Le Royaume du Divin Fiat chez les créatures
Le Livre du Ciel
Tome 3
Appel des créatures à revenir à la place, au rang
et au but
pour lesquels elles ont été créées par
Dieu
Luisa Piccarreta
La Petite Fille de la Divine Volonté
1er novembre 1899
Alors que j'étais dans mon état habituel, je me suis
soudainement trouvée hors de mon corps, à l'intérieur
d'une église. Là, il y avait un prêtre qui célébrait
le Sacrifice divin. Il pleurait amèrement et disait: «La colonne
de mon Église n'a pas d'endroit où se reposer!»
Pendant qu'il disait cela, j'ai vu une colonne dont le sommet touchait
le ciel. À la base de cette colonne, se trouvaient des prêtres,
des évêques, des cardinaux et d'autres dignitaires. Ils soutenaient
la colonne. J'observais de très près. À ma surprise,
j'ai vu que, parmi ces personnes, l'une était très faible,
une autre à moitié putréfiée, une autre infirme,
une autre couverte de boue. Très peu étaient en condition
pour soutenir la colonne. En conséquence, cette pauvre colonne vacillait.
Elle ne pouvait rester ferme à cause des coups qu'elle recevait
au bas.
À son sommet se tenait le Saint-Père qui, avec des chaînes
d'or et des rayons émanant de toute sa personne, faisait tout ce
qu'il pouvait pour stabiliser la colonne et pour attacher et éclairer
les personnes qui se trouvaient plus bas (bien que quelques-unes s'échappaient
pour être plus libres de pourrir ou de devenir plus boueuses). Il
s'efforçait aussi d'attacher et d'éclairer le monde entier.
Comme je regardais tout cela, le prêtre qui célébrait
la messe (je pense que c'était Notre-Seigneur, mais je n'en suis
pas sûre) m'appela près de lui et me dit:
«Ma fille, regarde dans quel piteux état se trouve mon
Église! Ces personnes mêmes qui devraient la soutenir, la
démolissent. Ils la frappent et vont jusqu'à la diffamer.
Le seul remède pour moi est de faire couler beaucoup de Sang pour
en former comme un bain afin de pouvoir laver cette boue putride et guérir
ces blessures profondes. Lorsque, par ce Sang, ces personnes seront guéries,
fortifiées et belles, elles pourront être des instruments
capables de maintenir mon Église stable et ferme.» Et il ajouta:
«Je t'ai appelée pour te demander si tu veux être une
victime et, ainsi, être une tutrice pour supporter cette colonne
en ces temps si incorrigibles.»
En premier lieu, j'ai senti un frisson me traverser, car j'avais peur
de ne pas avoir la force. Ensuite, je me suis offerte et je me suis vue
entourée de plusieurs saints, anges et âmes du purgatoire
qui, avec des fouets et d'autres instruments, me tourmentaient. Au début,
j'ai eu peur. Par la suite, plus je souffrais, plus mon désir de
souffrir augmentait, et je goûtais la souffrance comme un très
doux nectar. Et il me vint cette pensée: «Qui sait? Peut-être
que ces douleurs seront un moyen de consumer ma vie et de m'amener à
prendre mon dernier envol vers mon unique Bien!»
Mais après avoir subi de dures souffrances, j'ai vu, à
mon grand regret, que ces souffrances ne consumaient pas ma vie. Ô
Dieu, quelle douleur de constater que cette fragile chair m'empêche
de m'unir à mon éternel Bien!
Puis j'ai vu un massacre sanglant sur les gens qui étaient au
bas de la colonne. Quelle horrible catastrophe! Ceux qui ne furent pas
victimes étaient très peu nombreux. L'audace des ennemis
alla aussi loin que de tenter de tuer le Saint-Père!
Ensuite, il me sembla que ce sang versé et ces victimes constituaient
le moyen de rendre forts ceux qui restaient, de telle manière qu'ils
devinrent aptes à soutenir la colonne sans qu'elle vacille. Ah!
que d'heureux jours se levèrent par la suite! Des jours de triomphe
et de paix. La face de la terre sembla renouvelée. La colonne acquit
son lustre et sa splendeur première. À distance, je salue
ces heureux jours qui vont donner tant de gloire à l'Église
et tant d'honneur à ce Dieu qui en est la tête!
3 novembre 1899
Ce matin, mon aimable Jésus vint et me transporta hors de mon
corps à l'intérieur d'une église, puis il me laissa
là, seule. Me trouvant en présence du Très Saint Sacrement,
je fis mon adoration coutumière. Ce faisant, j'étais tout
yeux pour voir si je n'apercevrais pas mon doux Jésus. Justement,
je l'ai vu sur l'autel sous la forme d'un enfant qui m'appelait de ses
gracieuses petites Mains. Qui aurait pu décrire mon contentement?
J'ai volé vers lui et, sans autre pensée, je l'ai serré
dans mes bras et je l'ai embrassé.
Mais pendant ces simples gestes, il prit un aspect sérieux,
me montra qu'il n'appréciait pas mes baisers et commença
à me repousser. Cependant, ne prêtant pas attention à
cela, je continuai et lui dis: «Mon cher Amour, l'autre jour tu voulus
te manifester à moi avec des baisers et des embrassades et je t'ai
accordé toute liberté. Aujourd'hui, c'est moi qui veux me
manifester à toi. Ah! accorde-moi la liberté de le faire!»
Cependant, il continuait de me repousser. Voyant que je ne cessais
pas, il disparut. Qui pourrait dire combien je fus mortifiée et
anxieuse quand je me suis retrouvée en mon corps? Un peu plus tard,
il revint. Comme je désirais lui demander pardon pour mes impertinences,
il me pardonna en me manifestant sa tendresse. Il me dit en m'embrassant:
«Délice de mon coeur, ma Divinité habite en toi continuellement.
Comme tu inventes de nouvelles choses pour faire mes délices, ainsi
je veux faire envers toi.» Ainsi, j'ai compris que c'était
une blague qu'il m'avait faite.
4 novembre 1899
Mon Jésus ne s'étant pas présenté ce matin,
le démon a essayé de se montrer à moi en prenant l'aspect
de Jésus. N'ayant pas perçu les effets habituels, j'ai commencé
à avoir des doutes. Je me suis signée, puis j'ai tracé
le signe de la croix sur lui. Se voyant signé, le démon trembla.
Je l'ai immédiatement repoussé, sans le regarder.
Un peu plus tard, mon cher Jésus vint. Mais, ayant peur que
ce soit encore l'esprit malin, j'ai essayé de le repousser en invoquant
l'aide de Jésus et de Marie. Pour me rassurer, Jésus me dit:
«Ma fille, pour détecter si c'est moi ou non, ton attention
doit se porter sur les effets intérieurs que tu ressens, en te demandant
s'ils te poussent à la vertu ou au vice car, étant vertu,
ma Nature ne peut communiquer à mes enfants rien d'autre que des
choses vertueuses.»
6 novembre 1899
Mon adorable Jésus me transporta hors de mon corps et me montra
des rues remplies de chair humaine. Quel carnage! Je suis horrifiée
rien que d'y penser. Il me montra quelque chose qui était arrivé
dans les airs; beaucoup moururent soudainement. Cela se passait dans le
mois de mars.
Selon mon habitude, je l'ai prié de garder son calme et de protéger
ses propres images de tourments si cruels et de guerres si sanglantes.
Comme il portait sa couronne d'épines, je la lui ai prise et l'ai
placée sur ma propre tête, dans le but de l'apaiser. Mais,
à mon grand chagrin, j'ai vu que presque toutes les épines
étaient restées cassées sur sa Tête très
sainte, de sorte qu'il n'en restait que très peu pour me faire souffrir.
Jésus se montra sévère, sans presque m'accorder
d'attention. Il me ramena dans mon lit, et je me suis vue les bras étendus
et souffrant les douleurs de la crucifixion. Il prit mes bras, les croisa
et les attacha avec une petite corde dorée. Sans chercher à
comprendre la signification de cela, et pour briser son air sévère,
je lui dis: «Mon très doux Amour, je t'offre les gestes de
mon corps, gestes que toi-même as faits, et tous les autres gestes
que je pourrai faire dans le seul but de te plaire et de te glorifier.
Ah oui! je désire que les mouvements de mes paupières, de
mes lèvres et de tout mon être soient faits uniquement pour
te plaire! Accorde, ô bon Jésus, que tous mes os et mes nerfs
témoignent continuellement de mon amour pour toi!»
Il me dit: «Tout ce qui est fait dans le but de me plaire uniquement
brille tellement devant moi qu'il attire mon divin Regard. J'aime tant
ces actes, même si ce n'est que de bouger une paupière, que
je leur donne la valeur qu'ils auraient si je les faisais moi-même.
Au contraire, les actes bons en eux-mêmes, et même grands,
qui ne sont pas faits pour moi seul, sont comme des ors rouillés,
éclaboussés, qui ne brillent pas; je ne leur accorde même
pas un regard!»
Alors je dis: «Ah! Seigneur! Comme il est facile à la
poussière de souiller nos actions!» Et Jésus reprit:
«On ne doit pas remarquer la poussière car elle sera secouée.
Ce qu'on doit remarquer, c'est l'intention.»
Pendant qu'il disait cela, Jésus attacha mes bras. Je lui dis:
«Ô Seigneur, que fais-tu?» Il répondit: «Je
fais cela parce que, lorsque tu es dans la position de la crucifixion,
tu m'apaises. Et comme je veux châtier les personnes, je t'attache
ainsi les bras.» Ayant dit cela, il disparut.
10 novembre 1899
Pendant plusieurs jours, je fus en opposition avec Jésus parce
que je lui demandais d'être libérée et qu'il ne le
voulait pas. Tantôt il se montrait endormi, tantôt il m'imposait
le silence. Ce matin, mon confesseur me commanda plus d'une fois de demander
à Jésus de me libérer. Mais Jésus ne faisait
pas attention.
Contrainte par l'obéissance, je dis à Jésus: «Mon
aimable Jésus, quand as-tu contrevenu à l'obéissance?
Ce n'est pas moi qui veux être libérée, c'est le confesseur
qui veut que tu cesses de me faire souffrir la crucifixion. Condescends
donc à cette vertu d'obéissance si prédominante chez
toi, cette vertu qui tissa ta Vie toute entière et qui te conduisit
à ton Sacrifice sur la Croix.»
Jésus répondit: «Tu veux vraiment me faire violence
en te prévalant de l'anneau de l'obéissance, celui qui a
uni mon Humanité à ma Divinité!» Comme il disait
cela, il prit l'aspect du Crucifié et il partagea avec moi les douleurs
de la crucifixion. Que le Seigneur soit toujours béni et que tout
soit fait pour sa Gloire!
Puis je me sentis comme libérée.
11 novembre 1899
Alors que j'étais dans mon état habituel, je me trouvai
subitement hors de mon corps et il me sembla que je circulais partout sur
la terre. Oh! comme elle était inondée d'iniquités.
C'était horrible à voir!
À un endroit, je trouvai un prêtre menant une vie sainte
et, à un autre, une vierge dont la vie était sainte et sans
faute. Tous les trois avons échangé sur les nombreux châtiments
que le Seigneur inflige et sur les nombreux autres qu'il s'apprête
à infliger. Je leur dis: «Que faites-vous? Êtes-vous
ajustés à la Justice divine?»
Ils me répondirent: «Nous sommes conscients de toute la
gravité de ces tristes temps et de ce que l'homme ne se rendra pas,
même si un apôtre était suscité ou si le Seigneur
envoyait un autre saint Vincent Ferrier qui, par des miracles et de grands
signes, essayait de l'amener à la conversion. L'homme a atteint
une telle obstination et un tel degré d'insanité que même
des miracles ne le feraient pas bouger de son incrédulité.
Ainsi, par stricte nécessité, pour le bien de l'homme, pour
endiguer cette mer pourrie qui inonde la terre, et pour la gloire de notre
Dieu si outragé, l'humanité est confrontée à
la Justice. Nous ne pouvons que prier et nous offrir comme victimes pour
que ces châtiments amènent la conversion des peuples.»
Et ils ajoutèrent: «Et toi, que fais-tu? N'es-tu pas ajustée
à la Justice divine comme nous?» Ce à quoi je répondis:
«Ah non! je ne le peux pas. L'obéissance m'en empêche,
bien que Jésus l'aimerait bien. Et comme l'obéissance doit
prévaloir par-dessus tout, il est nécessaire pour moi d'être
en opposition avec Jésus béni, ce qui m'afflige beaucoup.»
Ils reprirent: «Il faut se conformer à l'obéissance.»
Après cela, je revins en mon corps alors même que je n'avais
pas encore vu mon très cher Jésus. Je voulus savoir de quelle
partie du monde ce prêtre et cette vierge étaient. Jésus
me dit qu'ils étaient du Pérou.
12 novembre 1899
Ce matin, mon aimable Jésus vint et me transporta hors de mon
corps. Et j'ai vu quelque chose qui allait être déplacé
du ciel pour toucher la terre. J'étais si effrayée que j'ai
crié en disant: «Ah! que fais-tu Seigneur? Quelle destruction
surviendra si cela arrive! Tu dis que tu m'aimes et tu veux m'effrayer?
Ne fais pas cela! Non, non! Tu ne peux pas faire cela! Je ne le veux pas!»
Compatissant, Jésus me dit: «Ma fille, n'aie pas peur!
Quand donc accepteras-tu que je fasse quelque chose? Faudrait-il que je
ne te laisse rien voir quand je châtie les gens? Je vais fortifier
ton coeur comme un tronc d'arbre afin que tu sois capable de supporter
ce que tu vois.»
À ce moment, il sortit de mon coeur comme un tronc d'arbre.
Au sommet, il y avait deux branches qui formaient comme une fourche. L'une
des branches s'éleva dans les airs et s'empara de ce qui se déplaçait.
Ainsi, la chose fut arrêtée. L'autre branche semblait toucher
le sol.
Ensuite, je revins en mon corps. J'ai prié Jésus de s'apaiser.
Il me sembla s'être si bien rendu à ma demande qu'il me partagea
les douleurs de la Croix. Puis il disparut.
13 novembre 1899
Ce matin, mon adorable Jésus semblait agité. Il ne faisait
qu'aller et venir. À un moment, il restait avec moi. Au moment d'après,
comme attiré par son ardent Amour envers les créatures, il
allait voir ce qu'elles faisaient. Il sympathisait beaucoup avec elles
sur ce qu'elles souffraient, à tel point qu'il était pris
par leurs souffrances plus qu'elles-mêmes.
Plusieurs fois, par ses pouvoirs sacerdotaux, mon confesseur contraignit
Jésus à me faire souffrir ses douleurs afin qu'il soit apaisé
par mes souffrances. Quoique Jésus semblait ne pas vouloir être
apaisé, il devenait reconnaissant par la suite et, de bon coeur,
remerciait le prêtre de s'être occupé d'arrêter
son Bras vengeur. Il me faisait partager une souffrance, puis une autre.
Oh! qu'il était émouvant de le voir dans cet état!
Cela brisait mon coeur de compassion. Plusieurs fois il me dit:
«Conforme-toi à ma Justice, car je ne peux plus la retenir.
Ah! l'homme est trop ingrat! De tous côtés, il me contraint
à le châtier; il m'arrache lui-même les châtiments
des mains. Si tu savais comme je souffre quand je déploie ma Justice.
Mais c'est l'homme lui-même qui me force. Par le fait que j'ai acheté
sa liberté au prix de mon Sang, il devrait m'être reconnaissant.
Mais, au contraire, pour me faire un plus grand mal, il invente de nouvelles
manières de rendre mon Sang inutile.»
Pendant qu'il disait cela, il pleurait amèrement. Pour le consoler,
je lui dis: «Mon doux Bien, ne t'afflige pas. Je vois que ton affliction
est davantage reliée à la nécessité que tu
ressens de châtier les gens. Ah non! Puisse-t-il n'en jamais être
ainsi. Puisque tu es tout pour moi, je veux être tout pour toi. En
conséquence, envoie tes châtiments sur moi. Je suis une victime
toujours à ta disposition. Tu peux me faire souffrir tout ce que
tu voudras. Ainsi, ta Justice sera apaisée de quelques degrés
et tu seras réconforté dans les afflictions que tu ressens
en voyant souffrir les créatures. J'ai toujours été
contre l'application de ta Justice car, lorsque l'homme souffre, tu souffres
plus que lui.»
17 novembre 1899
Mon aimable Jésus continuait à se montrer affligé.
Ce matin, notre Reine Maman vint avec lui. Il me sembla qu'elle m'amenait
Jésus pour que je l'apaise et qu'avec elle je le prie de me faire
souffrir pour sauver les gens. Il me dit que ces jours derniers, si je
ne m'étais pas interposée pour empêcher l'application
de sa Justice, et si le confesseur n'avait pas usé de ses pouvoirs
sacerdotaux pour lui demander de me faire souffrir, conformément
à ses intentions, plusieurs catastrophes seraient arrivées.
À cet instant, j'ai vu le confesseur et j'ai immédiatement
prié Jésus et la Reine Mère pour lui. Tout tendre,
Jésus dit: «Dans la mesure où il prendra soin de mes
intérêts en me priant et en s'engageant à renouveler
les autorisations pour que je puisse te faire souffrir dans le but d'épargner
les gens, alors je prendrai soin de lui et je l'épargnerai. Je suis
prêt à faire cet arrangement avec lui.»
Après cela, je regardai mon doux Bien. J'ai vu qu'il tenait
deux éclairs dans ses Mains. L'une représentait un grand
tremblement de terre et l'autre, une guerre accompagnée de beaucoup
de morts subites et de maladies contagieuses. Je l'ai prié pour
qu'il verse sur moi ces éclairs; je voulais presque les prendre
de ses Mains. Mais, pour m'empêcher de les prendre, il s'éloigna
de moi. J'ai essayé de le suivre et, ainsi, je me suis retrouvée
hors de mon corps. Jésus disparut et je restai seule.
Alors, je suis allée faire un tour et je me suis retrouvée
dans des endroits où c'était la saison des récoltes.
Il semblait qu'il y avait là des bruits de guerre. Je voulais m'y
rendre pour aider les personnes, mais les démons m'empêchaient
d'aller où ces choses étaient sur le point d'arriver. Ils
me frappaient pour m'empêcher d'aider les gens. Il usèrent
de tant de violence qu'ils me forcèrent à reculer.
19 novembre 1899
Mon adorable Jésus vint. Avant son arrivée, mon esprit
pensait à certaines choses qu'il m'avait dites dans les années
passées (et dont je ne me souvenais plus très bien). Un peu
pour me les rappeler, il me dit: «Ma fille, l'orgueil ronge la grâce.
Dans le coeur des orgueilleux, il n'y a que le vide rempli de fumée,
ce qui produit l'aveuglement. L'orgueil fait d'une personne sa propre idole.
L'orgueilleux n'a pas son Dieu en lui-même; par le péché,
il le détruit dans son coeur. En érigeant un autel dans son
coeur, il se place au-dessus de Dieu et il s'adore.»
Ô Dieu, quel abominable monstre est ce vice! Il me semble que
si l'âme était attentive à ne pas le laisser entrer
en elle, elle serait libre de tout autre vice. Mais si, pour sa plus grande
infortune, elle se laisse dominer par cette monstrueuse mère, celle-ci
donne naissance à tous ses enfants ingouvernables que sont les autres
péchés. Ô Seigneur, préserve-moi de l'orgueil!
21 novembre 1899
Ce matin, mon très aimable Jésus venait tout juste d'arriver
quand il m'a dit: «Ma fille, tout ton plaisir doit être de
te regarder en moi. Si tu fais toujours cela, tu attireras en toi toutes
mes qualités, ma physionomie et mes traits. En échange, mon
plaisir et mon plus grand contentement seront de me regarder en toi.»
Ayant dit cela, il disparut. Alors que je réfléchissais
à ce qu'il venait de me dire, il revint soudain. Mettant sa sainte
Main sur ma tête, il tourna ma face vers la sienne et ajouta: «Aujourd'hui,
je veux me réjouir un peu en me regardant en toi.»
Ainsi, dans un grand frisson, je revis toute ma vie. Une telle terreur
s'empara de moi que je me sentis mourir, car je vis qu'il me regardait
très intensément, se regardant en moi, désirant se
réjouir dans mes pensées, mes regards, mes paroles et tout
le reste. Je me suis dit en mon intérieur: «Ô Dieu,
est-ce que je te réjouis ou est-ce que je t'aigris?».
À ce moment, notre chère Reine Maman vint à mon
aide. Tenant une robe très blanche dans ses Mains, elle me dit avec
beaucoup d'amabilité: «Ma fille n'aie pas peur. Je veux t'habiller
de mon Innocence. De cette manière, se regardant en toi, mon cher
Fils trouvera en toi les plus grandes délices que l'on puisse trouver
chez une créature humaine.»
Elle m'habilla avec cette robe et me présenta à mon cher
Bien en lui disant: «Mon cher Fils, accepte-la à cause de
moi, et réjouis-toi en elle.» Toutes mes peurs me laissèrent
et Jésus se réjouit en moi et moi en lui.
24 novembre 1899
Ce matin, mon doux Jésus vint et me transporta hors de mon corps.
Le voyant rempli d'amertume, je l'ai supplié de verser cette amertume
en moi. Mais, même si je l'ai beaucoup prié, je n'arrivais
pas à obtenir qu'il le fasse. Cependant, ma respiration devint amère,
puisque je m'étais approchée de sa Bouche pour recevoir son
amertume.
Pendant ce temps, j'ai vu un prêtre qui mourait. Je n'étais
par sûre de son identité, compte tenu de ce que j'avais une
intention de prière pour un prêtre malade. Je ne pouvais pas
savoir si c'était lui ou un autre. Et j'ai dit à Jésus:
«Seigneur, que fais-tu? Ne vois-tu pas le manque de prêtres
qu'il y a dans Corato pour que tu veuilles nous en prendre un autre!»
Sans faire attention à moi et avec une main menaçante,
Jésus dit: «Je les détruirai! J'en détruirai
encore plus!»
26 novembre 1899
Pendant que j'étais très souffrante, mon aimable Jésus
vint. Il mit son Bras derrière mon cou comme pour me soutenir. Étant
tout près de lui, j'ai voulu adorer ses saints Membres, en commençant
par sa très sainte Tête. À ce moment, il me dit: «Ma
bien-aimée, j'ai soif. Laisse-moi étancher ma soif dans ton
amour, car je ne peux plus me retenir.» Alors, prenant l'aspect d'un
enfant, il se plaça dans mes bras, commença à se nourrir,
et sembla même prendre un très grand plaisir à cela.
Il en fut complètement rafraîchi et désaltéré.
Ensuite, voulant presque jouer avec moi, il traversa mon coeur de part
en part avec une lance qu'il tenait dans sa Main. J'en ai ressenti une
douleur très grande, mais j'étais très contente de
souffrir, spécialement parce que c'était par les Mains de
mon seul et unique Bien! Je l'ai invité à me faire souffrir
par de plus grandes déchirures encore car, de là, provenait
le plaisir et la douceur que je goûtais.
Pour me rendre plus heureuse, Jésus déchira mon coeur,
le prit dans ses Mains et, avec la même lance, le coupa au milieu
et y trouva une croix très blanche et resplendissante. La prenant
dans ses Mains, il se réjouit grandement et me dit: «L'amour
et la pureté avec lesquels tu as souffert ont produit cette croix.
Je me réjouis beaucoup de la manière dont tu souffres; non
seulement moi, mais aussi le Père et le Saint-Esprit.»
En un instant, j'ai vu les trois Personnes divines qui, m'entourant,
se réjouissaient en regardant cette croix. Mais je me suis plainte
en disant: «Grand Dieu, ma souffrance est trop petite; je ne suis
pas contente avec seulement la croix, je veux aussi les épines et
les clous; et si je ne les mérite pas parce que je suis indigne
et pécheresse, vous pouvez certainement me donner les dispositions
pour que je les mérite.»
M'envoyant un rayon de lumière intellectuelle, Jésus
me fit comprendre qu'il voulait que je confesse mes péchés.
Je me suis sentie presque anéantie devant les trois Personnes divines,
mais l'Humanité de Notre-Seigneur infusa en moi la confiance. Me
tournant vers lui, j'ai dit le confiteor puis j'ai commencé à
confesser de mes péchés. Comme je me trouvais toute plongée
dans mes misères, une voix vint du milieu d'eux et me dit: «Nous
te pardonnons. Ne pèche plus.»
J'ai cru que j'allais recevoir l'absolution de Notre-Seigneur mais,
le moment venu, il disparut. Un peu plus tard, il revint sous la forme
du Crucifié et partagea avec moi les douleurs de la Croix.
27 novembre 1899
Ce matin, mon cher Jésus n'est pas venu. Après beaucoup
de difficultés, je l'ai à peine entrevu. Pour me plaindre
de son retard, je lui ai dit: «Seigneur béni, pourquoi as-tu
tant tardé? Peut-être as-tu oublié que je ne peux être
sans toi? Aurais-je perdu ta grâce, pour que tu ne viennes plus?»
Interrompant mon discours plaintif, il me dit: «Ma fille, sais-tu
ce que fait ma grâce? Ma grâce rend heureux les âmes
qui ont la vision béatifique de même que les voyageurs sur
la terre, avec cette différence: les âmes qui ont la vision
béatifique jouissent et se réjouissent elles-mêmes
et les voyageurs sur la terre travaillent à ma promotion. Celui
qui possède la grâce porte en lui le Paradis, car posséder
la grâce n'est rien d'autre que de me posséder. Et puisque
moi seul suis l'objet enchanteur qui enchante tout le Paradis et qui forme
tout le bonheur des bienheureux, en possédant la grâce, l'âme
possède son Paradis où qu'elle soit.»
28 novembre 1899
Mon délicieux Jésus vint, plein d'affabilité.
Il était comme un ami intime qui fait beaucoup de compliments à
son ami et lui témoigne son amour. Les premiers mots qu'il me dit
furent: «Ma bien-aimée, si tu savais seulement combien je
t'aime! Je me sens puissamment attiré à t'aimer. Mes simples
délais à venir me demandent beaucoup d'efforts et sont de
nouvelles raisons qui me font venir te remplir de grâces nouvelles
et de charismes célestes. Si tu pouvais comprendre combien je t'aime,
ton propre amour te paraîtrait comme imperceptible comparativement
au mien.»
Je lui dis: «Mon doux Jésus, ce que tu dis est vrai, mais
moi aussi je t'aime beaucoup. Et si tu dis que mon amour comparé
au tien est à peine perceptible, c'est parce que ta Puissance est
sans limite et la mienne très limitée. Je ne peux faire que
ce qui m'est donné par toi. Ceci est tellement vrai que lorsque
me vient le désir de souffrir davantage pour mieux te témoigner
le grand amour que j'ai pour toi, si tu ne me concèdes pas de souffrir,
cela n'est pas en mon pouvoir et je suis contrainte à me résigner
à être inutile, comme je l'ai toujours été par
moi-même. La souffrance est en ton Pouvoir. Quelle que soit la manière
que tu veuilles utiliser pour me manifester ton Amour, tu peux le faire
quand tu le veux. Mon Bien-aimé, donne-moi le même pouvoir
que toi et je te montrerai ce que je sais faire pour te manifester mon
amour. Dans la mesure où tu me donnes ton Amour, dans la même
mesure je te donnerai le mien.»
