner dans ses Bras, peu importe sa laideur ou son état de péché.
Que dire maintenant des traits de sa figure? Son Nez très gracieux descend harmonieusement de ses blonds Sourcils. Sa Bouche, quoique petite, affiche un doux sourire. Ses Lèvres, de couleur écarlate, sont fines, douces et aimantes. Quand elles s'ouvrent pour parler, elles donnent l'impression que quelque chose de précieux, de céleste, va être prononcé. Sa Voix exprime la douceur et les harmoniques du Paradis, aptes à enchanter les coeurs les plus récalcitrants.
La Voix de mon Bien-Aimé pénètre avec tant de douceur qu'elle touche chaque fibre du coeur de quiconque l'entend, et en moins de temps qu'il ne faut pour le dire, elle ravit l'âme par ses accents chauds et stimulants. Elle est si plaisante que tous les plaisirs du monde sont néant, comparés à un seul mot sortant de sa Bouche. Tous les plaisirs du monde ne sont que simulacres, comparés à sa douce Voix. Elle est efficace et produit de grandes merveilles. Quand Jésus parle, il produit l'effet qu'il veut dans l'âme.
Oh! oui! la Bouche de Jésus est radieuse; elle est d'une beauté souveraine quand il parle. Alors peuvent être vues ses dents propres et bien proportionnées. Aux coeurs qui l'écoutent avec affection, Jésus envoie du Ciel un souffle d'Amour palpitant, qui darde, enflamme et consume. Plus belles encore sont ses Mains douces, blanches et délicates. Ses Doigts, clairs et transparents, bougent avec dextérité et sont un véritable enchantement à voir quand ils touchent quelque chose.
«Oh! comme tu es beau, totalement beau, mon doux et gracieux Jésus! Pardonne-moi de si pauvrement parler de ta beauté. Ce que j'ai dit n'est rien comparé à la réalité. D'une manière gaffeuse, j'ai essayé de décrire ta beauté, que même tes anges sont indignes et incapables de décrire adéquatement. C'est par la sainte obéissance que, de mon mieux, je l'ai fait. Si ma description n'a pas ton approbation, pardonne-moi. Blâme en premier lieu l'obéissance, parce que mes faibles essais ne font pas justice à ta beauté, j'en suis bien consciente.»
L'âme de Luisa se détache de son corps une première fois.
Souffrances que Jésus lui transmet dans cet état.
Si ce n'eut été d'un ordre explicite donné en vertu de l'obéissance, je n'aurais sûrement jamais consenti à mettre sur papier, dans l'humiliation, les étranges épisodes de ma vie qui, de jour en jour devenaient moins exceptionnels. Sans doute, pour quelques personnes, ils sembleront bizarres.
Puisque que je n'ai pas le choix, je dirai que mon bien-aimé Jésus, après s'être montré à moi de la manière que j'ai précédemment si gauchement décrite, souffla de sa bouche une fragrance céleste qui m'envahit dans mon corps et mon âme. À la suite de ce souffle, en moins de temps qu'il ne faut pour le dire, il me prit avec lui. Il fit sortir mon âme de toutes les parties de mon corps, et il me donna un corps d'une forme très simple, resplendissant de pure lumière. Je pris rapidement mon envol avec lui, et nous avons parcouru l'immensité des cieux.
Puisque c'était la première fois que j'expérimentais ce merveilleux phénomène, j'ai pensé: «Vraiment le Seigneur est venu pour me prendre et certainement je vais mourir.» Quand je me suis trouvée hors de mon corps, les sensations que mon âme ressentaient étaient les mêmes que je ressentais quand j'étais dans mon corps, avec la différence que, quand l'âme est unie au corps, elle perçoit chaque sensation à travers les sens et les transmet aux puissances du corps. Dans l'autre situation, l'âme reçoit toutes les sensations directement. Elle comprend instantanément tout ce qu'elle traverse, et elle pénètre même les choses les plus cachées et imperceptibles -- de près ou de loin -- mais uniquement dans la Volonté de Dieu.
La première chose que mon âme ressentit quand elle quitta mon corps, fut de trembler de peur en suivant l'envol de mon bien-aimé Jésus, qui me tirait continuellement derrière lui à l'aide d'une brise céleste. Il me disait: «Puisque tu as expérimenté de grandes souffrances quand tu étais privée de ma Présence visuelle pendant une heure ou à peu près, maintenant vole avec moi. Je veux te consoler et te griser de mon Amour.» Oh! comme il était bon pour mon âme d'être en suspension dans la voûte des cieux en compagnie de Jésus! Il me semblait que j'étais appuyée sur lui et qu'il me tenait pour que je ne sois pas trop loin derrière lui. Quoiqu'il me précédait, j'étais attachée à lui d'une manière ferme afin de pouvoir le suivre -- lui penché vers moi et moi vers lui --, pendant qu'il me soutenait et me tirait par son doux souffle. En somme, j'ai intérieurement une bonne représentation de ce qui est arrivé, mais je n'ai pas les mots avec lesquels le décrire.
Après avoir fait ces rondes dans l'immensité des cieux, mon bien-aimé Jésus, qui trouve ses délices dans la compagnie des hommes, m'amena à un endroit où étaient concentrées les iniquités et les infamies des hommes. Oh! comme il était devenu changé, l'aspect de mon bien-aimé Jésus. Quelle amertume submergeait son Coeur sensible! Avec une clarté que je n'avais jamais expérimentée auparavant, je l'ai vu souffrir de terribles tortures. Son Coeur adorable m'apparut comme celui d'un homme mourant, expirant dans une terreur extrême.
Le voyant dans ce pénible état, je lui ai dit: «Mon adorable Jésus, comme tu as changé! Tu es comme un mourant. Appuie-toi sur moi et permets-moi de participer à ta souffrance. Mon coeur défaille de te voir tant souffrir.» Là-dessus, retrouvant un peu son souffle, Jésus me dit: «Oui, ma bien-aimée, libre à toi de m'aimer. Je ne peux pas tenir plus longtemps.» Me disant cela, il me pressa plus intimement sur lui, et plaçant ses Lèvres sur ma bouche, il versa en moi une amertume foudroyante: je me suis sentie comme transpercée par plusieurs couteaux, fers de lances, flèches, dards et dagues qui, une à une, pénétraient dans mon âme.
Pendant que j'étais plongée dans cette souffrance extrême, mon bien-aimé Jésus ramena mon âme dans mon corps et disparut. Qui pourrait décrire le terrible supplice qui s'empara alors de mon corps! Seul Jésus pourrait faire cette description, lui qui, chaque fois qu'il me communiquait des souffrances, les adoucissait par la suite. Les gens sur la terre, non seulement ne peuvent ressentir de telles souffrances, mais ne peuvent même pas imaginer leur profondeur.
En analysant l'histoire de mon âme -- cette âme pauvre et misérable qui a bien des fois imité son bien-aimé Jésus --, on pourrait croire que la mort se moquait de moi. Quoique je n'étais alors pas digne de mourir, je savais que la mort viendrait bientôt. Elle viendra en son temps, et elle ne se moquera plus de moi. Ce sera plutôt moi qui la ridiculiserai en lui disant: «J'ai badiné bien des fois avec toi; je t'ai effleurée au moins cent mille fois; j'ai plus qu'égalisé le compte avec toi!»
Je dis cela car, à bien des occasions, j'aurais quitté ce monde si ce n'eut été de Jésus, qui, après avoir communiqué directement d'atroces souffrances à mon âme, me réanimait en m'attirant près de son Coeur qui est vie pour moi, ou en me prenant dans ses Bras qui sont force pour moi, ou en versant de sa Bouche en moi un très doux élixir. Et puisque les souffrances communiquées directement à mon âme sont plus terribles que celles communiquées à mon corps, je serais sûrement morte bien des fois si ce n'eut été de ce merveilleux Jésus.
Jésus communique à Luisa ses souffrances
inouïes pour les péchés des hommes.
Quand Jésus voyait que j'arrivais à mes limites, c'est-à-dire que je ne pouvais plus porter «naturellement» mes souffrances, il m'aidait pour ne pas que je succombe. Parfois il le faisait directement (6), parfois il inspirait à mon confesseur de me réanimer plus rapidement. Dans ce cas, mes souffrances, vécues à travers l'obéissance, étaient quelque peu soulagées, mais pas autant que quand Jésus opérait directement.
Lorsque Jésus voulait me communiquer des souffrances extrêmes, il faisait sortir mon âme de mon corps, la prenait avec lui, et me laissait voir les nombreux péchés commis par les blasphèmes contre la Charité, ou autres péchés. À mon point de vue, d'après les effets ressentis en moi, je peux affirmer sans crainte de me tromper que le péché de malhonnêteté est celui qui offense le plus le Coeur de Jésus, qui le rend le plus amer.
Une fois, par exemple, alors que Jésus versait une petite part de son amertume en moi, j'ai ressenti que j'avalais quelque chose de nauséabond, de purulent et d'amère, qui pénétrait dans mon ventre et me donnait une haleine répugnante. J'aurais perdu connaissance si je n'avais pas rapidement pris quelque nourriture pour me faire vomir cette matière purulente.
On pourrait croire que cela m'arrivait seulement quand Jésus me faisait voir les méchancetés commises par ceux que l'on considère comme de grands pécheurs. Mais mon aimable Jésus m'attirait d'une manière particulière dans des églises où on l'offensait. On y blessait son Coeur par des choses saintes en soi, mais contrefaites: par exemple des prières vides faites par des personnes feignant la piété, ou encore la pratique de dévotions hypocrites. Les personnes concernées semblaient procurer à mon Jésus plus d'affronts que d'honneur.
Oui, ces actes mal accomplis donnaient des nausées à ce Coeur si saint, si pur et si droit. Plusieurs fois il m'exprima sa souffrance en me disant: «Mon enfant, vois les offenses et les insultes que me font, même dans des endroits saints, certaines personnes que l'on dit dévotes; ces personnes sont stériles, même quand elles reçoivent les sacrements; elles sortent de l'église ternies plutôt que purifiées; elles ne sont pas bénies par moi.»
Il me montrait aussi des personnes faisant des communions sacrilèges. Par exemple, un prêtre célébrant le Saint Sacrifice de la messe par habitude, dans un intérêt matériel et en état de péché mortel (je tremble en mentionnant cela). Parfois, Jésus me montrait des scènes si blessantes pour son Coeur qu'elles le faisaient presque tomber en agonie. Par exemple, quand ce prêtre consomma la Victime, Jésus fut forcé de quitter rapidement son coeur tout sali par les misères spirituelles.
Et au moment où, par les paroles puissantes de la consécration, Jésus allait être appelé à descendre du Ciel pour s'incarner dans l'hostie, il était dégoûté par l'hostie non encore consacrée, parce qu'elle était tenue par des mains impures et sacrilèges. Cependant, sans broncher, par l'autorité qui lui était donnée par Dieu, ce prêtre faisait descendre Jésus dans l'hostie. Pour ne pas manquer à sa promesse, Jésus s'incarnait dans cette hostie qui, au préalable, suintait la pourriture de l'impureté, et qui, par la suite, dégouttait du Sang provoqué par un déicide. Comme il faisait pitié l'état sacramentel dans lequel Jésus m'apparut alors. Il semblait vouloir fuir ces mains indignes; mais, de par sa promesse, il était forcé de rester jusqu'à ce que la forme du pain et du vin soit consommée par un estomac qui, dans le cas présent, était pour lui plus nauséabond encore que les mains indignes qui l'avaient touché plusieurs fois auparavant.
Quand la sainte hostie fut ainsi consommée, Jésus vint à moi en se lamentant: «Oh! mon enfant, laisse-moi verser une partie de mon amertume en toi. Je ne peux pas la retenir plus longtemps. Aie pitié de ma condition qui est devenue trop douloureuse! Prends patience, et souffrons un peu ensemble.» Je lui répondis: «Seigneur, je suis prête à souffrir avec toi. Oui, si la capacité m'était donnée de prendre toute ton amertume, je le ferais volontiers, de telle manière que je ne te vois pas souffrir.» Jésus alors versa de sa Bouche dans la mienne la part d'amertume que je pouvais porter, et me dit: «Mon enfant, ce que j'ai versé en toi n'est rien, mais c'est tout ce que tu peux recevoir. Comme je désirerais que beaucoup d'autres âmes soient disposées à faire le même sacrifice que toi par amour pour moi! Ce n'est pas que je ne peux verser en eux toute l'amertume que contient mon Coeur; c'est pour que je puisse goûter l'amour réciproque et bienveillant de mes enfants.»
Les mots ne peuvent pas exprimer l'amertume que Jésus versa en moi -- empoisonnée, nauséabonde et soulevant le coeur par sa putréfaction. Même si je faisais tout pour la garder, mon estomac refusait de l'accepter. Une forte impulsion la faisait remonter à ma gorge; mais à cause de mon amour pour Jésus, et avec le soutien de sa grâce, je ne l'ai pas rejetée.
Qui pourrait décrire les souffrances qu'entraînaient en moi ces épanchements avec Jésus! Ils furent si nombreux que si je n'avais pas été soutenue, fortifiée et revigorée par lui, j'aurais sûrement été victime de la mort bien des fois. Jésus versait en moi seulement une petite portion de l'amertume qu'il portait. Une créature ne peut normalement pas porter autant d'amertume ou de douceur comme mon très aimable Jésus en versait parfois en moi. Lui seul porte et tolère l'amertume causée par le péché. J'ai toujours eu cette opinion: le péché est laid et destructif! Si toutes les créatures ressentaient et reconnaissaient l'effet empoisonné et amer du péché, elles éviteraient le péché comme s'il était un monstre horrible émergeant de l'enfer!
Jésus permet à Luisa de participer à son ineffable
douceur en lui montrant des scènes consolantes
des saints mystères de la foi.
Si l'obéissance me fit décrire certaines scènes pénibles que mon toujours aimable Jésus me faisait vivre pour que je puisse participer à ses souffrances, je ne peux pas passer sous silence qu'il me fit aussi voir des scènes consolantes qui séduisaient mon coeur. De temps à autre, il me permettait de voir de bons et saints prêtres qui, avec ferveur et humilité, célébraient les mystères de la foi. Quand je voyais ces scènes, j'étais très souvent inspirée de dire à mon bien-aimé Jésus avec mon coeur tout rempli d'affection: «Comme il est élevé, grand, excellent et sublime le ministère du prêtre auquel est donnée cette noble dignité de non seulement s'affairer autour de toi, mais de t'immoler à ton Père Éternel comme Victime de Réconciliation, d'Amour et de Paix.»
J'étais consolée quand je regardais seule, ou aux côtés de Jésus, un saint prêtre célébrer la messe. Avec Jésus en lui, le célébrant me paraissait comme un homme transformé. Il m'apparaissait même comme si ce fut Jésus lui-même qui célébrait le Sacrifice divin à sa place. Il était extrêmement exaltant d'entendre Jésus réciter les prières de la messe avec autant d'onction, de le voir bouger et exécuter la sainte cérémonie avec autant de dignité. Ceci éveillait en moi une grande admiration pour un ministère aussi haut et aussi saint. Je ne sais pas combien de grâces j'ai reçues quand je voyais la messe célébrée avec autant d'attention et de dévotion.
Combien d'autres divines illuminations j'ai eues et que je préférerais passer sous silence. Mais puisque l'obéissance me le commande et que, lorsque j'écris, Jésus me réprimande souvent pour ma paresse ou parce que je veux omettre des choses, je vais m'exécuter. En mettant toute ma confiance en lui, je veux lui dire: «Quelle patience on doit avoir avec toi mon bon Jésus. Je vais te satisfaire, mon doux Amour. Mais parce que je me sens indigne et inhabile pour parler de mystères aussi profonds, sublimes et exaltants, je le ferai en comptant beaucoup sur l'aide de ta divine grâce.»
De la sainte messe
et de la résurrection des corps.
Pendant que j'assistais attentivement au Sacrifice Divin, Jésus me fit comprendre que la messe recouvre tous les mystères de notre religion. Elle parle silencieusement au coeur de l'Amour infini de Dieu. Elle nous parle aussi de notre Rédemption en nous faisant nous souvenir des souffrances que Jésus supporta pour nous. La messe nous fait comprendre que, non satisfait d'être mort une fois sur la Croix pour nous, Jésus veut, dans son immense Amour, se diffuser en nous et perpétuer son État de Victime à travers la Sainte Eucharistie.
Jésus me fit aussi comprendre que la messe et la Sainte Eucharistie sont un rappel perpétuel de sa Mort et de sa Résurrection, qu'ils nous donnent le remède parfait pour notre vie mortelle et qu'ils nous disent que nos corps, qui seront désintégrés et réduits en cendre par la mort, ressusciteront pour la vie éternelle au dernier jour. Pour les bons, ce sera pour la gloire, et pour les méchants, ce seront les tourments. Ceux qui n'ont pas vécu avec le Christ ne ressusciteront pas en lui. Mais les bons qui ont été intimes avec lui pendant leur vie, auront une résurrection similaire à la sienne.
Il me fit bien comprendre que la chose la plus consolante du Saint Sacrifice de la messe est Jésus vu dans sa Résurrection. Cela est supérieur à n'importe quel autre mystère de notre sainte religion. Au même titre que sa Passion et sa Mort, sa Résurrection est renouvelé mystiquement sur nos autels quand la messe est célébrée. Sous le voile du pain sacramentel, Jésus se donne lui-même aux communiants pour être leur compagnon au long du pèlerinage de leur vie mortelle. Par le moyen de la grâce provenant du Sein de la Sainte Trinité, il donne la vie qui dure toujours à ceux qui participent, corps et âme, au sacrement de l'Eucharistie.
Ces mystères sont si profonds que nous ne pourrons les comprendre entièrement que dans notre vie immortelle. Cependant, dès maintenant, dans le sacrement, Jésus nous donne de plusieurs manières -- presque tangiblement -- un avant-goût de ce qu'il nous donnera dans le Ciel.
La messe nous dispose à la méditation sur la Vie, la Passion, la Mort et la Résurrection de Jésus. L'Humanité du Christ, à travers les vicissitudes de sa Vie terrestre, s'est réalisée en trente-trois années, mais, dans la messe, mystiquement et dans une brève période de temps, elle est renouvelée dans l'état d'anéantissement des espèces sacramentelles. Ces espèces contiennent Jésus dans l'état de Victime de Paix et d'Amour propitiatoire, jusqu'au moment où elles sont consommées par un humain. Après cette consommation, la présence sacramentelle de Jésus n'existe plus dans le coeur: Jésus retourne dans le Sein de son Père, exactement comme il le fit quand il ressuscita des morts.