Il écoutait avec grand plaisir mes paroles insensées
et, presque pour me mettre à l'épreuve, il me transporta
hors de mon corps à l'entrée d'un endroit profond, noir et
plein de feu liquide (la simple vue de cet endroit me causait horreur et
frayeur). Il me dit: «Voici le purgatoire où sont rassemblées
de nombreuses âmes. Tu iras dans cet endroit pour souffrir et libérer
ces âmes qui me plaisent; tu le feras par amour pour moi.»
Un peu en tremblant, je lui dis: «Pour ton Amour, je suis prête
à tout; mais tu dois venir avec moi parce que, si tu me laisses,
je ne serai pas capable de te trouver et tu me feras beaucoup pleurer.»
Il répondit: «Si je vais avec toi, que sera ton purgatoire?
Avec ma présence, tes douleurs seront changées en joies et
en contentements.» Je lui dis: «Je ne veux pas y aller seule.
Nous irons dans ce feu ensemble, tu seras derrière moi; ainsi je
ne te verrai pas et j'accepterai cette souffrance.»
J'allai donc dans ce lieu rempli de denses ténèbres.
Il se mit derrière moi. Effrayée qu'il puisse me laisser,
je pris ses Mains et je les tenais pressées dans mon dos. Qui pourrait
décrire les douleurs que ces âmes souffrent? Elles sont certainement
inexplicables à des personnes vêtues de chair humaine. Par
ma présence dans ce feu, ces douleurs furent amoindries et les ténèbres
furent dissipées. Beaucoup d'âmes sortirent, et les autres
furent soulagées. Après avoir été là
pendant environ un quart d'heure, nous quittâmes.
Cependant, Jésus gémissait beaucoup. Je lui dis: «Dis-moi,
mon Bien, pourquoi gémis-tu? Ma chère Vie, j'en suis peut-être
la cause; c'est peut-être parce que je ne voulais pas aller dans
cet endroit de douleurs? Dis-moi, dis-moi, as-tu beaucoup souffert en voyant
souffrir ces âmes? Que ressens-tu?»
Il me répondit: «Ma bien-aimée, je me sens tout
rempli d'amertume, si bien que je ne peux plus les contenir; je suis près
de les verser sur la terre.» Je lui dis: «Non, non, mon doux
Amour, tu les verseras sur moi, ne veux-tu pas?» Je me suis donc
approchée près de sa Bouche et il versa dans la mienne une
liqueur très amère et en telle abondance que je ne pouvais
la contenir. Je le priai pour qu'il me donne la force de la garder. Autrement,
j'aurais fait ce que je ne voulais pas qu'il fasse, c'est-à-dire
que je l'aurais versée sur la terre et j'aurais beaucoup regretté
d'avoir fait cela.
Il semble qu'il me donna la force, même si les souffrances étaient
si grandes que je me sentais faiblir. Me prenant dans ses Bras, Jésus
me soutint et me dit: «Avec toi, on doit nécessairement se
soumettre. Tu deviens si importune que je me sens obligé de te contenter.»
30 novembre 1899
Mon adorable Jésus vint comme à l'accoutumée.
Cette fois, je l'ai vu quand il était à la colonne. Se détachant
par lui-même, il se jeta dans mes bras pour être pris en pitié.
Je l'ai pressé sur moi et j'ai commencé à sécher
et à placer ses Cheveux tout encroûtés de Sang. Je
les baisais, de même que ses Yeux et sa Face, et je faisais des actes
variés de réparation. Quand j'arrivai à ses Mains
et que je lui enlevai la chaîne, avec grand étonnement, j'ai
remarqué que, même si la Tête était celle de
Jésus, les membres étaient de beaucoup d'autres personnes,
religieuses spécialement. Oh! combien étaient nombreux les
membres infectés donnant plus de ténèbres que de lumière!
Sur la gauche étaient ceux qui faisaient souffrir le plus Jésus.
Il y avait là des membres malades, pleins de blessures profondes
remplies de vers, et d'autres qui étaient rattachés à
ce corps à peine par un nerf. Ah! comme cette Tête divine
souffrait et vacillait au-dessus de ces membres! Sur le côté
droit se tenaient ceux qui étaient mieux, c'est-à-dire, les
membres sains, resplendissants, couverts de fleurs et de rosée céleste,
et dégageant de délicieuses odeurs.
La Tête divine, au-dessus des membres, souffrait beaucoup. C'est
vrai qu'il y avait des membres resplendissants qui étaient comme
de la lumière pour la Tête, qui la ravivaient et lui donnaient
une très grande gloire, mais le plus grand nombre étaient
des membres infectés.
Ouvrant sa très douce Bouche, Jésus me dit: «Ma
fille, combien de douleurs ces membres me donnent! Ce corps que tu vois
est le corps mystique de mon Église, duquel je me glorifie d'être
la Tête. Mais quelles déchirures cruelles ces membres font
dans le corps. Il semble qu'ils se stimulent l'un l'autre à me tourmenter
davantage.»
Il m'a dit d'autres choses sur ce corps, mais je ne me souviens plus
très bien. Aussi, je m'arrête ici.
2 décembre 1899
Pendant que j'étais très affligée à cause
de certaines choses qu'il ne m'est pas permis de dire ici, mon aimable
Jésus, désirant me réconforter, vint d'une manière
toute nouvelle. Il me sembla habillé de bleu ciel, tout orné
de petites clochettes d'or qui tintaient quand elles se frappaient entre
elles et qui émettaient un son jamais encore entendu. À ce
spectacle et au son charmant des clochettes, je me suis sentie enchantée
et soulagée de mon affliction qui, comme une fumée, se dissipa.
Je serais restée là en silence (les puissances de mon
âme étaient tellement étonnées), si Jésus
béni n'avait pas brisé le silence en me disant: «Ma
fille bien-aimée, ces clochettes sont autant de voix qui te parlent
de mon Amour et qui t'invitent à m'aimer. Maintenant, laisse-moi
voir combien de clochettes tu as qui me parlent de ton amour et qui m'appellent
à t'aimer!»
En rougissant, je lui dis: «Oh! Seigneur, que dis-tu? Je n'ai
rien, sinon mes défauts habituels.» Prenant pitié de
ma misère, il poursuivit: «Tu n'as rien, c'est vrai, mais
je veux t'orner de mes propres clochettes pour que tu aies plein de voix
avec lesquelles m'appeler et me montrer ton amour.»
Ensuite, il me sembla qu'il entourait ma taille d'une bande décorée
de ces petites clochettes. Puis, je restai silencieuse. Il ajouta: «Aujourd'hui,
j'ai le plaisir de rester avec toi; dis-moi quelque chose.» Je lui
dis: «Tu sais que tout mon contentement est d'être avec toi!
Quand je t'ai, j'ai tout! Quand je te possède, il me semble que
je n'ai rien d'autre à désirer ou à dire.»
Il poursuivit: «Fais-moi entendre ta voix qui réjouit
mon Ouïe. Conversons ensemble un peu. Je t'ai souvent parlé
de la croix. Aujourd'hui, laisse-moi t'entendre m'en parler.»
Je me suis sentie toute confuse. Je ne savais pas quoi dire. Mais lui,
pour m'aider, m'envoya un rayon de lumière intellectuelle, et j'ai
commencé à dire: «Mon Bien-Aimé, qui peut te
dire ce qu'est la croix et ce qu'elle fait? Seulement ta Bouche peut parler
dignement de la sublimité de la croix! Mais puisque tu veux que
je t'en parle, je le ferai.
«La croix soufferte par toi, Jésus-Christ, me libère
de l'esclavage du démon et m'unit à la Divinité par
un lien indissoluble. La croix est fertile et donne naissance à
la grâce en moi. La croix est légère, elle me désillusionne
du temporel et me dévoile l'éternité. La croix est
un feu qui réduit en cendres tout ce qui n'est pas de Dieu, jusqu'à
vider le coeur de toute petite poussière qui pourrait s'y trouver.
«La croix est une monnaie d'une valeur inestimable. Si j'ai la
bonne fortune de la posséder, je deviens enrichie d'une monnaie
éternelle apte à faire de moi la plus riche du Paradis, car
la monnaie qui circule dans le Ciel provient des croix souffertes sur la
terre.
«La croix m'amène à me connaître moi-même.
Elle me donne aussi la connaissance de Dieu. La croix greffe sur moi toutes
les vertus. La croix est le noble siège de la Sagesse incréée
qui m'enseigne les doctrines les plus hautes, les plus subtiles et les
plus sublimes. Elle me dévoile les mystères les plus secrets,
les choses les plus cachées, les perfections les plus parfaites,
toutes choses cachées aux plus savants et aux plus sages du monde.
«La croix est cette eau bienfaisante qui me purifie et qui nourrit
en moi les vertus. Elle les fait croître. Elle me quitte après
m'avoir conduite à la vie éternelle.
«La croix est cette céleste rosée qui préserve
et embellit en moi le beau lys de la pureté. La croix nourrit l'espérance.
La croix est le flambeau de la foi agissante. La croix est ce bois solide
qui préserve et maintient toujours enflammé le feu de la
charité. La croix est ce bois sec qui fait s'évanouir et
se disperser la fumée de l'orgueil et de la vaine gloire, et qui
produit dans l'âme l'humble violette de l'humilité.
«La croix est l'arme la plus puissante pour assaillir les démons
et me défendre de toutes leurs emprises. L'âme qui possède
la croix fait l'envie et l'admiration de tous les anges et de tous les
saints, et la rage et la colère des démons. La croix est
mon paradis sur la terre, tel que si le Paradis d'en haut est jouissance,
celui d'ici-bas est souffrance.
«La croix est la chaîne d'or très pur qui me relie
à toi, mon plus grand Bien, et qui forme la plus intime union qui
puisse être en me faisant me transmuer en toi, mon Objet bien-aimé,
jusqu'à ce que je me sente perdue en toi et que je vive de ta Vie
même.»
Après que j'eus dit cela -- je ne sais si c'est un non-sens
--, mon aimable Jésus se réjouit grandement et, pris par
un transport d'Amour, me baisa partout et me dit: «Bravo, bravo,
ma bien-aimée! Tu as bien parlé! Mon Amour est feu, mais
pas comme un feu de la terre qui rend stérile tout ce qu'il pénètre
et réduit tout en cendres. Mon Feu est fertile et rend stérile
seulement ce qui n'est pas vertu. À tout le reste, il donne vie.
Il fait germer de belles fleurs, donnant des fruits très exquis
et formant le jardin céleste le plus délicieux.
«La croix est si puissante et je lui ai communiqué tant
de grâces qu'elle est plus efficace que les sacrements eux-mêmes.
Il en est ainsi parce que lorsqu'on reçoit le sacrement de mon Corps,
les dispositions et le libre concours de l'âme sont nécessaires
pour qu'on en reçoive mes grâces. Ils peuvent souvent manquer,
tandis que la croix a la puissance de disposer l'âme à la
grâce.»
21 décembre 1899
Ce matin, brisant un long silence, mon aimable Jésus me dit:
«Je suis le réceptacle des âmes pures.» En me
disant cela, il me donna une lumière intellectuelle qui me fit comprendre
plusieurs choses sur la pureté. Mais je ne puis traduire en mots
que très peu ou rien du tout de ce que je ressens dans mon intellect.
Cependant, la très honorable dame obéissance veut que j'écrive
quelque chose, même si ça risque de manquer de sens. Pour
la contenter, elle seule, je dirai mes sottises sur la pureté.
Il m'apparaît que la pureté est le plus noble joyau qu'une
âme puisse posséder. L'âme qui possède la pureté
est investie d'une lumière candide. En la regardant, Dieu y voit
sa propre Image. Il se sent tellement attiré par cette âme
qu'il en tombe amoureux. Son Amour pour elle est si grand qu'il lui donne
son Coeur très pur comme refuge. D'ailleurs, seulement ce qui est
pur et sans tache peut entrer dans son Coeur.
L'âme qui possède la pureté garde en elle la splendeur
première que Dieu lui a donnée au moment de sa création.
Rien en elle n'est souillé ou ignoble. Comme une reine qui aspire
aux noces du Roi céleste, cette âme préserve sa noblesse
jusqu'à ce que la noble fleur qu'elle est soit transplantée
dans le jardin céleste.
Cette fleur virginale a un parfum distinctif! Elle s'élève
au-dessus de toutes les autres fleurs, au-dessus des anges eux-mêmes.
Elle se distingue par une beauté différente, tellement que
tous sont pris d'estime et d'amour pour elle! Ils la laissent passer librement
pour qu'elle atteigne l'Époux divin. La première place auprès
de Notre-Seigneur est donnée à cette noble fleur. C'est pourquoi
Notre-Seigneur se réjouit tant de marcher au milieu de ces lys qui
parfument et la terre et le Ciel. Il se plaît d'autant plus à
être entouré de ces lys, qu'il est lui-même le premier,
le plus noble et l'exemple de tous les autres.
Oh! comme il est beau de voir une âme vierge! Son coeur ne respire
aucun autre souffle que celui de la pureté et de l'innocence. Elle
n'est obscurcie par aucun amour qui n'est pas de Dieu. Même son corps
dégage la pureté. Tout est pur en elle. Elle est pure dans
ses pas, dans ses actions, dans son discours, dans ses regards, dans ses
mouvements. Simplement à la regarder, on reçoit sa fragrance.
Quels charismes, quelles grâces, quel amour réciproque,
quelles amoureuses ingénuités entre l'âme pure et son
Époux Jésus! Seulement celui qui la côtoie peut en
dire quelque chose. Cependant tout ne peut être dit. Et je ne sens
pas que je sois habilitée à parler sur ce sujet. C'est pourquoi
je fais silence et je passe.
22 décembre 1899
Ce matin, mon adorable Jésus n'est pas venu. Cependant, après
avoir attendu un bon moment, il se montra plusieurs fois, mais très
rapidement, presque comme l'éclair. Il semblait que je voyais une
lumière plutôt que Jésus. De cette lumière,
la première fois qu'il est venu, j'ai entendu une voix qui m'a dit:
«Je t'attire de trois manières pour que tu m'aimes: par mes
bienfaits, par mon attraction et par la persuasion.»
Qui pourrait dire combien de choses j'ai alors comprises? Par exemple
que, pour attirer notre amour, Jésus béni fait descendre
sur nous une pluie de bienfaits. Et voyant que cette pluie bienfaisante
n'arrive pas à attirer notre amour, il va aussi loin que de se rendre
plaisant et charmant. Et quels sont ses moyens d'attraction? Ce sont les
douleurs souffertes par amour pour nous, allant jusqu'à mourir sur
la Croix en répandant un déluge de Sang, où il devint
si attrayant et si agréable que ses bourreaux et ses plus féroces
ennemis tombèrent en amour avec lui. Et pour nous persuader davantage
et pour rendre notre amour plus fort et plus stable, il nous a laissé
la lumière de ses saints exemples et de sa doctrine céleste
qui dissipe les ténèbres de cette vie et nous conduit au
salut éternel.
La deuxième fois qu'il est venu, il m'a dit: «Je me manifeste
aux âmes à travers la Puissance, les Nouvelles, et l'Amour.
La Puissance est le Père Créateur; les Nouvelles sont la
Parole; l'Amour est le Saint-Esprit.»
Il me semble que, par sa Puissance, Dieu se manifeste à l'âme
à travers toute la Création. La Toute-Puissance de Dieu se
manifeste à travers tous les êtres. Le ciel, les étoiles
et tous les autres êtres nous parlent d'un Être suprême,
d'un Être incréé et de sa Toute-Puissance. Le plus
savant des hommes, avec toute sa science, ne peut même pas créer
un vil rat. Et cela nous dit qu'il doit y avoir un Être incréé,
un Être très puissant, qui a créé, qui a donné
la vie et qui soutient tous les êtres. Oh! comme tout l'univers nous
manifeste, en notes claires et en lettres indélébiles, Dieu
et sa Toute-Puissance! Celui qui ne le voit pas est aveugle, et aveugle
volontaire. Avec ses Nouvelles, il me semblait que Jésus béni,
en descendant du Ciel, vint en personne sur la terre pour nous donner des
nouvelles de ce qui est invisible pour nous. Par combien de voies ne s'est-il
pas manifesté!
Oh! combien d'autres choses j'ai comprises, mais mes capacités
de les décrire sont trop faibles. Je crois que chacun, par lui-même,
comprend le reste. Aussi, je ne prolongerai pas sur ce sujet.
25 décembre 1899
J'ai passé un bon nombre de jours dans la presque totale privation
de mon plus grand et seul Bien, dans l'aridité de coeur, sans être
capable de pleurer sur la grande perte que je vivais, même si j'offrais
cette aridité à Dieu en lui disant: «Seigneur, reçois
cela comme un sacrifice de ma part. Toi seul peux ramollir mon coeur si
dur.»
Finalement, après une longue période de souffrance, ma
chère Maman Reine vint, portant sur son Sein l'Enfant céleste,
tout tremblant et enveloppé d'un vêtement de toile. Elle le
mit dans mes bras en me disant: «Ma fille, réchauffe-le de
ton affection, car mon Fils est né dans la pauvreté extrême,
dans un total abandon des hommes et dans la plus grande austérité.»
Ah! comme il était mignon dans sa céleste beauté!
Je l'ai pris dans mes bras et je l'ai serré pour le réchauffer,
car il avait froid, n'ayant sur lui qu'une simple couverture de toile.
Après que je l'eus réchauffé autant que je le
pouvais, ouvrant ses Lèvres pourpres, mon tendre petit Bébé
me dit: «Me promets-tu d'être toujours une victime par amour
pour moi, comme je le suis par amour pour toi?»
Je lui répondis: «Oui mon petit Trésor, je te le
promets.» Il poursuivit: «Je ne suis pas satisfait de seulement
ta parole, je veux un serment et une signature avec ton sang.» Alors
je lui dis: «Si l'obéissance le veut, je le ferai.»
Il sembla tout content et poursuivit: «À partir du moment
de ma naissance, mon Coeur a toujours été offert en sacrifice
pour glorifier le Père, pour la conversion des pécheurs et
pour les personnes qui m'entouraient et qui étaient mes plus fidèles
compagnons dans mes douleurs. Ainsi, je veux que ton coeur soit continuellement
dans cette attitude, offert en sacrifice à ces trois fins.»
Comme il disait cela, la Reine Maman voulait l'Enfant pour le rafraîchir
de son très doux Lait. Je le lui remis et elle exposa son Sein pour
le porter à la Bouche du divin petit Garçon. Et moi, rusée,
voulant faire une blague, je commençai à sucer avec ma bouche.
Dès l'instant que je fis cela, ils disparurent, me laissant à
la fois contente et peinée. Que tout soit pour la gloire de Dieu
et pour la confusion de la misérable pécheresse que je suis.
27 décembre 1899
Il continuait de se montrer comme une ombre ou un éclair. Ainsi,
je me retrouvai dans une mer d'amertume. Dans un court instant, il m'apparut
en me disant: «La charité doit être comme un manteau
qui recouvre toutes tes actions, de telle façon que tout en toi
brille d'une parfaite charité. Que signifie ce déplaisir
que tu ressens quand tu ne souffres pas? Il signifie que ta charité
n'est pas parfaite, car souffrir par amour pour moi ou ne pas souffrir
par amour pour moi (sans que ta volonté n'intervienne), c'est la
même chose.»
Puis il disparut, me laissant plus amère qu'auparavant. C'est
un sujet pour moi trop délicat pour que j'en parle ici. Après
que j'eus pleuré des larmes amères sur mon état si
misérable et aussi à cause de son absence, il revint et me
dit: «Avec les âmes justes, j'agis avec justice. Beaucoup plus,
je les récompense doublement pour leur justice en les favorisant
des plus grandes grâces et en leur donnant des grâces de justice
et de sainteté.»
Je me trouvais si confuse et mauvaise que je n'ai pas osé dire
un seul mot. Plutôt, j'ai continué à pleurer sur ma
misère. Jésus, désirant infuser en moi la confiance,
mit sa Main sous ma tête pour la tenir (car elle ne pouvait se tenir
seule) et me dit: «N'aie pas peur. Je suis le bouclier des combattants
et des affligés.» Puis il disparut.
30 décembre 1899
Comme ce matin l'obéissance m'avait demandé de prier
pour une personne, dès que j'ai vu Jésus, je lui ai recommandé
cette personne. Il me dit: «L'humiliation ne doit pas seulement être
acceptée, mais on doit aussi l'aimer. On doit pour ainsi dire la
mâcher comme de la nourriture. Comme c'est le cas pour la nourriture
amère, plus on la mâche, plus on en goûte l'amertume.
Bien mâchée, l'humiliation donne naissance à la mortification.
Et ces deux moyens, l'humiliation et la mortification, sont très
puissants pour surmonter certains obstacles et obtenir les grâces
nécessaires.
Comme la nourriture amère, l'humiliation et la mortification
semblent nuisibles à la nature humaine et semblent apporter du mal
plutôt que du bien. Cependant, il n'en est pas ainsi. Plus le fer
est battu sur l'enclume, plus il étincelle et devient purifié.
Il en va ainsi pour l'âme qui veut vraiment marcher sur la voie du
bien. Plus elle est humiliée et battue sur l'enclume de la mortification,
plus il en jaillit des étincelles de feu céleste et plus
elle est purifiée.»
1er janvier 1900
Je me trouvais très affligée par la privation de mon
plus grand et seul Bien. Après l'avoir longuement attendu, je l'ai
finalement vu venir dans l'intérieur de mon coeur. Il pleurait.
Il me fit comprendre combien il souffrit et s'humilia lui-même quand
il fut circoncis. Cela me causa une grande souffrance, car je me suis sentie
absorbée par son amertume. Compatissant avec moi, le petit Bébé
béni me dit:
«Plus l'âme est humiliée et se connaît elle-même,
plus elle s'approche de la Vérité. Dans la Vérité,
elle cherche à suivre le chemin des vertus, duquel elle se sent
très éloignée. Et, sur ce chemin, elle perçoit
la distance qu'elle a encore à parcourir parce que ce chemin est
sans fin. Il est infini comme je suis infini.
L'âme qui est dans la Vérité cherche toujours à
se perfectionner, mais elle n'arrive jamais à se trouver parfaite.
Cela l'amène à travailler continuellement, à se perfectionner
toujours davantage, sans perdre de temps dans l'oisiveté. Et moi,
bénissant ce travail, petit à petit, je fais les retouches
pour peindre en elle mon image. C'est pourquoi j'ai voulu être circoncis:
je voulais donner l'exemple de la plus grande humilité, ce qui stupéfia
même les anges du Ciel.»
3 janvier 1900
Je continuais de me voir non seulement remplie de misères, mais
j'étais également inquiète. Tout mon intérieur
était en effervescence à cause de la perte de Jésus.
Je réfléchissais en moi-même en me disant que mes grands
péchés m'avaient mérité que Jésus me
laisse et que, par conséquent, je ne le verrai jamais plus. Oh!
quelle mort cruelle c'était pour moi, plus cruelle que toute autre!
J'étais terriblement accablée de ne plus voir Jésus,
de ne plus entendre sa douce Voix, d'avoir perdu celui de qui ma vie dépendait,
de qui me venait tout bien! Comment vivre sans lui? Ah! ayant perdu Jésus,
tout était fini pour moi!
Noyée dans ces pensées, je me suis sentie dans une agonie
mortelle et tout mon intérieur était bouleversé. Je
voulais tellement Jésus! Alors, dans un éclat de lumière,
il se manifesta à mon âme et me dit: «Paix, paix! Ne
te trouble pas. De même qu'une fleur très odorante parfume
le lieu où elle est placée, ainsi la paix de Dieu remplit
l'âme qui la possède.» Puis il s'enfuit comme l'éclair.
Ah! Seigneur, comme tu es bon avec la pécheresse que je suis.
Avec confiance, je te dis: «Ah! comme tu es singulier! Même
si je suis en train de te perdre, tu ne veux pas que je sois troublée
ou alarmée. Et, si je le suis, tu me fais comprendre que je m'éloigne
ainsi de toi car, avec la paix, je me remplis de Dieu; et, dans le trouble,
je me remplis de tentations diaboliques. Oh! mon doux Jésus, quelle
patience est nécessaire avec toi! Car peu importe ce qui m'arrive,
tu ne veux même pas que je m'alarme ou me trouble; tu me veux d'un
calme et d'une paix parfaites.»
5 janvier 1900
Alors que je me trouvais dans mon état habituel, je me suis
sentie quitter mon corps et j'ai trouvé mon adorable Jésus.
Mais, oh! comme je me suis vue remplie de péchés en sa présence!
Intérieurement, j'ai senti un désir très fort de me
confesser à Notre-Seigneur. Ainsi, me tournant vers lui, j'ai commencé
à lui dire mes péchés. Il m'écoutait. Quand
j'eus fini, il se tourna vers moi avec un air plein d'affliction et me
dit:
«Ma fille, s'il est grave, le péché est un poison
et une étreinte mortelle pour l'âme; et non seulement pour
l'âme, mais aussi pour toutes les vertus qui s'y trouvent. S'il est
véniel, c'est une étreinte qui blesse et qui rend l'âme
faible et malade ainsi que les vertus qui s'y trouvent. Quel venin mortel
est le péché! Seul, il peut blesser l'âme et lui donner
la mort! Rien d'autre ne peut nuire à l'âme. Rien d'autre
ne peut la rendre laide et haïssable devant moi. Seulement le péché.»
Comme il disait cela, j'ai compris la laideur du péché;
j'ai ressenti une telle douleur que je ne sais pas comment l'exprimer.
Jésus, me voyant toute torturée par la douleur, leva sa Main
droite et prononça les paroles de l'absolution.
Et il ajouta: «Alors que le péché blesse l'âme
et lui donne la mort, le sacrement de la confession lui redonne vie, guérit
ses blessures, redonne vigueur à ses vertus et cela, plus ou moins,
selon ses dispositions. C'est ainsi que travaille ce sacrement.»
Il me semblait que mon âme recevait une vie nouvelle. Après
l'absolution de Jésus, je n'ai plus ressenti le trouble d'auparavant.
Puisse le Seigneur être toujours remercié et glorifié!
6 janvier 1900
Ce matin, j'ai reçu la communion. Me retrouvant avec Jésus,
j'ai aussi trouvé la Reine Maman. Et quelle merveille: en regardant
la Mère, j'ai vu son Coeur transformé en Jésus bébé;
j'ai regardé le bébé et j'ai vu la Mère dans
son Coeur. Alors je me suis souvenue que c'était la fête de
l'Épiphanie. À l'exemple des saints rois mages, j'aurais
voulu offrir quelque chose à Jésus bébé. Mais
je n'avais rien à lui donner.
Alors, à travers ma misère, la pensée me vint
de lui offrir, comme myrrhe, mon corps avec toutes les souffrances des
douze années pendant lesquelles j'avais été alitée,
prête à souffrir et à continuer aussi longtemps qu'il
le désirerait. Comme or, je lui offris les douleurs que je ressens
quand il me prive de sa présence, ce qui est pour moi la chose la
plus souffrante et la plus douloureuse. Comme encens, je lui offris mes
pauvres prières en les unissant à celles de la Reine Maman,
afin qu'elles soient plus acceptables pour Jésus bébé.
J'ai fait mon offrande dans la confiance totale que l'Enfant allait
l'accepter. Cependant, il me sembla que même si Jésus acceptait
ma pauvre offrande avec grand plaisir, ce qu'il aimait le plus était
la confiance avec laquelle je l'offrais.
Il me dit: «La confiance a deux bras. Avec le premier, on embrasse
mon Humanité et on en use comme d'une échelle pour s'élever
jusqu'à ma Divinité. Avec l'autre, on embrasse ma Divinité
et on obtient d'elle des torrents de grâces célestes. Ainsi,
l'âme est tout inondée par l'Être divin.
«Quand l'âme a confiance, elle est sûre d'obtenir
ce quelle demande: je garde mes Bras attachés et je laisse l'âme
faire ce qu'elle veut. Je la laisse pénétrer plus profondément
dans mon Coeur et je la laisse y prendre ce qu'elle m'a demandé.
Si je ne faisais pas ainsi, je me sentirais dans un état de violence
vis-à-vis de l'âme.»
Comme il disait cela, de la Poitrine de l'Enfant (ou de la Poitrine
de la Mère) venaient des courants de liqueur (mais je ne sais pas
exactement comment nommer ce que j'appelle ici liqueur) qui inonda toute
mon âme. Puis la Reine Maman disparut.
Par la suite, l'Enfant et moi allâmes dans la voûte des
cieux. J'ai vu sa charmante Figure attristée. Je me suis dit en
moi-même: «Peut-être désire-t-il les caresses
de la Reine Maman.» Je l'ai pressé fortement sur mon coeur
et Jésus bébé prit un aspect jubilant. Qui pourrait
dire ce qui se passa alors entre Jésus et moi? Je n'ai pas la langue
pour le manifester ni les expressions pour le décrire.
8 janvier 1900
Je me disais intérieurement: «Qui pourrait dire combien
d'erreurs et de bévues contiennent ces choses que j'écris?»
À ce moment, je me suis sentie comme si je perdais connaissance
et Jésus béni vint et me dit: «Ma fille, même
tes erreurs aideront à faire comprendre qu'il n'y a aucune tromperie
volontaire de ta part et que tu n'es pas un docteur (car si tu en étais
un, tu saurais où tu erres). Elles rendront encore plus clair que
c'est moi qui te parle -- du moins pour ceux qui savent voir les choses
simplement. Mais je t'assure qu'ils ne trouveront pas une ombre de vice,
ni rien qui ne dise "vertu" car, quand tu écris, moi-même
guide ta main. Tout au plus, ils pourront trouver quelque chose qui, au
premier regard, semble erroné, mais qui, s'ils regardent de plus
près, correspond à la Vérité.»
Ayant dit cela, il disparut. Quelques heures plus tard, alors que je
me sentais toute perplexe et mal à l'aise relativement à
ce qu'il m'avait dit, il revint et ajouta: «Mon héritage est
fermeté et stabilité. Je ne suis sujet à aucun changement.
Plus une âme s'approche de moi et avance sur le chemin de la vertu,
plus elle se sent ferme et stable dans le bien; d'autre part, plus elle
est loin de moi, plus elle est sujette à osciller entre le bien
et le mal.»
Texte non daté
Alors que je me trouvais dans mon état habituel, mon aimable
Jésus se montra à moi dans un état lamentable. Ses
Mains étaient attachées solidement, sa Face était
couverte de crachats, et il y avait plusieurs personnes qui le giflaient
copieusement. Quant à lui, il était calme et tranquille,
sans bouger et sans proférer une seule plainte. Il ne bougeait même
pas une paupière, montrant ainsi qu'il voulait souffrir ces outrages,
non seulement extérieurement, mais aussi intérieurement.
Quel spectacle émouvant, capable de briser les coeurs les plus durs!
Combien de choses me disait cette Face souillée de boue et de dégoûtants
crachats! J'étais frappée d'horreur. Je tremblais. Je me
suis vue toute remplie d'orgueil comparativement à lui.
Il me dit: «Ma fille, seuls les petits se laissent traiter comme
on le veut; pas ceux qui sont petits en raison humaine, mais ceux qui sont
petits et remplis de raison divine. Je peux dire que je suis humble, mais
ce qui est appelé humilité chez l'homme devrait être
appelé connaissance de soi. Celui qui ne se connaît pas lui-même
marche dans la fausseté.»
Puis, pendant quelques minutes, il fut silencieux. Je le contemplais.
Et j'ai vu une main munie d'une lumière qui cherchait en moi, dans
les endroits les plus intimes et cachés, pour voir si on pouvait
y trouver la connaissance de soi et l'amour des humiliations, de la confusion
et de la disgrâce. La lumière trouva un vide en mon intérieur
et j'ai vu que cet endroit aurait dû être rempli d'humiliations
et de confusion, suivant l'exemple de mon Jésus béni.
Oh! combien de choses cette lumière et cette attitude sacrée
de Jésus me firent comprendre. Je me suis dit en moi-même:
«Un Dieu humilié et confus pour mon amour; et moi, une pécheresse
privée de ces marques de distinction! Un Dieu stable et ferme qui,
devant tant d'injustices, ne bouge même pas pour se défaire
des crachats dégoûtants qui couvrent son Visage. Ah! s'il
voulait rejeter ces souffrances, ces outrages, il pourrait parfaitement
le faire! Je comprends que ce ne sont pas les chaînes qui le retiennent
dans cette situation, mais sa Volonté stable qui veut sauver la
race humaine quelqu'en soit le prix! Et moi, où sont mes humiliations?
Où est ma fermeté et ma constance à travailler par
amour pour Jésus et mon prochain! Oh! quels êtres dissemblables
nous sommes Jésus et moi!»
Pendant que mon petit cerveau se perdait dans ces pensées, mon
adorable Jésus me dit: «Mon Humanité fut submergée
par la disgrâce et l'humiliation, au point de débordement.
C'est pourquoi, devant mes vertus, le Ciel et la terre tremblent et les
âmes qui m'aiment usent de mon Humanité comme d'une échelle
pour atteindre quelques reflets de mes vertus.
«Dis-moi: comparativement à mon humilité, où
est la tienne? Moi seul peux me glorifier de posséder une vraie
humilité. Unie à ma Divinité, mon Humanité
aurait pu faire des prodiges à chaque pas, en paroles et en actes,
mais, volontairement, je me suis restreint aux bornes de mon Humanité,
je me suis montré le plus pauvre, j'ai été jusqu'à
me confondre avec les pécheurs.
«J'aurais pu accomplir la Rédemption dans un temps très
bref, et même d'un seul mot. Mais, pendant de longues années,
avec tant de privations et de souffrances, j'ai voulus faire miennes les
misères de l'homme. J'ai voulu m'adonner à de nombreuses
et diverses actions pour que l'homme puisse être renouvelé
et divinisé, même dans ses plus petits travaux. Portés
par moi qui était Dieu et homme, ces travaux humains reçurent
une nouvelle splendeur et furent marqués du sceau de la Divinité.
«Dissimulée dans mon Humanité, ma Divinité
descendit aussi bas que de se mettre au niveau des actes humains, alors
que, d'un simple acte de ma Volonté, j'aurais pu créer un
nombre infini de mondes qui auraient transcendé les misères
et les faiblesses de cette humanité! Devant la Justice divine, j'ai
choisi de voir mon Humanité recouverte de tous les péchés
des hommes pour lesquels j'ai eu à expier par des douleurs inouïes
et en versant tout mon Sang! Ainsi, j'ai accompli des actes continuels
d'humilité héroïque.
«La grande différence entre mon humilité et celle
des créatures qui, devant la mienne, n'est qu'une ombre -- même
celle de mes saints --, c'est que les créatures sont toujours créatures
et ne connaissent pas comme moi le vrai poids du péché. Bien
que certaines âmes furent héroïques et que, à
mon exemple, elles se soient offertes pour souffrir les peines des autres,
elles ne sont pas différentes des autres: elles sont faites de la
même glaise.
«La simple pensée que leurs souffrances sont la cause
de nouveaux gains pour elles, et qu'elles en glorifient Dieu, est un grand
honneur pour elles. De plus, les créatures sont restreintes au cercle
où Dieu les a mises; elles ne peuvent aller hors des limites de
ce cercle. Oh! s'il était en leur pouvoir de faire et de défaire,
combien d'autres choses ne feraient-elles pas. Chacun atteindrait les étoiles!
Au contraire, mon Humanité divinisée n'avait aucune limite.
Cependant, elle s'est restreinte aux limites humaines afin que toutes ses
Oeuvres soient tissées d'humilité héroïque.
«Le manque d'humilité de l'homme fut la cause de tous
les maux qui ont inondé la terre. Et moi, par l'exercice de cette
vertu, je devais attirer sur les hommes tous les biens de la Divinité.
Aucune grâce ne quitte mon Trône, si ce n'est à travers
l'humilité; aucune requête ne peut être reçue
par moi, si elle n'a pas la signature de l'humilité. Aucune prière
n'est entendue par mes Oreilles ni n'émeut mon Coeur à la
compassion, si elle n'est pas parfumée d'humilité.
«Si la créature ne va pas jusqu'au bout pour détruire
en elle cette recherche des honneurs et l'estime de soi (ce qu'on détruit
en aimant être haï, humilié et confondu), elle sentira
autour de son coeur comme une tresse d'épines, et elle aura un vide
dans son coeur qui l'ennuiera toujours et la maintiendra très dissemblable
de ma très sainte Humanité. Si elle n'en vient pas à
aimer les humiliations, tout au plus sera-t-elle capable de se connaître
un peu, mais elle ne brillera pas devant moi, vêtue du beau et charmant
vêtement de l'humilité.»
Qui pourrait dire toutes les choses que j'ai comprises concernant la
vertu d'humilité et la corrélation entre la connaissance
de soi et l'humilité? Il me semble avoir saisi la distinction entre
ces deux vertus, mais je n'ai pas les mots pour l'exprimer. Pour dire quelque
chose là-dessus, je me servirai d'un exemple.
Imaginons un homme pauvre qui sait qu'il est pauvre et qui, pour les
personnes qui ne le connaissent pas et qui pourraient croire qu'il possède
quelque chose, manifeste clairement sa pauvreté. On peut dire de
cet homme qu'il se connaît, qu'il dit la vérité et,
qu'ainsi, il sera plus aimé. Il attirera les autres à la
compassion sur son état misérable. Tous l'aideront. C'est
ce que produit la connaissance de soi.
Mais qu'arriverait-il si cet homme, ayant honte de manifester sa pauvreté,
se vantait d'être riche, alors que tous sauraient qu'il ne possède
même pas les vêtements qu'il porte et qu'il meurt de faim.
Tous le haïraient, personne ne l'aiderait et il deviendrait la risée
de tous ceux qui le connaissent. Ce misérable homme irait de mal
en pis et finirait par périr. C'est ce que l'orgueil produit devant
Dieu et devant les hommes. Celui qui ne se connaît pas s'éloigne
automatiquement de la Vérité et s'engage sur les chemins
de la fausseté.
Il y a une autre forme d'humilité héroïque qui résulte
aussi de la connaissance de soi. Imaginons un homme riche, né au
milieu du confort et des richesses, et qui est bien reconnu comme tel.
Cependant, considérant les humiliations profondes auxquelles Notre-Seigneur
Jésus-Christ s'est soumis par Amour pour nous, il devient amoureux
de la sainte humilité, abandonne ses richesses et son confort, enlève
ses nobles vêtements et se couvre de guenilles. Il vit inconnu. Il
ne dit à personne qui il est. Il vit avec les plus pauvres comme
s'il était leur égal. Il fait sa joie des mépris et
des confusions. On trouve chez cet homme ce qui arrive aux saints qui s'humilient
de plus en plus et qui savent que le Seigneur les remplit ainsi de ses
grâces et de ses dons.
Dans ces exemples, on voit que la connaissance de soi sans humilité
n'est bonne à rien, alors que la connaissance de soi accompagnée
d'humilité devient précieuse.
Ah oui! l'humilité attire la grâce, brise les plus fortes
chaînes et fait surmonter chaque barrière entre l'âme
et Dieu. L'humilité est la petite plante toujours verte et fleurie
qui n'est pas sujette à être rongée par les vers et
qui ne peut être abîmée ou flétrie par les vents,
la grêle ou la chaleur. Alors même qu'elle est la plus petite
plante, elle développe les plus grandes branches qui pénètrent
dans le Ciel et rejoignent le Coeur de Notre-Seigneur. Seulement les branches
qui proviennent de cette petite plante ont leurs entrées gratuites
dans cet adorable Coeur.
L'humilité est l'ancre de paix dans la mer des tempêtes
de cette vie. L'humilité est le sel qui assaisonne toutes les vertus
et préserve l'âme de la corruption du péché.
L'humilité est la petite herbe qui pousse près des chemins;
elle disparaît quand elle est piétinée mais elle repousse
ensuite plus belle qu'avant. L'humilité est cette greffe domestique
qui ennoblit la plante sauvage. Elle est la monnaie de la grâce.
L'humilité est la lune qui nous guide dans les ténèbres
de la nuit de cette vie. L'humilité est le marchand rusé
qui sait comment vendre ses biens et qui ne gaspille pas même un
sou de la grâce qui lui est donnée. L'humilité est
la clef du Paradis où personne ne peut entrer sans elle. L'humilité
est le sourire de Dieu et de tout le Paradis et les pleurs de tout l'enfer.
17 janvier 1900
Ce matin, mon adorable Jésus est venu et reparti sans m'avoir
parlé. Après, j'ai senti que je quittais mon corps. Le dos
tourné, il m'a dit:
«En beaucoup, il n'y a plus de droiture. Ils disent: "Aussi longtemps
que les choses continueront de cette manière, nous n'aurons pas
de succès dans nos projets. Feignons donc la vertu, prétendons
être droits, feignons être de vrais amis; ainsi, il sera plus
facile de tisser notre filet et de les abuser. Quand nous arriverons à
eux pour leur faire du mal et les dévorer, eux, croyant que nous
sommes des amis, tomberont spontanément dans nos mains." Voilà
à quel niveau de sournoiserie l'homme peut atteindre.»
Par la suite, désirant de moi une réparation spéciale,
Jésus béni sembla m'enlever la vie en me présentant
à la Justice divine. De par sa manière de faire, j'ai pensé
qu'il me ferait quitter cette vie. C'est pourquoi je lui ai dit: «Seigneur,
je ne veux pas entrer au Ciel sans tes marques de distinction. Crucifie-moi
d'abord et, ensuite, amène-moi.»
Il transperça mes mains et mes pieds avec des clous. Et pendant
qu'il le faisait, à mon plus grand regret, il disparut et je me
suis retrouvée dans mon corps. Je me suis dit intérieurement:
«Me voilà encore ici! Ah! combien de fois m'as-tu fait cela,
mon cher Jésus. Tu as un art spécial pour me faire ce coup:
tu me laisses croire que je vais mourir, ce qui m'amène à
me rire du monde et des douleurs en me disant que la séparation
d'avec toi est terminée, puis, quand j'ai commencé à
me réjouir, je me retrouve encore enfermée dans la prison
de ce corps fragile. Par suite, oubliant mes réjouissances, je reviens
à mes pleurs, à mes lamentations et aux souffrances de ma
séparation de toi. Ah! Seigneur, reviens vite, car je suis profondément
consternée.»
22 janvier 1900
Après avoir vécu des jours très amers de privation,
mon pauvre coeur se débattait entre la peur d'avoir perdu Jésus
à tout jamais et l'espérance que peut-être je le reverrai
encore. Ô Dieu! Quelle guerre sanglante mon coeur eut à soutenir!
Sa souffrance était telle qu'à un instant il gelait et, à
l'instant suivant, il était comme sous le pressoir et dégouttait
le sang.
Pendant que j'étais dans cet état, j'ai senti mon doux
Jésus tout près de moi. Il retira le voile qui me couvrait
les yeux et, finalement, j'ai pu le voir. Immédiatement, je lui
ai dit: «Ô Seigneur, tu ne m'aimes plus?» Il me répondit:
«Oui, oui je t'aime! Ce que je te recommande, c'est la correspondance
à ma grâce. Et, pour être fidèle, tu dois être
comme l'écho qui se répercute dans l'atmosphère et
qui, aussitôt que quelqu'un commence à faire entendre sa voix,
immédiatement, sans le moindre retard, répète ce qu'il
entend. C'est ainsi que tu dois faire. Aussitôt que tu commences
à recevoir ma grâce, sans même attendre que je finisse
de te la donner, tu dois immédiatement commencer à faire
entendre l'écho de ta correspondance.»
27 janvier 1900
Je continuais d'être quasi totalement privée de mon doux
Jésus. Ma vie s'écoulait dans la douleur. Je sentais un grand
ennui, une grande lassitude de vivre! Je me disais intérieurement:
«Oh! comme mon exil est prolongé! Oh! quel serait mon bonheur
si je pouvais dissoudre les liens de ce corps. Ainsi, mon âme prendrait
librement son envol vers mon plus grand Bien!» Une pensée
m'effleura l'esprit: «Et si tu allais en enfer!» Pour empêcher
que le démon ne m'attaque sur ce point, je me suis dépêchée
de dire: «Alors, même en enfer, j'enverrais mes soupirs à
mon doux Jésus; même là, je l'aimerais.»
Pendant que j'entretenais ces pensées et bien d'autres (il serait
trop long de les mentionner toutes), mon aimable Jésus se montra
pendant un court temps et, d'un ton sérieux, il me dit: «Ton
temps n'est pas encore arrivé.» Dans une lumière intellectuelle,
il me fit comprendre que tout doit être ordonné dans une âme.
L'âme possède beaucoup de petites chambres, une pour chaque
vertu, chaque vertu ayant avec elle toutes les autres, de telle manière
que si l'âme semble ne posséder qu'une vertu, celle-ci est
accompagnée de toutes les autres. Néanmoins, les vertus sont
toutes distinctes et chacune a sa place dans l'âme. Elles proviennent
toutes de la Très Sainte Trinité qui, tout en étant
une, est formée de trois personnes distinctes.
J'ai aussi compris que chacune des chambres de l'âme est, ou
bien remplie par une vertu, ou bien par le vice opposé, et que s'il
n'y a ni vertu ni vice, elle reste vide. Il semblait que mon âme
était comme une maison qui contient beaucoup de chambres, toutes
vides; quelques-unes remplies de serpents, quelques-unes de boue, d'autres
sombres. Ah! Seigneur, toi seul peux mettre de l'ordre dans ma pauvre âme!
28 janvier 1900
Le même état persistait. Ce matin, Jésus me transporta
hors de mon corps. Après avoir attendu si longtemps, il semblait
que, cette fois, je le voyais clairement. Cependant, je me suis vue si
mauvaise que je n'osais pas dire un mot. Nous nous regardâmes l'un
l'autre, mais en silence. À travers ces regards mutuels, j'ai compris
que Jésus était rempli d'amertume, mais je n'ai pas osé
lui dire: «Verse ton amertume en moi.»
Il s'approcha cependant de moi et commença à déverser
son amertume. L'ayant reçue, je fus incapable de la contenir et
je la rejetai sur le sol. Alors il me dit: «Que fais-tu là?
Tu ne veux plus partager mon amertume? Tu ne veux plus me soulager dans
mes douleurs?»
Je lui dis: «Seigneur ce n'est pas que je ne veux pas. Je ne
sais ce qui m'arrive. Je me sens si remplie de ton amertume que je n'ai
pas de place pour la contenir. Seulement un prodige de ta part peut agrandir
mon intérieur; ainsi, je pourrai recevoir ton amertume.»
Jésus fit sur moi un grand signe de croix et il déversa
encore son amertume. Cette fois, il me sembla que j'étais capable
de la contenir. Il dit ensuite: «Ma fille, la mortification est comme
un feu qui fait sécher toutes les mauvaises humeurs qui sont dans
l'âme et qui l'inonde d'une humeur de sainteté, donnant naissance
aux plus belles vertus.»
31 janvier 1900
Jésus vint plusieurs fois, mais toujours en silence. Je sentais
un vide en moi et de la peine, car je n'entendais pas sa très douce
Voix. Revenant pour me consoler, il me dit:
«La grâce est la vie de l'âme. Comme l'âme
donne vie au corps, ainsi la grâce donne vie à l'âme.
Pour le corps, il ne suffit pas qu'il ait une âme pour maintenir
sa vie, il lui faut aussi de la nourriture pour qu'il puisse grandir jusqu'à
sa pleine stature. Ainsi, pour l'âme, il n'est pas suffisant qu'elle
ait la grâce pour la maintenir en vie, il lui faut aussi de la nourriture
pour qu'elle puisse progresser vers sa pleine stature. Et cette nourriture
est la correspondance à la grâce. La grâce et la correspondance
à la grâce forment une chaîne qui conduit l'âme
au Ciel. Dans la mesure où l'âme correspond à la grâce,
les maillons de cette chaîne se forment.»
Et il ajouta: «Quel est le passeport pour entrer dans le royaume
de la grâce? C'est l'humilité. L'âme qui regarde toujours
son néant et qui perçoit n'être rien que poussière
et vent met sa confiance dans la grâce qui devient comme son maître.
Prenant les commandes, la grâce conduit l'âme sur le chemin
de toutes les vertus et lui fait atteindre les sommets de la perfection.
Sans la grâce, l'âme est comme le corps départi de son
âme qui devient rempli de vers et de pourriture et qui horrifie le
regard. Ainsi, sans la grâce, l'âme devient si abominable qu'elle
horrifie le regard, non pas des hommes, mais de Dieu lui-même.»
4 février 1900
Ce matin, je me suis trouvée dans un état de grand découragement,
spécialement parce que j'étais privée de la présence
de Jésus, mon plus grand Bien. Il s'est montré et m'a dit:
«Le découragement est une humeur toxique qui infecte les
plus belles fleurs et leurs fruits les plus plaisants. Cette humeur toxique
pénètre dans les racines de l'arbre, l'imprégnant
complètement, le faisant se dessécher et devenir répugnant.
Si quelqu'un ne le guérit pas en l'arrosant de l'humeur contraire,
l'arbre s'écroule. Il en est ainsi pour l'âme qui s'imbibe
de l'humeur toxique du découragement.»
Après ces propos de Jésus, je me sentais encore découragée,
toute repliée sur moi-même, et je me suis vue si méchante
que je n'ai pas osé me précipiter vers lui. Mon esprit se
disait: «Il est inutile pour moi d'espérer plus longtemps
ses visites continuelles, ses grâces, ses charismes comme avant.
Tout est fini pour moi.»
Presque en me réprimandant, Jésus ajouta: «Que
fais-tu? Que fais-tu? Ne sais-tu pas que le manque de confiance rend l'âme
comme moribonde? En pensant qu'elle va mourir, l'âme ne sait comment
disposer de la vie, comment acquérir la grâce, comment s'en
servir, comment se rendre plus belle ou comment agir pour se guérir
de son affaissement.»
Ah! Seigneur, il me semble voir ce fantôme du manque de confiance,
malpropre, amaigri, craintif et tout tremblant et qui, de tout son art,
sans autre instrument que la peur, conduit l'âme à la fosse.
Et ce qui est pire, ce fantôme ne se montre pas comme un ennemi,
car alors l'âme pourrait le démasquer; il se montre plutôt
comme un ami; il s'infiltre secrètement, feignant d'agoniser avec
l'âme et se disant prêt à mourir avec elle. Et si l'âme
n'est pas attentive, elle ne saura comment se débarrasser de cette
tromperie.
5 février 1900
Alors que je continuais dans le même état, mais avec un
peu plus de courage, mon très cher Jésus vint et me dit:
«Ma fille, quelquefois l'âme rencontre le vice face à
face. Si, rassemblant son courage, elle triomphe de cet ennemi, la vertu
opposée devient plus resplendissante et plus profondément
enracinée en elle. Mais l'âme doit être prudente afin
de ne pas fournir la corde avec laquelle elle peut être attachée,
cette corde étant le manque de confiance. Cela se fera en dilatant
son coeur dans la confiance, tout en demeurant à l'intérieur
du cercle de la vérité, qui est la connaissance de son néant.»
13 février 1900
Ce matin, après avoir communié, j'ai vu mon adorable
Jésus, mais dans une attitude toute nouvelle. Il me semblait sérieux,
réservé et sur le point de me réprimander. Quel changement
dramatique. Au lieu d'être soulagé, mon pauvre coeur se sentit
oppressé, transpercé par cette attitude inhabituelle de Jésus.
Cependant, comme j'avais été privée de sa présence
dans les jours précédents, je sentais un grand besoin de
soulagement.
Il me dit: «Comme la chaux a le pouvoir de dévorer les
objets qui sont plongés en elle, ainsi la mortification a le pouvoir
de dévorer les imperfections et les défauts qui se trouvent
dans l'âme; elle va aussi loin que de spiritualiser le corps. Elle
se place près de l'âme et y scelle toutes les vertus. Jusqu'à
ce qu'elle ait bien dévoré ton âme et ton corps, elle
ne pourra pas sceller parfaitement en toi les marques de ma crucifixion.»
Ensuite, on perça mes mains et mes pieds (je ne suis pas sûre
qui le faisait, bien qu'il me semblait que c'était un ange). Puis,
avec une lance qu'il tira de son Coeur, Jésus perça mon coeur,
ce qui me donna une vive douleur. Ensuite, il disparut, me laissant plus
affligée qu'auparavant.
J'ai bien compris qu'il était nécessaire que la mortification
soit pour moi une inséparable amie, mais que pas même l'ombre
d'une amitié avec elle existait en moi! «Ah! Seigneur, attache-moi
à la mortification par une amitié indissoluble car, par moi-même,
mes manières sont toutes rustiques.»
Ne se voyant pas chaudement reçue par moi, la mortification
devient tout respect envers moi; elle me ménage toujours, craignant
qu'un jour je lui tourne le dos complètement. Jamais elle ne mènera
son majestueux travail à son achèvement car, aussi longtemps
que nous serons à couteaux tirés, ses mains prodigieuses
ne m'atteindront pas pour travailler sur moi et me présenter devant
Jésus comme un digne travail de ses saintes mains.
16 février 1900
Ce matin, après avoir renouvelé en moi les douleurs de
la crucifixion, Jésus me dit: «Par le bon air ou le mauvais
air qu'une personne respire, son corps est purifié ou infecté.
La mortification doit être l'air de l'âme. Par l'air que l'âme
respire, on reconnaît si elle est saine ou malade. Si une personne
respire l'air de la mortification, chaque chose sera purifiée en
elle; tous ses sens sonneront d'un même son concordant. Mais si elle
ne respire pas l'air de la mortification, tout sera discordant en elle;
elle aura une haleine répugnante. Pendant qu'elle domptera une passion,
une autre se lèvera. Sa vie se déroulera comme un jeu d'enfant.»
Il me sembla voir la mortification comme un instrument de musique,
qui, si ses cordes sont toutes bonnes et fortes, produit un son harmonieux.
Mais si ses cordes ne sont pas de bonne qualité, alors on doit en
ajuster une, puis une autre, et ainsi sans cesse, de sorte qu'on doit toujours
ajuster l'instrument sans jamais pouvoir en jouer. Et si on essaie d'en
jouer, on n'entend que des sons discordants.