Dans le sacrement de l'Eucharistie, Jésus nous rappelle que notre corps ressuscitera dans la gloire. Tout comme Jésus retourne dans le Sein du Père quand cesse sa présence sacramentelle, ainsi passerons-nous à notre résidence éternelle dans le Sein du Père quand nous cesserons d'exister à travers notre vie terrestre présente. Notre corps, à l'instar de la présence sacramentelle de Jésus après la consommation de l'hostie, semblera ne plus exister. Mais, au jour de la Résurrection universelle, par un très grand miracle de la Toute-Puissance divine, il reprendra vie et, uni à notre âme, il jouira de la béatitude éternelle de Dieu. D'autres, au contraire, s'en iront loin de Dieu pour souffrir d'atroces et éternels tourments.
Le Sacrifice de la messe produit des effets merveilleux, limpides et lumineux. Pourquoi donc les chrétiens en profitent-ils si peu? Pour l'âme qui aime Dieu, peut-il y avoir quelque chose de plus consolant et de plus bénéfique? Le sacrement nourrit l'âme pour qu'elle soit digne du Ciel, et il donne au corps le privilège d'être béatifié dans l'éternelle Volonté de Dieu.
En ce grand jour de la résurrection des corps, un grand événement surnaturel se déroulera, comparable à ce qui se passe au moment où, après que nous ayons contemplé le ciel étoilé et que le soleil apparaît, celui-ci absorbe la lumière des étoiles; mais, même si elles disparaissent du regard de l'observateur, les étoiles gardent leur lumière et restent à leur place. Semblables à des étoiles, les âmes, réunies pour le jugement universel dans la Vallée de Josaphat, seront capables de voir les autres âmes. La lumière acquise et communiquée par le Très Saint Sacrifice et le sacrement d'Amour sera visible dans chaque âme. Mais quand Jésus, le Soleil de Justice, se présentera, il absorbera en lui toutes les âmes saintes. Il leur permettra de toujours exister, pour nager dans les immenses mers des attributs divins.
Et qu'adviendra-t-il des âmes privées de cette Lumière divine? Si je voulais répondre à cette question, je pourrais écrire bien longtemps. Si le Seigneur le veut, je réserverai cette question pour une autre occasion. Jésus me fit comprendre que les corps qui seront réunis à leur âme resplendissante de lumière, seront éternellement unis à Dieu. Mais les âmes qui n'auront pas de lumière parce qu'elles ne voulaient pas participer au Saint Sacrifice et au sacrement d'Amour, seront jetées dans les profondeurs des ténèbres. Et, à cause de leur ingratitude volontairement commise contre le Grand Donateur, elles deviendront des esclaves de Lucifer, le prince des ténèbres. Elles seront éternellement tourmentées par de terrifiants remords.
Dernières préparations de Luisa
pour le mariage mystique.
À la suite des nombreuses grâces que Jésus m'accordait sans cesse, j'étais imbue du saint désir d'être toujours unie à lui, y compris quand mon âme sortait de mon corps et que Jésus me donnait de grandes douleurs à souffrir pour ceux qui manquent d'appréciation pour le Saint Sacrifice de la messe et le sacrement d'Amour. Quant à Jésus, il me rappelait souvent sa douce promesse que j'ai déjà mentionnée à propos du mariage mystique qu'il voulait conclure avec moi. Et je le priais souvent en ce sens en disant: «Ô très doux Époux, hâte-toi et ne retarde pas mon union intime avec toi. Ne vois-tu pas que je ne peux plus attendre? Que nous nous unissions par des liens indissolubles d'amour afin que personne ne puisse nous séparer, ne fût-ce que pour un instant!»
Mais Jésus, qui entretenait en moi le brûlant désir de ce mariage mystique, me dit: «Tout ce qui est de la terre doit être rejeté. Tout! Tout! Et pas seulement de ton coeur, mais aussi de ton corps. Tu ne sais pas comment peut être nuisible la moindre ombre de la terre. C'est un fort empêchement à mon Amour. À ces paroles, je devins audacieuse et je lui dis vivement: «Mon Seigneur, il semble que j'ai encore quelque chose à enlever de moi-même, avant que je te sois complètement agréable? Pourquoi ne pas me dire ce que c'est? Tu sais que je suis prête à faire tout ce que tu veux.» Comme je disais cela, je reçus un rayon de lumière de Jésus par lequel je devins consciente qu'il voulait parler de l'anneau d'or avec son image de crucifié dessus que je portais à mon doigt.
Vivement je lui dis: «Ô Saint Époux, je suis disposée à l'enlever de mon doigt, si tu le désires.» Il dit: «Sache que je te donnerai un anneau plus précieux et plus beau, sur lequel mon Image sera gravée. Il sera vivant, de telle sorte que chaque fois que tu le regarderas, de nouvelles flèches d'amour pénétreront dans ton coeur. Ton anneau n'est plus nécessaire maintenant.» Sur ce, plus satisfaite que jamais, et parce que je ne ressentais aucune passion pour l'anneau, rapidement je l'enlevai de mon doigt en disant: «Saint Époux, maintenant que je t'ai plu, dis-moi s'il y a encore quelque chose en moi qui pourrait être un empêchement à notre éternelle et indissoluble union.»
Après avoir attendu un très long moment rempli de préparations soignées et de consolations élevées, sans souffrance, le jour tant désiré de mon union mystique avec Jésus, l'Époux bien-aimé de mon âme, se présenta enfin. Comme je m'en souviens très bien, c'était à quelques jours de la vigile de la fête de la Pureté de la Sainte Vierge. (7)
La nuit précédente, mon aimable Jésus était tout particulièrement affectueux et dans la jubilation. Il parlait avec plus d'intimité qu'à l'accoutumée. Il prit mon coeur dans ses Mains et il le regarda encore et encore. Après l'avoir très bien examiné, il l'épousseta et le replaça. Alors il apporta une robe d'une grande beauté, qui semblait être faite d'or fin tacheté de différentes couleurs. Je la mis. Il prit deux bijoux précieux, des pendants d'oreilles, et il les plaça à mes oreilles. Il orna mon cou et mes poignets d'un collier et de bracelets faits de bijoux précieux. Il plaça sur ma tête une magnifique couronne, couverte de resplendissants bijoux. Plus tard, il me sembla que les joyaux produisaient un son si beau qu'ils semblaient parler de la Beauté, de la Puissance, de la Bonté, de la Charité et de Majesté de Dieu, ainsi que de toutes les vertus de l'Humanité de Jésus, mon Époux. Il serait impossible de décrire ce que j'entendis pendant que mon âme nageait dans une mer de consolations. Comme il mettait un bandeau autour de mon front, il me dit: «Très douce épouse, cette couronne qui orne ta tête t'est donnée par moi afin que rien ne manque pour te rendre digne d'être mon épouse. Tu me la retourneras après notre mariage, et je te la redonnerai dans le Ciel, après ta mort.»
En dernier lieu, Jésus apporta un voile avec lequel il me couvrit de la tête aux pieds. Dans cette précieuse tenue, je devins profondément pensive, méditant sur la pauvreté de ma personne et sur la signification de chaque ornement dont il m'avait parée la nuit précédant notre mariage mystique. Je peux dire que jamais dans ma vie je ne m'étais sentie dans une si extravagante situation. Cela me fit ressentir le grand fardeau que Dieu peut donner à une créature considérée comme une amoureuse de lui. Oh! quelle sensation vraiment étrange habita mon esprit. Plutôt que de ressentir la sublimité de ce que Jésus venait d'opérer sur ma personne, je ressentais tout l'opposé. Je me suis sentie anéantie d'une manière qui me faisait croire que j'étais hors de mon être, et que j'étais morte. Mais, dans cet état d'anéantissement, j'eus recours à mon bien-aimé Jésus.
Dans ma grande confusion, je n'arrivais pas à croire que c'était Dieu qui avait paré la plus petite de ses servantes avec autant et de si précieux joyaux. Il me semblait inconvenant que non seulement il m'ait fourni une telle tenue, mais qu'encore et plus que tout, un Dieu ait agi comme serviteur de l'épouse qu'il a choisie, un Dieu à qui toute créature obéit au moindre de ses signes. Ainsi je le suppliai d'avoir pitié de moi et de me pardonner.
Pour ce qui est de la signification des diverses parties de ma tenue, chacune considérée séparément, je les passe sous silence, puisque je me souviens très peu de cela maintenant, après tant d'années. Je dis seulement que le voile que Jésus posa sur ma tête et qui descendait jusqu'à mes pieds terrifia les démons qui faisaient le guet pour voir ce que Jésus faisait sur ma personne. Mais aussitôt qu'ils me virent vêtue de cette manière, ils étaient si effrayés et terrifiés qu'ils n'osèrent pas s'approcher de moi ou me molester. Ils avaient perdu toute leur audace et leur témérité.
Le mariage mystique.
Je répète ici mon refrain habituel en disant que je trouve difficile de mettre sur papier ce qui se passa entre Jésus et moi. J'arrive à vaincre ma timidité seulement parce que je veux être obéissante. Je résumerai ma narration en disant qu'en la vigile de la fête de la Pureté de la Très Sainte Vierge Marie, moi, pauvre personne, j'étais attirée par mon aimable Jésus, qui terrifiait totalement les démons. Ils fuirent, et les anges de Dieu vinrent avec d'inhabituelles vénérations pour moi, ce qui me fit rougir comme si j'avais commis quelque chose de mal ou de méprisable. Ils vinrent près de moi et me tinrent compagnie jusqu'à ce que mon aimable Jésus fût revenu.
Le matin suivant, Jésus, dans toute sa Majesté et avec un Charme et une Douceur inhabituels, vint à moi, en compagnie de la Très Sainte Vierge Marie et de sainte Catherine (8). Jésus demanda aux anges de chanter une hymne céleste et belle. Pendant qu'ils chantaient, sainte Catherine m'encourageait tendrement. Elle prit ma main pour que Jésus puisse placer un précieux anneau de mariage à mon doigt. Et, dans une ineffable bonté, Jésus m'étreignit et me baisa plusieurs fois. Ceci fut aussi fait par ma Mère, la Très Sainte Vierge Marie. Je fus témoin d'un céleste entretien dans lequel Jésus parlait de l'attirance amoureuse qu'il avait pour moi. De mon côté, plongée dans une grande confusion à cause de la nullité de mon amour pour lui, je lui dis: «Jésus, je t'aime! je t'aime! Tu sais combien je t'aime!»
La Sainte Vierge m'entretint sur la grâce extraordinaire que Jésus, mon aimable Époux, m'accordait et elle m'exhorta à lui rendre un tendre amour réciproque.
Jésus donne à Luisa cinq règles de vie.
Jésus, mon Époux, me donna de nouvelles règles de vie pour que je puisse vivre plus intimement unie à lui et le suivre de plus près. Pour moi, ces règles ne sont pas faciles à expliquer techniquement. Dans leur essentiel et dans leur pratique quotidienne, par la grâce de Dieu, je ne les ai jamais transgressées. Les voici:
1. Je dois avoir un total détachement pour tout le créé, m'incluant moi-même. Je dois vivre dans un parfait oubli de toute chose, pour que mon intérieur ne soit fixé que sur Jésus. Et je dois faire cela avec un vivant et palpitant amour pour lui, afin que, réjoui de mes actions, il puisse trouver dans mon coeur une résidence permanente. Il m'a dit qu'à l'exception de lui, je ne dois jamais m'attacher à personne -- pas même à moi-même. Mes souvenirs sur tout et sur toute chose ne doivent être éveillés qu'en lui, puisque toutes les créatures ne se trouvent qu'en lui. Pour y parvenir, il est nécessaire de toujours agir dans une sainte indifférence et de faire abstraction de tout ce qui se passe autour de soi. Je dois toujours agir dans la rectitude et la simplicité quoiqu'il m'arrive provenant des créatures.
Quand, occasionnellement, je ne mettais pas ces choses en pratique, mon doux Jésus me réprimandait sévèrement en me disant: «Si tu n'en viens pas à un détachement à la fois effectif et affectif, tu ne seras pas complètement investie de ma Lumière. Si, au contraire, tu te dépouilles de toute chose de la terre, tu deviendras comme un cristal transparent qui permet à la plénitude de la lumière de passer à travers lui. De cette manière, ma Divinité, qui est Lumière, te pénétrera.»
1. Je dois être détachée de moi-même et vivre uniquement et complètement en Jésus. Je dois être prudente en me revêtant d'un véritable esprit de foi, par lequel je pourrai obtenir les moyens de me connaître et de me méfier de moi-même, de reconnaître que, par moi-même, je suis bonne à rien, d'acquérir les moyens de mieux connaître Jésus, et d'avoir une plus grande confiance en lui.
Il me dit aussi: «Tu sortiras hors de toi-même et tu plongeras dans l'immense mer de ma Providence, après que tu auras appris à te connaître et à me connaître. Ma petite épouse, parce que je suis jaloux, je ne te permettrai pas de prendre le plus petit plaisir ailleurs. Tu dois toujours te tenir près de ton Époux, devant lui, pour qu'il ne puisse pas douter de toi. Ainsi tu me donneras une domination absolue sur toi, de telle manière que si je veux te caresser ou t'étreindre, ou te remplir de charismes, de baisers ou d'amour -- ou même te battre, te faire de la peine, t'infliger des punitions -- je le pourrai. Par amour pour moi, et dans une pleine liberté, tu te soumettras à tout ce que je crois nécessaire, puisque nous avons en commun nos peines et nos joies. Pour aucune autre raison que de nous plaire et de nous satisfaire mutuellement, nous aurons même une compétition pour savoir qui peut endurer le plus de souffrance.»
1. Il continua en disant: «Non pas ta volonté mais la mienne doit vivre en toi pour dominer comme un roi dans son palais royal. Mon épouse, cela doit absolument prévaloir entre toi et moi. Autrement, nous aurons à supporter la brouille d'un amour imparfait, duquel des ombres s'élèveront sur toi et amèneront le désagrément d'une opération non ajustée à la noblesse qui doit prévaloir entre moi et toi, mon épouse. Cette noblesse t'habitera si, de temps en temps, tu essayes d'entrer dans ton néant, c'est-à-dire si tu atteins la parfaite connaissance de toi-même. Tu ne dois pas t'arrêter là, parce qu'après que tu auras reconnu ton néant, je veux que tu disparaisses totalement en moi. Tu dois faire tout ce que tu peux pour entrer dans la Puissance Infinie de ma Volonté. Par là, tu attireras sur toi toutes les grâces dont tu auras besoin pour t'élever en moi, afin de tout faire avec moi, sans référence à toi-même.»
2. Et il continua: «À l'avenir, je veux qu'il n'y ait plus de «tu» et de «je». Il n'y aura pas de «je ferai» et de «tu feras». Ces paroles disparaîtront et seront remplacées par «nous ferons». Tout sera «notre». Comme toute épouse fidèle le ferait, tu feras action commune avec moi et tu guideras les destinées du monde. Toutes les personnes rachetées par mon Sang sont devenues mes enfants et mes frères. Et, puisqu'elles sont miennes, elles seront aussi tes enfants et tes frères. Et parce que tant parmi elles sont devenues sauvages et se sont éloignées, tu les aimeras comme une vraie mère. Beaucoup sont aussi dévergondées: toi comme moi, nous assumerons leurs souffrances bien méritées et, au prix de très durs sacrifices, tu essayeras de les conduire à la sécurité. Chargées des mérites de tes souffrances et arrosées de ton sang et du mien, tu les conduiras à mon Coeur. Quand mon Père les verra, il sera non seulement miséricordieux et indulgent mais, si elles sont contrites comme le bon larron, elles prendront rapidement l'éternelle possession du Paradis.»
3. «Finalement, dans la mesure où tu te détacheras de tout ce qui n'est pas totalement mien, tu deviendras toujours plus plongée dans ma Volonté absolue. Alors, grâce à la connaissance de mon Essence qui, jour après jour, deviendra plus vive en toi, tu acquerras la plénitude de mon Amour. En y mettant tout ton amour et ton intelligence comme jamais auparavant, tu trouveras en moi toutes les créatures, comme dans un miroir qui réfléchit la lumière et les images. D'un seul regard tu les verras toutes et tu connaîtras l'état de leur conscience. Ensuite, comme une mère aimante et dans un vrai esprit de miséricorde, qui est mon Esprit et celui de ma Mère, tu feras le sacrifice suprême en t'immolant toi-même pour ces créatures. Ce sacrifice sera comme un manteau qui te couvrira comme ma véritable et fidèle imitatrice et épouse.»
Les impressions de Luisa après avoir contemplé la
gloire des anges et des saints dans le Ciel.
Comment puis-je décrire les subtilités de l'Amour de mon aimable Jésus qui, avec générosité, et même avec excès, contracta son mariage spirituel avec moi et me donna mes nouvelles règles de vie. À plusieurs reprises, il emporta mon âme avec lui dans le Paradis, pour que je puisse y entende les esprits bienheureux chanter sans cesse des hymnes de gloire et de remerciements à la Divine Majesté. Je contemplais les différents choeurs des anges et des saints. Tous étaient immergés dans la Volonté de Dieu, absorbés par son Immensité.
Comme je regardais autour du Trône de Dieu, je vis plusieurs lumières resplendissantes, infiniment plus resplendissantes que le soleil. Ceci me permit de voir et de comprendre les vertus intrinsèques et les attributs de Dieu qui, dans leur essence, sont communes aux trois Personnes Divines. J'étais capable de comprendre que des âmes bénies, ensemble ou en succession, jouissent de cette lumière et en restent ravies. Et malgré les siècles sans fin de l'éternité, elles ne comprennent jamais complètement Dieu. Ceci parce que les esprits créés ne peuvent pas comprendre la Majesté, l'Immensité et la Sainteté de Dieu, un Être incréé et incompréhensible.
De ce que j'ai vu et appris, j'ai aussi compris que les esprits angéliques et les bienheureux participent aux vertus de la Trinité quand ils baignent dans cette Lumière. Tout comme quand nous sommes exposés à la pleine lumière du soleil, nous en sommes réchauffés, ainsi les anges et les saints en présence du Soleil Éternel de Dieu au Paradis, sont investis de l'éternelle Lumière et ainsi ils ressemblent à Dieu. La différence est que Dieu est essentiellement infini par nature, alors que les esprits bienheureux et angéliques sont limités et participent aux attributs de Dieu seulement selon leur capacité propre et limitée. Dieu, le Soleil Éternel et Infini, donne tout de lui-même sans jamais rien perdre, alors que les créatures, qui sont essentiellement participantes, ressemblent au Soleil Éternel seulement selon la très petite grandeur et magnitude de leur propre soleil.