19 février 1900
Ce matin, mon adorable Jésus est venu et m'a transportée
hors de mon corps. J'ai vu beaucoup de personnes en action, mais je ne
peux dire si c'était la guerre ou la révolution. Pour ce
qui est de Notre-Seigneur, les gens ne faisaient que lui tresser des couronnes
d'épines. Pendant qu'avec soin je lui en ai enlevé une, ils
lui en ont fixé une autre encore plus douloureuse.
Ah! il me semble bien que notre âge sera désavoué
à cause de son orgueil! La plus grande infortune, c'est de perdre
le contrôle de sa tête car, une fois qu'une personne a perdu
le contrôle de sa tête et de son cerveau, tous ses membres
deviennent invalides, ou ils deviennent ennemis les uns des autres.
Mon patient Jésus toléra toutes ces couronnes d'épines.
Et à peine les eus-je enlevées qu'il se tourna vers les gens
et leur dit: «Certains dans la guerre, certains en prison, d'autres
dans les tremblements de terre. Quelques-uns resteront. L'orgueil a dirigé
votre vie, et l'orgueil vous donnera la mort.»
Après cela, me tirant d'au milieu de ces personnes, Jésus
béni s'est changé en enfant. Je l'ai porté dans mes
bras pour qu'il se repose. Il m'a dit: «Entre toi et moi, que tout
soit pour moi; et que ce que tu concéderas aux créatures
ne soit rien d'autre que le débordement de notre amour.»
20 février 1900
Mon Jésus béni continuait de venir. Après que
j'eus communié, il renouvela en moi les douleurs de la crucifixion.
J'en étais si atteinte que je ressentais le besoin d'un soulagement,
mais je n'ai pas osé le demander.
Un peu plus tard, Jésus revint sous la forme d'un enfant et
il m'embrassa plusieurs fois. De ses Lèvres très pures coulait
un lait très doux que j'ai bu à grandes gorgées. Comme
je faisais cela, il me dit: «Je suis la fleur du Paradis céleste
et le parfum que j'exhale est tel que tout le Ciel en est parfumé.
Je suis la Lumière qui éclaire tout le Ciel; tous sont imprégnés
de cette Lumière. Mes saints tirent de moi leurs petites lampes.
Il n'y a pas de lumière au Paradis qui ne soit tirée de cette
Lumière.»
Ah oui! il n'y a pas de parfum de vertu sans Jésus; sans lui,
il n'y a pas de lumière, même au plus haut des cieux.
21 février 1900
Mon aimable Jésus recommença ses délais habituels.
Qu'il soit toujours béni! En vérité, on a besoin d'avoir
la patience d'un saint pour fonctionner avec lui. Celui qui n'a pas expérimenté
cela ne peut le croire. Il est presqu'impossible de ne pas avoir une petite
dispute avec lui.
Après avoir été patiente en l'attendant longuement,
il vint finalement et me dit: «Ma fille, le don de la pureté
n'est pas un don naturel mais une grâce acquise. L'âme l'obtient
en se faisant attrayante par la mortification et les souffrances. Oh! comme
les âmes mortifiées et souffrantes se rendent attrayantes.
J'ai un tel goût pour elles que j'en deviens fou. Tout ce qu'elles
veulent, je le leur donne. Quand tu es privée de moi -- ce qui est
la souffrance la plus douloureuse pour toi --, accepte cette privation
par amour pour moi; j'aurai pour toi un plus grand Amour qu'auparavant
et je t'accorderai de nouvelles grâces.»
23 février 1900
Ce matin, alors que j'avais presque perdu l'espérance que Jésus
béni vienne, il revint soudain. Il renouvela en moi les douleurs
de la crucifixion et me dit: «Le temps est arrivé. La fin
se dessine, mais l'heure est incertaine.» Alors que je me demandais
si ces mots avaient trait à ma crucifixion complète ou aux
châtiments, je lui dis: «Seigneur, j'ai peur que mon état
ne soit pas conforme à la Volonté de Dieu.» Jésus
reprit: «Le signe le plus sûr pour savoir si un état
est conforme à ma Volonté, c'est quand on ressent la force
de vivre dans cet état.»
Je lui dis: «Si c'était ta Volonté, tu ne cesserais
pas de venir comme avant!» Il répondit: «Quand une personne
est devenue familière dans une famille, toutes ces cérémonies
et ces respects ne sont plus utilisés comme ils l'étaient
auparavant, quand elle était encore une étrangère.
Et ce n'est pas là le signe que cette famille ne veut plus de la
personne, ni qu'elle ne l'aime pas plus qu'avant. Il en va ainsi avec moi.
Par conséquent, reste tranquille; laisse-moi faire. Ne te torture
pas le cerveau ou ne perds pas la paix de ton coeur. Au temps voulu, tu
comprendras mes oeuvres.»
24 février 1900
Ce matin je me suis trouvée tout apeurée. Je croyais
que tout était fantaisie ou que le démon voulait m'abuser.
C'est pourquoi je détestais tout ce que je voyais et j'étais
mécontente. J'ai vu que le confesseur priait Jésus de renouveler
en moi les douleurs de la crucifixion et j'ai essayé de résister.
Au commencement, Jésus béni le toléra ainsi mais,
parce que le confesseur insistait, il me dit: «Ma fille, manquerons-nous
réellement à l'obéissance cette fois-ci? Ne sais-tu
pas que l'obéissance doit sceller l'âme et la rendre malléable
comme la cire, de telle façon que le confesseur puisse lui donner
la forme qu'il veut?»
Alors, ne s'occupant pas de mes résistances, il me fit partager
les douleurs de la crucifixion. Et ne pouvant plus résister au commandement
de Jésus et du confesseur (car je ne voulais pas consentir de peur
que ce ne soit pas de Jésus), j'ai dû m'abandonner à
la souffrance. Que Jésus soit toujours béni et que toutes
les créatures le glorifient en toute chose et toujours!
26 février 1900
Après avoir vécu plusieurs jours dans la privation de
Jésus (au plus, il est venu quelques fois comme une ombre, puis
il fuyait), je ressentais une telle peine que j'ai fondu en larmes. Compatissant
à ma peine, Jésus béni vint, me regarda attentivement
et me dit:
«Ma fille, n'aie pas peur, car je ne te laisserai pas. Quand
tu es privée de ma présence, je ne veux pas que tu perdes
coeur. Plutôt, à partir d'aujourd'hui, quand tu seras privée
de moi, je veux que tu prennes ma Volonté et que tu te réjouisses
en elle, m'aimant et me glorifiant en elle, en la considérant comme
si elle était ma Personne même. En faisant ainsi, tu m'auras
dans tes mains mêmes.
«Qu'est-ce qui forme la béatitude du Paradis? Certainement
ma Divinité. Et de quoi sera formée la béatitude de
mes bien-aimés sur la terre? Certainement de ma Volonté.
Elle ne vous fuira jamais. Vous l'aurez toujours en votre possession. Si
tu restes dans ma Volonté, là tu expérimenteras des
joies ineffables et des plaisirs très purs. En ne quittant pas ma
Volonté, l'âme se rend noble; elle devient riche, et tous
ses travaux réfléchissent le Soleil divin, comme la surface
de la terre réfléchit les rayons du soleil.
«L'âme qui fait ma Volonté est ma noble reine; elle
prend sa nourriture et son breuvage uniquement dans ma Volonté.
À cause de cela, il coule dans ses veines un sang très pur.
Sa respiration exhale un arôme qui me rafraîchit totalement,
car il provient de ma propre Respiration. Ainsi, je ne veux rien de toi,
si ce n'est que tu formes ta béatitude à l'intérieur
de ma Volonté, sans en sortir, même un bref instant.»
Pendant qu'il disait cela, je demeurais tout alarmée et apeurée
à cause des Paroles de Jésus soutenant qu'il ne viendrait
pas et que je devais me calmer dans sa Volonté. Ô Dieu, quelle
peine, quelle angoisse mortelle! Mais, avec douceur, Jésus ajouta:
«Comment puis-je te laisser alors que tu es une âme victime?
Je cesserai de venir quand tu cesseras d'être une âme victime.
Mais tant que tu seras victime, je me sentirai toujours attiré à
venir à toi.»
Ainsi j'ai retrouvé mon calme. Je me suis sentie comme entourée
par l'adorable Volonté de Dieu, de telle manière que je ne
trouvais aucune ouverture pour m'échapper. J'espère qu'il
me gardera toujours ainsi emprisonnée dans sa Volonté.
27 février 1900
Alors que j'étais toute abandonnée à l'aimable
Volonté de Notre-Seigneur, je me suis vue complètement entourée
par mon doux Jésus, intérieurement et extérieurement.
Je me suis vue comme transparente et, partout où je regardais, je
voyais mon plus grand Bien. Mais, ô merveille, pendant que je me
voyais entourée en dedans et en dehors par Jésus, moi-même,
avec ma propre volonté, j'entourais Jésus de la même
manière, de telle façon qu'il n'avait pas d'ouverture par
où s'échapper, parce que, unie à la sienne, ma volonté
le tenait enchaîné. Ô admirable secret de la Volonté
de mon Seigneur, indescriptible est le bonheur qui vient de toi!
Comme je me trouvais dans cet état, Jésus béni
me dit: «Ma fille, dans l'âme qui est toute transformée
en ma Volonté, je trouve un doux repos. Cette âme devient
pour moi comme ces lits moelleux qui ne perturbent en aucune manière
ceux qui s'y reposent; même si les personnes qui s'en servent sont
fatiguées, courbaturées et arides, la douceur et le plaisir
qu'elles y trouvent sont tels qu'en s'éveillant, elles se trouvent
fortes et en santé. Telle est pour moi l'âme conforme à
ma Volonté. Et comme récompense, je me laisse moi-même
lier par sa volonté et j'y fais briller mon Soleil divin comme en
son plein midi.»
Ayant dit cela, il disparut. Plus tard, après que j'eus reçu
la sainte communion, il revint et me transporta hors de mon corps. Je vis
beaucoup de gens. Il me dit: «Dis-leur qu'ils font un grand mal en
murmurant l'un contre l'autre; ils attirent mon indignation. Et cela est
juste car, alors qu'ils sont tous sujets aux mêmes misères
et faiblesses, ils ne font que s'intenter des procès l'un contre
l'autre. Si, au contraire, avec charité ils se jugent l'un l'autre
avec compassion, alors je me sens attiré à user de miséricorde
avec eux.»
J'ai répété ces choses à ces gens, puis
nous nous sommes retirés.
2 mars 1900
Ce matin, après que j'eus reçu la sainte communion, mon
doux Jésus se montra à moi crucifié. Intérieurement,
je me suis sentie attirée à me regarder en lui afin de pouvoir
lui ressembler. Et lui-même se regarda en moi pour m'entraîner
à lui ressembler.
Comme je faisais cela, j'ai senti que les douleurs de mon Seigneur
crucifié s'infusaient en moi. Plein de bonté, il me dit:
«Je veux que ta nourriture soit la souffrance, mais pas la souffrance
pour elle-même, mais la souffrance comme fruit de ma Volonté.
Le baiser qui liera notre amitié sera l'union de nos volontés;
et le lien indissoluble qui nous liera dans un enlacement continuel sera
une souffrance continuelle partagée.»
Pendant qu'il disait cela, Jésus béni devint décloué.
Il prit sa Croix et l'étendit à l'intérieur de mon
corps. J'en devins si étirée que j'ai senti mes os se disloquer.
De plus, une main (je ne sais pas de qui elle était) perça
mes mains et mes pieds et Jésus, qui était assis sur la Croix
étendue en moi, prit grand plaisir à me voir souffrir et
à voir la personne qui perça mes mains et mes pieds.
Puis il dit: «Maintenant je peux me reposer en tranquillité.
Je n'ai même pas à me donner la peine de te crucifier, car
l'obéissance fera tout cela par elle-même; je te laisse libre
dans les mains de dame obéissance.»
Quittant la Croix, il se plaça sur mon coeur pour se reposer.
Qui pourrait dire combien j'ai souffert dans cette position! Après
une longue période et alors que, contrairement aux autres fois,
Jésus ne se pressait pas pour me délivrer et me faire revenir
à mon état naturel, je n'ai plus vu cette main qui m'avait
crucifiée. Je l'ai dit à Jésus. Il me répondit:
«Qui t'a mise sur la croix? Était-ce moi? C'était l'obéissance,
et l'obéissance doit te libérer!» Il semblait qu'il
voulait blaguer cette fois. Et il me libéra lui-même.
7 mars 1900
Ce matin, me retrouvant hors de mon corps, j'ai dû chercher à
gauche et à droite pour trouver Jésus béni. Par hasard,
je suis entrée dans une église et je l'ai trouvé sur
l'autel où le Sacrifice divin était offert. Immédiatement,
j'ai couru à lui et je l'ai embrassé en disant: «Finalement,
je t'ai trouvé! Tu m'as laissé te chercher ici et là
au point de me fatiguer, et tu étais ici!»
En me regardant avec gravité, et non pas selon sa manière
bienveillante habituelle, il me dit: «Ce matin, je me sens très
chagriné et je sens un grand besoin de recourir aux châtiments
pour m'enlever mon fardeau.» Immédiatement, j'ai répondu:
«Mon Cher, ce n'est rien! Nous allons remédier à cela
à l'instant! Tu vas déverser ton amertume en moi et, ainsi,
tu seras soulagé, n'est-ce pas?» Alors, il déversa
son amertume en moi.
Ensuite, me pressant sur lui-même, comme s'il était libéré
d'un grand poids, il ajouta: «L'âme conforme à ma Volonté
sait si bien comment maîtriser ma Puissance qu'elle en vient à
me lier complètement; elle me désarme comme il lui plaît.
Ah! toi, combien de fois tu me lies!» Pendant qu'il disait cela,
il revint à son aspect doux et bienveillant habituel.
9 mars 1900
Étant un peu agitée à propos d'une certaine chose,
mon esprit errait ici et là. Je cherchais à me rassurer et
à retrouver ma paix, mais Jésus béni m'empêchait
d'arriver à mon but. Comme j'insistais, il me dit: «Pourquoi
vagabondes-tu ainsi? Ne sais-tu pas que celui qui va contre ma Volonté
va hors de la lumière et s'emprisonne dans la noirceur?»
Comme pour me distraire de ce que je cherchais, il me transporta hors
de mon corps et, changeant de sujet, il me dit: «Le soleil illumine
toute la terre d'un bout à l'autre, de telle manière qu'il
n'y a pas un endroit qui ne profite de sa lumière. Il n'y a personne
qui puisse se plaindre d'être privé de ses rayons bienfaisants.
Chacun peut en bénéficier comme s'il l'avait pour lui seul.
Seulement ceux qui se cachent dans des lieux obscurs peuvent se plaindre
de ne pas en jouir. Cependant, continuant son office charitable, il laisse
quand même passer pour eux quelques rayons.
«Le soleil qui éclaire tous les peuples est une image
de ma grâce. Les pauvres et les riches, les ignorants et les savants,
les chrétiens et les incroyants peuvent en bénéficier.
Personne ne peut dire qu'il en est privé, parce que la lumière
de la Vérité inonde le monde comme le soleil en son plein
midi.
«Mais quelle n'est pas ma peine de voir que les gens passent
au milieu de cette lumière les yeux fermés et que, défiant
ma grâce par leurs torrents d'iniquités, ils s'éloignent
de cette lumière et vivent volontairement dans des régions
ténébreuses au milieu de cruels ennemis. Ils sont exposés
à mille dangers parce qu'ils n'ont pas la lumière; ils ne
peuvent discerner s'ils sont au milieu d'amis ou d'ennemis et, ainsi, ne
savent pas contourner les dangers qui les entourent.
«Ah! tous seraient horrifiés si l'homme faisait ce genre
d'affront au soleil, poussant son ingratitude jusqu'à s'arracher
les yeux pour le vexer et ne pas voir ses rayons, pour être ainsi
plus certains de vivre dans les ténèbres. S'il pouvait raisonner,
le soleil enverrait des lamentations et des pleurs plutôt que sa
lumière, ce qui tournerait la nature sens dessus dessous.
«Quoiqu'il serait horrifié de voir faire cela en ce qui
concerne la lumière naturelle, l'homme atteint de tels extrêmes
en ce qui concerne la lumière de ma grâce. Mais, toujours
bienveillante, la grâce continue d'envoyer ses rayons sur les ténèbres
humaines. Ma grâce n'ignore personne! C'est plutôt l'homme
qui, volontairement, la boude. Et quoiqu'il n'ait plus cette lumière
en lui, celle-ci lui octroie quand même son scintillement.»
Pendant qu'il disait cela, Jésus semblait extrêmement
affligé. Je fis ce que je pouvais pour le consoler, le priant de
déverser son amertume en moi. Il ajouta: «J'implore ta compassion,
même si je suis la cause de ton affliction car, de temps en temps,
je sens la nécessité d'alléger ma douleur en parlant
à mes âmes bien-aimées de l'ingratitude des hommes.
Je veux émouvoir ces âmes amies pour les amener à me
faire réparation pour tous ces excès, et aussi pour les amener
à la compassion envers les hommes eux-mêmes.» Je lui
dis: «Seigneur, j'aimerais que tu ne m'épargnes pas en me
faisant participer à tes douleurs.» Et, sans que j'aie pu
en dire plus, il disparut et me fit réintégrer mon corps.
10 mars 1900
Ce matin, après que j'eus reçu la sainte communion, j'ai
vu mon cher Jésus sous la forme d'un enfant, avec une lance à
la main, désirant transpercer mon coeur. Comme j'avais dit une certaine
chose à mon confesseur, Jésus, voulant me réprimander,
me dit: «Tu veux éviter de souffrir, mais je veux que tu commences
une nouvelle vie de souffrance et d'obéissance!»
Comme il disait cela, il transperça mon coeur avec la lance.
Puis il ajouta: «L'intensité du feu correspond à la
quantité de bois qu'on y met. Plus le feu est grand, plus grande
est sa capacité de brûler et de consumer les objets qu'on
y dépose, et plus grandes sont la chaleur et la lumière qu'il
développe. Telle est l'obéissance. Plus elle est grande,
plus elle est capable de détruire dans l'âme ce qui est matériel.
Comme à une cire molle, l'obéissance donne à l'âme
la forme qu'elle veut.»
11 mars 1900
Tout se passait comme à l'accoutumée. Ce matin, j'ai
vu Jésus plus affligé que d'habitude et il menaçait
de mort des personnes. J'ai vu aussi que, dans certains pays, beaucoup
mouraient.
Plus tard, j'ai passé dans le purgatoire et, y ayant reconnu
une amie décédée, je l'ai questionnée sur différentes
choses concernant mon état. Je voulais spécialement savoir
si mon état correspondait à la Volonté de Dieu et
si c'était Jésus qui venait ou le démon. Je lui ai
dit: «Puisque tu te trouves devant la Vérité et que
tu connais les choses clairement sans pouvoir être trompée,
tu peux me dire la vérité sur mes affaires.»
Elle me répondit: «N'aie pas peur. Ton état est
selon la Volonté de Dieu et Jésus t'aime beaucoup. C'est
pour cette raison qu'il daigne se manifester à toi.»
Alors, lui soumettant quelques-uns de mes doutes, je la priai d'avoir
la bonté d'examiner ces choses devant la lumière de la Vérité
et d'être assez charitable de venir ensuite m'éclairer. J'ai
ajouté que si elle faisait cela, en récompense, je ferais
célébrer une messe à ses intentions.
Elle dit: «Si le Seigneur le veut! Car nous sommes si plongés
en Dieu que nous ne pouvons pas même bouger nos paupières
sans son consentement. Nous vivons en Dieu comme des personnes qui vivent
dans un autre corps. Nous pouvons penser, parler, travailler, marcher,
autant qu'il nous est donné par ce corps d'appoint. Pour nous, ce
n'est pas comme pour toi, qui as le libre choix, qui dispose de ta propre
volonté. Pour nous, nos volontés personnelles ont comme cessé
de fonctionner. Notre volonté est uniquement celle de Dieu. Nous
vivons en elle. En elle nous trouvons tout notre contentement, tout notre
bien et toute notre gloire.»
Puis, dans un contentement inexprimable concernant la Volonté
divine, nous nous sommes séparées.
14 mars 1900
Le confesseur m'avait demandé de prier le Seigneur pour qu'il
me manifeste la manière d'attirer les âmes au catholicisme
et d'éliminer l'incroyance. J'ai prié Jésus sur ce
point pendant plusieurs jours et il daigna aborder cette question.
Ainsi, ce matin, je me suis trouvée hors de mon corps, transportée
dans un jardin. Il me sembla que c'était le jardin de l'Église.
Il y avait là beaucoup de prêtres et d'autre dignitaires qui
discutaient sur la question. Un chien immense et puissant vint et laissa
la plupart si effrayés et épuisés qu'ils se sont laissés
mordre par la bête. Par la suite, ils se retirèrent de la
réunion comme des peureux.
Cependant le chien féroce n'avait pas la force de mordre ceux
qui avaient Jésus dans leur coeur comme le centre de toutes leurs
actions, de toutes leurs pensées et de tous leurs désirs.
Ah oui! Jésus était le bouclier de ces personnes; la bête
devint si faible devant elles qu'elle n'avait pas la force de respirer.
Pendant que les gens discutaient, j'ai entendu Jésus qui disait
derrière mon dos:
«Toutes les autres sociétés connaissent ceux qui
appartiennent à leur groupe. Seulement mon Église ne sait
pas qui sont ses fils. Le premier pas est de savoir quels sont ceux qui
lui appartiennent. Vous pouvez les connaître en établissant
une réunion à laquelle ceux qui sont catholiques seront invités,
à un endroit bien choisi pour une telle réunion. Et là,
avec l'aide de laïcs catholiques, établissez ce qui doit être
fait.
«Le deuxième pas est d'obliger les catholiques présents
à se confesser, ceci étant la chose principale qui renouvelle
l'homme et en fait un vrai catholique. Ceci n'est pas seulement pour ceux
qui assistent, mais aussi pour celui qui est le supérieur. Il devra
aussi obliger ses sujets à se confesser. Pour ceux qui refuseront,
il devra avec courtoisie les congédier.
«Quand chaque prêtre aura formé le groupe de ses
catholiques, on pourra ensuite faire d'autres pas. Et pour reconnaître
les temps appropriés pour avancer, on doit faire comme pour les
arbres qui ont besoin d'être émondés. Les arbres émondés
produisent des fruits de qualité, mais si l'arbre n'est pas émondé,
il affiche un bel étalage de branches feuillues et de fleurs, mais
il n'a pas suffisamment de sève et de force pour transformer autant
de fleurs en fruits. Puis, quand une grosse pluie ou un coup de vent arrive,
les fleurs tombent et l'arbre devient dénudé. Il en va ainsi
pour les choses de la religion.
«Premièrement, vous devez former un corps de catholiques
suffisant pour se tenir debout devant les autres groupes. Ensuite, vous
pouvez entrer dans les autres groupes pour n'en former plus qu'un.»
Après qu'il eut dit cela, je ne l'ai plus entendu. Sans même
le revoir, je me suis retrouvée en mon corps. Qui pourrait dire
ma peine de ne pas avoir vu Jésus béni pendant toute la journée
et toutes les larmes que j'ai versées!
15 mars 1900
Puisque Jésus continuait d'être absent, j'étais
consumée par la peine et j'ai senti en moi monter une fièvre
au point d'en devenir délirante. Le confesseur vint pour célébrer
le sacrifice divin et j'ai reçu la communion. Cependant, je n'ai
pas vu mon cher Jésus comme d'habitude quand je communie. C'est
pourquoi j'ai commencé à parler d'une manière insensée:
«Dis-moi, mon Bien, pourquoi ne te montres-tu pas? Il me semble
que cette fois je n'ai pas occasionné ton évasion! Quoi?
Tu me laisses tout simplement? Ah! pas même des amis de cette terre
agissent de cette manière. Quand il ont à partir, au moins
ils disent au revoir. Et tu ne me dis même pas au revoir! Peut-on
agir de cette manière? Pardonne-moi si je parle comme cela. C'est
la fièvre qui me rend délirante et qui me fait tomber dans
cette folie!»
Qui pourrait dire toutes les idioties que je lui ai ainsi dites? J'étais
délirante et je pleurais. À un moment, Jésus montrait
une main, à un autre, un bras. J'ai vu le confesseur qui me donna
l'autorisation de souffrir la crucifixion. Ainsi contraint par l'obéissance,
Jésus se montra. Je lui dis: «Pourquoi ne te montrais-tu pas?»
Et lui, d'un ton sévère, me dit: «Ce n'est rien!
Ce n'est rien! C'est seulement que je veux châtier la terre. Mais
le fait d'être en bonne relation avec ne fût-ce qu'une seule
personne me rend désarmé et je n'ai plus la force de mettre
les châtiments en marche; quand tu vois que je veux envoyer des châtiments,
tu commences à dire: "Verse-les sur moi. Fais-moi souffrir." Alors
je me sens vaincu par toi et je ne passe jamais aux châtiments. Mais,
pendant ce temps, l'homme ne fait que devenir plus provoquant.»
Le confesseur m'autorisa à souffrir la crucifixion. Mais Jésus
se montra lent à procéder, contrairement aux autres fois
où il passait immédiatement aux actes. Il me dit: «Que
veux-tu faire?» Je lui répondis: «Seigneur, ce que tu
veux.» Se tournant alors vers le confesseur, il lui dit d'un ton
sérieux: «Veux-tu, toi aussi, me lier en lui donnant cette
permission pour que je la fasse souffrir?»
Pendant qu'il disait cela, il commença à me faire partager
les douleurs de la Croix. Par la suite, pacifié, il déversa
en moi son amertume. Puis il dit: «Où est le confesseur?»
Je répondis: «Je ne sais pas. Il n'est sûrement plus
avec nous.» Jésus dit: «Je veux le voir car, puisqu'il
m'a rafraîchi, je veux moi aussi le rafraîchir.»
17 mars 1900
Ce matin, Jésus béni me montra le Saint-Père avec
des ailes étendues. Il était à la recherche de ses
enfants pour les rassembler sous ses ailes. J'ai entendu ses gémissements:
«Mes enfants, combien de fois j'ai essayé de vous rassembler
sous mes ailes, mais vous me fuyez. Par pitié, entendez mes gémissements
et compatissez à ma douleur!» Il pleurait amèrement.
Il semblait que ce n'était pas seulement des laïcs qui s'écartaient
du Pape, mais aussi des prêtres; et cela lui donnait des douleurs
plus grandes encore. Comme il est pénible de voir le Pape dans cet
état!
Après, j'ai vu Jésus faire écho aux gémissements
du Saint-Père en disant: «Parmi ceux qui sont restés
fidèles, quelques-uns vivent pour eux-mêmes; ils n'ont pas
le zèle de s'exposer pour ma gloire et pour le bien des âmes.
D'autres sont retenus par la peur. D'autres parlent, proposent et promettent,
mais ne passent jamais aux actes.» Puis il disparut.
Un peu plus tard il revint et je me suis sentie toute anéantie
par sa présence. Me voyant anéantie, il me dit: «Ma
fille, plus tu t'abaisses, plus je me sens attiré à me courber
vers toi et à te remplir de mes grâces. L'humilité
attire ma lumière.»
20 mars 1900
Ayant reçu la sainte communion, j'ai vu mon doux Jésus.