J'ai nettement l'impression que tout ce que je viens de dire est inexact et inadéquat, car ce que j'ai appris dans ce voyage béni ne pourra certainement pas être bien compris à partir de mes mots. J'ai l'impression globale de ce que j'ai perçu, mais je ne peux pas clairement le raconter. L'âme sort de son corps pour un bref temps, elle est transportée dans ce Royaume béni, puis elle revient dans la prison de son corps. Il est impossible de raconter tout ce que qui est vu et appris. L'expérience d'une âme à qui Dieu donne un exemple de ce qu'il veut qu'elle comprenne, peut être comparée à celle d'un bébé qui peut à peine balbutier et qui est exposé à une grande performance théâtrale; il voudra dire beaucoup de choses de ses impressions, mais parce qu'il ne sait pas comment le dire, il a honte et reste muet.
Si ce n'était de l'obéissance, j'aimerais mieux rester muette comme une enfant. Je ne peux que dire absurdité après absurdité. Je continuerai cependant en disant que je me suis retrouvée marchant avec Jésus, mon Époux, dans cette Patrie bénie parmi les choeurs des anges, des saints et des bienheureux. Parce que j'étais une nouvelle mariée, en cercle, ils nous faisaient la cour et participaient en même temps que nous aux joies de notre mariage récent. Il semblait qu'ils avaient oublié leurs propres désirs et qu'ils étaient intéressés seulement aux nôtres. S'adressant aux saints, Jésus dit: «À cause de sa fidélité à ma grâce, cette âme est devenue un triomphe et un prodige de mon Amour.» Puis il me présenta aux anges et leur dit: «Voyez comment mon Amour pour elle a tout surpassé.» Il me plaça ensuite dans le siège de gloire pour lequel il m'a rendu digne, et il me dit: «Ici est ta place de gloire, et personne ne pourra te la prendre.» Je croyais qu'il voulait dire que je ne retournerais pas sur la terre. Mais, hélas, du moment que je fus convaincue de cela, je me suis retrouvée entre les murs de mon corps.
L'amertume insupportable de Luisa d'avoir encore à vivre dans la prison de son corps, exilée de sa patrie céleste.
Comment décrire le fardeau que je ressentis en ayant à rester à nouveau dans mon corps. Comparées au Ciel, toutes les choses de la terre me paraissaient comme des rebuts. Ces choses réjouissent les sens de quelques créatures, mais à moi elles paraissaient misérables. Les personnes qui me sont chères et pour lesquelles j'ai beaucoup de considération, avec qui j'ai passé beaucoup de temps dans des conversations gentilles et polies, maintenant me semblaient ennuyeuses et sans intérêt. Cependant, quand je les regardais comme des reflets de Dieu, mon âme expérimentait une ombre de satisfaction et de contentement, et j'étais capable de les tolérer. À cause de tout cela, mon coeur n'était pas à l'aise, mais je ne fis rien que de me plaindre à Jésus.
Mon désir continuel d'être au Ciel, ma souffrance intérieure, mon ennui par rapport aux choses de ce monde, tout rongeait mon âme, et il m'apparaissait qu'il m'était maintenant impossible de continuer à vivre sur la terre. Cependant mon obéissance à Dieu dans toutes les circonstances commandait que je ne désire pas la mort, mais que je continue à vivre sur la terre aussi longtemps que Dieu le désirerait. Ainsi donc je m'ajustai, quand je fus en contrôle de moi-même. Par obéissance, je voulais rester calme, mais je n'y parvenais pas entièrement. De temps en temps, je perdais toute maîtrise et, je le confesse, j'échouais. Mais que pouvais-je faire? Il était à toute fin pratique impossible pour moi de me contrôler. J'expérimentais un réel martyre, à travers lequel je combattais constamment, me servant de tous les moyens possibles pour maîtriser mon anxiété. Mais un contrôle parfait m'était impossible.
Mon bien-aimé Jésus me dit: «Mon épouse, sois calme. Qu'est-ce qui te fait tant désirer le Ciel?» Je répondis: «Je veux toujours rester avec toi; je perds mon esprit quand je suis loin de toi, ne fût-ce que pour un seul instant. Je veux te rejoindre à tout prix.» Alors Jésus me dit: «Très bien, si c'est pour cette raison. Je te plairai en restant toujours avec toi.» Je répondis en disant: «Je serais satisfaite si tu faisais cela, mais tu disparais, ce qui est la même chose que de me laisser seule. Au Ciel, il n'en est pas ainsi, parce que là, tu ne peux pas disparaître. Mon expérience me le prouve.»
L'héroïsme de Luisa d'accepter de revenir dans son
corps après avoir visité le Ciel plusieurs fois.
Jésus sait blaguer avec ses créatures. Pour ceux qui ne le sauraient pas, je dirai comment il a blagué avec moi plusieurs fois. Par exemple, pendant le temps où j'expérimentais ces anxiétés bénies, Jésus vint à moi à la hâte et dit: «Veux-tu venir avec moi maintenant?» Je répondis: «Pour aller où?» Il dit: «Au Ciel.» Et moi: «Le penses-tu réellement?» Lui: «Oui, oui, hâte-toi et ne tarde pas!» Je repris: «Très bien, allons-y, même si j'ai un peu peur que tu veuilles te moquer de moi.» Jésus ajouta: «Non, non, je te le dis vraiment, allons. Je veux te prendre avec moi.»
En disant cela, il attira à lui mon âme de telle manière que je me suis sentie sortir de mon corps et, dans un instant, je me trouvai avec lui dans un envol vers le Ciel. Oh! le bonheur de mon âme! Je croyais que j'allais quitter la terre de façon permanente et que ma souffrance pour l'amour de Jésus était seulement un rêve. Comme nous arrivions dans les hauteurs des cieux et que je commençais à entendre les chants harmonieux des bienheureux, je priai Jésus de rapidement me conduire vers ce concert céleste. Mais, graduellement, il ralentissait son vol pour que tout se passe plus lentement. Voyant cela, je commençai à soupçonner que je n'allais pas vraiment rentrer dans la céleste Patrie avec lui, et je me suis dit en moi-même: «Jésus blague avec moi.» Aussi, de temps en temps, pour me rassurer, je lui disais: «Cher Jésus, dépêche-toi. Pourquoi ralentis-tu?» Il me dit:
«Regarde là-bas, ce pécheur tout près d'être perdu. Descendons sur la terre encore une fois. Essayons de rendre son âme contrite; peut-être qu'il se convertira. Invoquons ensemble la Miséricorde de mon Père Céleste. Ne veux-tu pas que ce pécheur soit sauvé? Attends encore un peu. N'es-tu pas prête à souffrir quelques peines pour le salut d'une âme qui me coûta tant de Sang?»
À ces mots, je m'oubliai moi-même, j'oubliai le voyage, je renonçai au Ciel et aux chants des célestes choristes et je dis à Jésus: «Oui, oui, tout ce que tu désires. Je suis prête à souffrir pour que tu puisses sauver cette âme.» Et en un clin d'oeil il m'amena à ce pécheur. Pour le convaincre de se rendre à la grâce, Jésus l'informa de toutes les raisons de se préoccuper de son salut. Mais notre espoir fut vain. Alors Jésus me dit tristement:
«Mon épouse, veux-tu prendre sur toi la punition qu'il mérite? Si tu veux retourner dans ton corps pour y souffrir, la Justice divine pourra être apaisée, et je pourrai faire miséricorde à cette âme. Comme tu peux le voir, ni nos paroles, ni nos raisons ne l'ont ébranlé. Pour nous, il n'y a rien à faire que de souffrir la punition qui lui est due. La souffrance est la voie la plus puissante pour satisfaire la Justice divine et faire accepter la grâce de la conversion par le pécheur.»
Je consentis à la requête de Jésus, et il me ramena promptement à mon corps. Je ne peux pas décrire les souffrances que j'expérimentai quand je repris contact avec mon corps. Ce dernier sembla s'objecter au retour de mon esprit et me fit me sentir toute dilatée. Au même moment, mon âme se sentit oppressée et sans vie, comme si je suffoquais et que j'en étais à ma dernière respiration. Je n'arrivais pas à porter cela. Jésus était le seul témoin de tant de souffrance. Lui seulement pourrait décrire les souffrances atroces et extrêmes que mon âme et mon corps endurèrent. Mais, après quelques jours de souffrance, Jésus me laissa percevoir la conversion de ce pécheur, avec son âme déjà sauvée. Jésus alors me dit: «Es-tu aussi heureuse que je le suis?» «Oui, oui!» lui répondis-je.
Je ne peux pas dire combien de fois Jésus répéta ces blagues. Une fois, il me fit entrer dans le Paradis seulement pour me dire peu après: «Tu as oublié de demander à ton confesseur qu'il te donne la permission de venir avec moi; tu dois donc retourner à ton corps pour recevoir cette permission.» Je lui dis: «Quand mon âme était dans mon corps et que j'étais sous la direction de mon confesseur, je devais lui obéir; mais puisque tu es le premier parmi les confesseurs et que je suis avec toi, toi mon Époux, je relève maintenant uniquement de toi.» Jésus me répondit calmement: «Non, non, mon épouse, je veux que tu obéisses à ton confesseur pour tout.»
Il me fit ainsi retourner à mon corps bien des fois. Ses blagues créaient parfois en moi des ressentiments, et même de l'amertume et de l'impertinence. Alors Jésus les répétait moins souvent. Néanmoins, j'étais continuellement au lit, expiant pour les pécheurs, avec des périodes d'anxiété causées par mon désir d'aller au Paradis avec mon Époux Jésus. Ce désir alternait avec celui de le garder toujours avec moi sur la terre, pour m'éviter d'avoir à aller au Ciel juste pour revenir ensuite à mon corps. J'étais constamment martyrisée.
Jésus prépare Luisa pour le renouvellement de son
mariage mystique dans le Ciel avec la sanction de la
Sainte Trinité. Il lui parle des vertus théologales.
Un matin, après une période de trois ans, (9) Jésus me fit comprendre qu'il voulait ratifier le mariage qu'il avait effectué avec moi sur la terre, mais cette fois dans le Ciel avec la sanction du Père et du Saint-Esprit et à la vue de toute la Cour céleste. Il m'avisa de me préparer pour cette grâce singulière. Pour lui obéir je fis ce que je pouvais par moi-même. En vérité, cependant, puisque j'étais si misérable et inapte à faire correctement les choses, je le priai, lui qui est le plus grand des artisans, pour qu'il préside lui-même à ce travail de sainte purification. Autrement, je n'aurais jamais réussi à faire ce qu'il me demandait.
Cette très grande grâce me fut accordée à la vigile de la Nativité de la Sainte Vierge Marie (10), et voici comment. Ce matin-là, mon toujours aimable Jésus vint en hâte, afin de me préparer pour ce qu'il voulait de moi. Il me parla de la foi. Et pendant qu'il parlait, il me laissa à moi-même. Je ne sais pas pourquoi: il allait et venait continuellement. Mais pendant qu'il me parlait, je me suis sentie pénétrée d'une telle foi vive que mon âme, si compliquée jusque là, devint si simple qu'elle pouvait atteindre Dieu. Ainsi, maintenant, j'admirais la Puissance de Dieu, sa Sainteté et sa Bonté, et tous ses autres attributs. Profondément touchée et dans une mer de stupeur, je dis: «Dieu Tout-Puissant, qu'est-ce que ton Omnipotence ne pourrait résoudre? Ô Sainteté sublime de Dieu, quelle autre sainteté, si haute soit-elle, pourrait oser paraître devant toi?»
Considérant ma misère et mon néant, je me suis vue comme un minuscule microbe recouvert d'une fine poussière, pouvant être rapidement anéanti par un ver. Je ne voulais plus paraître devant la vertigineuse Majesté de Dieu. Mais, comme un aimant, sa Bonté infinie m'attira à lui, et mon âme s'écria: «Oh! quelle Sainteté, quel Pouvoir et quelle Miséricorde habitent Dieu, lui qui nous attire avec une si grande Bonté!»
Il me sembla que sa Sainteté l'enveloppait, que sa Puissance le soutenait, que sa Miséricorde l'émouvait et que sa Bonté l'animait du dedans et l'immergeait totalement. Je considérai chacun de ses attributs individuellement et je sentis que tous avaient la même valeur pour l'esprit humain -- tous également incompréhensibles et incommensurables.
Pendant que j'étais plongée dans ces hautes réflexions, mon Jésus continua à me parler de la foi en me disant que, pour obtenir la foi, il est nécessaire de croire, puisque sans croyance, il ne peut y avoir de foi. Comme il y a chez l'homme la tête qui dirige tous ses actes, ainsi, à la tête de toutes les vertus, il y a la foi qui contrôle tout le reste. Mais comme la tête privée du sens de la vue ne peut faire échapper l'homme aux ténèbres et à la confusion, ainsi l'âme sans la foi ne peut rien et s'expose à toutes sortes de dangers. Si la tête privée de la vue veut diriger l'homme, elle pourrait bien le conduire où il ne voudrait pas aller s'il avait la vue. Comme la vue sert à guider l'homme dans chacun de ses actes, la foi est une lumière qui illumine l'âme, sans quoi on ne peut voyager sur le chemin qui mène à la vie éternelle.
Pour avoir la foi, trois choses sont nécessaires: avoir sa semence en soi, que cette semence soit de bonne qualité, et qu'elle se développe. Nous savons que c'est le Seigneur qui jette la semence en nous. Et puisque nous ne pouvons pas penser à quelque chose si nous n'avons pas d'abord quelque connaissance sur elle, nous devons être reconnaissants envers ceux qui nous informent sur les choses de la foi. La qualité de cette information n'est pas sans importance, et celui qui enseigne doit être habité par ce qu'il enseigne. Si l'enseignement est falsifié, il falsifiera le récipiendaire. Quand nous sommes assurés de la qualité de nos connaissances, notre foi a besoin d'être nourrie pour qu'elle puisse grandir et se développer. Avec nos efforts, elle se développe jusqu'à maturité. Et elle produit la vertu d'espérance, la sainte espérance, soeur de la foi. L'espérance dépasse la foi et en est l'objet.
Les trois vertus théologales (suite): l'espérance.
En examinant tout à partir du commencement, je peux dire que quand Jésus me parla de l'espérance, il me fit comprendre que cette vertu fournit à l'âme une couche protectrice qui la rend imperméable aux flèches de l'Ennemi. Par la vertu d'espérance, l'âme accepte tout ce qui lui arrive avec paix, parce qu'elle sait que tout est décrété par Dieu, qui est son plus grand Bien. Comme c'est merveilleux de voir l'âme habitée par la belle vertu d'espérance, ne se faisant pas confiance à elle-même, mais uniquement à son Bien-Aimé, ne s'appuyant que sur lui. Pendant qu'elle affronte ses pires ennemis, l'âme reste reine de ses passions avec simplicité et prudence. Tout est en ordre dans son intérieur. Même Jésus est charmé. La voyant opérer avec une ferme espérance, toujours plus courageuse, forte et invaincue, triomphant de tous les obstacles et de tous les dangers, Jésus lui accorde de nouvelles grâces.
Pendant que Jésus m'enseignait ainsi, il communiqua à mon intelligence beaucoup de lumière. Et pendant que j'étais complètement immergée par cette lumière et que je réfléchissais pour trouver de quelle manière la belle vertu d'espérance nous aide, cette lumière se retira de moi. Je ne peux pas dire combien de choses j'ai comprises. Je dirai simplement que toutes les vertus servent à embellir l'âme. Cependant, par elle-même, l'âme n'a pas en elle les semences. Après être nées et avoir grandi en elle, les vertus lient l'âme fermement à Dieu. L'espérance dit à l'âme: «Rapproche-toi de ton Dieu et tu seras illuminée par lui; approche-le et tu seras purifiée par lui, etc.»
Quand l'âme est investie de la sainte espérance, chaque vertu y devient ferme et stable. Comme une montagne, elle ne peut pas être affectée par les intempéries, la chaleur du soleil, les vents violents, les lacs qui débordent et les rivières qui inondent par les grandes masses de neige fondante. L'âme habitée par l'espérance ne peut pas être dérangée par les tribulations, les tentations, la pauvreté ou les infirmités. Aucun incident de la vie ne l'effraie ni ne la décourage, même pour un instant. En elle-même elle se dit: «Je peux tout tolérer. Je peux tout souffrir et tout faire, car j'espère en Jésus.» La sainte espérance rend l'âme presque toute-puissante et immobile, presque invincible et immuable car, à travers cette vertu, notre toujours aimable Jésus accorde la persévérance à l'âme jusqu'à ce qu'elle prenne possession du Règne éternel de Dieu au Paradis.
Les trois vertus théologales (suite): la charité.
Comme j'immergeais mon esprit dans l'immense mer de la divine espérance, mon bien-aimé Jésus me réapparut et me parla de la charité, la plus grande des trois vertus théologales. Quoique les trois soient distinctes, la charité doit fraterniser avec les deux autres comme si les trois n'en formaient qu'une. La contemplation d'un feu donne une bonne idée des trois vertus théologales s'unissant pour n'en former qu'une. La première chose que l'on observe quand on allume un feu, c'est la lumière qui baigne les alentours. Cette lumière peut symboliser la foi infusée dans l'âme au baptême. Ensuite on ressent la chaleur distribuée tout autour (l'espérance). Petit à petit, la lumière commence à faiblir, presque à s'éteindre, mais la chaleur du feu acquiert plus de vigueur jusqu'à ce que le feu soit entièrement consumé. (11)
Ainsi en est-il des trois vertus théologales. La foi s'active dans l'âme à la première information reçue sur l'Être Suprême. Ensuite, grâce à la montée continuelle de l'âme vers Dieu, son plus grand Bien, la foi grandit et se développe. L'âme acquiert de Dieu la lumière intellectuelle, qui émane des divers attributs de Dieu. Illuminée par sa foi, l'âme essaie de choisir le meilleur chemin pour parvenir à son plus grand Bien, qui est Dieu. Pleine d'espérance, elle passe d'une montagne à l'autre, traverse vallées et plaines, passe à travers lacs et rivières, navigue à la voile à travers les mers les plus grandes et les plus profondes pendant des mois et des années; tout cela dans le seul but d'acquérir la possession de son Dieu. Le désir dirigé vers la possession de Dieu est appelé la charité; et ses deux soeurs sont la foi et l'espérance.