Il m'invita à sortir avec lui, à la condition cependant que
partout où nous irions, si je voyais qu'il était contraint
par les péchés d'envoyer des châtiments, je ne m'opposerais
pas. Nous sommes ainsi allés de par le monde.
En premier, j'ai vu que tout était desséché en
certains endroits. J'ai dit à Jésus: «Seigneur, que
feront ces pauvres gens s'ils manquent de nourriture pour se nourrir? Oh!
tu peux tout. Juste comme tu as fait que ces terres se dessèchent,
rends-les florissantes.» Comme il portait une couronne d'épines,
j'ai tendu mes mains en disant: «Mon Bien, qu'est-ce que ces personnes
t'ont fait? Peut-être t'ont-elles mis cette couronne d'épines?
Alors, donne-la moi. Ainsi, tu seras apaisé et tu leur donneras
de la nourriture afin qu'ils ne périssent pas.»
Prenant sa couronne d'épines, je l'ai pressée sur ma
tête. Comme je faisais cela, Jésus me dit: «Il est bien
évident que je ne peux pas t'amener avec moi, car t'amener avec
moi et ne pouvoir rien faire, c'est la même chose.» Je lui
répondis: «Seigneur, je n'ai rien fait! Pardonne-moi si tu
penses que j'ai mal agi. Mais, par pitié, garde-moi avec toi.»
Il me dit: «Tes façons d'agir me lient complètement!»
Et je poursuivis: «Ce n'est pas moi qui fais ainsi, c'est toi-même
car, me trouvant avec toi, je vois que tout t'appartient et il me semble
que si je ne prends pas soin de tes choses, je ne prends pas soin de toi.
Par conséquent, tu dois me pardonner si j'agis de cette manière,
car je le fais par amour pour toi. Tu ne dois pas m'écarter de toi
pour cela!»
Ensuite, nous avons continué notre tournée. Je faisais
tout ce que je pouvais pour ne rien dire afin de ne pas lui donner l'occasion
de me congédier. Mais quand je ne pouvais plus me retenir, je commençais
à m'opposer. Nous sommes arrivés à un point en Italie
où on était à inventer un moyen de provoquer un grand
écroulement, mais je ne comprenais pas ce que c'était. J'ai
commencé à dire: «Seigneur, ne permets pas cela! Ces
pauvres gens, que feront-ils?» Voyant que je devenais anxieuse et
que je voulais l'empêcher d'agir, il me dit avec autorité:
«Recule, recule!»
Prenant une ceinture pleine de clous et d'épingles qui était
enfoncée dans son Corps et qui le faisait beaucoup souffrir, il
ajouta: «Recule et prends cette ceinture avec toi; tu me soulageras
beaucoup.» Je lui dis: «Oui, je vais la mettre à ta
place, mais laisse-moi rester avec toi.» Il ajouta: «Non! Recule!»
Il m'a dit cela avec une telle autorité que, incapable de résister,
je suis retournée dans mon corps. Je n'ai pas pu comprendre ce qu'était
cette invention.
25 mars 1900
Ce matin, en arrivant, mon adorable Jésus me dit: «Comme
le soleil est la lumière du monde, ainsi le Verbe de Dieu, en s'incarnant,
devint la lumière des âmes. Comme le soleil matériel
donne la lumière à tous en général et à
chacun en particulier (de sorte que chacun peut en jouir comme si elle
lui était personnelle), ainsi le Verbe, alors qu'il donne la lumière
en général, la donne à chacun en particulier; chacun
peut l'avoir comme si elle était son bien personnel.»
Qui pourrait dire tout ce que j'ai compris concernant cette divine
lumière et les effets bénéfiques qu'elle procure aux
âmes. Il me sembla qu'en possédant cette lumière, l'âme
fait fuir les ténèbres de l'esprit comme le soleil matériel
fait fuir les ténèbres de la nuit. Si l'âme est froide,
cette divine lumière la réchauffe; si elle est dénuée
de vertus, elle la rend fertile; si elle est infectée par la tiédeur,
elle la stimule à la ferveur. En un mot, le divin Soleil inonde
l'âme de tous ses rayons et va jusqu'à la transformer en sa
propre lumière.
Comme je me sentais épuisée, Jésus me dit: «Ce
matin, je veux me réjouir en toi.» Et il commença à
faire ses artifices amoureux coutumiers.
1er avril 1900
Après que je l'eus attendu beaucoup, mon doux Jésus se
montra dans mon coeur. Je le vis comme un soleil qui envoyait ses rayons.
Au centre de ce soleil, je percevais l'auguste Figure de Notre-Seigneur.
Mais ce qui m'émerveillait le plus était que je voyais plusieurs
servantes habillées de blanc avec des couronnes sur la tête;
elles entouraient le divin Soleil et se nourrissaient de ses rayons. Oh!
comme elles étaient belles, modestes, humbles et toutes appliquées
à se réjouir en Jésus!
Ne sachant pas la signification de tout cela et ayant un peu peur,
j'ai demandé à Jésus de me dire qui étaient
ces demoiselles. Il me dit: «Ces demoiselles sont tes passions que
moi, par ma grâce, j'ai changées en autant de vertus et qui
me font un noble cortège. Elles sont toutes à ma disposition
et je les nourris de mes grâces continuelles.»
Ah! Seigneur, je me sens si mauvaise que j'ai honte de moi!
2 avril 1900
Ce matin, j'ai beaucoup souffert de l'absence de mon cher Jésus.
Néanmoins, il allait me récompenser de ma peine en répondant
à un désir de connaître une certaine chose qui m'habitait
depuis longtemps. Voici:
Je l'appelais par des prières, des larmes et des chants (qui
sait, peut-être qu'il serait touché par ma voix et qu'il se
laisserait trouver), mais tout cela en vain. J'ai répété
mes pleurs. J'ai demandé à beaucoup où je pourrais
le trouver. Finalement, au moment où je ne pouvais plus continuer
et où j'ai senti mon coeur éclater, je l'ai trouvé.
Mais je l'ai vu de dos. À ce moment, je me suis souvenu d'une résistance
que je lui avais faite (que je dirai dans le livre du confesseur) et je
lui en ai demandé pardon. Il me sembla ensuite que nous étions
en bons termes. Il me demanda ce que je voulais et je lui dis:
«Aie la gentillesse de m'indiquer ce que je dois faire quand
je me trouve avec très peu de souffrance ou quand tu ne viens pas
et que, si tu viens, tu le fais comme une ombre. Alors, ne te voyant pas,
je ne quitte pas mes sens et, dans cet état, je trouve que je fais
les choses par moi-même et qu'il n'est pas nécessaire d'attendre
la venue du confesseur pour sortir de mon état.
Que tu souffres ou que tu ne souffres pas, répondit Jésus,
que je vienne ou que je ne vienne pas, ton état est toujours celui
de victime, conformément à ma Volonté et à
la tienne. Je ne juge pas suivant ce qui est fait, mais suivant la volonté
avec laquelle la personne agit.
Mon Seigneur, lui dis-je, ce que tu dis est bien; mais je me sens inutile
et je trouve que beaucoup de temps est perdu. Je me sens concernée
par ce que tu dis et, en même temps, j'ai un peu peur. Je ne suis
pas sûre que de faire venir le confesseur soit selon ta Volonté.
Penses-tu, poursuivit Jésus, que de faire venir le confesseur
soit un péché?»
Non, mais je crains que ce ne soit pas ta Volonté.
Tu dois fuir l'ombre même du péché et, à
tout le reste, n'accorde même pas une pensée.
Mais si ce n'est pas ta Volonté, quel bénéfice
y a-t-il à ce que le confesseur vienne?
Oh! il m'apparaît que ma fille veut fuir l'état de victime,
n'est-ce pas?
Non, mon Seigneur, ajoutai-je rougissante. Je dis cela pour les périodes
où tu ne me fais pas souffrir et où tu ne viens pas. Fais-moi
souffrir et je resterai tranquille.
Il me semble que tu veux fuir. En te distrayant de moi et en essayant
de changer cette situation, tu es occupée à autre chose.
Et alors, quand je viens, je te trouve non préparée et je
suis porté à faire volte-face pour aller ailleurs.
Puisse cela ne jamais arriver, Seigneur, lui dis-je terrifiée.
Je ne veux rien savoir d'autre que ta très sainte Volonté.
Sois calme et attends le confesseur, termina Jésus.»
Ayant dit cela, il disparut. Je me suis sentie soulagée d'un
grand poids par cette conversation avec Jésus. Néanmoins,
la peine douloureuse que je ressens quand Jésus me prive de sa présence
n'a pas cessée.
9 avril 1900
Ce matin, après avoir reçu la sainte communion, je me
suis trouvée dans une mer d'amertume parce que je n'ai pas vu Jésus,
mon plus grand Bien. Alors que tout mon intérieur était en
larmes, il se montra brièvement. Presqu'en me réprimandant,
il me dit: «Sais-tu que ne pas t'abandonner à moi, c'est vouloir
usurper les droits de ma Divinité et ainsi me faire un grand affront?
Abandonne-toi à moi et apaise tout ton intérieur en moi et
tu trouveras la paix. Et en trouvant la paix, tu me trouveras.»
Ayant dit cela, il disparut comme dans un éclair, sans plus
se montrer. «Ô Seigneur, veux-tu, s'il te plaît, me garder
toute abandonnée et serrée dans tes Bras de telle façon
que je ne puisse jamais m'échapper? Autrement, j'aurai toujours
ces petites fuites.»
10 avril 1900
Jésus béni ne venait pas! Ô Dieu, quelle douleur
indescriptible que d'être séparée de toi! J'ai essayé
de mon mieux de rester en paix et abandonnée en lui, mais sans résultat.
Mon pauvre coeur ne pouvait pas résister. J'ai fait tout ce que
je pouvais pour me calmer et je me suis dit: «Mon coeur, attendons
encore un peu. Peut-être viendra-t-il. Utilisons quelques stratagèmes
pour le faire venir.»
Je lui ai dit: «Seigneur, viens; il se fait tard et tu n'es pas
encore venu! Ce matin, je fais tout ce que je peux pour rester calme, mais
tu ne te laisses quand même pas trouver. Seigneur, je t'offre le
martyre d'être privée de toi comme un cadeau par amour pour
toi et pour que tu viennes. C'est vrai que je ne suis pas digne que tu
viennes, mais ce n'est pas pour cette raison que je te cherche, mais par
amour pour toi et parce que, si tu n'es pas là, je sens que ma vie
est manquée.»
Comme il ne venait toujours pas, je lui ai dit: «Seigneur, ou
bien tu viens, ou bien je vais te fatiguer avec mes paroles; et quand tu
seras fatigué, alors tu viendras bien.» Qui pourrait dire
toutes les absurdités que je lui ai ainsi dites? Ce serait trop
long de toutes les mentionner.
Par la suite, il se montra subrepticement comme s'il venait d'être
réveillé de son sommeil. Puis il se montra plus distinctement
et me transporta hors de mon corps. Il me dit: «Tout comme l'oiseau
doit battre des ailes pour prendre son envol, ainsi doit faire l'âme
pour venir vers moi. Dans ses élans, elle doit battre des ailes
de son humilité. Alors, par ses battements, elle déploie
comme un aimant qui m'attire de telle manière que, quand elle prend
son envol vers moi, je prends le mien vers elle.»
Ah! Seigneur, il est évident qu'il me manque l'aimant de l'humilité.
Si, le long du chemin, je disposais partout l'aimant de l'humilité,
je ne me fatiguerais pas autant quand je suis dans l'attente de ta venue!
16 avril 1900
Après plusieurs jours amers de privation et de réprimandes
de la part de Jésus béni pour mes ingratitudes et mes résistances
à sa Volonté et à sa grâce, ce matin il m'a
dit:
«Ma fille, le passeport pour entrer dans la béatitude
que l'âme peut posséder sur cette terre doit être paraphé
de trois signatures: la résignation, l'humilité et l'obéissance.
La résignation parfaite à ma Volonté liquéfie
nos deux volontés et les fond en une seule. C'est du sucre et du
miel. Mais, par la résistance à ma Volonté, le sucre
devient amer et le miel se transforme en poison. Il n'est pas suffisant
d'être résigné, mais l'âme doit être convaincue
aussi que le plus grand bien pour elle et la meilleure manière de
me glorifier est de toujours faire ma Volonté.
«Il faut aussi la signature de l'humilité, car l'humilité
produit la connaissance de ma Volonté. Mais ce qui ennoblit les
vertus de résignation et d'humilité, les fortifie, les rend
persévérantes, les lie ensemble et les couronne, c'est l'obéissance!
Ah oui! l'obéissance détruit complètement la volonté
propre et tout ce qui est matériel, spiritualise tout et se pose
sur la créature comme une couronne. Sans l'obéissance, la
résignation et l'humilité sont sujettes à l'instabilité.
D'où la stricte nécessité de la signature de l'obéissance
pour que soit validé le passeport permettant de passer dans le royaume
de la félicité spirituelle dont l'âme peut jouir ici-bas.
«Sans les signatures de la résignation, de l'humilité
et de l'obéissance, le passeport sera sans valeur et l'âme
sera toujours éloignée du royaume de la félicité;
elle sera contrainte à rester dans l'inquiétude, la peur
et les dangers. Pour sa propre disgrâce, elle aura comme dieu son
propre ego et elle sera courtisée par l'orgueil et la rébellion.»
Puis il me transporta hors de mon corps dans un jardin qui sembla être
celui de l'Église. Là, je vis cinq ou six personnes, prêtres
et séculiers, qui s'étaient égarées et qui,
s'unissant aux ennemis de l'Église, provoquaient une rébellion.
Quelle douleur de voir Jésus béni pleurer sur le triste état
de ces personnes!
Par la suite, je vis dans les airs un nuage d'eau rempli de morceaux
de glace qui tombaient sur la terre.
20 avril 1900
Ces derniers temps, mon aimable Jésus venait alors qu'il faisait
encore sombre et ne disait rien. Ce matin, après qu'il eut renouvelé
en moi les souffrances de la croix par deux fois, il me regarda avec tendresse
pendant que je souffrais les douleurs du transpercement par les clous et
il me dit:
«La croix est une fenêtre où l'âme voit la
Divinité. On ne doit pas seulement aimer et désirer la croix,
mais aussi apprécier l'honneur et la gloire qu'elle procure. Durant
ma vie terrestre, je me glorifiais dans la croix et les souffrances. J'ai
tellement aimé cela que, pendant toute ma Vie, je n'ai pas voulu
être un seul moment sans la croix. Il faut agir et devenir comme
Dieu.»
Qui pourrait dire tout ce que j'ai compris sur la croix par ces Paroles
de Jésus? Malheureusement, je n'ai pas les mots pour l'exprimer.
Ô Seigneur, je te prie de me garder toujours clouée à
la croix afin qu'ayant toujours cette divine fenêtre devant moi,
je sois purifiée de tous mes péchés et que je devienne
toujours plus semblable à toi!
21 avril 1900
Me trouvant dans mon état habituel, j'étais habitée
par une certaine peur à cause d'une chose personnelle. Mon doux
Jésus vint et me dit: «Les vases sacrés ont besoin
d'être nettoyés de temps en temps. Vous êtes des vases
sacrés en qui je demeure. Ainsi, il est nécessaire que je
vous nettoie de temps en temps, c'est-à-dire que je vous visite
par quelque tribulation pour que je puisse vivre en vous avec plus de dignité.
Par conséquent, sois calme!»
Ensuite, après que j'eus reçu la sainte communion et
qu'il eut renouvelé en moi les souffrances de la crucifixion, il
ajouta: «Ma fille, comme elle est précieuse la croix! Regarde-la
un peu. Par le sacrement de mon Corps, je me donne à l'âme,
je l'unis à moi et je la transforme au point qu'elle devient identifiée
à moi. Avec l'assimilation des saintes espèces, cette union
spéciale est dissoute, mais pas la croix. Dieu la prend et l'unit
à l'âme pour toujours. Et, pour une plus grande sécurité,
il s'établit lui-même comme un sceau. Ainsi, Dieu scelle la
croix dans l'âme afin qu'il n'y ait jamais de séparation entre
Dieu et l'âme crucifiée.»
23 avril 1900
Ce matin, me trouvant hors de mon corps, j'ai vu que mon doux Jésus
souffrait beaucoup et je lui ai demandé de me faire partager ses
souffrances. Il me dit: «Plutôt, je vais te remplacer et tu
agiras comme mon infirmière.» Ainsi, il me sembla que Jésus
prenait place dans mon lit et que j'étais debout près de
lui. J'ai commencé par soulever sa Tête bénie et, une
à une, j'ai enlevé toutes les épines qui y étaient
enfoncées. Ensuite, j'ai examiné toutes les blessures de
son saint Corps; j'ai essuyé leur sang et les ai baisées,
mais je n'avais rien pour les oindre et alléger sa souffrance. Alors
j'ai vu que de ma poitrine coulait une huile; je l'ai prise pour oindre
ses blessures, mais je le faisais avec une certaine crainte parce que je
ne savais pas la signification de cette huile. Il me fit comprendre que
la résignation à la divine Volonté est une huile qui,
pendant qu'on en oint Jésus, allège ses douleurs et ses blessures.
Après que j'eus passé un bon moment à rendre ce
service à mon cher Jésus, il disparut, et je me retrouvai
dans mon corps.
25 avril 1900
Alors que j'étais hors de mon corps et que je ne voyais pas
mon cher Jésus, j'ai dû le chercher longtemps avant de le
trouver. Finalement, je l'ai trouvé dans les bras de la Reine Maman,
mais il ne me regarda même pas. Qui pourrait dire la souffrance que
j'ai ressentie en voyant que Jésus ne se souciait pas de moi! Par
la suite, j'ai remarqué sur sa Poitrine une petite perle. Elle était
si resplendissante qu'elle inondait de sa lumière toute sa très
sainte Humanité. Je lui ai demandé ce qu'elle signifiait.
Il me dit: «La pureté dans tes souffrances, même
les plus petites, que tu acceptes uniquement par amour pour moi, et ton
désir de souffrir plus si je te l'accorde, voilà la cause
de tant de lumière. Ma fille, la pureté d'intention est d'une
telle grandeur que celui qui agit pour l'unique raison de me plaire inonde
de lumière tous ses travaux. Celui qui n'agit pas avec droiture
ne fait que répandre la noirceur, même dans le bien qu'il
fait.»
Ensuite, j'ai vu que Notre-Seigneur portait sur sa Poitrine un miroir
très brillant. Il me sembla que ceux qui marchent dans la droiture
sont complètement absorbés par ce miroir et ceux qui ne marchent
pas dans la droiture restent en dehors et sont inaptes à recevoir
l'empreinte de l'image de Jésus béni.
27 avril 1900
Ce matin, après que j'eus reçu la sainte communion, il
me sembla que le confesseur voulait que je souffre la crucifixion. Au même
instant, j'ai vu mon ange gardien m'étendre sur la croix pour me
faire souffrir. Par la suite, j'ai vu mon doux Jésus en grande sympathie
avec moi. Il me dit: «Ta souffrance est mon réconfort.»
Et il manifesta une joie indicible pour ma souffrance. Le confesseur qui,
par le moyen de l'obéissance, m'avait donné de souffrir,
lui avait procuré ce réconfort.
Jésus ajouta: «Puisque le sacrement de l'Eucharistie est
le fruit de la croix, pour cette raison je me sens plus désireux
de t'accorder de souffrir quand tu as reçu mon Corps, car, quand
je te vois souffrir, il me semble que ma Passion continue en toi, pas mystiquement
mais réellement, pour le bénéfice des âmes.
Et cela est pour moi un grand soulagement, parce que je recueille alors
les vrais fruits de ma Croix et de l'Eucharistie.»
Ensuite il dit: «Jusqu'à maintenant, c'est par l'obéissance
que tu as souffert. Veux-tu que je m'amuse un peu en renouvelant en toi
la crucifixion par mes propres Mains?» Même si je ressentais
encore beaucoup de souffrance, vu que les douleurs de la croix étaient
encore toutes fraîches en moi, je lui dis: «Va de l'avant,
Seigneur, je suis entre tes Mains; fais de moi ce que tu voudras.»
Alors Jésus, très heureux, commença à enfoncer
les clous dans mes mains et mes pieds. J'ai senti une telle intensité
de douleur que je ne sais pas comment je suis restée en vie. Cependant,
j'étais heureuse parce que je rendais Jésus heureux. Après
qu'il eut fixé les clous, venant près de moi, il dit: «Comme
tu es belle! Et combien ta beauté grandit à travers tes souffrances!
Oh! comme tu m'es chère! Mes Yeux sont posés sur toi parce
qu'ils trouvent en toi mon image.»
Il a dit bien d'autres choses qu'il m'apparaît inutile de rapporter
ici; premièrement, parce que je suis mauvaise et, deuxièmement,
parce que je ne saisis pas de quelle manière Jésus me parle,
ce qui amène en moi de la confusion et de l'embarras. J'espère
que le Seigneur me rendra bonne et belle. Ainsi, avec la diminution de
ma gêne, je serai capable de tout écrire. Mais, pour le moment,
je m'arrête ici.
1er mai 1900
Après que j'eus reçu la sainte communion, mon doux Jésus,
plein de bonté, se montra à moi. Il me sembla que le confesseur
voulait que je subisse la crucifixion, mais ma nature sentait de la répugnance
à s'assujettir à cela. Mon doux Jésus, pour m'encourager,
me dit:
«Ma fille, si l'Eucharistie est un gage de gloire future, la
croix est la monnaie avec laquelle acheter cette gloire. L'Eucharistie
est le baume qui prévient la corruption; elle est comme ces herbes
aromatiques qui, lorsque les cadavres en sont oints, ils sont préservés
de la corruption. Elle donne l'immortalité à l'âme
et au corps. La croix, de son côté, embellit l'âme;
elle est si puissante que, s'il y a eu contraction de dettes, elle est
une garantie pour l'âme. Elle acquitte chaque dette et, après
qu'elle a satisfait pour toutes, elle crée pour l'âme un trône
magnifique en vue de la gloire future. La croix et l'Eucharistie sont pour
ainsi dire complémentaires.»
Puis il ajouta: «La croix est mon lit fleuri: non pas parce que
j'ai peu souffert ses douleurs terribles mais parce que, par elle, j'ai
ouvert un nombre incommensurable d'âmes à la grâce.
J'ai vu par elle s'élever tant de belles fleurs qui ont produit
tant de délicieux fruits célestes. Ainsi, quand j'ai vu tant
de bien, j'ai regardé ce lit de souffrances comme un délice;
je me réjouissais dans la croix et les souffrances.
Toi aussi, ma fille, accepte les souffrances comme tes délices,
prends plaisir à être crucifiée sur ma Croix. Non,
non! je ne veux pas que tu craignes la souffrance comme si tu étais
une personne paresseuse. Courage! Travaille comme une personne courageuse,
et prépare-toi à souffrir.»
Pendant qu'il parlait, j'ai vu que mon bon ange gardien était
prêt à me crucifier. De moi-même j'ai étendu
les bras et l'ange me crucifia. Le bon Jésus se réjouissait
de ma souffrance. J'étais bien contente qu'une âme aussi misérable
que moi puisse donner de la joie à Jésus. Il me semblait
que c'était un grand honneur pour moi de souffrir par amour pour
lui.
3 mai 1900
Ce matin, je me suis trouvée hors de mon corps et j'ai vu les
cieux parsemés de croix: des petites, des moyennes et des grandes.
Les plus grandes donnaient plus de lumière. C'était très
beau de voir tant de croix, plus resplendissantes que le soleil, ornant
le firmament.
Après cela, il me sembla que les cieux s'ouvrirent. On y voyait
et entendait la fête qui avait été préparée
par les bienheureux en l'honneur de la Croix. Ceux qui avaient souffert
davantage étaient les plus célébrés en ce jour.
On distinguait d'une façon spéciale les martyrs ainsi que
ceux qui avaient souffert secrètement (les âmes victimes).
En ce séjour béni, la Croix et ceux qui avaient souffert
le plus étaient particulièrement honorés.
Pendant que je voyais cela, une voix résonnait au plus haut
des cieux et disait: «Si le Seigneur n'envoyait pas de croix sur
la terre, il serait comme le père qui n'a pas d'amour pour ses enfants
et qui, plutôt que de les vouloir honorés et riches, les veut
déshonorés et pauvres.»
Le reste de ce que j'ai vu de cette fête, je n'ai pas de mots
pour l'exprimer. Je le sens en moi, mais je ne sais pas comment l'exprimer.
Ainsi donc, je me tais.
9 mai 1900
Après plusieurs jours de privation et de trouble, je me suis
trouvée ce matin plus particulièrement troublée. Mon
adorable Jésus vint et me dit: «Par ton trouble, tu as dérangé
mon doux repos. Ah oui! tu m'empêches de poursuivre mon repos.»
Qui pourrait dire combien je fus humiliée en entendant que j'avais
perturbé le repos de Jésus! Alors, je devins calme pour un
temps, mais, par la suite, je me suis retrouvée plus troublée
qu'avant, car je ne savais pas où tout cela allait aboutir.
Après quelques paroles de Jésus, je me suis trouvée
hors de mon corps et, regardant la voûte des cieux, j'y ai vu trois
soleils. L'un semblait placé à l'est, l'autre à l'ouest
et le troisième au sud. Ils rayonnaient d'un tel éclat que
les rayons de l'un se fondaient avec ceux des autres. Cela donnait l'impression
qu'il n'y avait qu'un seul soleil. Il me semblait percevoir le mystère
de la Très Sainte Trinité ainsi que le mystère de
l'homme, créé à l'image de Dieu par ces trois Puissances.
J'ai aussi compris que ceux qui étaient dans cette lumière
étaient transformés: leur mémoire par le Père,
leur intelligence par le Fils et leur volonté par le Saint-Esprit.
Combien d'autres choses j'ai comprises que je suis incapable d'exprimer.
13 mai 1900
Le même état continuait, et peut-être pire encore,
quoique je faisais tout ce que je pouvais pour ne pas me troubler, comme
le demandait l'obéissance. Néanmoins, je ne cessais de sentir
la pesanteur de l'abandon qui m'écrasait et même m'anéantissait.
«Ô Dieu, quel terrible état! Au moins dis-moi: où
t'ai-je offensé? Quelle est la cause de cela? Ah! Seigneur! si tu
continues de cette manière, je pense que je n'aurai plus la force.»
Finalement, Jésus se montra. Mettant sa Main sous mon menton
dans un geste de compassion, il me dit: «Pauvre fille, comme tu es
exténuée!» Puis, me faisant partager ses souffrances,
il disparut à la vitesse de l'éclair, me laissant plus affligée
qu'auparavant. Je me sentais comme s'il n'était pas venu depuis
longtemps. Je me sentais angoissée de vivre encore. Ma vie était
une continuelle agonie. «Ah! Seigneur! apporte-moi de l'aide et ne
me laisse pas ainsi abandonnée, même si c'est ce que je mérite.»