Jésus me dit: «Mon épouse bien-aimée, observe pourquoi, en traitant des trois vertus théologales de foi, d'espérance, et de charité, je n'ai pas parlé de la Trinité des Personnes divines que tu acquerras sûrement et en permanence: elles resteront avec toi perpétuellement et sans faillir.»
Après quelques minutes, mon adorable Jésus m'apparut une autre fois et me dit: «Mon épouse, si la foi est lumière pour l'âme et lui sert de vision, l'espérance est la nourriture de la foi, donnant à l'âme l'énergie et l'ardent désir d'acquérir le bien qui est vu par les yeux de la foi. L'espérance donne aussi à l'âme le courage d'affronter des tâches difficiles dans la tranquillité d'esprit et dans une paix parfaite. Elle l'aide à persévérer dans la recherche de toutes les voies possibles et de tous les moyens d'arriver à un bon résultat.»
La charité, quant à elle, est la substance de laquelle la lumière de la foi et la nourriture de l'espérance émergent. Quelqu'un ne peut avoir ni la foi ni l'espérance s'il n'a pas la charité, de la même manière que personne ne peut avoir la chaleur et la lumière sans le feu. Comme un baume rafraîchissant, la charité se dilate et pénètre partout, amenant à maturité les visions de la foi et les désirs de l'espérance. Dans sa douceur, elle rend la souffrance douce et parfumée, et elle va aussi loin que de rendre l'âme désireuse de souffrir.
L'âme qui possède une vraie charité, opérant dans l'Amour de Dieu, reçoit de Dieu une fragrance céleste. Si les autres vertus rendent l'âme presque solitaire et peu sociable, la charité, étant une substance qui répand la lumière, la chaleur et une très douce fragrance, répand chez les autres un baume ayant plus que des effets aromatiques: elle unit et fusionne les coeurs.
C'est ce qui permet à l'âme de souffrir les plus intenses tourments avec joie. L'âme, transformée par l'amour, n'est plus capable de vivre sans souffrir. Quand elle est privée de souffrance, elle s'exclame: «Ô mon Époux, Jésus, tu me soutiens avec des fleurs. Accorde-moi l'amertume de la pomme qu'est la souffrance. Mon âme languit pour toi et ne peut être satisfaite si ce n'est dans ta douce souffrance. Ô Jésus, donne-moi tes plus dures souffrances. Mon coeur ne peut plus te voir tant souffrir à cause de l'Amour ardent et passionné que tu as pour chacun de nous!»
Ensuite Jésus me dit: «Ma Charité est un feu qui brûle et consume. Et quand elle prend racine dans une âme, elle fait tout. Elle n'attache aucune importance aux vertus elle-mêmes. La charité convertit et garde les vertus intimement unies à elle, ce qui en fait la reine de toutes les vertus: elle règne sur chacune et les domine toutes. Elle ne peut jamais transférer sa suprématie aux autres.»
Préparation finale pour le mariage mystique: l'anéantissement de soi et le désir de toujours souffrir davantage.
Je ne peux pas décrire ce qui était derrière les douces et attirantes Paroles de Jésus. Je peux seulement dire qu'elles attisèrent en moi un désir de souffrir qui semblait presque naturel -- une faim pour toutes les sortes de souffrances. À partir de ce moment, j'ai considéré comme une grande infortune que d'en être privée.
Par la suite, je fis mes méditations coutumières sur ce que Jésus m'avait dit. Et encore une fois, il se présenta à moi et me dit: «Mon épouse, il est nécessaire que tu aies les prédispositions d'esprit qui t'amènent à être plus portée à l' anéantissement de toi-même . Ceci doit précéder ta grande inclination à souffrir de plus en plus. Sache que l'anéantissement de toi-même te mérite non seulement la grâce de souffrir, mais dispose ton âme à bien souffrir. Il servira de manteau à ta souffrance et remplacera pour toi les souffrances les plus aiguës. Le désir de souffrir apporte ta vraie et réelle souffrance.»
Renouvellement au Ciel du mariage mystique
de Luisa en présence de la Très Sainte Trinité.
Ce doux discours de Jésus imprégna dans mon âme les vérités qu'il m'enseignait. Et j'étais plus que jamais excitée du désir ardent de devenir totalement sienne, en accord avec sa Volonté. Il revint et, en moins de temps qu'il ne faut pour le dire, il m'attira hors de moi-même. Mon âme suivit la charmante attirance de son Amour et, à ses côtés, elle surmonta toutes les difficultés en traversant les cieux. Et, sans même avoir remarqué qu'elle avait quitté la terre, mon âme se trouva en Paradis, en présence de la Très Sainte Trinité et de toute la Cour céleste, pour le renouvellement du mariage mystique entre Jésus et mon âme, lequel avait déjà été célébré sur la terre au jour de la Pureté de la Vierge Marie, en présence de Marie elle-même qui, avec sainte Catherine, assistaient à cette première célébration.
Onze mois plus tard, en la fête de la Nativité de la Très Sainte Vierge (12), Jésus voulait pour ce mariage la sanction des trois Personnes Divines. Il présenta un anneau de trois pierres précieuses -- une blanche, une rouge et une verte -- et il le donna au Père qui bénit cet anneau et le redonna à son Fils. Le Saint-Esprit tint ma main droite, et Jésus plaça l'anneau à mon annulaire. À ce moment, l'une après l'autre, les trois Personnes Divines me donnèrent le baiser ainsi qu'une bénédiction particulière.
Comment décrire la confusion que je ressentis quand je me suis trouvée en présence de la Très Sainte Trinité pour cette cérémonie. Je peux seulement dire que de me trouver devant la Trinité et tomber face contre terre fut pour moi un seul et même geste. Je serais restée prosternée de cette manière indéfiniment si Jésus, l'Époux de mon âme, ne m'avait pas encouragée à me relever et à rester debout en leur présence. Mon coeur ressentit une grande jubilation, et en même temps une crainte respectueuse devant une telle majesté, au milieu de cette Lumière éternelle émanant de l'Essence et de la Sainteté de Dieu, le Père, le Fils, et le Saint-Esprit.
Le langage humain, parlé ou écrit, est incapable de faire comprendre toutes les impressions divines qui touchèrent mon âme à ce moment. En conséquence, il est pour moi préférable de garder sous silence certaines autres choses, pour ne pas gaffer davantage.
Les trois Personnes Divines établissent leur
résidence permanente dans l'âme de Luisa
et lui font cadeau de la Divine Volonté.
Je vais maintenant vous parler de ce qui arriva quand mon âme revint dans mon corps; je vous parlerai aussi de celui qui me tint captive dans le charme de ce qui venait de m'arriver. Je sentis en moi les souffrances d'une personne en train de mourir. Quelques jours plus tard, Jésus me ranima complètement. Je me souviens qu'en recevant la Sainte Communion, j'ai perdu la sensation de mon corps et que, par mon âme, j'ai perçu être en présence de la Sainte Trinité -- telle que je l'avais vue au Paradis.
Mon âme se prosterna immédiatement en adoration et m'amena à confesser mon néant. Je me suis sentie m'écrouler complètement; je pouvais à peine dire un mot. La voix d'une des trois Personnes me dit: «Prends courage et ne sois pas effrayée. Nous sommes prêts à t'accepter comme nôtre et à prendre une possession totale de ton âme.» Pendant que j'entendais cette voix, j'ai vu la Sainte Trinité entrer en moi et prendre possession de mon coeur en disant: «Dans ton coeur nous ferons notre demeure permanente.»
Je ne peux pas décrire le changement qui s'établit en moi. Je me suis sentie comme si j'avais été évincée de moi-même, c'est-à-dire comme si je ne vivais plus en moi-même. Très assurément, les Personnes Divines vivaient en moi et moi en elles. Il semblait que mon corps était devenu leur demeure -- la demeure du Dieu Vivant. Je ressentais la présence royale des trois Personnes Divines qui, sensiblement, agissaient à l'intérieur de moi. Je pouvais entendre leurs Voix clairement, mais comme résonnant au-delà de moi. Tout se passait comme s'il y avait des personnes dans une pièce voisine et que, soit à cause de la proximité, soit à cause de l'intensité des voix, je pouvais entendre clairement tout ce qu'elles se disaient entre elles.
Ensuite mon bien-aimé Jésus me dit que je devrai le chercher pour chacun de mes besoins, pas à l'extérieur de moi, mais à l'intérieur de moi. Parfois, quand il était à l'extérieur de moi je l'appelais. Alors il me répondait promptement et nous nous parlions comme deux personnes se parlent l'une à l'autre.
Cependant, je dois confesser qu'il se dissimulait parfois si bien que je ne pouvais même pas le ressentir. Alors j'aurais parcouru le ciel, la terre et les mers pour le retrouver. Une fois, par exemple, alors que je le cherchais intensément dans les larmes et l'anxiété, Jésus me fit entendre sa Voix en mon intérieur et me dit: «Je suis ici avec toi. Ne regarde pas ailleurs pour me trouver. Je me repose en toi et je veille sur toi.» Alors, entre la surprise et la joie de l'avoir trouvé en moi, je lui ai dit: «Jésus, mon Bien, pourquoi m'as-tu laissée parcourir les cieux, la terre et les mers à te chercher ce matin, alors que, pendant tout ce temps, tu étais à l'intérieur de moi? Pourquoi n'as-tu pas dit au moins «je suis ici», pour m'éviter de m'épuiser à te chercher où tu n'étais pas? Vois, mon doux Bien, ma chère Vie, comme je suis fatiguée. Je me sens faible. Tiens-moi dans tes Bras. Je me sens comme si j'allais mourir.» Alors, Jésus me prit dans ses Bras pour que je puisse me reposer et recouvrer mon énergie perdue.
À une autre occasion, alors que Jésus était caché en moi et que je le cherchais, il me laissa le voir à l'intérieur de moi et ensuite il sortit de mon coeur. Dès l'instant d'après, je vis les trois Personnes Divines sous la forme de trois très charmants bébés avec un seul corps et trois têtes distinctes, dans une singulière et très attirante beauté. Je ne peux pas décrire mon bonheur, spécialement parce que ces trois bébés me permettaient de les tenir dans mes bras. J'embrassais chacun d'eux, et ils me retournaient mes baisers. L'un s'appuyait sur mon épaule droite, un autre sur mon épaule gauche, et le troisième restait entre les deux.
Combien je me réjouissais de cette grande merveille qui m'était offerte par mon Dieu, à moi infime créature! Si j'en regardais un, j'en voyais trois. Quand j'en tenais un dans mes bras, soudain j'en tenais trois. Que j'en aie tenu un ou trois, la pesanteur semblait être la même. Je ressentais beaucoup d'amour pour les trois. J'étais attirée autant vers l'un que vers les trois ensemble.
Je vois que j'ai beaucoup parlé, mais j'aurais vraiment préféré passer toutes ces choses sous silence. Cependant, puisque je dois obéir à celui qui dirige mon âme, je vais continuer.
Un deuxième mariage pour Luisa:
son mariage avec la Croix.
Je poursuivrai en disant que Jésus me parlait souvent de sa Passion. Il essayait de prédisposer mon âme à l'imitation de sa Vie. Une fois il me dit: «Mon épouse, en plus du mariage déjà fait, un autre reste à faire: le mariage avec la Croix. Sache que les vertus deviennent douces et aimables quand elles sont évaluées et fortifiées à l'ombre de la Croix. Avant que je vienne sur la terre, la souffrance, la pauvreté, la maladie et tous les genres de croix étaient vus comme des infamies. Mais, ayant été vécue par moi, la souffrance fut sanctifiée et divinisée. Son apparence changea: elle devint douce et gratifiante.
«Une âme qui reçoit cette bonne chose de moi est plus qu'honorée, parce qu'elle reçoit mon endossement et devient enfant de Dieu. Celui qui ne regarde la croix qu'en superficie expérimente l'opposé. Il trouve la croix amère et il commence à se plaindre, vu qu'il la perçoit comme un mal. Mais quand il la reçoit comme un bien, elle crée en lui la joie.»
Et il ajouta: «Mon épouse, je ne désire rien de plus que de te crucifier comme avant, en ton âme et en ton corps.» Après que Jésus m'eut dit cela, j'ai senti en moi une telle infusion du désir d'être crucifiée avec lui que je lui ai dit: «Mon Jésus, mon Amour, vite crucifie-moi avec toi!»
Et je me suis dit: «Quand il reviendra, la première chose que je lui demanderai, celle que je considère comme la plus importante, sera la souffrance pour mes péchés et la grâce d'être crucifiée avec lui. Et il me semble que je serai satisfaite, car par la crucifixion, je pourrai tout obtenir.»
Finalement, un matin, mon bien-aimé Jésus m'apparut sous la forme de Jésus Crucifié. Il me dit que vraiment il me voulait crucifiée avec lui et, pendant qu'il disait cela, j'ai vu des rayons de lumière émaner de ses Plaies sacrées, et des clous se diriger vers moi. À ce moment, mon désir d'être crucifiée par Jésus fut si grand que je me sentis consumée par l'amour de la souffrance.
Cependant, je fus subitement saisie d'une grande peur qui me fit trembler de la tête aux pieds. Je faisais l'expérience d'un grand anéantissement de moi-même et je me suis sentie indigne de recevoir une grâce aussi rare que celle-là. Et je n'osais plus dire: «Seigneur crucifie-moi avec toi.» Mais Jésus semblait attendre mon consentement avant de m'accorder cette si singulière grâce. Je fus tourmentée par cela pendant quelque temps. Mon âme ressentait un ardent désir de demander cette grâce et, en même temps, un sentiment d'indignité m'habitait. Ma nature était secouée et tremblait; effrayée, elle hésitait à demander à Jésus la crucifixion.
Pendant que j'étais dans cet état, mon bien-aimé Jésus m'incitait mentalement à accepter cette grâce. Connaissant sa Volonté, je repris courage et lui dis: «Mon Saint Époux et mon Amour Crucifié, je te supplie de m'accorder la grâce d'être crucifiée avec toi. Je te demande aussi qu'il n'y ait aucun signe visible sur moi de cette grâce. Oui, donne-moi rapidement chacune de tes souffrances, donne-moi tes plaies, mais ne dévoile pas tout ce qui m'arrive aux autres. Que ce soit entre toi et moi seulement.»
Cette grâce me fut accordée et, bientôt, des rayons de lumière et des clous partirent de Jésus Crucifié et vinrent me blesser, pénétrant mes mains et mes pieds. Et un autre rayon de lumière, plus resplendissant, accompagné d'une lance, vint transpercer mon coeur.
Je ne peux pas décrire le bonheur et la douleur simultanés -- douleur plus grande que toutes mes autres -- que je ressentis à cet heureux moment. Aussi grands qu'étaient plus tôt ma peur et mon tremblement, la paix et le contentement que j'expérimentais maintenant étaient encore plus grands.
Ma souffrance était si intense que je croyais que la douleur dans mes mains, mes pieds et mon coeur annonçaient ma mort. J'ai senti les os de mes mains et de mes pieds être brisés en tout petits morceaux; et j'ai senti la pénétration des clous dans chaque blessure. Je confesse que le doux contentement obtenu par ces Plaies ne peut être décrit par des paroles. Mon émerveillement augmentait en intensité en même temps que la puissance de la douleur qui, non seulement me faisait me sentir mourante, mais, en même temps, me revigorait et me faisait sentir que je n'étais pas mourante. Et rien n'apparaissait à l'extérieur de mon corps qui, cependant, subissait des spasmes et des douleurs aiguës.
Mon confesseur vint et m'interpella en vertu de l'obéissance. Il libéra mes bras paralysés par une pression nerveuse. Mentalement je ressentais des douleurs où les rayons et les clous avaient pénétré. Mon confesseur commanda en vertu de l'obéissance que tout cesse immédiatement. En vérité, la douleur intense qui m'avait rendue inconsciente, cessa immédiatement. Oh! quel miracle la sainte obéissance entraîna pour moi. Combien de fois je me suis ainsi trouvée en collusion avec ma soeur la mort.
Par l'obéissance, Jésus guérit tous les spasmes et douleurs de mort qui m'habitaient et, rapidement, restaura ma vie. J'admets honnêtement que si ces souffrances n'avaient pas été mitigées par mon confesseur, j'aurais eu de la difficulté à m'assujettir à elles. Puisse le Seigneur être toujours béni pour avoir accordé à ses ministres le pouvoir d'enlever à la mort ses proies. Et j'espère que tout cela a toujours été pour la plus grande Gloire de Dieu et le salut des âmes.
Je dois aussi signaler que pendant que je vivais ces souffrances mortelles, les choses mentionnés plus haut ne laissaient aucune trace sur mon corps. Quand je retombais dans ces souffrances, je voyais les Plaies de Jésus clairement imprimées sur mon corps. Il semblait que les Plaies de Jésus Crucifié, qui avaient été infligées sur mes mains, mes pieds et mon coeur, étaient les mêmes que celles de Jésus.
Ce que je viens de dire décrit mon mariage avec la Croix et les douleurs souffertes dans ma première crucifixion. J'ai vécu tant d'autres crucifixions dans les années subséquentes qu'il m'est impossible de les énumérer toutes. Mais, puisque je dois en parler, je raconterai les principales et les plus rapprochées, jusqu'à l'année 1899.
Jésus explique à Luisa le vrai sens des
souffrances endurées pour les péchés.
Chaque fois que Jésus revenait à moi après m'avoir fait souffrir la crucifixion, je lui répétais invariablement: «Mon bien-aimé Jésus, donne-moi de vraies douleurs pour mes péchés afin qu'ils soient consumés par le chagrin et la contrition de t'avoir offensé, et qu'ils soient effacés de mon âme et de ta mémoire. Permets à mes souffrances de surpasser chaque affection que j'ai nourrie pour le péché, afin que, lorsque mes péchés seront éliminés et détruits, je puisse plus intimement me presser contre toi.»
Une fois, après que j'eusse demandé une telle grâce à Jésus, il me dit aimablement: «Puisque tu es si peinée de m'avoir offensé, je veux te préparer moi-même pour l'expiation. Ainsi tu pourras comprendre la laideur du péché et l'intensité de la douleur causée à mon Coeur. Dis ces paroles avec moi: «Si je traverse l'océan, même si je ne te vois pas, tu es toujours dans l'océan; si je foule le sol, tu es sous mes pieds; j'ai péché!» Puis, en murmurant et presqu'en pleurant, il ajouta: «Je t'ai quand même aimée et préservée!»
Après que Jésus m'eut dit ces paroles, j'ai commencé à comprendre beaucoup de choses qu'il m'est impossible d'exprimer. Je peux dire que ce fut seulement alors que j'ai apprécié l'Immensité et la Grandeur de Dieu, ainsi que sa Présence dans toute chose. Grâce à ses attributs, pas même une ombre de mes pensées n'échappe à Dieu. Mon néant, comparé à sa grande Majesté, est moins qu'une ombre.
Dans les mots «j'ai péché», j'ai compris la laideur du péché, sa malice et sa témérité, ainsi que l'énorme affront qui est fait à Dieu par seulement un moment de satisfaction et de plaisir. En entendant les paroles «je t'ai quand même aimée et préservée», je fus saisie de fortes souffrances et je me suis sentie sur le point de mourir. Il me fit sentir l'immensité de l'Amour qu'il avait pour moi, même si, par une simple action mauvaise, je l'ai rabaissé au niveau d'un plaisir, par lequel je l'ai offensé et presque tué.
«Ô Seigneur, puisque j'ai été ingrate et mauvaise envers toi, et que tu as été si bon pour moi, aie pitié de moi en me faisant toujours ressentir la contrition de mes péchés dans la mesure de l'amour que tu as et que tu auras toujours pour moi.»
Les souffrances de Luisa sauvent un homme
de la mort et la damnation.
Au moment où mon très aimable Jésus me fit comprendre combien il y avait de malice dans le péché et dans ceux qui le commettent, j'ai compris que, par malice et ingratitude, l'homme ose considérer Dieu comme valant moins qu'un très vil plaisir. Même si j'étais soucieuse d'éviter la moindre transgression, j'avais toujours peur de l'ombre même d'un péché qui pourrait momentanément se présenter à mon esprit. Je ressentais tant de dégoût et d'embarras pour les péchés de mon passé que je croyais être la pire de toutes les pécheresse. Aussi, quand apparut mon Jésus, je n'ai fait que lui demander plus de souffrances pour mes péchés ainsi que l'actualisation de sa promesse de crucifixion.
Un matin, alors que je ressentais d'une manière plus aiguë que d'habitude le désir de toujours souffrir davantage, mon très aimable Jésus vint. Il m'attira hors de mon corps et transporta mon âme vers un homme qui, à l'aide d'un fusil, venait d'être attaqué, et était sur le point de mourir et de perdre son âme. Alors Jésus me fit pénétrer en lui en me faisant comprendre le chagrin de son Coeur pour la perte appréhendée de cette âme.
Si on savait à quel point Jésus souffre pour la perte d'une âme, je suis sûre qu'on ferait tout son possible pour en sauver une de la damnation éternelle. Alors que j'étais avec Jésus pendant cette rafale de balles, il me serra très fort sur lui et murmura à mon oreille: «Mon épouse, veux-tu t'offrir comme victime pour le salut de cette âme et prendre sur toi toutes les souffrances qu'il mérite pour ses graves péchés?»
Je répondis: «Très certainement, mon Jésus. Place sur moi tout ce qu'il mérite, pourvu qu'il soit sauvé et que tu le ramènes à la vie.» Ensuite Jésus me fit revenir à mon corps et je me suis sentie immergée dans des souffrances si grandes que je ne pouvais pas comprendre comment je pouvais survivre.
Après être restée dans cet état de souffrances pendant plus d'une heure, Jésus fit en sorte que mon confesseur vienne à moi et me réanime. Quand il me demanda ce qui m'avait causé cette grande souffrance, je lui ai raconté tout ce que j'avais vu et vécu pendant ce temps très court et j'ai pointé la partie de la ville où le meurtre s'était produit. Il me confirma par la suite que ce meurtre avait bel et bien eu lieu à l'endroit exact que je lui avais indiqué et m'a dit que tous croyaient l'homme mort. Je lui ai dit qu'il ne pouvait pas être mort, parce que Jésus m'avait promis qu'il épargnerait son âme et le garderait en vie. En vérité, j'ai intercédé fortement auprès de Dieu pour qu'il empêche que son esprit quitte son corps. Il fut confirmé plus tard qu'il avait survécu et que lentement il avait recouvré la santé. Il vit maintenant. Que Dieu soit béni!
La valeur précieuse de la Croix. Jésus renouvelle
plusieurs fois la crucifixion pour Luisa.
En ce qui a trait à mon très grand désir d'être crucifiée avec Jésus, par amour pour lui et pour l'expiation pour mon passé, Jésus vint à moi et, comme précédemment, il fit sortir mon âme de mon corps. Il me transporta à la place sainte où il souffrit sa douloureuse Passion et me dit:
«Mon épouse, si chacun savait l'incommensurable bien qu'est la Croix et comment elle rend l'âme précieuse, chacun désirerait ce bien et le considérerait comme indispensable, comme un joyau d'une valeur inestimable. Quand je suis descendu du Ciel sur la terre, je n'ai pas choisi les richesses du monde, mais considéré plus digne et plus méritoire de choisir les soeurs de la Croix: la pauvreté, l'ignominie et la souffrance la plus brutale. Et pendant que je les portais, je désirais ardemment que le temps de ma Passion et de ma Mort arrive au plus tôt, puisque par elles j'allais opérer le salut des âmes.»
Pendant qu'il me parlait, Jésus me fit ressentir la joie qu'il éprouvait en souffrant. Ses paroles allumèrent dans mon coeur un ardent désir de souffrir. Je ressentis un saint transport d'émotion et un désir d'être semblable à lui, le Crucifié. Avec le peu de voix et de force que j'avais en moi, je le suppliais en disant: «Saint Époux, donne-moi la souffrance et donne-moi ta Croix pour que je puisse mieux connaître combien tu m'aimes; autrement je serai toujours dans l'incertitude par rapport à ton Amour pour moi. J'ai renoncé à tout pour toi!»
Par la suite, dans la joie plus que jamais à cause de ma supplication, Jésus me permit de m'étendre sur une des croix qui se trouvaient là; et quand je fus prête, je l'ai supplié de me crucifier. Affectueusement il prit un clou et commença à l'enfoncer dans ma main et, de temps en temps, il me demandait: «Est-ce que ça fait trop mal? Veux-tu que je continue?»
«Oui, oui, continue Bien-Aimé, malgré ma douleur. Je suis tellement contente que tu me crucifies.» Quand il commença à clouer mon autre main, le bras de la croix s'avéra trop court, alors qu'avant il était de la bonne longueur. Alors Jésus enleva le clou déjà enfoncé et dit: «Mon épouse, nous devons trouver une autre croix. Repose-toi et rafraîchis-toi.» Je suis incapable de décrire la mortification que j'ai ressentie à ce moment. Ainsi donc, je n'étais pas digne de cette souffrance!
Ces blagues furent répétées plusieurs fois. Quand les bras de la croix furent appropriés, la longueur de la croix ne l'était pas. À une autre occasion, pour que Jésus n'ait pas à me crucifier, quelque chose manquait pour ma crucifixion. Jésus trouvait toujours quelque prétexte pour la reporter à une autre fois. Oh! quelle amertume mon âme expérimentait de ces conflits répétés avec mon Jésus. Plusieurs fois, j'étais justifiée de me plaindre à lui, parce qu'il me refusait la vraie souffrance. À plusieurs occasions, d'un ton amer, je lui ai dit: «Mon Bien-Aimé, il semble que tout finit à la blague. Par exemple, tu m'as dit plusieurs fois que tu m'amènerais dans le Paradis une fois pour toute. Mais, à chaque fois tu m'as fait revenir sur terre pour habiter mon corps à nouveau. Tu m'as dit que tu aimerais me crucifier pour que je puisse faire ce tu as fait; toutefois, tu n'as jamais permis que j'atteigne une complète crucifixion. Et Jésus disait: «Oui, je le ferai bientôt. N'en doute pas. Ce sera fait.»
Les récompenses de la croix. À la place de la croix
qu'elle avait reçue, Luisa en reçut une autre, plus grande.
Finalement, un matin, au jour de l'Exaltation de la Sainte Croix (13), Jésus apparut et rapidement me transporta encore une fois à la sainte place de Jérusalem. Et après m'avoir fait contempler plusieurs choses ayant trait au mystère et aux vertus de la croix, il me dit tendrement:
«Mon amour, veux-tu être belle? Médite sur la Croix et elle te donnera les plus beaux traits que l'on puisse trouver au Paradis et sur la terre. Alors tu te feras aimer de Dieu, lui qui possède en lui-même la Beauté infinie. En toi s'est développé le désir de posséder le Paradis avec toutes ses richesses. Veux-tu être remplie d'immenses richesses, pas pour un court temps, mais pour l'éternité? Sois toujours amoureuse de la Croix, et elle te fournira toutes les richesses, du plus petit sou, que représente la moindre des souffrances, aux plus incalculables sommes qui sont obtenues des croix les plus lourdes. Cependant, alors que l'homme est devenu avide de se procurer le plus petit profit d'une simple monnaie temporelle, qu'il devra rapidement abandonner, il n'a pas une seule pensée pour acquérir un sou des biens éternels. Et parce que j'ai compassion de l'irréflexion de l'homme en regard de son bien éternel, tendrement je lui offre de l'aider. Et lui, plutôt que d'en être reconnaissant, il se rend indigne de mes dons et il m'offense par son obstination. Vois-tu, mon enfant, combien il y a d'aveuglement dans cette pitoyable humanité?
«La Croix, cependant, amène tous les triomphes, les plus grandes acquisitions et les plus grandes victoires. C'est pourquoi tu ne dois avoir aucun autre but que la Croix. Cela sera suffisant pour pourvoir à tout. Et, aujourd'hui, je veux te faire plaisir en te crucifiant complètement sur la croix, laquelle, jusqu'à ce moment, ne t'allait pas parfaitement. Tu dois savoir que cette croix est celle qui t'a attirée à mon Amour et qui m'induit à te crucifier sur elle complètement. La croix que tu as eue jusqu'à maintenant, je l'apporterai au Paradis comme un signe de ton amour. Je la montrerai à la Cour céleste comme un témoignage de ton amour pour moi. À sa place, j'en ai une plus pesante et plus douloureuse que je t'amène pour répondre à ton désir de souffrance et permettre à mon Dessein éternel sur toi de se réaliser.»
Après avoir dit cela, Jésus m'apparut devant la croix que j'avais eue jusque là. Moi, dans un plein bonheur, je suis allée vers elle, je l'ai couchée par terre et je me suis étendue dessus. Et pendant que j'étais là, prête à la crucifixion, les cieux s'ouvrirent et saint Jean l'Évangéliste vint, apportant la croix dont Jésus m'avait parlé. Ensuite la Vierge Marie arriva entourée d'une phalange d'anges. Ils me tirèrent de ma croix et m'installèrent sur la plus grande apportée par saint Jean. Un frisson froid et mortel s'empara de moi; cependant je sentais encore une flamme d'amour dans mon coeur, qui me fit avoir hâte de souffrir sur cette croix.
Au signal de Jésus, un ange s'empara de la première croix et l'amena avec lui au Paradis. Pendant ce temps, Jésus, de ses propres mains et assisté par la Vierge Marie, commença à me crucifier. Debout, les anges et saint Jean présentaient les clous et les autres objets nécessaires à ma crucifixion.
Pour l'acte de ma crucifixion, mon très tendre Jésus montrait tant de joie et de bonheur que j'aurais souffert pas une, mais un millier de crucifixions, aussi bien que d'autres souffrances pour augmenter sa douce Satisfaction. À ce moment, il semblait que les Cieux étaient décorés pour une nouvelle fête de gloire pour moi: pour avoir fait plaisir à Jésus; pour avoir libéré, par des prières abondantes, des âmes du Purgatoire; pour avoir intercédé pour des pécheurs mal disposés et pour la conversion de plusieurs autres. Mon bien-aimé Jésus les fit tous participer au bien qui fut produit par mon ardente disposition envers les souffrances inhérentes à la crucifixion.
Quand tout fut terminé, je me sentis comme si je nageais dans une mer de contentement mêlée à une mer de souffrances inouïes. La Reine Mère se tourna vers Jésus et dit: «Mon Fils, aujourd'hui est un jour de gloire; à cause de tes propres souffrances et pour l'achèvement de tout ce qui a été fait avec Luisa, j'aimerais que tu transperces son coeur d'une lance et que tu lui mettes une couronne d'épines sur la tête.» Répondant au désir de sa Mère, Jésus prit une lance et transperça mon coeur de part en part. Au même moment, les anges présentèrent une couronne d'épines à la Très Sainte Vierge. Elle, avec mon consentement et avec la plus grande satisfaction, la plaça tendrement sur ma tête.
Quel jour mémorable ce fut pour moi! On peut dire que, vraiment, ce fut un jour de souffrances inouïes et de joies ineffables. Et, pour mon plaisir et pour supporter ma fragilité naturelle, Jésus resta à mon côté tout le jour. À cause de la sévérité de la souffrance, la crucifixion aurait échoué sans sa grâce.
À ma grande joie, Jésus permit à de nombreuses âmes du Purgatoire de rentrer au Paradis conséquemment à mes souffrances. Elles descendaient du Paradis accompagnées d'anges et elles entouraient mon lit et me rafraîchissaient avec leurs chants célestes. C'étaient des cantiques de joie et des hymnes de louanges à la magnificence de Dieu.
Nouvelle participation de Luisa à la Passion de Jésus.
Après cinq ou six jours de souffrances intenses, je remarquai à mon vif regret que, de jour en jour, ma souffrance diminuait. Elle se serait arrêtée complètement si je n'avais pas insisté auprès de mon Époux Jésus de s'en tenir à diminuer leur intensité, sans tout arrêter. Je ressentais en moi le désir très fort de ces douces souffrances. Et je le fis connaître à mon bon Jésus en le priant de renouveler la crucifixion que j'avais déjà vécue. Jésus, sans s'opposer, était satisfait de moi et, de temps en temps, il me faisait plaisir en transportant mon âme de nouveau aux Saints Lieux, à Jérusalem. Et là il me faisait plus ou moins prendre part aux souffrances qu'il expérimenta durant sa Passion.
Parfois, il me faisait souffrir la flagellation, parfois le couronnement d'épines, parfois le portement de la Croix, ou encore la crucifixion. Il plaisait à Jésus de me faire souffrir l'un ou l'autre de ces mystères. Parfois aussi, en un jour, il me faisait souffrir son entière Passion, en me donnant plus de douceur et en même temps plus de souffrance. Mon coeur tombait en agonie quand c'était Jésus lui-même qui souffrait la Passion et que moi je n'avais pas à la souffrir avec lui. J'étais agitée et anxieuse si je ne pouvais pas au moins entrer en partie dans sa souffrance.
Je me retrouvais souvent avec la Vierge Marie à regarder Jésus subir les souffrances les plus sévères à cause des offenses perpétrées par des hommes sauvages, plus sauvages que les soldats qui se saisirent de Jésus et qui le mirent à mort. C'est alors que je devins convaincue que pour celui qui aime, il est plus facile de souffrir lui-même que de voir souffrir la personne aimée.
La sagesse de la Croix.
Je me sentais stimulée par mon amour envers mon bien-aimé Jésus et je le suppliais de renouveler souvent, très souvent, mes crucifixions, afin qu'au moins partiellement je puisse alléger ses souffrances. Jésus me disait souvent:
«Ma bien-aimée, la Croix convenablement embrassée et désirée, distingue le prédestiné du réprouvé, lequel est opiniâtrement opposé à la souffrance. Sache qu'au jour du Jugement universel, celui qui fut fidèle et persévérant sentira la caresse de la Croix et sera extasié quand il la verra apparaître, alors que le réprouvé sera saisi d'une horrible peur. Mais, actuellement, ma bien-aimée, personne ne peut dire avec assurance si celui-ci ou celui-là sera sauvé ou éternellement perdu.
«Par exemple si, quand se présente la Croix, quelqu'un l'embrasse avec résignation et patience, la baise de temps en temps, remercie celui qui la lui envoie et me suit, c'est un signe évident et quasi certain qu'il sera parmi les sauvés. Si, d'un autre côté, quand la croix se présente, quelqu'un en devient irrité, la méprise et essaie d'y échapper à tout prix, alors on peut voir là un signe qu'ils se dirige vers l'enfer. Si, pendant sa vie, une personne m'injurie quand elle regarde la Croix, alors au jour du Jugement elle me maudira, puisque la vue de la Croix la conduira à une éternelle terreur.
«La Croix est la marque du vrai chrétien. Comme un livre ouvert, elle dit tout. Elle distingue clairement et sans déconvenue le saint du pécheur, le parfait de l'imparfait, le fervent du tiède. Elle donne la lumière au bien-pensant, elle distingue le bon du mauvais, et révèle jusqu'à un certain point qui devrait être dans le Paradis et qui devrait y occuper une place prééminente. Toutes les vertus deviennent modestes et respectueuses devant la Croix. Et sais-tu quand les vertus acquièrent le plus de luminosité et de splendeur? C'est quand elles sont bien greffées à la Croix.»
Comment pourrais-je décrire la profusion de flammes d'amour pour la Croix que Jésus infusa dans mon coeur par ces Paroles. Je fus saisie par un engouement si grand de souffrir que si Jésus n'avait pas contenté mon coeur en renouvelant souvent -- très souvent -- ma crucifixion, j'aurais certainement été tourmentée par des élans incontrôlables d'amour. Parfois, après avoir renouvelé ma crucifixion, Jésus disait:
«Bien-aimée de mon Coeur, puisque tu désires ardemment la fragrance que mes souffrances dégagent à partir de la Croix, je satisfais tes désirs en crucifiant ton âme et en te communiquant chacune de mes souffrances; mais si tu n'étais pas si peu disposée à démontrer à chacun combien tu m'aimes, je voudrais aussi sceller ton corps de mes Plaies sanglantes et visibles. Je veux dans ce but t'enseigner la prière suivante à dire pour obtenir cette grâce: «Ô Très Sainte Trinité, baignée dans le Sang de Jésus-Christ, je me prosterne devant ton Trône et, dans une profonde adoration, je te supplie par les sublimes vertus de Jésus, de m'accorder la grâce d'être toujours crucifiée.»
Malgré le fait que j'ai toujours eu une grande aversion -- que j'ai encore -- pour tout ce qui pourrait paraître à la vue des autres, je consentis à ce que Jésus m'infuse un plus grand désir d'être crucifiée selon sa Volonté. Et ne voulant pas m'opposer à ce qu'il crucifie mon corps et mon âme, j'ai rapidement renouvelé mon acceptation avec ardeur et détermination.