17 mai 1900
Le même état de privation et d'abandon continuait. Je
me trouvai hors de mon corps et j'ai vu un déluge accompagné
de grêle. Il semblait que plusieurs villes étaient inondées
et qu'il y avait beaucoup de dommages. Cela me plongeait dans une grande
consternation et je voulais contrer ce fléau; mais comme j'étais
seule, sans la compagnie de Jésus, j'ai senti mes pauvres bras trop
faibles pour le faire. Puis, à ma grande surprise, j'ai vu une vierge
venir (il me sembla qu'elle était d'Amérique). Elle de son
côté et moi de l'autre, nous réussissions à
contrer en grande partie ce fléau. Par la suite, quand nous nous
sommes rejointes, j'ai remarqué que cette vierge portait les signes
de la Passion: elle portait une couronne d'épines comme moi.
Puis, un être ressemblant à un ange dit: «Ô
puissance des âmes victimes! Ce que nous, les anges, sommes incapables
de faire, elles peuvent le faire par leurs souffrances. Oh! si les hommes
savaient seulement le bien qui vient de ces âmes, le bien privé
autant que le bien public, ils s'affaireraient à implorer Dieu pour
que ces âmes se multiplient sur la terre.»
Après cela, nous étant recommandées l'une l'autre
au Seigneur, nous nous sommes quittées.
18 mai 1900
J'étais encore privée de mon adorable Jésus. Au
mieux, il se montrait comme une ombre. Oh! que d'amertume cela me causait!
Combien de larmes je versais!
Ce matin, après l'avoir attendu et cherché, je le trouvai
près de moi, très affligé, avec la couronne d'épines
transperçant sa Tête. Je la lui enlevai très doucement
et la mis sur ma propre tête. Oh! combien méchante je me sentis
en sa présence! Je n'avais pas la force de dire un seul mot. Avec
compassion, il me dit: «Courage! Ne sois pas effrayée! Essaye
de remplir ton intérieur de ma présence et de toutes les
vertus. Quand je viendrai causer le débordement en toi, je t'amènerai
au Ciel et toutes tes privations seront terminées.»
Puis, d'un ton affligé, il ajouta: «Prie, ma fille, parce
qu'il y a trois jours de préparés, trois jours éloignés
l'un de l'autre, des jours de tempêtes, de grêle, de tonnerre
et d'inondations qui vont grandement ravager les hommes et les plantes.»
Ayant dit cela, il disparut, me laissant un peu soulagée, mais
avec une interrogation: qui sait quand le débordement dont il a
parlé arrivera? Et si jamais il arrive, peut-être que j'aurai
à m'en prémunir.
20 mai 1900
Me trouvant hors de mon corps, il me sembla que nous étions
dans la nuit: j'ai vu l'univers entier, l'ordre parfait de la nature, le
ciel étoilé, le silence de la nuit. Il me semblait que tout
avait une signification. Pendant que je contemplais cela, il me sembla
voir Notre-Seigneur qui me disait:
«Toute la nature invite au repos. Mais qu'est le vrai repos?
C'est le repos intérieur, le silence de tout ce qui n'est pas Dieu.
Tu vois les étoiles scintiller d'une lumière modérée,
pas éblouissante comme celle du soleil, le silence de toute la nature,
du genre humain et des animaux. Tous cherchent une place, un refuge où
être en silence et se reposer de la fatigue de la vie, chose qui
est nécessaire pour le corps et beaucoup plus pour l'âme.
«Il est nécessaire de se reposer dans son propre centre
qui est Dieu mais, pour pouvoir le faire, le silence intérieur est
nécessaire, au même titre que, pour le corps, le silence extérieur
est nécessaire afin de pouvoir dormir paisiblement. En quoi donc
consiste ce silence intérieur? À faire taire ses passions
en les tenant en échec, à imposer le silence à ses
désirs, ses inclinations et ses sentiments, en somme, à tout
ce qui n'est pas Dieu. Et quel est le moyen de parvenir à cela?
Le moyen unique et indispensable est de démolir son être selon
la nature en le réduisant à rien, comme c'était sa
situation avant qu'il soit créé. Quand il a été
réduit à rien, il faut le recouvrer en Dieu.
«Ma fille, toute chose a commencé dans le néant,
même cette grande machine de l'univers que tu regardes et qui a tant
d'ordre. Si, avant d'avoir été créée, elle
avait été quelque chose, je n'aurais pas pu y faire intervenir
ma Main créatrice pour la créer avec une telle maîtrise,
si parée et splendide. J'aurais eu à défaire d'abord
tout ce qui aurait existé avant, puis à tout refaire comme
il m'aurait plu.
«Tous mes travaux dans l'âme débutent à partir
du néant; quand il y a un mélange d'autre chose, ce n'est
pas convenable pour ma Majesté d'y descendre et d'y travailler.
Mais, quand l'âme est réduite à néant et qu'elle
vient vers moi, plaçant son être dans le mien, alors je travaille
comme le Dieu que je suis et elle trouve son vrai repos.»
Qui pourrait dire tout ce que j'ai compris à partir de ces propos
de Jésus béni? Oh! que mon âme serait heureuse si je
pouvais défaire mon pauvre être pour pouvoir recevoir la divine
Essence de mon Dieu! Oh! comme je pourrais alors être sanctifiée!
Mais quelle folie m'habite! Où est mon cerveau pour que je ne l'aie
pas encore fait? Quelle est cette misère humaine qui, plutôt
que de rechercher ce vrai bien et de voler très haut, se contente
de ramper sur le sol et de vivre dans la saleté et la corruption?
Ensuite, mon bien-aimé Jésus m'amena à l'intérieur
d'un jardin où il y avait beaucoup de gens qui se préparaient
à assister à une fête. Seulement ceux qui recevaient
un uniforme pourront y assister. Mais peu recevaient cet uniforme. Un grand
désir de le recevoir me vint. J'insistai tant que je l'obtins. Étant
arrivée à l'endroit où je devais recevoir l'uniforme,
une vénérable dame m'habilla d'abord de blanc et me mit une
épaulette céleste d'où pendait une médaille
de la sainte Face de Jésus. Cette médaille était aussi
un miroir qui, si on le regardait, permettait de distinguer les plus petits
péchés de son âme, à l'aide de la lumière
qui se dégageait de la sainte Face.
La dame prit un manteau d'or très fin et m'en couvrit complètement.
Il me semblait qu'ainsi vêtue, je pouvais rivaliser avec toutes les
vierges de la communauté. Pendant que cela se passait, Jésus
me dit: «Ma fille, il suffit que tu sois ainsi habillée. Quand
la fête débutera, je t'y t'amènerai. Pour l'instant,
retournons voir ce que fait le genre humain.» Ainsi, après
m'avoir promenée dans les environs, il me ramena à mon corps.
21 mai 1900
Ce matin, mon adorable Jésus n'est pas venu. Cependant, après
que je l'eus attendu un long moment, il vint. En me caressant, il me dit:
«Ma fille, sais-tu quel but je poursuis en ce qui te concerne?»
Après une pause, il poursuivit: «En ce qui te concerne, mon
but n'est pas d'accomplir en toi des choses éclatantes ou d'accomplir
par toi des choses qui mettraient en relief mon travail. Mon but est de
t'absorber dans ma Volonté et de faire que nous ne fassions qu'un,
que tu sois un parfait modèle de conformité de la volonté
humaine avec la Volonté divine, ce qui est l'état le plus
sublime pour un humain, le plus grand prodige. C'est le miracle des miracles
que je projette d'accomplir en toi.
«Ma fille, pour que nos volontés deviennent parfaitement
une, ton âme doit être spiritualisée. Elle doit m'imiter.
Pendant que je remplis l'âme en l'absorbant en moi, je me fais pur
Esprit et je fais en sorte que personne ne puisse me voir. Cela correspond
au fait qu'il n'y a en moi aucune matière, mais que tout en moi
est très pur Esprit. Si, dans mon Humanité, je me suis revêtu
de matière, c'était seulement pour, qu'en tout, je ressemble
à un homme et que je sois pour l'homme un modèle parfait
de spiritualisation de la matière. L'âme doit tout spiritualiser
en elle et en venir à être comme un pur esprit, comme si la
matière n'existait plus en elle. Ainsi, nos volontés peuvent
parfaitement ne faire qu'un.
«Si, de deux objets, on veut n'en former qu'un, il est nécessaire
que l'un renonce à sa propre forme pour épouser celle de
l'autre; autrement, ils ne parviendront jamais à ne former qu'une
seule entité. Oh! quelle serait ta bonne fortune si, en te détruisant
toi-même pour devenir invisible, tu devenais capable de recevoir
parfaitement la forme divine! En étant ainsi absorbée en
moi, et moi en toi, formant tous deux un seul être, tu finirais par
posséder la divine Fontaine et, comme ma Volonté contient
tout bien, tu finirais par posséder tout bien, tout don, toute grâce:
tu n'aurais pas à chercher ces choses ailleurs qu'en toi-même.
«Puisque les vertus n'ont pas de frontière, la créature
immergée dans ma Volonté peut aller aussi loin qu'une créature
puisse aller, parce que ma Volonté cause l'acquisition des vertus
les plus héroïques et les plus sublimes qu'aucune créature
ne peut surpasser. La hauteur de la perfection que l'âme dissoute
dans ma Volonté peut atteindre est si grande qu'elle finit par agir
comme Dieu. Et ceci est normal parce qu'alors l'âme ne vit plus dans
sa propre volonté, mais dans celle de Dieu. Tout étonnement
doit alors cesser, puisqu'en vivant dans ma Volonté, l'âme
possède la Puissance, la Sagesse et la Sainteté, ainsi que
toutes les autres vertus que Dieu lui-même possède.
«Ce que je te dis présentement suffit pour que tu tombes
en amour avec ma Volonté et que, moyennant ma grâce, tu coopères
autant que tu le peux pour parvenir à tant de biens. L'âme
qui en vient à vivre uniquement dans ma Volonté est la reine
de toutes les reines, et son trône est si haut qu'il atteint le Trône
même de l'Éternel. Elle entre dans les secrets de la très
auguste Trinité. Elle participe à l'Amour réciproque
du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Oh! combien tous les anges
et tous les saints l'honorent, les hommes l'admirent et les démons
la craignent, voyant en elle l'Essence divine!»
«Ô Seigneur, quand me feras-tu toi-même parvenir
à cet état, vu que je suis incapable de faire quoi que ce
soit par moi-même!»
Qui pourrait dire toute la lumière intellectuelle que le Seigneur
infusa alors en moi sur l'unité de la volonté humaine avec
la Volonté divine! La profondeur des concepts est telle que ma langue
n'a pas les mots pour les exprimer. J'ai péniblement été
capable de dire ce petit peu, encore que mes paroles sont des non-sens
comparées à ce que le Seigneur me fit comprendre très
clairement par sa divine lumière.
24 mai 1900
J'étais très affligée à cause de la privation
de mon adorable Jésus. Au mieux, il se montrait comme une ombre,
le temps d'un éclair. J'avais le sentiment que je ne pourrais plus
le voir comme avant.
Alors que je me trouvais au sommet de mon affliction, il se montra
tout fatigué, comme s'il avait grand besoin de réconfort.
Portant ses Bras à mon cou, il me dit: «Ma bien-aimée,
apporte-moi des fleurs et entoure-moi complètement, car je languis
d'Amour. Ma fille, le doux parfum de tes fleurs sera un réconfort
pour moi et un remède pour mes souffrances, car je languis, je faiblis.»
J'ai lui ai immédiatement répondu: «Et toi, mon bien-aimé
Jésus, donne-moi quelques fruits, car mon oisiveté et l'insuffisance
de mes souffrances augmentent ma propre langueur à une telle extrémité
que je faiblis et me sens mourir. Ainsi, je pourrai non seulement te donner
des fleurs, mais aussi des fruits pour atténuer ta langueur.»
Jésus me dit: «Oh! comme nous nous comprenons bien! Il
me semble que ta volonté fait un avec la mienne.» Pour un
moment, je me sentis soulagée comme si l'état dans lequel
je me trouvais voulait cesser. Mais, peu de temps après, je me retrouvai
plongée dans la même léthargie qu'auparavant. Je me
sentais seule et abandonnée, privée de mon plus grand Bien.
27 mai 1900
Ce matin, je me sentais plus affligée que jamais à cause
de la privation de mon plus grand Bien. Il se montra et me dit: «Comme
un vent violent attaque les gens et pénètre dans leur intérieur
de manière à secouer la personne entière, ainsi mon
Amour et ma Grâce attaquent et pénètrent le coeur,
l'esprit et les parties les plus intimes de l'homme. Cependant, l'homme
ingrat rejette ma grâce et m'offense, me causant une peine amère.»
J'étais très confuse à propos de quelque chose
et je me sentais broyée en moi-même, quoique je n'osais dire
un mot. Je pensais: «Comment se fait-il qu'il ne vient pas? Et quand
il vient, que je ne le vois pas clairement? Il semble que j'ai perdu sa
clarté; je me demande si je verrai sa belle Figure comme avant.»
Pendant que je réfléchissais ainsi, mon doux Jésus
me dit: «Ma fille, pourquoi as-tu peur, puisqu'à travers l'union
de nos volontés ta destinée est au Ciel?» Et, voulant
m'encourager et sympathiser avec mon chagrin, il ajouta: «Tu es ma
nouvelle Oeuvre. Ne te chagrine pas à l'extrême si tu ne me
vois pas clairement. Je te l'ai dit l'autre jour: je ne viens pas ici comme
à l'accoutumée, parce que je veux punir les gens. Si tu me
voyais clairement, tu comprendrais clairement ce que je fais. Et puisque
ton coeur est greffé sur le mien, il souffrirait comme le mien.
Pour t'épargner ces souffrances, je ne me montre pas clairement.»
Je répliquai: «Qui pourrait dire les tourments dans lesquels
tu laisses mon pauvre coeur! Ô Seigneur, donne-moi la force d'endurer
la souffrance.»
29 mai 1900
Pendant que je poursuivais dans le même état, je me sentais
complètement opprimée et j'avais le plus grand besoin d'aide
pour pouvoir supporter d'être privée de mon Bien suprême.
Jésus béni, compatissant avec moi, me montra pendant quelques
instants sa Face dans l'intérieur de mon coeur, mais pas clairement
cette fois encore. Me faisant entendre sa Voix très douce, il me
dit: «Courage, ma fille! Laisse-moi terminer de punir et, plus tard,
je viendrai comme avant.»
Pendant qu'il parlait ainsi, je lui demandai en mon esprit: «Quelles
sont les punitions que tu as commencé d'envoyer?» Il répondit:
«La pluie continuelle qui tombe est pire que la grêle et elle
aura de tristes conséquences sur les gens.»
Après avoir dit cela, il disparut et je me trouvai hors de mon
corps dans un jardin. Là, j'ai vu les récoltes desséchées
sur les vignes. Je me suis dit: «Pauvres gens, pauvres gens, que
vont-ils faire?» Pendant que je disais cela, j'ai vu à l'intérieur
du jardin un petit garçon qui pleurait si fort qu'il assourdissait
ciel et terre, mais personne n'avait pitié de lui. Quoique tous
l'entendaient pleurer, ils ne faisaient pas attention à lui et ils
le laissaient seul et abandonné. Une pensée me vint à
l'esprit: «Qui sait, c'est peut-être Jésus.» Mais
je n'en étais pas sûre. Venant près de l'enfant, j'ai
dit: «Quelle est la raison de tes pleurs, bel enfant? Puisque tous
t'ont laissé abandonné à tes larmes et aux souffrances
qui t'oppriment et qui te font pleurer si fort, veux-tu venir avec moi?»
Mais qui aurait pu le calmer? À peine arriva-t-il à répondre
oui à travers ses pleurs. Il voulait venir. Je l'ai pris par la
main pour l'amener avec moi. Mais, à ce moment même, je me
retrouvai dans mon corps.
3 juin 1900
Ce matin, alors que je poursuivais dans le même état,
j'ai vu mon adorable Jésus dans mon coeur. Il dormait. Son sommeil
amena mon âme à tomber endormie comme lui, si bien que je
ressentais toutes mes puissances internes engourdies et que je ne pouvais
rien faire d'autre. Parfois, j'essayais de ne pas dormir, mais je n'y arrivais
pas. Jésus béni se réveilla et envoya trois fois son
haleine en moi. Ces respirations semblèrent complètement
absorbées en moi. Puis, il sembla que Jésus ramena en lui-même
ces trois mêmes respirations. Alors je me suis sentie complètement
transformée en lui. Qui pourrait dire ce qui m'arriva par la suite?
Oh! l'union inséparable entre Jésus et moi! Je n'ai pas les
mots pour l'exprimer. Après cela, il me sembla que je pus me réveiller.
Brisant le silence, Jésus me dit:
«Ma fille, j'ai regardé et regardé; j'ai cherché
et cherché, parcourant le monde entier. Puis, j'ai porté
mes Yeux sur toi, j'ai trouvé ma satisfaction en toi et je t'ai
choisie parmi un millier.» Puis, se tournant vers certaines personnes
qu'il voyait, il leur dit: «Le manque de respect pour les autres
est un manque de vraie humilité chrétienne et de douceur,
parce qu'un esprit humble et tendre sait comment respecter chacun et toujours
interpréter positivement les actions des autres.»
Ayant dit cela, il disparut sans que j'aie pu lui dire un seul mot.
Puisse mon bien-aimé Jésus être toujours béni!
Que tout soit pour sa gloire!
3 juin 1900
Mon adorable Jésus continuait de ne pas se laisser voir clairement.
Ce matin, après que j'eus reçu la sainte communion, le confesseur
me proposa la crucifixion. Pendant que je me trouvais dans ces souffrances,
Jésus béni, comme attiré par elles, se montra clairement.
Ô Dieu! qui pourrait dire les souffrances qu'il supportait et l'état
pénible dans lequel il se trouvait pendant qu'il était forcé
d'envoyer des punitions sur la terre. J'éprouvai une très
grande compassion pour lui. Si les gens avaient vu cela! Même si
leurs coeurs avaient été durs comme le diamant, ils se seraient
brisés comme du verre fragile. Je l'ai supplié de se calmer,
d'être heureux, et de me faire souffrir pour que les gens soient
épargnés. Ensuite, je lui ai dit:
«Seigneur, si tu ne veux pas écouter mes prières,
je sais que c'est ce que je mérite. Si tu ne veux pas avoir pitié
des gens, tu as raison, parce que nos iniquités sont très
grandes. Mais je te demande une faveur: que tu aies pitié pendant
que tu punis tes images. Par l'Amour que tu as pour toi-même, je
te demande de ne pas envoyer de punitions dès maintenant. Tu enlèves
le pain de tes enfants et tu les fais mourir! Oh non! ce n'est pas dans
la nature de ton Coeur d'agir de cette manière! Je vois que la souffrance
que tu ressens est telle que si c'était en son pouvoir, elle te
donnerait la mort!»
Tout affligé, il me dit: «Ma fille, c'est la Justice qui
me fait violence. Cependant, l'Amour que j'ai pour le genre humain me fait
violence plus encore. Ainsi, d'avoir à punir les créatures
plonge mon Coeur dans une angoisse mortelle.» Je lui dis: «Seigneur,
décharge ta Justice sur moi et ton Amour ne sera plus tenaillé
par elle. Je t'en supplie, laisse-moi souffrir et épargne-les, au
moins en partie!»
Comme s'il s'était senti obligé par ma prière,
il vint près de ma bouche et y versa de la sienne un peu de l'amertume
épaisse et dégoûtante qu'il portait. À peine
avalée, elle produisit en moi de telles souffrances que je me sentis
près de mourir. Jésus béni me soutint dans ma souffrance,
faute de quoi je serais morte. (Cependant, ce ne fut qu'un peu de son amertume
qu'il versa. Que serait devenu son Coeur adorable qui en contenait tant!)
Après, il soupira comme s'il avait été soulagé
d'un poids et il me dit:
«Ma fille, ma Justice avait décidé de détruire
toute la nourriture des hommes mais, maintenant, vu que par amour tu as
pris sur toi un peu de mon amertume, elle consent à en laisser le
tiers.
Oh! Seigneur! c'est très peu, lui dis-je. Laisse-en au moins
la moitié.
Non, ma fille, sois contente.
Mon Seigneur, si tu ne veux pas me rendre heureuse pour tout, rends-moi
au moins heureuse pour Corato et pour ceux qui m'appartiennent.
Aujourd'hui, la grêle qui devait causer de grands dommages est
préparée. Pendant que tu es dans les souffrances de la croix,
va à cet endroit hors de ton corps sous la forme d'une crucifiée
et mets en fuite les démons d'au-dessus de Corato, car ils ne seront
pas capables de supporter la vue d'une personne crucifiée et ils
iront ailleurs.»
Ainsi, j'allai hors de mon corps sous la forme d'une crucifiée
et j'ai vu la grêle et les éclairs qui étaient près
de commencer à tomber au-dessus de Corato. Qui peut dire la peur
des démons à la vue de ma forme de crucifiée, comment
ils prirent la fuite, comment dans leur rage ils se mordaient les doigts.
Puisqu'ils ne pouvaient pas s'en prendre à moi, ils allèrent
jusqu'à s'attaquer à mon confesseur qui, ce matin, m'avait
accordé la permission de souffrir la crucifixion. Ils furent forcés
de s'enfuir de moi devant le signe de la Rédemption. Après
qu'ils eurent fui, je revins en mon corps, demeurant avec une bonne dose
de souffrances. Que tout soit pour la gloire de Dieu!
7 juin 1900
Mes souffrances formaient une douce chaîne me liant à
mon doux Jésus, le faisant venir presque continuellement et le stimulant
à me verser d'autres amertumes. Quand il vint, il me prit dans ses
Bras pour me donner de la force et versa en moi d'autres amertumes. Je
lui dis: «Seigneur, alors que tu déverses en moi une partie
de tes souffrances, je te prie de me rendre heureuse en m'accordant ce
que je t'ai déjà demandé, c'est-à-dire que
les humains reçoivent au moins la moitié de la nourriture
dont ils ont besoin pour se nourrir (cf. texte du 3 juin, 3 juin 1900).»
Il me dit: «Ma fille, pour te plaire, je te remets les clefs
de la Justice avec la connaissance de ce qui est absolument nécessaire
pour punir le genre humain. Avec cela, tu feras ce que tu veux. Ainsi,
n'es-tu pas contente?» En entendant cela, je fus consolée
et je me suis dit en moi-même: «Si c'est à moi de décider,
je ne punirai personne.» Mais quel ne fut pas mon désenchantement
quand Jésus béni me donna une clef et me plaça au
centre d'une lumière d'où je vis tous les attributs de Dieu,
y compris celui de la Justice. Oh! comme tout est ordonné en Dieu!
Si la Justice punit, c'est dans l'ordre des choses. Si elle ne punissait
pas, elle ne serait pas en harmonie avec les autres attributs divins. Je
me suis vue comme un misérable ver au centre de cette lumière,
voyant que, si je le voulais, je pouvais contrer le cours de la Justice.
Mais alors je détruirais l'ordre et j'irais contre l'homme lui-même,
car même la Justice est pur Amour envers les hommes. Ainsi, je me
trouvai totalement confuse et embarrassée.
Pour me dégager, je dis à Notre-Seigneur: «Dans
cette lumière, je comprends les choses différemment. Si tu
me laisses faire, je ferai pire que toi. En conséquence, je n'accepte
pas les clefs de la Justice. Ce que j'accepte et je veux, c'est que tu
me fasses souffrir et que tu épargnes les personnes. Je ne veux
rien savoir du reste!» Souriant à ce que je venais de dire,
Jésus ajouta: «Tu veux te libérer des clefs de la Justice,
mais tu me fais encore plus violence en me laissant avec ces mots: laisse-moi
souffrir et épargne-les!»
Je répliquai: «Seigneur, ce n'est pas que je ne veux pas
me montrer raisonnable, c'est parce que ce n'est pas ma besogne, mais la
tienne; la mienne c'est d'être victime. Par conséquent, fais
ta besogne et je ferai la mienne. N'est-ce pas bien ainsi, mon cher Jésus?»
Me manifestant son accord, il disparut.
10 juin 1900
Il me semble que mon adorable Jésus continue d'appliquer sa
Justice en déversant un peu de ses punitions sur moi et le reste
sur les gens. Ce matin, quand je me suis retrouvée avec Jésus,
mon âme se déchira en voyant la torture que son très
doux Coeur éprouvait quand il punissait les créatures! Son
état de souffrance était si grand qu'il ne pouvait s'empêcher
de gémir continuellement. Il portait sur sa divine Tête une
cruelle couronne d'épines qui transperçait sa Chair à
une telle profondeur que sa Tête apparaissait n'être qu'une
masse d'épines. Alors, pour le soulager, je lui dis: «Dis-moi,
mon Dieu, ce qui t'arrive? Permets-moi d'enlever ces épines qui
te font tant souffrir!»
Mais Jésus ne répondit rien. Il n'écouta même
pas ce que je disais. Je commencai donc à enlever ses épines
une à une, puis la couronne elle-même que je plaçai
sur ma tête. Pendant que je faisais cela, j'ai vu que, dans un endroit
éloigné, il y avait un tremblement de terre qui détruisait
les gens. Alors Jésus disparut et je suis revenue à mon corps,
mais avec une très grande affliction à la pensée de
l'état de souffrance de Jésus et des désastres qui
affectaient la pauvre humanité.
12 juin 1900
Ce matin, quand mon aimable Jésus vint, je lui ai dit: «Seigneur
que fais-tu? Il me semble que tu vas trop fort avec ta Justice.»
Comme je voulais continuer de parler pour excuser la misère humaine,
Jésus m'imposa le silence en me disant: «Garde silence si
tu veux que je reste avec toi! Viens, embrasse-moi et honore tous mes Membres
souffrants par tes actes d'adoration habituels.» J'ai commencé
par sa Tête et, ensuite, un à un, j'ai passé à
chacun de ses autres Membres. Oh! combien de blessures profondes et horribles
couvraient son très saint Corps! À peine eus-je fini qu'il
disparut, me laissant avec très peu de souffrances et avec la frayeur
qu'il allait déverser son amertume sur les gens, cette amertume
qu'il n'avait pas eu la bonté de déverser sur moi.
Après quelque temps, le confesseur vint et je lui racontai ce
que je venais de vivre. Il me dit: «Aujourd'hui, quand tu feras ta
méditation, tu lui demanderas de te faire souffrir la crucifixion
afin qu'il arrête d'envoyer des punitions.»
Pendant ma méditation, Jésus m'apparût et je le
priai de faire comme mon confesseur avait proposé. Sans m'accorder
la moindre attention, il sembla me tourner le dos et s'endormir afin que
je ne le dérange pas. Je me sentis mourir de peine parce qu'il ne
donnait pas suite à la demande de mon confesseur. Ramassant mon
courage, je le pris par le bras pour le réveiller et je lui dis:
«Seigneur, que fais-tu? Est-ce là tout le respect que tu as
pour ta vertu favorite d'obéissance? Où sont toutes les louanges
que tu as dites concernant cette vertu? Où sont les honneurs que
tu lui as prodigués, au point de dire que tu es secoué par
elle, que tu ne peux lui résister et que tu te sens subjugué
par l'âme qui la pratique. Et maintenant, il semble que tu ne te
soucies plus d'elle?»
Pendant que je disais cela (et bien d'autres choses qui demanderaient
beaucoup de temps si je voulais les écrire), Jésus béni
fut secoué comme par une très vive douleur. Il poussa un
cri et, sanglotant, me dit: «Moi non plus je ne veux pas envoyer
de punitions, mais c'est la Justice qui me force à le faire. Cependant,
toi, par tes paroles, tu me piques au vif. Tu touches à une chose
très délicate pour moi, une chose que j'aime beaucoup, au
point que je n'ai pas voulu d'autre honneur ou titre que celui de l'obéissance.