Par la suite, je lui ai dit: «Saint Époux, les signes extérieurs n'apparaissent jamais sur moi; et si, occasionnellement et sans penser, j'ai pu sembler accepter ces signes, je n'ai vraiment pas voulu consentir à cela. Tu sais comment j'ai toujours aimé que ma vie soit cachée. Puisque tu veux renouveler ma crucifixion, alors je te supplie de me donner la souffrance permanente sans allègement d'aucune sorte. Mais je désire seulement une chose: je ne veux pas de signe extérieur qui m'amènerait à l'embarras et la gêne.»
Je n'étais pas seulement tourmentée par le fait que quelque signe extérieur aurait pu se manifester sur mon corps, puisque, sans penser, j'avais implicitement consenti à la Volonté de Jésus en ce sens, mais j'étais aussi tourmentée par la pensée de mes péchés passés. J'ai souvent demandé à Jésus la contrition et la grâce de leur rémission. Je lui ai ensuite dit que je ne serai en paix et contente que quand j'aurai entendu de sa Bouche: «Tes péchés sont pardonnés.»
Luisa confesse ses péchés à Jésus.
Mon bien-aimé Jésus, qui ne nous refuse jamais rien concernant notre progrès spirituel, me dit un jour d'une manière qui était plus condescendante qu'à l'accoutumée:
«Aujourd'hui je veux agir moi-même comme ton confesseur. Tu me confesseras tous tes péchés. Et pendant que tu le feras, je te ferai voir toutes les offenses que tu as commises et toutes les souffrances qu'elles m'ont causées. Tu comprendras ce qu'est le péché, selon la capacité de l'intelligence humaine. Et tu préféreras mourir plutôt que de m'offenser à nouveau. Attentive à cela, anéantis-toi et médite un peu: «Celle qui n'est rien a du ressentiment envers Celui qui est Tout. Et le Tout aurait pu faire disparaître le rien de la face de la terre. Le rien est assez infâme pour se dire contrarié par son Créateur, malgré le fait qu'il a été plus que toléré, mais aimé. Reviens de ton néant, et avec des sentiments d'amour récite le confiteor.»
En entrant dans mon néant, j'ai découvert toute ma misère et tous mes péchés. Et me retrouvant en la Présence royale du Christ, mon Juge, j'ai commencé à trembler comme une feuille. Je n'avais pas assez de force pour prononcer les paroles du confiteor. Je serais restée dans cette grande confusion, incapable de dire un mot, si mon Seigneur Dieu, Jésus-Christ, n'avait pas infusé en moi une nouvelle force et un nouveau courage en me disant: «Enfant de mon Amour, n'aie pas peur, car même si actuellement je suis ton Juge, je suis aussi ton Père. Prends courage et allons de l'avant.»
Confuse et humiliée, j'ai récité le confiteor et, me voyant complètement couverte par le péché, j'ai saisi la gravité de mon affront à mon Seigneur pour avoir entretenu en moi des pensées de vrai orgueil. Je lui ai dit: «Seigneur, je m'accuse devant ta Majesté du péché d'orgueil.» Alors Jésus dit: «Viens près de mon Coeur amoureux et écoute. Ressens le tourment cruel que, par ton orgueil, tu as causé à mon Coeur généreux.»
Et moi, tremblante, j'écoutai son Coeur. Comment décrire ce que j'ai entendu et compris en seulement quelques instants! Mon Coeur, tremblant d'amour, battait avec tant de force que je pensais qu'il allait éclater. En fait, plus tard, il m'a semblé que mon coeur avait été brisé par le chagrin, déchiré en morceaux et détruit. Après avoir expérimenté tout cela, je me suis exclamée plusieurs fois: «Oh! comme l'orgueil humain est cruel! Il est si cruel que s'il en avait le pouvoir, il irait jusqu'à détruire l'Être Divin!»
Ensuite, j'ai imaginé l'orgueil humain comme un ver très laid aux pieds du grand Roi. Il se lève et se gonfle de manière à se faire croire qu'il est quelque chose. Et dans sa grande audace, il commence petit à petit à ramper et à monter sur le costume du Roi, jusqu'à ce qu'il atteigne sa Tête. Voyant la couronne d'or du Roi, il veut la lui prendre et la placer sur sa propre tête. Il veut ensuite enlever au Roi son vêtement royal, le détrôner, et utiliser tous les moyens pour lui enlever la vie. Le ver ne sait même pas quel genre d'être il est. Dans son orgueil, il ne sait pas que le Roi pourrait le détruire, l'écraser sous ses pieds, détruire ses rêves dorés d'un simple souffle.
Les orgueilleux sont des effrontés, des présomptueux et des ingrats. Victimes de sottes illusions et avec leur tête gonflée par l'orgueil, ils s'insurgent avec indignation et passion contre ceux qui sont moins orgueilleux qu'eux.
C'est moi que j'ai vu dans ce ver laid et misérable aux pieds du divin Roi. J'ai senti mon âme chanceler dans la confusion et la peine, à cause de l'affront que je lui avais fait; et mon coeur expérimenta l'agonie terrible que Jésus souffrit à cause de mon orgueil. Après cela, Jésus me laissa seule. Je continuai à méditer sur la laideur du péché d'orgueil. Je ne peux pas décrire la grande souffrance que cela me causa.
Quand j'eus bien réfléchi sur ce que Jésus m'avait dit, il revint et me fit continuer ma confession. Tremblante plus qu'avant, je confessai les pensées et les paroles que j'avais entretenues contre ses désirs exprimés, et aussi mes péchés d'omission. J'ai confessé tout cela avec tant de chagrin et d'amertume d'âme que j'étais terrifiée de ma petitesse et de mon audace d'avoir offensé un Dieu si bon qui, malgré mes offenses, m'avait aidée, préservée et nourrie.
S'il ressentait de l'indignation envers moi, c'était à cause de sa haine du péché, et rien d'autre. Au contraire, sa Bonté envers moi, une pécheresse, a toujours été très grande. Il me fit pardonner même quand, devant la Justice divine, il exposa mes faiblesses et mes fragilités. En échange, il me donna plus de grâces et de force avec lesquelles fonctionner. C'était comme s'il avait ôté le mur qui séparait mon âme de Dieu à cause du péché.
Si les gens comprenaient la Bonté de Dieu et la laideur du péché, ils banniraient complètement le péché de la terre. Ils seraient saisis par de grands remords et par la contrition pour leurs péchés, ou ils mourraient. S'ils savaient l'infinie Bonté de Dieu, ils se rendraient à elle. Et les choisis trouveraient auprès de Dieu une immense fontaine de grâces dédiées à leur sanctification et à leur béatification.
Quand Jésus vit que je ne pouvais plus porter l'angoisse et l'amertume du péché, il se retira, me laissant plongée dans mes réflexions sur le mal fait par le péché. Dans sa Bonté de toujours, il me préserva du Jugement de son Père et il me donna des grâces nouvelles. Après un long intervalle, Jésus revint de nouveau pour me permettre de continuer ma confession qui, quoique interrompue par moments, dura environ sept heures. Quand le très aimable Jésus eut fini d'entendre ma confession, il quitta sa position de Juge et assuma celle d'un Père aimant.
J'étais habitée par la constatation inexorable que mon chagrin, pourtant grand, était insuffisant à me faire expier comme je le méritais pour mes offenses perpétrées contre mon Dieu. Jésus, pour me dérider, dit: «Je veux ajouter un supplément. Je vais appliquer les mérites de mes souffrances du Jardin de Gethsémani à ton âme. Cela suffira à satisfaire à la Justice divine.»
Je me sentis alors mieux disposée à recevoir l'absolution de Jésus pour mes péchés. Aussi, prosternée à ses pieds, pleinement humiliée et confondue, je lui ai dit: «Dieu Très Grand, j'implore ta Miséricorde et ton Pardon pour mes péchés si nombreux et graves. Je désirerais que mes capacités soient multipliées à l'infini pour que je puisse adéquatement faire l'éloge de ton infinie Miséricorde. Ô Père Céleste, pardonne le grand affront que je t'ai fait en péchant contre toi, et daigne me donner ton paternel pardon.»
Jésus me dit alors: «Promets-moi de ne plus jamais pécher. Tiens-toi loin de l'ombre même du péché.» Je répondis: «Oh! oui! je le promets un millier de fois et je désire mourir plutôt que d'offenser mon Créateur, mon Rédempteur et mon Sauveur. Jamais! Jamais plus!» Sur quoi Jésus leva sa Main droite, prononça les paroles de l'absolution, et permit à une rivière de son Sang Précieux de couler sur mon âme.
Les effets de la confession faite à Jésus.
Cette expérience fut renouvelée plusieurs fois.
Après que Jésus eut lavé mon âme par son Précieux Sang et qu'il m'eut donné son Absolution, je me suis sentie renaître à une vie nouvelle et inondée plus que jamais de la plénitude de la grâce. Cet événement créa en moi une impression que je n'oublierai jamais. Chaque fois qu'il revient à ma mémoire, une joie singulière monte dans mon âme et un tressaillement envahit tout mon être. Et je le revis dans les plus petits détails, comme s'il était en train de se produire.
Remplie des souvenirs du passé, j'étais envahie d'élans anxieux de correspondre, dans la mesure du possible, aux grâces singulières que le Seigneur continuait de m'accorder, soit en me revigorant et me ramenant à l'état de victime, soit en me disposant plus particulièrement à vivre dans sa Divine Volonté, ce qui commandait les plus grandes grâces divines et la plus grande participation de ma part. (14) Et puisque je ne suis rien, je devais tout recevoir de Dieu, puis travailler à infuser chez d'autres les grâces reçues, un peu comme un médecin qui, avec le sang d'un autre, entreprend une transfusion sur quelqu'un pour l'aider à recouvrer la santé. Et je devais soigneusement veiller à ce que tout retourne à Dieu.
Dans ce but, mon bien-aimé Jésus commença par m'attirer hors de mon corps, en me coupant de tout ce qui pouvait me séparer de lui, et en me réduisant à l'état de victime permanente. Le très patient Jésus voulait que je sois toujours prête quand il voudrait me donner une part de ses travaux ou de ses souffrances. Il faisait cela pour satisfaire à la Justice divine offensée par les continuelles aberrations du genre humain, ou pour prévenir ou arrêter la flagellation impitoyable qu'on lui fait subir.
Pour renouveler mes énergies perdues, Jésus me donnait souvent des grâces particulières, l'une de celles-ci étant l'absolution mentionnée plus haut, qui me fut conférée plusieurs fois. Parfois, quand je me confessais à un prêtre, j'expérimentais des effets différents et inhabituels sur mon âme. Et quand la confession était terminée, Jésus lui-même se substituait au confesseur. Il prenait l'apparence du confesseur, et moi, croyant que je parlais à mon confesseur, j'ouvrais mon coeur et je dévoilais l'état de mon âme, ses peurs, ses doutes, ses souffrances, ses anxiétés et ses besoins. Mais, par les réponses que je recevais et la gentillesse de la Voix, qui parfois alternait avec celle de mon confesseur, je découvrais qu'il s'agissait de nul autre que Jésus. Il était si affable! Et les effets intérieurs que j'expérimentais n'étaient pas ordinaires. Parfois c'était Jésus dès les débuts: il entendait ma confession, qu'elle soit ordinaire ou extraordinaire, et il me donnait l'absolution.
Si je voulais raconter tout ce qui se passa entre Jésus et moi, ça prendrait beaucoup de temps et ça pourrait être considéré comme une fable. Aussi, je passerai à quelque chose de plus facile à accueillir.
Fin de la narration. Une nouvelle guerre
entre l'Italie et l'Afrique.
Neuf mois avant que la chose ne soit arrivée, Jésus m'avait avisé de la deuxième guerre entre l'Italie et l'Afrique. Et voici comment:
Mon Jésus béni, m'avait fait sortir de mon corps. Alors que, transformée, je le suivais, il me fit parcourir un long chemin parsemé de cadavres humains baignant dans leur sang. Cela m'était montré comme une rivière inondant la route. À ma grande horreur, Jésus me fit voir les corps abandonnés et exposés à une température peu clémente aussi bien qu'à la rapacité d'animaux carnivores, puisqu'il n'y avait personne pour s'occuper des enterrements.
Terrifiée, je demandai à Jésus: «Saint Époux, qu'est-ce que tout cela signifie? Et Jésus me répondit: «Sache que dans l'année qui vient, il y aura la guerre. L'homme s'abandonne à tous les vices et aux passions charnelles. Je veux ma revanche sur la chair qui pue le péché.»
Je ne doutais pas de ce que Jésus disait, mais j'espérais néanmoins que dans les prochains neuf mois, l'homme charnel mettrait un frein à ses passions et que, à la vue de sa conversion, Jésus suspendrait la guerre prévue. Mais que dire de ceux qui se vautrent dans la boue de leurs passions et qui, plutôt que de se convertir, s'y enfoncent davantage. Et c'était arrivé précédemment que l'Italie et l'Afrique parlèrent d'abord de guerre puis, tôt après, s'engagèrent dans une dure guerre résultant en beaucoup de souffrances et de dommages des deux côtés.
Alors, plus que jamais, je m'offris moi-même à mon bon Jésus, pour qu'il diminue le nombre des victimes de cette guerre. Je m'offris pour les âmes qui, malgré mes prières et mes supplications envers la Miséricorde de Dieu, ne seraient pas en état de grâce et seraient jetées dans l'enfer quand elles paraîtraient devant Dieu.
Mais Jésus ne m'écouta pas. Une fois de plus, il me fit sortir de mon corps. Le suivant, je fus à Rome en un instant. Là j'entendis beaucoup de voix et j'appris la situation décrite plus haut. Jésus me fit pénétrer avec lui dans le parlement, dans la salle du conseil, où les députés se livraient à un chaud débat sur la manière de mener la guerre pour être sûrs de la victoire. La discussion se poursuivait avec beaucoup de mots pompeux, d'orgueil et de fanatisme pitoyables. Mais ce qui fit la plus grande impression sur moi, c'est qu'ils étaient tous sectaires et agissaient sous la pression du démon, à qui ils avaient vendu leur âme dans le but d'avoir une fin de guerre victorieuse.
J'étais horrifiée d'apprendre cela et je me disais en moi-même: «Que d'hommes tristes et sauvages; que de tristes temps, plus tristes encore que ceux qui y vivent!» Il me semblait que Satan régnait parmi eux, puisque leur entière confiance était placée en lui plutôt qu'en Dieu. Et c'était du démon qu'ils attendaient la victoire.
Pendant qu'ils étaient engagés dans un débat chaud et rigoureux, ils s'éloignaient les uns des autres, même s'ils voulaient unir leurs différences. Jésus, sans être vu, était au milieu d'eux. Entendant leurs tristes propositions, il pleurait sur leurs misérables propos. Après qu'ils eurent fait leurs plans pour mener leur guerre sans Dieu, ils se vantaient très présomptueusement, se disant plus que jamais sûrs de la victoire.
Alors, comme s'ils étaient encore là pour l'écouter, Jésus dit d'un ton de voix menaçant: «Vous avez une grande confiance en vous-mêmes, mais je vous humilierai; et alors vous mesurerez la grandeur de vos pertes pour ne pas avoir invoqué l'aide et l'intervention de Dieu qui est l'auteur de tout bien. Cette fois, l'Italie ne sera pas victorieuse. Elle expérimentera plutôt une défaite totale.»
Comment décrire combien mon coeur souffrit de ces paroles de Jésus, et de combien de manières j'essayais de pacifier mon aimable Jésus, pour qu'au moins la guerre ne soit pas si meurtrière. Comme toujours, je m'offris comme victime d'expiation et je demandai au Seigneur de m'accorder les plus grandes souffrances et d'épargner l'Italie d'une telle flagellation. Mais Jésus me dit: «Je resterai ferme pour que l'Afrique soit victorieuse sur l'Italie. Et je t'accorderai seulement ceci: l'Afrique victorieuse n'envahira pas le sol italien pour y continuer la guerre. La punition est juste, puisque l'Italie la mérite pour son mode de vie licencieux, pour sa foi perdue et parce qu'elle met sa confiance dans le démon plutôt qu'en Dieu.»
Tout ce qui me fut dit à ce moment-là, ou en d'autres circonstances, je l'ai expliqué à mon confesseur sous l'obéissance. Et il me dit: «Il ne me semble pas vraisemblable que l'Italie sera vaincue par l'Afrique, puisque la civilisation moderne de l'Italie possède toutes sortes d'armes offensives et défensives que ne possède pas l'Afrique.»
Quand les Paroles de Jésus se confirmèrent, mon confesseur me dit: «Mon enfant, il n'y a pas de plan, pas de sagesse et pas de force qui aient un peu de valeur, s'ils n'originent pas de Dieu.»
Les différentes manières utilisées par
Jésus pour parler à Luisa.
J'aurais pu terminer ici ce récit des plus importantes choses qui me sont arrivées avec Jésus à compter de l'âge de 16 ans à venir jusqu'à aujourd'hui, si mon confesseur ne m'avait pas obligé de raconter les diverses manières utilisées par Jésus pour communiquer avec moi. Elles sont variées, mais je les réduirai à quatre.
1. Jésus fait connaître à l'âme ce qu'il veut faire et il fait sortir l'âme de son corps. Ceci peut arriver en un instant. L'âme sort du corps d'une manière si soudaine que le corps lève pour suivre l'âme mais reste finalement comme s'il était mort. L'âme, quant à elle, suit Jésus dans sa course et voyage dans l'univers: terre, mers, montagnes et cieux, et elle termine dans les régions du Purgatoire ou dans l'éternelle Demeure de Dieu.
Quelquefois l'âme sort du corps plus calmement. En fait, c'est comme si le corps se reposait en étant insensible et absorbé en Dieu. Ensuite, quand Jésus part, l'âme essaie de le suivre partout où il va. Dans chaque cas le corps reste comme pétrifié et ne sent rien du monde extérieur, même si le monde entier devait être secoué ou si le corps était transpercé, brûlé ou coupé en pièces.
Je peux dire que pour les deux manières, j'étais hors de mon corps et loin de l'endroit où Jésus m'avait prise. Quand j'étais loin des limites de la terre, au Purgatoire ou au Paradis, et que je voyais mon confesseur venir chez moi pour me réanimer, alors, en un clin d'oeil et au commandement de Jésus, je me retrouvais dans mon corps.