Ce n'est donc pas parce que je ne me soucie pas de l'obéissance
que je ne te fais pas partager les souffrances de la Croix, c'est la Justice
qui me force à agir ainsi.»
Après qu'il eut dit cela, il disparut en me laissant contente,
mais avec un déplaisir dans mon âme, comme si mes paroles
avaient été la cause du cri du Seigneur! Daigne me pardonner,
ô mon Jésus!
14 juin 1900
Je souffrais beaucoup. Quand il vint, mon adorable Jésus sympathisa
beaucoup avec moi et me dit: «Ma fille, pourquoi souffres-tu tant?
Laisse-moi te réconforter un peu.» Cependant, il souffrait
plus que moi! Il baisa mon âme et m'attira hors de mon corps. Il
prit mes mains dans les siennes, plaça mes pieds sur les siens et
ma tête contre la sienne. Comme j'étais heureuse de me trouver
dans cette position! Même si les clous et les épines de Jésus
me donnaient des souffrances, j'aurais voulu qu'elles augmentent. Elles
me donnaient de la joie. Jésus aussi semblait content parce que,
de cette manière, il me gardait près de lui. Il me semble
qu'il me soulageait et que j'étais un réconfort pour lui.
Dans cette position, nous sommes sortis. Ayant rencontré le
confesseur, j'ai immédiatement prié pour lui et j'ai dit
au Seigneur d'être assez bon de lui faire goûter la douceur
de sa Voix. Pour me plaire, Jésus se tourna vers lui et lui parla
de la croix en disant: «Par la croix, ma Divinité est absorbée
dans l'âme. La croix la fait ressembler à mon Humanité
et copie en elle mes Oeuvres.»
Ensuite, nous nous sommes promenés dans les environs. Oh! que
de spectacles navrants nous avons vus; mon âme en était transpercée
de part en part! Nous avons vu les graves iniquités des hommes,
eux qui ne se conforment même pas à la Justice. Au contraire,
ils se lancent contre elle avec furie, comme s'ils voulaient être
blessés deux fois plus. Et nous avons vu la grande misère
vers laquelle ils se dirigent.
Puis, dans un grand chagrin, nous nous sommes retirés. Jésus
disparut et je réintégrai mon corps.
17 juin 1900
Ce matin, Jésus béni n'est pas venu. J'en ai ressenti
de l'anxiété. Quand il vint, il me dit: «Ma fille,
agir en Dieu et rester dans la paix, c'est la même chose. Si tu es
affectée par quelque trouble, c'est le signe que tu t'es éloignée
quelque peu de Dieu, parce que se mouvoir en lui et ne pas avoir une paix
parfaite est impossible. En Dieu, tout est paix.» Puis il ajouta:
«Ne sais-tu pas que les privations sont à l'âme ce que
l'hiver est aux plantes: pendant l'hiver leurs racines s'enfoncent plus
profondément et je les fortifie afin qu'elles puissent fleurir en
mai.»
Il me transporta ensuite hors de mon corps et je lui présentai
plusieurs requêtes. Ensuite, il disparut et je revins dans mon corps,
habitée par un grand désir d'être toujours parfaitement
unie à lui afin que je puisse toujours demeurer dans sa Paix.
18 juin 1900
Comme Jésus persistait à ne pas venir, j'ai essayé
de méditer sur le mystère de la flagellation. Pendant que
je le faisais, il s'est montré très blessé et tout
ensanglanté. Dès que je l'ai aperçu, il me dit:
«Ma fille, le Ciel et le monde créé démontrent
l'Amour de Dieu. Mon Corps blessé démontre mon Amour pour
les hommes. Ma nature divine et ma nature humaine sont inséparables
et ne forment qu'une seule personne. Par elles, je n'ai pas seulement satisfait
à la Justice divine, mais j'ai aussi travaillé au salut des
hommes. Et, pour convoquer chacun à aimer Dieu et le prochain, non
seulement j'ai donné moi-même l'exemple sur ce point, mais
j'en ai fait un précepte divin. Mes Plaies et mon Sang enseignent
à chacun le chemin de l'amour et le devoir pour tous de se préoccuper
du salut des autres.»
Puis, d'un air attristé, il ajouta: «L'Amour est pour
moi un tyran sans pitié! Pour le satisfaire, non seulement j'ai
vécu toute ma vie mortelle en de continuels sacrifices, jusqu'à
mourir sur la Croix, mais je me suis donné comme Victime perpétuelle
dans le sacrement de l'Eucharistie. De plus, j'ai fait appel à quelques-uns
de mes enfants bien-aimés, dont toi-même, pour être
des victimes en souffrances continuelles pour le salut du genre humain.
Ah oui! mon Coeur ne trouve ni la paix ni le repos s'il ne se livre pas
aux hommes! Cependant l'homme me répond avec une ingratitude extrême!»
Ayant dit cela, il disparut.
20 juin 1900
Ce matin, alors que j'étais hors de mon corps et que je n'étais
pas avec mon plus grand Bien, je suis partie à sa recherche. J'étais
sur le point de m'évanouir de fatigue quand je l'ai senti dans mon
dos. Il me retenait. Je l'ai tiré devant moi et lui ai dit: «Mon
Bien-Aimé, ne sais-tu pas que je ne peux pas vivre sans toi? Et
toi tu me fais attendre jusqu'à ce que je m'évanouisse! Dis-moi
au moins pour quelle raison? En quoi t'ai-je offensé pour que je
sois sujette à de si cruelles tortures, à un si douloureux
martyre?»
M'interrompant, Jésus me dit: «Ma fille, ma fille, n'augmente
pas la torture de mon Coeur. Elle est extrême, dans une lutte constante,
parce que beaucoup me violentent sans arrêt. Les iniquités
des hommes me font violence en provoquant ma Justice. Ils me forcent à
les punir. Et, par le fait que ma Justice heurte mon Amour pour les hommes,
mon Coeur est déchiré d'une manière tellement douloureuse
que je me sens mourir.
«Tu me fais violence toi aussi à chaque fois où,
ayant pris connaissance des punitions que je donne, tu me forces à
ne pas les donner. Sachant que tu ne peux pas faire autrement en ma présence
et pour ne pas exposer mon Coeur à des luttes plus grandes, je m'abstiens
de venir. Renonce à me violenter pour que je vienne: laisse-moi
donner libre cours à ma fureur et cesse d'aggraver mes souffrances
par tes interventions.
«Pour ce qui est du reste, sache que la plus sublime humilité
exige de fuir tout raisonnement et de s'abîmer dans son néant.
Si on fait ainsi, alors, sans trop s'en rendre compte, on se fond en Dieu.
Cela amène l'union la plus intime entre l'âme et Dieu, le
plus parfait amour pour Dieu et le plus grand avantage pour l'âme,
parce que, en quittant sa propre raison, on acquiert la Raison divine.
En renonçant à tout regard sur elle-même, l'âme
n'est pas intéressée à ce qui lui arrive et elle parvient
à un langage complètement céleste et divin. L'humilité
donne à l'âme un vêtement de sécurité.
Enveloppée de ce vêtement, l'âme demeure dans la paix
la plus profonde, toute ornée pour plaire à son Jésus
bien-aimé.»
Qui pourrait dire combien je fus surprise par ces paroles de Jésus.
Je ne savais que lui dire. Il disparut et je me retrouvai dans mon corps,
calme oui, mais extrêmement affligée; d'abord à cause
des afflictions et des luttes dans lesquelles était plongé
mon cher Jésus et aussi parce que je craignais qu'il refuse dorénavant
de venir. Qui pourrait endurer ça? «Ô Seigneur! donne-moi
la force d'endurer cet insupportable martyre. Pour ce qui est du reste,
dis tout ce que tu voudras, moi je ne négligerai aucun moyen, j'userai
de toutes les ruses pour que tu viennes.»
24 juin 1900
Après que j'eus traversé quelques jours de privation,
il se montra comme une ombre, à la vitesse de l'éclair. Et
je me trouvai engourdie, comme endormie, ne comprenant pas ce qui m'arrivait.
Plongée dans cette léthargie, une seule souffrance m'atteignait:
il me semblait qu'il m'arrivait la même chose qu'à lui, c'est-à-dire
que j'étais privée de tous mes moyens. La personne plongée
dans cet état ne peut ni se plaindre, ni se défendre, ni
faire appel à quelque moyen que ce soit pour se libérer de
son infortune. Pauvre elle! Elle dort! Si elle était éveillée,
elle saurait certainement comment se défendre contre son infortune.
Tel était mon misérable état! Il ne m'était
pas permis de gémir, de soupirer, de verser une seule larme, même
si j'avais perdu de vue mon Jésus, lui qui est tout mon amour, tout
mon bonheur, mon plus grand Bien. Autrement dit, pour que je ne sois pas
blessée par son absence, il me berça pour m'endormir et il
me laissa. «Ô Seigneur, réveille-moi pour que je puisse
voir mes misères et savoir au moins ce qui me manque.» Et,
pendant que j'étais dans cet état, j'entendis à l'intérieur
de moi Jésus béni: il gémissait sans arrêt.
Ses gémissements blessèrent mes oreilles. M'éveillant
un peu, je lui dis:
«Mon seul et unique Bien, à travers tes plaintes, j'ai
perçu l'état très souffrant dans lequel tu es. Cela
t'arrive parce que tu veux souffrir seul et que tu ne me laisses pas partager
tes souffrances! Au contraire, tu m'as bercée pour m'endormir sans
rien me laisser comprendre. Je comprends d'où tout cela provient:
ta Justice est ainsi plus libre pour punir.
«Mais oh! aie pitié de moi, parce que sans toi je suis
aveugle. Toi qui es si bon, tu as besoin d'avoir quelqu'un qui te tienne
compagnie, qui te réconforte, qui, de quelque façon, amoindrisse
ta colère. Quand tu verras tes images périr dans la misère,
peut-être que tu te plaindras davantage et que tu me diras: "Oh!
si tu avais été plus appliquée à me réconforter,
si tu avais pris sur toi les souffrances de mes créatures, je ne
verrais pas mes Membres si torturés." N'est-ce pas vrai, mon très
patient Jésus? Par pitié, réagis un peu et laisse-moi
souffrir à ta place!»
Pendant que je disais cela, il gémissait continuellement, comme
s'il voulait de la pitié et du réconfort. Mais moi, voulant
le soulager en partageant ses souffrances, je tirai sur lui, comme pour
le forcer. Ainsi, à la suite de mes prières ferventes, il
étendit dans mon intérieur ses Mains et ses Pieds cloués
et me partagea un peu de ses souffrances.
Par la suite, prenant une pause dans ses gémissements, il me
dit: «Ma fille, les tristes temps que nous vivons me forcent à
cela, parce que les hommes sont devenus si arrogants que chacun se prend
pour Dieu. Si je n'envoie pas de punitions sur eux, je ferai du mal à
leur âme, parce que la croix seule est nourriture pour l'humilité.
Si je ne fais pas ainsi, je finirai par leur faire manquer le moyen de
devenir humbles et de sortir de leur étrange folie. Je fais comme
un père qui partage le pain pour que tous ses enfants se nourrissent;
mais quelques-uns ne veulent pas de ce pain; au contraire, ils le rejettent
à la face de leur père. Cela n'est pourtant pas la faute
du pauvre père! Je suis comme cela. Aie pitié de moi dans
mes afflictions.»
Ayant ainsi parlé, il disparut, me laissant à moitié
endormie, ne sachant pas si je devais complètement me réveiller
ou si je devais encore dormir.
27 juin 1900
Jésus continuait de me garder endormie. Ce matin, pendant quelques
minutes, je me suis trouvée complètement éveillée;
j'ai compris mon misérable état et j'ai ressenti l'amertume
de la privation de mon plus grand Bien. J'ai versé quelques larmes
quand je lui ai dit: «Mon toujours bon Jésus, pourquoi ne
viens-tu pas? Ce ne sont pas des choses à faire: blesser une de
tes âmes et ensuite la laisser! Puis, pour ne pas lui laisser savoir
ce que tu fais, tu la plonges dans le sommeil! Oh! viens, ne me fais pas
attendre davantage.»
Pendant que je disais cela et bien d'autres idioties semblables, il
vint et m'entraîna hors de mon corps. Alors que je voulais lui dire
mon pauvre état, il m'imposa le silence et me dit: «Ma fille,
ce que je veux de toi, c'est que tu te reconnaisses en moi, et non en toi-même.
Ainsi, tu ne te souviendras plus de toi, mais de moi seul. T'ignorant toi-même,
tu ne reconnaîtras que moi. Dans la mesure où tu t'oublieras
et te détruiras toi-même, tu avanceras dans ma connaissance,
tu te reconnaîtras uniquement en moi. Quand tu feras ainsi, tu ne
penseras plus avec ton cerveau, mais avec le mien. Tu ne regarderas plus
avec tes yeux, tu ne parleras plus avec ta bouche, les battements de ton
coeur ne seront plus les tiens, tu ne travailleras plus avec tes mains,
tu ne marcheras plus avec tes pieds. Tu regarderas avec mes Yeux, tu parleras
avec ma Bouche, tes battements de coeur seront les miens, tu travailleras
avec mes Mains, tu marcheras avec mes Pieds.
«Et pour que cela se produise, c'est-à-dire que l'âme
ne se reconnaisse qu'en Dieu, elle doit retourner à ses origines,
c'est-à-dire à Dieu, de qui elle vient. Elle doit se conformer
entièrement à son Créateur; tout ce qu'elle tient
d'elle-même et qui n'est pas en conformité avec ses origines,
elle doit le réduire à néant. De cette manière
seulement, nue et dépouillée, elle pourra retourner à
ses origines, se reconnaître uniquement en Dieu et travailler en
accord avec la fin pour laquelle elle a été créée.
Pour se conformer complètement à moi, l'âme doit devenir
invisible comme moi.»
Pendant qu'il disait cela, j'ai vu la punition terrible des plantes
desséchées et comment cela doit aller encore plus loin. J'ai
à peine pu lui dire: «Ô Seigneur! que fera le pauvre
peuple!» Et lui, dans le but de ne pas faire attention à moi,
disparut à la vitesse de l'éclair. Qui pourrait dire quelle
fut l'amertume de mon âme de me retrouver en mon corps sans avoir
pu lui dire un seul mot me concernant ou concernant mon prochain, ou concernant
ma tendance à dormir, avec laquelle j'étais encore aux prises!
28 juin 1900
Ce matin, j'étais extrêmement affligée à
cause de la privation de mon tendre Jésus. Dès que je l'ai
vu, il m'a dit: «Ma fille, combien de déguisements seront
démasqués en ces temps de punitions, car les punitions actuelles
ne sont qu'un présage de celles que je t'ai montrées l'année
dernière.»
Pendant qu'il disait cela, je pensais en moi-même: «Qui
sait si le Seigneur va continuer de faire ce qu'il fait: alors qu'il souffre
beaucoup en punissant, il ne vient pas partager ses souffrances avec moi
et il me traite de façon inhabituelle. Qui pourrait endurer ça?
Qui me donnera la force de vivre ça?» Répliquant à
ma pensée, Jésus me dit piteusement: «Voudrais-tu que
je suspende ton état de victime et que je te le fasse reprendre
plus tard?»
À ces mots, j'expérimentai une grande confusion et une
grande amertume, voyant que par la réalisation de cette proposition
le Seigneur m'éloignerait de lui. Je ne savais que faire: accepter
ou refuser. J'aurais bien aimé consulter mon confesseur. Quoiqu'il
en soit, sans attendre ma réponse, Jésus disparut, me laissant
avec un glaive dans le coeur, celui de me sentir rejetée par lui.
Ma douleur était si grande que je n'ai pu rien faire d'autre que
de pleurer amèrement.
29 juin 1900
Pendant que je continuais d'être triste, mon adorable Jésus
eut pitié de moi: il vint et il sembla me soutenir de ses Bras.
Il m'entraîna hors de mon corps et, ensemble, nous vîmes qu'il
régnait partout un profond silence, une grande tristesse et le deuil.
Ce spectacle fit si grande impression sur mon âme que mon coeur devint
angoissé. Jésus me dit: «Ma fille, quittons ce qui
nous afflige et reposons-nous ensemble.»
En disant cela, il commença à me caresser et à
me réconforter par de doux baisers. Cependant, ma confusion était
si grande que je n'osais pas lui rendre la pareille. Il me dit: «Alors
que je te rafraîchis par de chastes baisers et des caresses, ne veux-tu
pas me rafraîchir en me donnant toi aussi des baisers et des caresses?»
Ces mots me mirent en confiance et je lui rendis la pareille. Puis il disparut.
2 juillet 1900
Je continuais d'être affligée et triste comme un être
stupide. Ce matin, Jésus n'est pas venu du tout. Le confesseur vint
et suggéra la crucifixion. En premier lieu, Jésus béni
ne fut pas d'accord. Quand il se montra à moi, il me dit: «Qu'est-ce
que tu veux? Pourquoi veux-tu me blesser en me forçant à
te crucifier? Je t'ai déjà dit qu'il est nécessaire
que je punisse le peuple!»
Je répliquai: «Seigneur, ce n'est pas moi; c'est par obéissance
que je fais cette demande.» Il reprit: «Puisque c'est par obéissance,
je veux que tu partages ma crucifixion. Pendant ce temps, je vais me reposer
un peu.» Et il me fit partager les souffrances de la Croix. Pendant
que je souffrais, il vint près de moi et sembla se reposer.
Puis je vis un nuage menaçant dont la simple vue inspirait la
frayeur. Chacun disait: «Cette fois nous allons mourir!» Pendant
que tous étaient effrayés, une croix rayonnante s'éleva
entre Jésus et moi; elle fit disparaître la tempête
(il semblait que c'était un ouragan accompagné de tonnerre
qui emportait des édifices). La croix qui fit fuir la tempête
me semblait être la petite souffrance que Jésus partageait
avec moi. Que le Seigneur soit béni et que tout soit pour son honneur
et sa gloire.
3 juillet 1900
Ce matin, après avoir reçu la sainte communion, j'ai
vu mon adorable Jésus et je lui ai dit: «Mon bien-aimé
Seigneur, pourquoi ne veux-tu pas être apaisé?» Interrompant
mes paroles, il dit: «Pourtant les punitions que j'envoie ne sont
rien en comparaison de celles qui sont préparées.»
Pendant qu'il disait cela, j'ai vu devant moi beaucoup de personnes
infectées par une maladie soudaine et contagieuse dont elles mouraient
(la grippe espagnole). Saisie de terreur, je dis à Jésus:
«Seigneur, voudrais-tu cela pour nous aussi? Que fais-tu? Si tu veux
faire cela, tire-moi de cette terre, car mon âme ne peut rester pour
voir des choses si pénibles. Qui me donnera la force d'être
dans cet état?»
Pendant que je donnais libre cours à mon affliction, ayant pitié
de moi, Jésus me dit: «Ma fille, n'aie pas peur de ton état
d'assoupissement. Cela veut dire que même si je suis avec le peuple,
c'est comme si je sommeillais, comme si je ne les voyais pas et ne les
entendais pas. Et je t'ai mise dans le même état que moi.
Pour le reste, si tu n'aimes pas cela, je te l'ai déjà dit:
veux-tu que je suspende ton état de victime?» Je lui répondis:
«Seigneur, l'obéissance ne veut pas que j'accepte la suspension.»
Il reprit: «Bien, alors, que veux-tu de moi? Sois silencieuse et
obéis!»
Qui pourrait dire à quel point j'étais affligée
et combien mes puissances internes me semblaient engourdies? Je vivais
comme si je ne vivais pas. «Ô Seigneur, aie pitié de
moi! Ne me laisse pas dans un état si pitoyable!»
9 juillet 1900
Le même état continuait. Il empirait même. Si parfois
Jésus se montrait comme une ombre, avec la rapidité de l'éclair,
c'était presque toujours dans le silence. Ce matin, j'étais
au sommet de mon affliction à cause de mon sommeil continuel. Il
se montra et me dit:
«L'âme qui est vraiment mienne ne doit pas seulement vivre
pour Dieu, mais en Dieu. Tu dois essayer de vivre en moi car, en moi, tu
trouveras la fontaine de toutes les vertus. En te maintenant au milieu
des vertus, tu seras nourrie de leur parfum, si bien que tu seras remplie
comme après un bon repas et que tu ne feras rien d'autre que de
dégager une lumière et un parfum célestes. Établir
sa résidence en moi est la vraie vertu qui a le pouvoir de donner
à l'âme la forme de l'Être divin.»
Après ces paroles, il disparut. Quittant mon corps, mon âme
se mit à sa poursuite, mais il s'était déjà
enfui et je ne pus le retrouver. Soudain, je fus remplie d'amertume en
voyant une grêle terrible causant de grandes destructions, des éclairs
produisant des incendies et d'autres choses qui avaient été
préparées. Alors, plus affligée que jamais, je réintégrai
mon corps.
10 juillet 1900
Alors que je poursuivais dans la même confusion, Jésus
béni se montra brièvement et me fit comprendre que je n'avais
pas écrit tout ce qu'il m'avait dit le jour précédent
au sujet de la différence entre vivre pour Dieu et vivre en Dieu.
Il reprit sur le même sujet en disant:
«En vivant pour Dieu, l'âme peut être soumise à
des troubles et des amertumes, se montrer instable, sentir la pesanteur
de ses passions et des interférences des choses terrestres. Mais,
pour l'âme qui vit en Dieu, c'est complètement différent.
Comme elle vit dans une autre personne, elle laisse ses propres pensées
pour épouser celles de l'autre. Elle épouse son style, ses
goûts et, plus encore, elle quitte sa propre volonté pour
prendre celle de l'autre. Pour qu'une âme puisse vivre dans la Divinité,
elle doit laisser tout ce qui lui appartient en propre, se priver de tout
et laisser ses propres passions. En un mot, tout abandonner pour tout trouver
en Dieu.
«Quand l'âme a beaucoup grandi en légèreté,
elle est capable d'entrer par la porte étroite de mon Coeur pour
vivre en moi de ma Vie même. Même si mon Coeur est très
grand, tel qu'il n'a pas de limite, sa porte d'entrée est très
étroite. Seulement celui qui est dépouillé de tout
peut y entrer. Cela est juste parce que je suis le Très Saint. Je
ne permettrais à personne qui serait un étranger à
ma Sainteté de vivre en moi. C'est pourquoi, ma fille, je te dis:
essaie de vivre en moi et tu posséderas le paradis anticipé.»
Qui pourrait dire à quel point j'ai compris le sens de ce «vivre
en Dieu»? Ensuite, il disparut et je me retrouvai dans le même
état qu'auparavant.
11 juillet 1900
Ce matin, après avoir reçu la sainte communion, je poursuivais
dans le même état de confusion. J'étais complètement
repliée sur moi-même quand j'ai vu mon adorable Jésus
venir à moi précipitamment. Il me dit: «Ma fille, amoindris
un peu ma colère, autrement...» Tout effrayée, je lui
dis: «Que veux-tu que je fasse pour diminuer ta colère?»
Il me répondit: «En appelant sur toi mes souffrances.»
Alors j'ai eu l'impression qu'il interpella le confesseur à
l'aide d'un rayon de lumière. Celui-ci manifesta immédiatement
la volonté que je souffre la crucifixion. Le Seigneur béni
agréa et je me suis trouvée dans des souffrances si grandes
que j'ai eu l'impression que mon âme allait quitter mon corps. Quand
je me suis sentie sur le point de mourir et que je me réjouissais
parce que Jésus allait recevoir mon âme, le confesseur m'a
dit: «Assez!».
Alors Jésus m'a dit: «L'obéissance t'appelle!»
Je répondis: «Seigneur, je veux vraiment continuer.»
Jésus reprit: «Que veux-tu de moi? L'obéissance continue
de t'appeler!» Il sembla que cette nouvelle intervention de mon confesseur
ne me faisait plus marcher vers la souffrance. L'obéissance se montra
bien cruelle pour moi car, au moment même où je croyais avoir
atteint le port, je fus repoussée pour poursuivre la navigation.
En effet, bien que je souffrais, je ne sentais pas que j'allais mourir.
Mon bon Seigneur me dit: «Ma fille, aujourd'hui ma colère
avait atteint ses limites, à tel point que non seulement j'aurais
détruit les plantes, mais aussi le genre humain lui-même.
Si tu n'avais pas amoindri ma colère, c'est ce qui serait arrivé.
Et si le confesseur lui-même n'était pas intervenu en rappelant
en toi mes souffrances, je n'aurais même pas eu un regard pour lui.
Il est vrai que les punitions sont nécessaires, mais il est aussi
nécessaire, quand ma fureur augmente trop, que quelqu'un l'apaise.
Autrement, j'enverrais beaucoup de punitions!» Puis il me sembla
voir Jésus bien fatigué se plaindre en disant: «Mes
enfants, mes pauvres enfants, comme je vous vois appauvris!»
Puis, à ma surprise, il me fit comprendre qu'après s'être
un peu calmé, il devait poursuivre avec les punitions. Mes souffrances
avaient servi seulement à l'empêcher de trop s'emporter contre
le peuple. Ô Seigneur, sois apaisé et aie pitié de
ceux que tu appelles "tes enfants".
14 juillet 1900
Il me semble que j'ai passé plusieurs jours en compagnie de
Jésus béni sans que mon être soit absorbé par
la léthargie du sommeil, alors que nous nous donnions réciproquement
du réconfort. Cependant, j'avais peur qu'il me replonge dans ce
sommeil!
Ce matin, après qu'il m'eut rafraîchie avec du lait qui
descendait de sa bouche et qu'il déversait en moi, je le réconfortai
en lui enlevant sa couronne d'épines pour la fixer sur ma tête.
Très affligé, il me dit: «Ma fille, le décret
des punitions est signé. La seule chose qu'il reste à faire
est de fixer le temps de l'exécution.»
16 juillet 1900
Ce matin mon adorable Jésus n'est pas venu. Cependant, après
une longue attente, il est venu et m'a dit:
«Ma fille, le mieux est de me faire confiance puisque je suis
la paix. Même si j'envisage d'envoyer des punitions, tu dois rester
en paix, sans le moindre trouble.
Ah! Seigneur, tu reviens toujours à elles, les punitions. Sois
apaisé une fois pour toutes et ne parle plus de punitions, car je
ne peux pas me soumettre à ta Volonté à cet égard!»
Je ne peux pas être apaisé! reprit Jésus. Que dirais-tu
si tu voyais une personne nue qui, au lieu de couvrir sa nudité,
se préoccupait de s'orner de joyaux, omettant de se couvrir?
Ce serait horrible de la voir ainsi et, certainement, je la trouverais
blâmable.
Bien! Telles sont les âmes. Dépouillées de tout,
elles n'ont plus les vertus pour se couvrir. C'est pourquoi il est nécessaire
de les frapper, de les fouetter, de les assujettir à des privations
pour les faire entrer en elles-mêmes et les amener à prendre
soin de leur nudité. Couvrir son âme avec les vêtements
des vertus et de la grâce est immensément plus nécessaire
que de couvrir son corps de vêtements. Si je n'éprouvais pas
ces âmes, cela signifierait que j'accorderais plus d'attention aux
vétilles que sont les choses concernant le corps et que je n'accorderais
pas d'attention aux choses les plus essentielles, celles qui concernent
l'âme.»