Jésus voulait ma parfaite obéissance à mon confesseur. Les premières fois que cela arriva, je m'inquiétais, je m'agitais et j'étais anxieuse de revenir à mon corps à temps pour être disponible à mon confesseur quand il voudrait me réveiller. Et je devais être obéissante! Je confesse que je n'étais jamais en retard pour rentrer dans mon corps quand le confesseur m'attendait à mon petit lit. Toutefois, si Jésus ne s'était pas hâté de ramener mon âme à mon corps, j'aurais avec entêtement résisté à la voix du confesseur, puisque j'avais le choix de laisser Jésus, mon plus grand Bien ou de me soumettre à la voix de mon confesseur. Je disais à Jésus: «Je vais à mon confesseur qui m'appelle à l'obéissance, mais je reviendrai rapidement à mon Bien-Aimé, aussitôt qu'il sera parti. Je te supplie de ne pas me faire attendre longtemps.»
Dans les deux cas, Jésus n'avait pas à parler à mon âme pour que je le comprenne. À cause de la lumière qu'il communique à mon esprit, il me faisait comprendre directement ce qu'il voulait me signifier. Oh! combien nous nous comprenons quand nous sommes ensemble!
Ce type de communication intellectuelle par laquelle Jésus se fait comprendre est très rapide. Beaucoup de choses sublimes sont apprises en un clin d'oeil -- plus qu'on pourrait apprendre en lisant des livres le temps d'une vie. Cette communication est si élevée et sublime qu'il est impossible à l'intelligence humaine d'exprimer en mots tout ce qu'une âme peut ainsi recevoir en un simple instant.
Oh! quel sage et ingénieux professeur qu'est Jésus! En un clin d'oeil il fait apprendre beaucoup de choses que d'autres n'arriveraient pas à faire apprendre en plusieurs années. C'est parce que les enseignants de la terre n'ont pas cette puissance de communiquer leur science. Pas plus qu'ils ne peuvent maintenir l'attention de leurs disciples sans qu'il y ait effort et fatigue.
Les voies de Jésus sont si douces, tendres et gentilles qu'aussitôt que l'âme découvre cela, elle se sent attirée à lui; et elle ne peut rien faire d'autre que de courir derrière lui à la vitesse maximum. Sans le réaliser, l'âme se trouve transformée en lui de telle manière qu'elle ne peut pas faire la différence entre elle-même et l'Essence divine. Qui pourrait décrire ce que l'âme apprend dans ce moment de transformation. Cela peut être décrit seulement par Jésus ou par une âme qui a subit cette transformation pendant sa vie et qui est parvenue à l'état de gloire parfaite.
Même si une âme revenue à son corps possédait la lumière divine et se sentait complètement absorbée en Dieu, elle aurait beaucoup de difficultés à dire comment on se sent quand on revient à son corps, plongé dans la plus sombre noirceur. Son essai serait difficile et imparfait, sinon tout à fait impossible.
Imaginons, par exemple, un aveugle de naissance qui, un beau jour, reçoit subitement la faculté de voir, et qui, dans un court laps de temps, voyage à travers l'univers et voit les choses les plus merveilleuses: les minéraux, les végétaux, les animaux et les voûtes célestes parsemées d'étoiles. Et supposons qu'après seulement quelques minutes, il est ramené à sa condition d'aveugle. Pourrait-il vraiment communiquer, dans un langage approprié, ce qu'il a vu? Ne risquerait-il pas de se couvrir de ridicule si, plutôt que de donner un bref aperçu de ce qu'il a vu, il essayait d'en donner une description détaillée.
Cette situation est similaire à celle d'une âme qui a voyagé partout sur la terre et au Paradis et qui, revenant à son corps, se sent comme notre aveugle retourné à sa cécité. Elle préfère se réfugier dans le silence plutôt que de parler, parce qu'elle a peur d'apparaître ridicule.
L'âme qui revient dans son corps est triste et inconsolable; elle se sent dans la situation d'un prisonnier. Elle languit de s'élancer vers son plus grand Bien et elle est plus malheureuse que celui qui a perdu l'usage de la vue. Elle aspire seulement à être unie à Dieu et n'a aucun désir de parler gauchement et d'une manière désordonnée de choses qui dépassent ses capacités humaines et charnelles.
1. À cause de l'obéissance et au risque de faire des erreurs, j'expliquerai maintenant, du mieux que je peux, une autre manière dont Jésus parle à l'âme. Alors que l'âme est dans son corps, elle voit la Personne de Jésus apparaître comme un enfant ou un jeune homme, ou encore dans son état de Crucifié; et les Paroles qu'il dit atteignent l'entendement de l'âme. L'âme, à son tour, parle à Jésus. Tout se passe à la manière d'une conversation entre deux personnes. Les Paroles de Jésus sont alors rares et d'à peine quatre ou cinq mots. Très rarement parle-t-il longtemps.
Une simple Parole de Jésus produisait une Lumière intense en moi et laissait mon âme absorbée par une vérité qui devenait mienne. C'était un peu comme de voir un petit ruisseau qui rapidement devient une vaste mer.
Si les sages du monde pouvaient entendre une simple Parole de Jésus, sûrement qu'ils resteraient stupéfaits, muets, confus et incapables de savoir quoi répondre. Quand Jésus veut manifester une Vérité à un être, il se sert d'un langage approprié à l'intelligence de cet être. Il n'est pas nécessaire de chercher des mots spéciaux pour pouvoir communiquer des Paroles de Jésus à d'autres personnes. On peut se servir des mêmes mots que lui.
D'un autre côté, l'âme se trouve embarrassée quand elle essaie de communiquer verbalement aux autres les vérités qu'elle a apprises par des communications intellectuelles. Jésus s'adapte à la nature humaine. En choisissant ses mots, il s'ajuste au langage et la capacité de chaque âme. Quant à moi, une petite créature, je ne peux pas adéquatement communiquer ces pensées à d'autres sans risque d'errance.
Bref, Jésus agit comme un enseignant très sage et très doué qui possède des connaissances supérieures dans toutes les sciences. Il utilise le langage compris et parlé par l'élève et, puisqu'il cherche la vérité scientifique, il enseigne pour être compris. Sinon, il enseignerait d'abord le langage et, par la suite, les sciences qu'il veut communiquer.
Jésus, qui est toute bonté et toute sagesse, s'adapte à la capacité de l'âme d'une façon qui ne méprise ni n'humilie la personne. À l'ignorant qui veut apprendre, il enseigne la vérité nécessaire pour atteindre la vie éternelle. Et au savant il communique ses Vérités d'une façon plus élaborée, son seul but étant d'être connu, apprécié et de ne priver personne de ses Vérités.
1. Une autre manière que Jésus utilise pour faire comprendre ses Vérités à l'âme, c'est par la participation à son Essence. Nous savons que Dieu créa le monde de rien et, à sa Parole, toutes les choses vinrent à l'existence. Puis, comme cela avait été prévu de toute éternité, la création fut mise en ordre par une autre Parole toute-puissante du Créateur. Ainsi, quand Jésus parle de vie éternelle à une âme, alors, dans le même acte, il infuse dans l'âme cette vérité.
S'il veut que l'âme devienne amoureuse de sa Beauté, il lui demande: «Veux-tu savoir à quel point je suis beau? Peu importe comment tes yeux scrutent toutes les belles choses répandues sur la terre et dans les cieux, tu ne verras jamais de beauté comparable à la mienne.»
Pendant que Jésus lui dit cela, l'âme sent que quelque chose de divin entre en elle. Et elle veut être près de lui parce qu'elle est attirée par sa Beauté qui surpasse toute beauté. En même temps, elle perd tout désir pour les choses belles de la terre, parce que peu importe combien ces choses peuvent être belles et précieuses, elle voit la différence infinie entre Jésus et ces choses. Ainsi elle se donne à Dieu et est transformée en lui. Elle pense continuellement à lui parce qu'elle est complètement enveloppée par lui, aimée par lui, pénétrée par lui. Et si Dieu ne faisait pas un miracle, l'âme cesserait de vivre: son coeur se transformerait en pur amour à la vue de la Beauté de Jésus et elle voudrait s'envoler vers lui pour jouir de sa Beauté.
Même si j'ai expérimenté toutes ces émotions, y inclus le magnétisme de la Beauté de Jésus, je ne sais pas comment décrire ces choses. Mes paroles ne peuvent donner que des mauvaises descriptions. Néanmoins, je dois admettre qu'une empreinte surnaturelle est restée en moi qui fait adhérer mon esprit à ces réalités.
Comparée à mon très aimable Jésus, chaque belle chose de la terre est éclipsée comme une étoile devant au soleil. Ainsi j'en suis venue à considérer toutes les beautés terrestres comme des vétilles ou des jouets. Ce que j'ai dit de la Beauté de Jésus, je pourrais aussi bien le dire de sa Pureté, de sa Bonté, de sa Simplicité et de toutes les autres vertus et attributs de Dieu, parce que, quand il parle à l'âme, il lui communique ses Vertus de même que ses Attributs.
Un jour, Jésus me dit: «Vois-tu comme je suis pur? Je veux aussi cette pureté en toi.» J'ai senti que par ces mots Jésus avait transfusé sa Pureté en moi, et j'ai commencé à vivre comme si je n'avais pas de corps. Je me sentais comme assoupie et grisée par la céleste fragrance de sa Pureté.
Mon corps, qui participait maintenant à sa Pureté, devint très simple. La rectitude de Jésus et son dégoût pour l'impureté me possédaient à un tel point que, si je percevais une impureté, même à distance, mon estomac se rebellait avec de forts épisodes de vomissements. En résumé, l'âme à qui Dieu a parlé de pureté en devient toute transformée. Elle vit et agit seulement en Jésus, puisqu'il a établi sa résidence permanente en elle.
Je dois ici souligner que ce que j'ai dit de la Beauté et de la Pureté de Jésus, et de ce qui a été transformé en moi, est une simple approximation, puisque l'habileté et l'intelligence humaine sont incapables d'exprimer en langage humain ce qui est sublime et angélique. C'est ainsi qu'il m'est impossible de bien décrire les perceptions que j'ai eues de la Pureté, de la Beauté, et des autres vertus et divins attributs que mon bon Jésus communiquait de temps en temps à mon âme.
Comme il est désirable de participer aux vertus et aux attributs de Dieu que Jésus communique à l'âme d'une manière aussi originale! En ce qui me concerne, je donnerais tout ce qui existe en échange d'un simple moment d'une telle communication, par laquelle l'âme devient plus près de lui et est amenée à la compréhension des choses divines à la manière des anges et des saints du Paradis.
1. Une autre façon utilisée par Jésus pour parler à l'âme est par une communication coeur à coeur. Et puisque l'âme est l'hôte du Coeur de Jésus, elle est toujours très attentive à procurer à Dieu le plus grand plaisir.
Intérieurement, Jésus est au repos, mais il est toujours vigilant dans l'abri intime du coeur. Puisque les deux coeurs sont fondus et ne font qu'un, il rappelle à l'âme son devoir sans articuler un mot. Pour se faire comprendre intérieurement à l'âme, il lui est suffisant de faire un simple geste. En d'autres mots, il utilise des paroles audibles par le coeur.
Cette manière de parler à l'âme qui fait de Jésus l'absolu propriétaire du coeur, survient quand il a pris la direction de l'âme. S'il la voit déficiente dans l'exercice de ses devoirs ou si, par négligence, elle a laissé échapper quelque chose, il la réveille en lui rafraîchissant doucement la mémoire. S'il la voit angoissée, triste, bouger lentement, manquer de charité ou autres, il la réprimande. Ses Paroles suffisent pour que, rapidement, l'âme rentre en elle-même pour se concentrer davantage sur Dieu et accomplir sa Sainte Volonté.
Luisa revient sur la neuvaine de
Noël dont il fut question au début.
Je veux ici poursuivre ce récit des grâces que mon très aimable Jésus m'accorda généreusement, à moi, la moindre de ses servantes, au cours d'à peu près 16 ans de ma vie, commençant au moment où je me suis proposée de faire la neuvaine préparatoire à la fête de Noël, avec neuf méditations par jour sur les grands mystères de l'Incarnation.
Quand j'ai commencé à rédiger ce manuscrit, mon confesseur vint me voir, et, concernant cette neuvaine, je lui ai dit: «Ainsi j'ai fait une deuxième heure de méditation, puis une troisième, jusqu'à neuf, lesquelles je passe sous silence pour ne pas être ennuyeuse.» Cependant il m'avait ordonné de tout écrire en détails. Ainsi donc, je dois obéir -- même à l'encontre de mon propre raisonnement. Sans plus m'en faire et en faisant confiance à Jésus, je poursuis donc ma narration de ce que Jésus m'a fait vivre pendant cette neuvaine.
Troisième excès d'Amour.
De la deuxième méditation, j'ai rapidement passé à la troisième. Au commencement de cette méditation, la voix à l'intérieur de moi se fit entendre et me dit:
«Mon enfant, mets ta tête sur le sein de ma Mère et médite sur ma petite Humanité qui se trouve là. Ici, mon Amour pour les créatures me dévore littéralement. L'immense feu de mon Amour, les océans d'Amour de ma Divinité, me réduisent en cendres et excèdent toute limite. Et ainsi mon Amour couvre toutes les générations. Actuellement, je suis encore dévoré par le même Amour. Sais-tu ce que mon Amour éternel veut dévorer? Ce sont toutes les âmes! Mon enfant, mon Amour sera satisfait seulement quand il les aura toutes dévorées. Puisque je suis Dieu, je dois agir comme un Dieu en embrassant chaque âme qui est venue, vient ou viendra à l'existence, parce que mon Amour ne me donnerait aucune paix si j'en excluais une seule.
«Oui, mon enfant, regarde bien dans le Sein de ma Mère et place ton regard sur mon Humanité fraîchement conçue. Là tu trouveras ton âme conçue aux côtés de la mienne, entourée des flammes de mon Amour. Ces flammes cesseront seulement quand elles t'auront consumée, toi avec moi! Combien je t'ai aimée, je t'aime et je t'aimerai éternellement!»
En entendant ces Paroles, je devins comme noyée dans tout cet Amour de Jésus, et je n'aurais pas su comment y répondre si une voix intérieure ne m'avait secouée et dit: «Mon enfant, cela n'est rien comparé à ce que mon Amour peut faire. Presse-toi plus près de moi, donne tes mains à ma chère Mère, de telle manière que tu puisses te tenir toute proche de son Sein maternel. Et en même temps, attarde-toi encore à ma petite Humanité, conçue là pour concevoir les âmes pour l'éternité. Cela te donnera une occasion de méditer sur le quatrième excès de mon Amour.»
Quatrième excès d'Amour.
«Mon enfant, si tu veux passer de mon Amour dévorant à mon Amour agissant, tu me découvriras dans un abîme sans fond de souffrances. Considère que chaque âme conçue en moi m'apporte le fardeau de ses péchés, de ses faiblesses et de ses passions. Mon Amour m'amène à porter le fardeau de chacun, parce que, après avoir conçu son âme en moi, j'ai aussi conçu la contrition et la réparation qu'il aura à offrir à mon Père. Aussi, ne t'étonne pas si ma Passion fut également conçue à ce moment-là.
«Regarde-moi bien dans le sein de ma Mère et tu découvriras combien j'y vis de souffrances. Regarde bien ma petite Tête entourée d'une couronne d'épines, lesquelles, pendant qu'elles percent cruellement ma peau, me font verser des rivières de chaudes larmes. Oui, sois émue de pitié pour moi et, de tes mains qui sont libres, sèche mes larmes.
«Cette couronne d'épines, mon enfant, n'est autre qu'une couronne cruelle que les créatures tressent pour moi avec les pensées mauvaises qui remplissent leur esprit. Oh! comme ces pensées me transpercent cruellement -- un long couronnement de neuf mois! Et comme si ce n'était pas assez, elles crucifient mes Mains et mes Pieds afin que soit satisfaite la Justice divine pour ces créatures, elles qui circulent sur des chemins pervers, qui commettent toutes sortes d'injustices et empruntent des voies illégales pour leur profit.
«Dans cet état, il ne m'est pas possible de bouger, même une Main, un Doigt ou un Pied. Je reste immobile, soit à cause de l'atroce crucifixion que je subis ou à cause de l'espace réduit dans lequel je suis. Et j'ai vécu cette crucifixion pendant neuf mois! Sais-tu, mon enfant, pourquoi le couronnement d'épines et la crucifixion sont renouvelés en moi à chaque moment? C'est que le genre humain ne cesse de concevoir des desseins cruels qui, comme des épines ou de clous, transpercent sans cesse mes Tempes, mes Mains et mes Pieds.»
Jésus continua ainsi de raconter ce que sa petite Humanité souffrit dans le sein de sa Mère. J'en passe pour ne pas être trop longue et parce que mon coeur n'a pas le courage de tout raconter ce que Jésus souffrit par amour pour nous. Et moi je ne pouvais rien faire d'autre que de verser un flot de larmes. Cependant il me secoua et, d'une voix faible, il me dit dans l'intérieur de mon coeur:
«Mon enfant, j'ai hâte de t'embraser et de te retourner l'amour que tu me donnes; mais je ne peux pas encore le faire, parce que, comme tu le vois, je suis enfermé dans cet endroit qui me garde immobile. J'aimerais venir à toi, mais j'en suis incapable puisque je ne peux pas encore marcher. Premier enfant de mon Amour souffrant, viens souvent m'embrasser. Plus tard, quand j'émergerai des entrailles de ma Mère, je viendrai à toi pour t'embrasser et pour rester avec toi.»
Dans ma fantaisie, je m'imaginais être avec lui dans le sein de sa Mère et je l'embrassais et le serrais sur mon coeur. Dans son affliction il me fit une fois encore entendre sa voix et me dit: «Mon enfant, c'est assez pour le moment. Va maintenant méditer sur le cinquième excès de mon Amour qui, malgré qu'il est rejeté, ne se retirera pas ni ne s'arrêtera; plutôt il surmontera tout et continuera d'avancer.»
Cinquième excès d'Amour.
Entendant l'appel de Jésus à méditer sur le cinquième excès de son Amour, j'ai prêté l'oreille de mon coeur pour entendre intérieurement sa faible voix me dire:
«Observe qu'aussitôt que je fus conçu dans le sein de ma Mère, j'ai conçu la grâce pour toutes les créatures humaines en même temps, pour qu'elles puissent grandir comme moi en sagesse et en vérité. C'est pourquoi j'aime leur compagnie, je veux rester en correspondance continuelle d'Amour avec elles, et très souvent je leur manifeste mon Amour palpitant.
«Avec elles, je veux être continuellement en réciprocité d'Amour et partager à chaque jour mes joies et mes peines. Je languis pour qu'elles reconnaissent que la seule raison pour laquelle je suis venu du Ciel sur la terre, c'est de les rendre heureuses. Et comme un petit frère, je souhaite rester avec elles et parmi elles pour recueillir leurs bons sentiments et leur amour. Je languis de redonner à chacune mes Biens et mon Royaume, même au coût du plus grand des sacrifices: ma Mort pour leur vie. Bref, je languis de jouer avec elles et de les couvrir de baisers et de caresses amoureuses.
«Cependant, en échange de mon Amour, je ne récolte hélas que des chagrins. En fait, il y a celles qui écoutent mes Paroles sans bonne volonté, qui méprisent ma Compagnie, qui se détachent de mon Amour, qui essaient de m'échapper ou qui jouent aux sourds. Pire, il y a celles qui dédaignent et abusent. Les premières ne sont pas intéressées à mes Biens ni à mon Royaume; elles reçoivent mes Baisers et mes Étreintes dans l'indifférence. La joie que je devrais goûter avec elles se change en silences et en rejets. Les autres, en plus grand nombre, font que mon Amour pour elles résulte pour moi en larmes abondantes, lesquelles servent d'issue naturelle à mon Coeur si méprisé et outragé.
«Ainsi, alors que je suis parmi elles, je suis toujours seul. Comme elle est pesante cette solitude forcée résultant de leur abandon; elles font la sourde oreille à tous les appels de mon Coeur! Elles ferment toute avenue à mon Amour. Je suis toujours seul, triste et silencieux! Oh! mon enfant, paie-moi de retour pour mon Amour en ne me laissant pas dans cette solitude! Permets-moi de te parler, et écoute attentivement mes Enseignements. Sache que je suis le Professeur des professeurs. Si tu veux m'écouter, tu apprendras beaucoup de choses et, en même temps, tu m'aideras à cesser de pleurer et tu jouiras de ma Présence. Dis-moi, aimerais-tu jouer avec moi?»
Je me suis alors abandonnée à Jésus en manifestant mon désir de toujours lui être fidèle et de l'aimer dans la tendresse et la compassion. Mais, malgré son désir de vouloir se réjouir avec moi, il est demeuré seul, sans soulagement. Pendant que je passais ainsi ma cinquième heure de méditation, la voix intérieure me dit: «Assez de cela. Médite maintenant sur le sixième excès de mon Amour.»
Sixième excès d'Amour.
«Mon enfant, que mon Intimité soit avec toi! Viens plus près de moi et prie ma chère Mère pour qu'elle te fasse une petite place dans son Sein, pour que tu puisses observer dans quel état de douleurs j'y suis.»
En pensées, je m'imaginais que ma Mère Marie voulait me démontrer sa grande affection en me laissant rejoindre le doux et affable Jésus dans son Sein. Je m'imaginais que j'étais là dans son Sein très près du mon aimable Jésus. Mais comme la noirceur y était grande, il m'était impossible de voir ses Traits et je ne pouvais que sentir la chaleur de son Souffle d'Amour. À l'intérieur de moi il me dit:
«Mon enfant, médite sur une autre manifestation de la surabondance de mon Amour. Je suis la Lumière éternelle et il n'y a pas hors de moi de lumière qui soit plus resplendissante. Le soleil avec toute sa splendeur n'est qu'une ombre à côté de ma Lumière éternelle. Cependant, celle-ci s'est entièrement éclipsée quand, par amour pour les créatures, j'ai embrassé la nature humaine. Vois-tu la sombre prison dans laquelle l'Amour m'a conduit? Oui, c'est par amour pour les créatures que je me suis confiné à ce réduit et que j'ai attendu là après quelque rayon de lumière. J'ai attendu patiemment dans la grande noirceur, dans une nuit sans étoile ni repos, la lumière du soleil qui n'apparaissait pas encore.
«Quelle souffrance j'y ai endurée! Les murs étroits de cette prison ne me donnaient aucun espace pour remuer, et engendraient en moi de terribles angoisses. Le manque de lumière m'empêchait de voir et me coupait le souffle, un souffle que je devais recevoir lentement par la respiration de ma Mère.
«Sais-tu ce qui m'a amené à cette prison, m'a enlevé ma Lumière et m'a fait lutter pour ma respiration? C'est l'Amour que je ressens pour les créatures confronté à la noirceur de leurs péchés. Chacun de leurs péchés est une nuit pour moi. Je suffoque de ressentir leurs coeurs sans repentir et ingrats. Ils produisent un abîme sans fond d'obscurité qui me paralyse. Ô excès de mon Amour, tu m'as fait partir d'une plénitude de Lumière pour m'amener à la plus noire des nuits dans un étroit réduit qui annihile la liberté de mon Coeur.»
Pendant qu'il disait cela, Jésus gémissait péniblement à cause du manque d'espace. Pour l'aider, je voulais lui donner un peu de lumière par mon amour. À travers sa souffrance, il me fit entendre sa douce Voix et me dit: «Assez pour l'instant; passons au septième excès de mon Amour.»
Septième excès d'Amour.
Jésus ajouta: «Mon enfant, ne me laisse pas dans une telle solitude et une telle obscurité! Ne quitte pas le Sein de ma Mère et arrête-toi au septième excès de mon Amour. Écoute bien:
«J'étais parfaitement heureux dans le Sein de mon Père. Il n'y avait aucun bien que je ne possédais: joie, félicité, etc. Les anges m'offraient le culte de la plus grande adoration et étaient attentifs à chacun de mes Désirs. Mais l'excès de mon Amour pour le genre humain me fit changer de condition. Je me suis dépouillé de ces joies, ces félicités et ces biens célestes pour me revêtir des infirmités des créatures, afin de leur amener mon éternel bonheur, mes joies et mes avantages célestes.
«Cet échange aurait été facile pour moi si je n'avais pas trouvé chez l'homme l'ingratitude plus monstrueuse et la haine la plus obstinée. Oh! comme mon Amour éternel fut déçu par une telle ingratitude! Je souffre beaucoup de la méchanceté de l'homme, qui est pour moi la plus grande et la plus pointue des épines. Observe bien mon petit Coeur et vois les nombreuses épines qui le recouvrent. Observe les blessures qu'y font les épines et les rivières de Sang qui s'en échappent.
«Mon enfant, ne sois pas ingrate toi aussi, parce que l'ingratitude est ce qu'il y a de plus dur pour ton Jésus. L'ingratitude est pire que de claquer la porte de mon Coeur. Elle me garde dehors, sans amour et dans la froideur. Malgré la perversité du coeur de l'homme, mon Amour jamais ne cesse. Et il assume une attitude plus élevée m'amenant à supplier et à languir après lui. Et ceci, mon enfant, est le huitième excès de mon Amour.»
Huitième excès d'Amour.
«Mon enfant, ne me laisse pas seul. Continue de reposer ta tête sur la poitrine de ma Mère et tu entendras mes gémissements et mes supplications. Tu verras que ni mes gémissements ni mes supplications n'amènent les créatures ingrates à ressentir de la pitié pour mon Amour bafoué. Ainsi tu me verras, encore bébé, tendre la main comme le plus pauvre des mendiants et demander la pitié et un peu de charité pour les âmes. J'espère de cette façon attirer les coeurs gelés par l'égoïsme.
«Mon enfant, mon Coeur veut gagner le coeur de l'homme à tout prix. Aussi j'ai décidé que si, après le septième excès de mon Amour, ils font encore la sourde oreille en se montrant désintéressés de Moi et de mes Biens, alors je vais aller plus loin. Mon Amour aurait dû s'arrêter après tant d'ingratitude. Mais non. Il veut dépasser ses limites et faire qu'à partir des entrailles de ma Mère, ma Voix suppliante atteigne chaque coeur. Pour toucher les fibres du coeur humain, j'utilise les méthodes les plus expressives, les mots les plus doux et les plus efficaces, ainsi que les prières les plus émouvantes. Je leur dis:
«Mes enfants, donnez-moi vos coeurs, qui sont miens; en échange, je vous donnerai tout ce que vous voudrez, y compris Moi-Même. Au contact de mon Coeur, je réchaufferai vos coeurs. Je les ferai éclater dans les flammes de mon Amour et je détruirai en eux ce qui n'est pas du Paradis. Sachez que mon but en quittant le Paradis pour m'incarner dans le Sein de ma Maman, était que vous puissiez entrer dans le Sein de mon Père Éternel. Oh! ne trompez pas mes espérances!
«En voyant les créatures résister à mon Amour et s'éloigner de moi, j'ai essayé de les retenir. Les Mains jointes et avec mes plus tendres supplications, j'ai essayé de les gagner en disant d'une voix sanglotante: «Voyez, mes enfants, le petit Mendiant que je suis, qui ne fait que réclamer vos coeurs. Ne pouvez-vous pas comprendre que cette façon d'agir m'est dictée par les excès de mon Amour?»
«Pour attirer les créatures à son Amour, le Créateur a pris la forme d'un petit bébé, afin de ne pas faire peur. Quand il voit que la créature est récalcitrante et obstinée et ne se rend pas à sa requête, il insiste, se plaint et pleure. Ceci ne t'amène-t-il pas à la compassion? N'attendrit-il pas ton coeur?
«Mon enfant, ne semble-t-il pas que les créatures raisonnables ont perdu la raison. Alors qu'elles devraient se réjouir d'être submergées et réchauffées par les flammes de mon Amour divin, elles essaient de s'en détacher en allant à la recherche d'amours bestiaux aptes à les conduire dans le chaos infernal pour y pleurer éternellement.»
À ces Paroles de Jésus, je me sentis fondre. J'étais terrifiée. Je tremblais en pensant aux dommages irréparables entraînés par l'ingratitude des hommes et à leurs éternelles conséquences. Et, alors que j'étais plongée dans ces considérations, la Voix de Jésus se fit entendre à nouveau dans mon coeur: «Et toi, mon enfant, ne veux-tu pas me donner ton coeur? Faut-il que je pleure, me lamente, et te supplie pour obtenir ton amour?»
Pendant que Jésus me disait cela, mon coeur était saisi d'une ineffable tendresse pour lui. Et sanglotant d'un vif amour jamais ressenti auparavant, je dis: «Mon bien-aimé Jésus, ne pleure plus. Oui, oui! Je te donne non seulement mon coeur, mais je me donne moi-même. Je n'hésite pas à tout te donner. Mais pour que mon don soit plus beau, je veux enlever de mon coeur tout ce qui n'est pas de toi. Aussi, s'il te plaît, donne-moi cette grâce efficace pour rendre mon coeur comme le tien, pour que tu puisses y trouver une demeure stable et permanente.»
Neuvième excès d'Amour.
«Mon enfant, mon état devient toujours plus douloureux. Si tu m'aimes, garde ton regard fixé sur moi, de sorte que tu puisses bien apprendre tout ce que je t'enseignerai. Offre à ton petit Jésus un sursis pour ses pleurs et ses profondes afflictions -- un mot d'amour, une caresse, un baiser affectueux -- pour que mon Coeur puisse être réconforté par le sentiment d'un retour d'amour.
«Vois, mon enfant, après avoir pris connaissance des preuves de mon Amour décrites par les huit excès mentionnés jusqu'ici, l'homme devrait s'être incliné devant mon vrai et sublime Amour. Plutôt, il le reçoit mal et me fait passer à un autre excès qui, s'il ne trouve pas de retour, sera encore plus douloureux pour moi.
«Jusqu'ici, l'homme n'a pas capitulé. C'est pourquoi je poursuis avec mon neuvième excès d'Amour, qui est mon très vif désir de m'échapper du Sein maternel pour me mettre à la poursuite de l'homme. Et après l'avoir stoppé sur les pentes du mal, je languis de l'étreindre et de le baiser -- lui si ingrat pour mon Amour -- pour le rendre amoureux de ma Beauté, de ma Vérité et de mon éternelle Bonté.
«Ce grand dessein réduit ma petite Humanité qui n'a pas encore vu le jour à un état d'agonie suffisant pour mettre un terme à ma Vie. Si je n'étais pas aidé et soutenu par ma Divinité, inséparable de mon Humanité à cause de l'union hypostatique, sûrement que c'est ce qui m'arriverait. Ma Divinité me communique des fontaines de Vie nouvelle et fait que ma petite Humanité résiste à l'agonie continuelle de ces neuf mois où elle se sent plus près de la mort que de la vie.
«Mon enfant, ce neuvième excès de mon Amour n'est autre qu'une agonie continuelle qui a débuté à l'instant où ma Divinité a pris la forme humaine dans le Sein maternel, cachant ainsi son Essence divine. Si je n'avais pas ainsi caché ma divinité, j'aurais provoqué la peur plutôt que l'amour chez les créatures, qui n'auraient alors pas voulu s'abandonner à mon Amour. Quelle souffrance ce fut pour moi d'attendre là pendant neuf mois! Si ma Divinité n'avait pas donné à mon Humanité son soutien et sa force, mon Amour pour les créatures m'aurait dévoré. Mon Humanité aurait été réduite en cendres. J'aurais été consumé par mon Amour actif qui me fit prendre sur moi l'énorme fardeau de la punition que se sont mérité les créatures.
«C'est pourquoi ma vie dans les entrailles de ma Maman fut si douloureuse: je ne me sentais plus capable de rester loin des créatures. Je languissais après elles pour qu'à tout prix elles viennent dans ma poitrine pour sentir mes palpitations brûlantes. Je languissais de les embrasser de ma tendre et pure affection, de telle manière qu'elles deviennent éternellement seigneurs de mes Biens. Sache que si je n'avais pas été aidé par toi avant qu'il n'ait été le temps pour moi d'émerger à la lumière du jour, j'aurais été consumé par ce neuvième excès d'Amour.
«Regarde-moi attentivement dans les entrailles maternelles. Vois combien je suis devenu pâle. Écoute ma Voix angoissée qui faiblit de plus en plus. Sens les palpitations de mon Coeur qui, ayant déjà été vives, sont maintenant presque éteintes. Ne me quitte pas des yeux. Regarde-moi bien, parce que je suis mourant, oui, mourant de pur Amour!»
À ces mots je me sentis défaillir d'amour pour Jésus. Et il se fit un profond silence entre nous deux, un silence sépulcral. Mon sang se glaça dans mes veines et je ne sentis plus mon coeur battre. Ma respiration s'arrêta et, tremblante, je me suis écrasée sur le sol. Dans ma stupeur je balbutiai:
«Mon Jésus, mon Amour, ma Vie, mon Tout, ne meurs pas. Je t'aimerai toujours, et je ne te laisserai jamais, peu importe le sacrifice qu'il pourrait m'en coûter. Donne-moi toujours la flamme de ton Amour afin que je t'aime toujours et que, le plus tôt possible, je sois consumée d'amour pour toi, mon éternel Bien.»
Je me suis alors sentie comme morte. Jésus était déjà né à notre vie mortelle pour nous amener à la mort de notre propre volonté et, plus tard, nous donner la vie éternelle. Puis Jésus me toucha et me réveilla de l'assoupissement dans lequel j'étais plongée. Doucement il me dit:
«Ma fille, renée de mon Amour, lève-toi. Élève-toi à la vie de ma Grâce et de mon Amour. Imite-moi en tout. Comme tu m'as tenu compagnie pendant les neuf méditations sur les excès de mon Amour, dans cette longue neuvaine de ma Nativité, fais les autres vingt-quatre considérations sur ma Passion et ma Mort, en les distribuant parmi les vingt-quatre heures de la journée. En elles tu discerneras d'autres sublimes excès de mon Amour, et tu seras un continuel soulagement pour moi dans mes grands chagrins provenant des créatures ingrates. (15) Dans la vie, tu seras la toute-aimante de ma sépulture et, à ta mort, tu auras la part optimum de ma Gloire. (16)
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1. Luisa a écrit le présent tome 1 du «Livre du Ciel» à la même époque que le tome 2, et que peut-être d'autres textes. Ce tome 1 nous fournit des précisions biographiques intéressantes sur la préparation exceptionnelle dont elle fut gratifiée en vue de sa mission comme messagère de la Divine Volonté sur la terre.
2. Au début, les vomissements venaient à tous les trois ou quatre jours. Par la suite, ce sera continuel: quelques minutes après avoir pris de la nourriture, Luisa vomissait tout. Ainsi, elle vivra dans un jeûne total jusqu'à sa mort, sauf pour une petite exception (cf. Tome 2, 29 septembre 1912).
3. Pensez à quoi peut ressembler le fait d'être alitée pendant soixante-quatre années, sans plaie de lit, sans aucune maladie de cause naturelle. Ceci était attaché à l'obéissance volontaire de Luisa, ce qu'elle appelait son état usuel.
4. Et Jésus tint Parole, comme l'attestera Luisa 15 ans plus tard (cf. Tome 4, 16 novembre 1902).
5. Ces lignes font penser à celle du Cantique des Cantiques de l'Ancien Testament. Le véhément et innocent amour de Luisa pour Jésus incite ce dernier à lui donner un avant-goût des chastes intimités qui seront vécues dans le Ciel.
6. Dans le Tome 9 (cf. 1 er octobre 1909), Luisa dit que, dans les années précédentes, Jésus avait voulu la «prendre» quatre ou cinq fois, mais que son confesseur avait intercédé pour qu'il laisse la victime sur la terre.
7. Dans les missels de l'époque, cette date est le 16 octobre. C'était en 1888. Luisa avait 23 ans.
8. Sainte Catherine de Sienne, mystique italienne, membre du tiers ordre de Saint-Dominique et docteur de l'Église.
9. On ne peut déterminer à quelle période elle fait allusion. Il ne s'agit pas du temps où elle était confinée au lit, puisqu'après seulement une année d'alitement interrompu, elle vivait son mariage mystique, et onze mois plus tard la ratification de celui-ci dans le Ciel.
10. Le 7 septembre 1889. Luisa avait 24 ans.
11. Dans cette comparaison, le feu lui-même pourrait désigner la charité. Sans la charité, il n'y a ni la foi, ni l'espérance.
12. C'était le 8 septembre 1889. Luisa avait 24 ans. Cette date est d'autant plus importante qu'elle est celle où le Don de la Divine Volonté lui fut accordé.
13. C'était un 14 septembre, vraisemblablement en l'année 1890.
14. Viennent ici des remarques et des explications sur ce que veut dire «vivre dans la Divine Volonté».
15. C'est alors que Luisa commença l'exercice des «Heures de la Passion» que, 32 ans plus tard, par obéissance, elle mettra sur papier.
16. À l'instar de sainte Marie-Madeleine, dont Luisa porta le nom en tant que membre du tiers ordre de Saint-Dominique.
 
 

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