Ensuite, il sembla tenir une petite corde dans ses mains avec laquelle
il attacha mon cou. Il attacha aussi sa Volonté à cette corde.
Il fit de même pour mon coeur et mes mains. Ainsi, il sembla qu'il
m'attachait toute entière à sa Volonté. Puis il disparut.
17 juillet 1900
Après avoir reçu la sainte communion, je n'ai pas vu
Jésus béni comme à l'accoutumée. Après
l'avoir longtemps attendu, j'ai senti que je quittais mon corps. Alors
je l'ai trouvé. Il me dit aussitôt: «Ma fille, je t'attendais
pour pouvoir me reposer un peu en toi, car je ne peux tenir plus longtemps!
Oh! donne-moi du réconfort!» Immédiatement, je l'ai
pris dans mes bras pour lui plaire. J'ai vu qu'il avait à l'épaule
une blessure profonde qui éveillait la pitié et même
le dégoût. Il se reposa quelques minutes. J'ai ensuite vu
que sa blessure était guérie. Puis, entre l'émerveillement
et la surprise, le voyant soulagé, je pris mon courage à
deux mains et lui dis:
«Seigneur béni, mon pauvre coeur est tourmenté
par la peur que tu ne m'aimes plus. J'ai très peur que ton indignation
s'abatte sur moi. Tu ne viens plus comme avant et tu ne partages plus ton
amertume avec moi. Tu ne me donnes plus ce qui est bon pour moi: la souffrance.
En me privant de la souffrance, tu en viens même à me priver
de toi-même. Oh! donne la paix à mon pauvre coeur. Rassure-moi,
dis-moi que tu m'aimes, promets-moi que tu continueras de m'aimer?
Oui, oui, je t'aime vraiment!
Comment puis-je en être sûre? Si tu aimes vraiment une
personne, tu dois lui donner tout ce qu'elle veut! Je te dis: "ne punis
pas les personnes!" et tu les punis; ou "déverse ton amertume en
moi" et tu ne le fais pas. Je trouve que cette fois, tu vas trop loin.
Comment donc puis-je être sûre que tu m'aimes?
Ma fille, tu vois les punitions que j'envoie mais tu ne vois pas celles
que je retiens. Combien d'autres punitions j'aurais envoyées et
combien de sang j'aurais fait couler n'eût été des
quelques personnes qui m'aiment et que j'aime d'un amour spécial!»
Après cela, il me sembla que Jésus s'était dirigé
à l'endroit où la destruction de la chair humaine s'opérait.
Mais moi, qui voulais le suivre, je n'en eus pas la permission et, à
mon plus grand regret, je me retrouvai dans mon corps.
18 juillet 1900
J'étais dans mon état habituel. Lorsque j'ai vu mon adorable
Jésus, j'ai vu en même temps de nombreuses personnes qui commettaient
beaucoup de péchés. J'en suis devenue très affligée.
Ces péchés prirent ma direction pour venir blesser mon bien-aimé
Seigneur qui se trouvait dans mon coeur. Quand Jésus repoussa ces
péchés, ils retournèrent vers les personnes d'où
ils provenaient et ils créèrent beaucoup de ruines, assez
pour horrifier les coeurs les plus durs. Totalement affligé, Jésus
me dit: «Ma fille, vois où l'aveuglement de l'homme le conduit.
Pendant qu'il essaie de me blesser, il se blesse lui-même.»
19 juillet 1900
Ce matin, après que j'eus attendu mon adorable Jésus
toute la nuit et une grande partie de la matinée, il n'a pas eu
la bonté de venir. Fatiguée de l'attendre et dans un moment
d'impatience, j'ai entrepris de quitter mon état habituel tout en
pensant que ce n'était pas là la Volonté de Dieu.
Pendant que j'essayais de sortir de mon corps, mon tendre Jésus,
se laissant à peine voir, entra dans mon coeur et me regarda en
silence. Dans l'impatience qui m'habitait, je lui dis: «Mon bon Jésus,
pourquoi es-tu si cruel? Peut-on se montrer plus cruel qu'en laissant une
âme à la merci du cruel tyran de l'amour qui la maintient
en agonie constante? Oh! tu as changé: de l'amant que tu étais,
tu est devenu un tyran!»
Pendant que je disais cela, j'ai vu devant moi beaucoup de personnes
mutilées. J'ai dit: «Oh! Seigneur! que de chair humaine mutilée!
que d'amertume et de souffrance! Oh! n'y aurait-il pas moins de souffrance
si j'avais satisfait pour ces personnes dans mon propre corps! N'est-ce
pas un moindre mal de faire souffrir une seule personne au lieu de tant
de pauvres gens!»
Pendant que je disais cela, Jésus continua de me regarder fermement.
Je ne peux dire s'il était content ou mécontent. Il me dit:
«Et pourtant, ce n'est que le commencement du jeu, ce n'est rien
comparé à ce qui vient!» Puis il disparut, me laissant
dans une mer d'amertume.
21 juillet 1900
Après avoir passé un jour absorbée par le sommeil
au point que je ne me comprenais plus et après avoir reçu
la sainte communion, j'ai senti que je sortais de mon corps. N'ayant pas
trouvé mon seul et unique Bien, j'ai commencé à errer
comme dans le délire. Pendant que je le faisais, j'ai senti une
personne dans mes bras; elle était si complètement recouverte
que je ne pouvais pas voir qui elle était. Incapable de résister,
je déchirai la couverture et j'ai vu mon Tout si ardemment et longuement
désiré. En le voyant, je commençai à me répandre
en plaintes et en diverses idioties.
Mais, pour diminuer mon impatience et mon délire, Jésus
baisa la misérable créature que je suis. Ce baiser divin
ramena en moi la paix. Il réduisit mon impatience au point que je
ne savais plus quoi dire. Oubliant toutes mes misères, je me suis
alors souvenu des pauvres créatures et j'ai dit à Jésus:
«Sois apaisé, ô doux Seigneur! Épargne ces
personnes de si cruelles destructions! Allons ensemble dans ces régions
où ces choses arrivent pour que nous puissions encourager et consoler
tous ces chrétiens dans un si triste état.
Ma fille, me répondit Jésus, je ne veux pas t'amener
car ton coeur ne supporterait pas la vue d'un tel carnage.
Ah! Seigneur! comment peux-tu permettre cela?»
Il est absolument nécessaire que je nettoie ces régions
parce que, dans ces champs où j'ai semé, il a poussé
beaucoup de mauvaises herbes et d'épines qui sont devenues des arbres.
Et ces arbres épineux ne font qu'attirer des eaux empoisonnées
et pestiférées dans ces lieux. Si quelques épis sont
demeurés intacts, ils ne reçoivent que piqûres et puanteur,
de telle sorte qu'aucun autre épi ne peut fleurir. Ces épis
ne peuvent fleurir parce que, premièrement, le sol est recouvert
de toute espèce de mauvaises plantes et, deuxièmement, ils
reçoivent de continuelles piqûres qui ne leur laissent aucune
paix. D'où le besoin de destruction pour révéler toutes
les mauvaises plantes et aussi le besoin de sang versé pour purifier
ces champs de leurs eaux empoisonnées. Pour cette raison, je n'ai
pas voulu t'amener. Le nettoyage est nécessaire, pas seulement aux
endroits où j'ai déjà envoyé des punitions,
mais aussi dans tous les autres endroits.»
Qui pourrait décrire la consternation de mon coeur en entendant
ces paroles de Jésus! J'ai néanmoins insisté pour
aller voir ces champs. Mais, ne faisant pas attention à moi, Jésus
disparut. En essayant de le retrouver, j'ai rencontré mon ange gardien
et quelques âmes du purgatoire qui me firent rebrousser chemin, ce
qui me força à réintégrer mon corps.
23 juillet 1900
Ce matin, mon adorable Jésus vint et me fit voir une machine
dans laquelle il semblait que beaucoup de membres humains étaient
écrasés. Nous étions là comme deux témoins
des terrifiants châtiments à venir. Qui pourrait dire la consternation
de mon coeur à cette vue? Me voyant si consternée, Jésus
béni me dit: «Ma fille, éloignons-nous de ce qui nous
afflige tant et réconfortons-nous en jouant un peu ensemble.»
Qui pourrait dire ce qui se produisit alors entre Jésus et moi:
les marques d'amour exquises, les ruses, les doux baisers, les caresses
que nous nous donnions l'un à l'autre. Mon Jésus bien-aimé
me surpassa dans ce jeu car, de mon côté, je défaillais,
ne pouvant contenir tout ce qu'il me donnait. Je lui ai dit: «Mon
Bien-Aimé, assez, assez! je n'en peux plus! je défaille!
mon pauvre coeur n'est pas assez grand pour tant recevoir! c'est assez
pour le moment!»
Voulant me réprimander pour mes paroles de l'autre jour, il
me dit avec amabilité: «Fais-moi entendre tes plaintes; dis-moi:
suis-je cruel? Mon Amour pour toi s'est-il changé en cruauté?»
Rougissante, je lui dis: «Non, mon Seigneur, tu n'es pas cruel quand
tu viens; mais quand tu ne viens pas, c'est alors que tu es cruel!»
Souriant, il répondit: «Tu continues de dire que je suis
cruel quand je ne viens pas? Non, non, il ne peut pas y avoir de cruauté
en moi. Tout est Amour en moi. Sache que si mon comportement est cruel,
comme tu dis, c'est en fait l'expression d'un plus grand Amour.»
27 juillet 1900
Je me trouvais très inquiète à propos de mon misérable
état, pensant qu'il ne correspondait pas à la Volonté
de Dieu. Je considérais comme signes de cela la souffrance insuffisante
que Jésus me donnait et ma continuelle privation de lui. Pendant
que je fatiguais mon petit cerveau sur cet état de choses et que
je luttais pour en sortir, mon toujours aimable Jésus se montra
à la vitesse de l'éclair et me dit: «Ma fille, que
veux-tu que je fasse? Dis-le-moi. Je ferai ce que tu veux.»
Je ne savais que répondre à une proposition si inespérée.
J'expérimentai une grande confusion devant le fait que Jésus
béni voulait faire ce que je voulais alors que c'était plutôt
moi qui devais faire ce que lui voulait. Je restai muette. Comme je ne
disais rien, il s'éloigna comme l'éclair. Courant derrière
cette lumière, je me trouvai hors de mon corps. Mais je ne l'ai
pas trouvé et je suis allée sur la terre, dans les cieux,
dans les étoiles. À un moment, je l'appelais par mes paroles,
à l'autre par une chanson, pensant en moi-même que Jésus
béni serait touché d'entendre ma voix ou mon chant et que,
certainement, il se montrerait.
Pendant que je me promenais, j'ai vu la terrible destruction que provoquait
la guerre en Chine. Il y avait des églises de démolies et
des images de Notre-Seigneur jetées par terre. Ce qui m'effrayait
le plus, c'était que si les barbares font cela actuellement, les
religieux hypocrites le feront plus tard. Se faisant connaître tels
qu'ils sont et s'unissant aux ennemis ouverts de l'Église, ils mènent
une attaque qui semble incroyable à l'esprit humain. Oh! que de
tortures! Il semble qu'ils ont juré d'en finir avec l'Église.
Mais le Seigneur les détruira!
Puis je me suis trouvée dans un jardin qui me semblait être
l'Église. À l'intérieur de ce jardin, il y avait une
foule de gens sous les apparences de dragons, de vipères et d'autres
bêtes féroces. Ils dévastaient le jardin. Quand ils
sortirent, ils causèrent la ruine du peuple.
Pendant que je voyais cela, je me suis trouvée dans les bras
de mon Jésus bien-aimé et je lui ai dit: «Je t'ai finalement
trouvé! Es-tu bien mon cher Jésus?» Il me répondit:
«Oui, oui, je suis ton Jésus.» J'essayai de lui demander
d'épargner toutes ces personnes, mais lui, ne faisant pas attention
à moi, me dit tout affligé: «Ma fille, je suis très
fatigué. Allons dans la divine Volonté si tu veux que je
reste avec toi.» Effrayée qu'il puisse s'éloigner,
je gardai le silence, lui permettant de dormir. Un peu plus tard, il entra
encore en moi, me laissant encouragée mais très affligée.
30 juillet 1900
J'ai passé un jour et une nuit sans repos, puis j'ai senti que
je quittais mon corps, sans pourtant réussir à retrouver
mon adorable Jésus. Je n'ai vu que des choses qui me firent peur.
J'ai vu qu'un feu brûlait en Italie et un autre en Chine et que,
petit à petit, ces feux se rapprochaient pour se fondre en un seul.
Dans ce feu, j'ai vu le roi d'Italie mourir soudainement dans la déception.
Cela eut l'effet de faire grandir le feu. Finalement, j'ai vu une grande
révolution, un tumulte des peuples, une tuerie des peuples. Après
avoir vu ces choses, je me suis aperçue que j'étais revenue
dans mon corps. Mon âme était torturée parce qu'elle
se sentait mourir et, plus encore, parce que je ne voyais pas mon adorable
Jésus.
Après une longue attente, il apparut avec une épée
à la main, prêt à l'abattre sur le peuple. J'étais
effrayée. Étant devenue un peu audacieuse, j'ai pris l'épée
dans mes mains en lui disant: «Seigneur, que fais-tu? Ne vois-tu
pas combien de destruction se produira si tu abats cette épée?
Ce qui me cause le plus de chagrin c'est que tu coupes l'Italie en deux!
Ah! Seigneur! sois apaisé! aie pitié de tes images! Si tu
dis que tu m'aimes, épargne-moi cette douleur si amère!»
Pendant que je disais cela, avec toute la force que je pouvais rassembler,
je retenais l'épée. Jésus, soupirant et tout affligé,
me dit: «Ma fille, laisse-la tomber sur le peuple car je ne peux
plus la porter.» Mais moi, la serrant plus fortement, je lui dis:
«Je ne peux pas la laisser aller! Je n'ai pas le courage de faire
cela!» Jésus reprit: «Ne t'ai-je pas dit bien des fois
que je suis forcé de ne te laisser rien voir, puisqu'alors je ne
suis pas libre de faire ce que je veux!»
Pendant qu'il disait cela, il baissa le bras qui avait tenu l'épée
et commença à calmer sa fureur. Après quelque temps,
il disparut et je fus laissée avec ma peur. Puis, sans me laisser
rien voir, il me retira l'épée et l'abattit sur le peuple!
Oh! Dieu! quel brisement de coeur à seulement me souvenir de cela!
1 août 1900
Mon adorable Jésus continuait de ne venir que rarement et seulement
pour peu de temps. Ce matin, je me suis sentie totalement anéantie
et je n'ai presque pas osé me mettre à la recherche de mon
plus grand Bien. Mais lui, toujours aimable, vint et, voulant infuser la
confiance en moi, me dit: «Ma fille, devant ma majesté et
ma pureté, celui qui peut me faire face n'existe pas. Tous sont
nécessairement effrayés et frappés par le rayonnement
de ma sainteté. L'homme voudrait presque s'enfuir de moi parce que
sa misère est si grande qu'il n'a pas le courage de rester debout
en présence de Dieu.
«Cependant, en faisant appel à ma miséricorde,
j'ai assumé une Humanité qui a partiellement voilé
la lumière de ma Divinité. Ce fut là un moyen d'inspirer
confiance et courage à l'homme afin qu'il vienne à moi. Il
a la possibilité de se purifier, de se sanctifier et de se diviniser
à travers mon Humanité déifiée.
«Ainsi, tu dois toujours te tenir devant mon Humanité,
la considérant comme un miroir dans lequel tu laves tous tes péchés,
un miroir dans lequel tu acquiers la beauté. Petit à petit,
tu t'orneras de ma ressemblance. C'est la propriété du miroir
physique de laisser apparaître l'image de celui qui se pose devant
lui. Le divin miroir fait beaucoup plus: mon Humanité est pour l'homme
comme un miroir lui permettant de voir ma Divinité. Toutes les bonnes
choses viennent à l'homme par mon Humanité.»
Pendant qu'il disait cela, il infusa une telle confiance en moi que
la pensée me vint de lui parler des punitions. Qui sait, il m'écoutera
peut-être. J'avais l'intention de l'apaiser concernant tout. Pendant
que je me préparais pour cela, il disparut et mon âme, courant
après lui, se trouva hors de mon corps. Mais je fus incapable de
le trouver et, à mon plus grand regret, j'ai vu beaucoup de personnes
en prison ainsi que d'autres se préparant à attenter à
la vie du roi et à d'autres leaders. J'ai vu que ces gens étaient
consumés par la rage parce qu'ils manquaient de moyens pour aller
au milieu du peuple pour y effectuer un massacre. Cependant, leur temps
viendra. Ensuite, je me suis retrouvée dans mon corps, très
oppressée et affligée.
3 août 1900
Alors que j'étais dans mon état habituel, je cherchais
mon bien-aimé Jésus. Après une longue attente, il
vint et me dit: «Ma fille, pourquoi me cherches-tu hors de toi-même
alors que tu pourrais facilement me trouver en toi-même. Quand tu
veux me trouver, entre en toi-même, atteins ton néant et là,
vidée de toi-même, tu verras les fondations que l'Être
divin a établies en toi et la structure qu'il y a érigée:
regarde et vois!»
J'ai regardé et j'ai vu des fondations solides et une construction
avec de hauts murs atteignant le Ciel. Ce qui me surprit le plus, c'était
que le Seigneur avait fait ce beau travail sur mon néant et que
les murs ne comportaient aucune ouverture. Une ouverture était pratiquée
seulement dans la voûte: elle donnait sur le Ciel. Par cette ouverture,
Notre-Seigneur pouvait être vu.
J'étais complètement éblouie par ce que je voyais
et Jésus béni me dit: «Les fondations établies
sur le néant signifient que la main de Dieu travaille là
où il n'y a rien et que jamais il n'appuie ses travaux sur les choses
matérielles. Les murs sans ouvertures signifient que l'âme
ne doit accorder aucun regard aux choses du monde afin qu'aucun danger
ne puisse l'atteindre, pas même un peu de poussière. Le fait
que la seule ouverture donne sur le Ciel correspond au fait que la construction
s'élève du néant jusqu'au Ciel. La stabilité
de la colonne signifie que l'âme doit être si stable dans le
bien qu'aucun vent adverse ne puisse l'ébranler. Et le fait que
je sois placé tout au haut signifie que le travail doit être
complètement divin.»
Qui pourrait dire ce que j'ai compris à la suite de ces propos
de Jésus? Mais mon esprit se perd et ne sait s'exprimer là-dessus.
Puisse le Seigneur être toujours béni! Que tout chante son
Amour et sa Gloire.
9 août 1900
Ce matin, mon adorable Jésus n'est pas venu. J'ai dû l'attendre
longtemps. Dès qu'il se montra, il me dit: «Tout comme le
son d'un instrument de musique est plaisant à l'oreille de celui
qui l'entend, tes désirs et tes larmes sont à mon oreille
une musique très plaisante. Pour qu'ils soient encore plus doux
et plaisants, je veux te montrer une autre façon: ne me désire
pas avec ton désir mais avec mon Désir. Tout ce que tu veux
et désires, veux-le et désire-le parce que je le veux, c'est-à-dire
prends-le dans mon intérieur et fais-le tien. Ainsi, ta musique
sera plus plaisante à mon oreille, car ce sera une musique provenant
de moi-même.»
Il ajouta: «Tout ce qui sort de moi entre en moi. Quand les hommes
se plaignent qu'ils ne peuvent pas obtenir ce qu'ils me demandent, c'est
qu'ils demandent des choses qui ne sortent pas de moi. Alors ces choses
ne sont pas très faciles à faire entrer en moi pour ensuite
ressortir de moi et leur revenir. Tout ce qui est saint, pur et céleste
sort de moi et entre en moi. Pourquoi donc s'étonner si je ne les
écoute pas quand ils me demandent des choses qui ne sont pas de
moi? Garde bien à la pensée que tout ce qui sort de Dieu
entre en Dieu.»
Qui pourrait dire tout ce que j'ai compris à la suite de ces
propos de Jésus? Mais je n'ai pas les mots pour l'exprimer. Ah!
Seigneur! donne-moi la grâce de demander tout ce qui est saint et
qui est selon ton Désir et ta Volonté. De cette manière,
tu pourras communiquer avec moi plus intensément.
19 août 1900
Ce matin, après que j'eus reçu la sainte communion, mon
Jésus bien-aimé se présenta dans l'attitude de quelqu'un
qui s'apprête à enseigner. Il me dit: «Ma fille, supposons
qu'un jeune homme veut épouser une jeune fille et que celle-ci,
éprise d'amour pour lui et voulant le rendre heureux, veut toujours
rester avec lui sans jamais le quitter, sans se soucier d'autre chose,
y compris du travail domestique habituel pour une épouse. Que dirait
le jeune homme? L'amour de la jeune fille lui plairait mais il ne serait
certainement pas heureux de sa conduite parce que cette façon d'aimer
serait stérile et lui apporterait du mal plutôt que des fruits.
Petit à petit, cet amour étrange ferait naître chez
lui de l'ennui plutôt que du plaisir parce que toute la satisfaction
serait seulement pour la jeune fille. Et puisqu'un amour stérile
n'a pas de bois pour alimenter sa flamme, il serait rapidement réduit
en cendres. Seulement l'amour qui donne du fruit est durable.
«Ainsi se comportent les âmes qui ne se préoccupent
que d'elles-mêmes, de leur propre satisfaction, de leur propre ardeur
et de tout ce qui leur plaît. Elles disent que leur amour est pour
moi alors qu'il est pour leur propre satisfaction. On peut voir à
leurs actes qu'elles ne se préoccupent pas de mes intérêts
et des choses qui m'appartiennent; elles vont même jusqu'à
m'offenser. Ah! ma fille, l'amour qui porte du fruit est ce qui distingue
les vrais amoureux des faux. Tout le reste est fumée.»
Pendant qu'il disait cela, j'ai aperçu des gens et j'ai voulu
m'intéresser à eux. Mais Jésus me détourna
d'eux en me disant: «Ne désire pas être sur le chemin
des autres. Laisse-les faire parce que tout a son propre temps. Quand le
temps du jugement viendra, ce sera le temps de discerner toutes choses:
le bon grain sera connu de même que la menue paille et le grain stérile
ou mauvais. Oh! combien de choses ayant l'apparence du bon grain seront
alors jugées comme étant de la paille et de la mauvaise graine,
uniquement dignes d'être jetées au feu.»
20 août 1900
Ce matin, mon adorable Jésus n'est pas venu. Après l'avoir
longtemps attendu et alors que mon pauvre coeur était incapable
d'endurer davantage, il se montra dans mon intérieur et me dit:
«Ma fille, ne sois pas affligée parce que tu ne me vois pas:
je suis en toi et, à travers toi, je regarde le monde.»
Il continua de m'apparaître de temps en temps, sans rien me dire
de plus.
24 août 1900
Ayant passé une nuit sans repos, je me suis sentie toute remplie
de tentations et de péchés. Oh! Dieu! quelle douleur torturante
est de t'offenser. Je faisais tout ce que je pouvais pour être en
Dieu, pour me résigner à sa sainte Volonté, pour lui
offrir cet état pénible par amour pour lui. Je n'ai pas fait
attention à l'ennemi en montrant la plus grande indifférence
envers lui, dans le but de ne pas le provoquer à me tenter davantage.
Mais sans grand succès.
Je n'ai même pas osé désirer mon Jésus bien-aimé.
Je me voyais trop laide et misérable. Mais lui, toujours bon pour
la pécheresse que je suis, et sans que je l'aie demandé,
il vint comme s'il avait pitié de moi. Il me dit: «Ma fille,
courage. N'aie pas peur. Sais-tu que certains cours d'eau impétueux
et froids sont plus puissants à nettoyer les plus petites taches
que le feu lui-même? Tout va bien pour qui m'aime vraiment.»
Ayant dit cela, il disparut, me laissant encouragée mais faible
comme si j'avais souffert de la fièvre.
30 août 1900
J'ai vécu plusieurs jours d'amertume et de privation. Au plus,
je l'ai vu quelques fois comme une ombre! Ce matin, non seulement j'étais
au sommet de mon amertume, mais j'avais perdu l'espérance de le
revoir encore. Après avoir reçu la sainte communion, il me
sembla que le confesseur voulait que la crucifixion soit renouvelée
en moi. Alors, dans le but de me faire obéir, Jésus béni
m'apparut et partagea ses souffrances avec moi.
À ce moment, j'ai vu la Reine Mère qui, me prenant, m'offrit
à lui pour l'apaiser. Ayant regardé sa Mère, Jésus
accepta l'offrande et il sembla qu'il fut un peu apaisé. Ensuite,
la Reine Mère me dit: «Veux-tu venir dans le purgatoire et
soulager le roi (1) de l'horrible souffrance dans laquelle il se trouve?»
Je lui répondis: «Ma Mère, comme tu le désires.»
En un instant, elle me prit et me transporta à un endroit de
tourments atroces où les personnes souffraient et mouraient continuellement.
Il y avait là cet homme misérable qui passait d'un tourment
à l'autre. Il semblait devoir subir autant de morts qu'il y avait
eu d'âmes de perdues par sa faute. Après que j'eus subi plusieurs
de ces tortures, il fut un peu soulagé. Puis la Très Sainte
Vierge m'enleva de cet endroit de souffrance et je me suis retrouvée
dans mon corps.
31 août 1900
Me trouvant dans mon état habituel et ne voyant pas mon adorable
Jésus, j'étais très affligée et un peu inquiète.
Après l'avoir attendu longtemps, il vint. Voyant que le Sang coulait
de ses Mains, je lui demandai de verser le Sang de sa Main gauche en faveur
des pécheurs qui devaient mourir et qui étaient en danger
d'être perdus, et le Sang de sa Main droite en faveur des âmes
du purgatoire.
M'écoutant avec bonté, il fut ému. Il versa son
Sang sur une région et ensuite sur une autre. Après il me
dit: «Ma fille, à l'intérieur des âmes il ne
doit pas y avoir de trouble. Si le trouble entre dans une âme, il
provient d'elle-même. C'est que l'âme porte en elle beaucoup
de choses qui ne sont pas de Dieu et qui lui sont préjudiciables.
Cela finit par l'affaiblir et par affaiblir la grâce en elle.»
Qui pourrait dire combien j'ai compris clairement le sens de ces paroles
de Jésus. Ah! Seigneur! donne-moi la grâce de profiter de
tes saints enseignements. Autrement, tes enseignements seront pour ma condamnation.
1er septembre 1900
Puisqu'il continuait à ne pas venir, je lui dis: «Mon
bon Jésus, ne me fais pas attendre si longtemps. Ce matin, je n'ai
pas le goût de te chercher jusqu'à ce que je sois lasse. Viens
tout de suite, vite, vite, sans faire d'histoire.» En voyant qu'il
ne venait toujours pas, j'ai poursuivi: «Il semble bien que tu veux
que je m'use à t'attendre, au point d'en être fâchée.
Autrement, tu ne viens pas!»
Pendant que je disais cela et d'autre non-sens, il vint et me dit:
«Pourrais-tu me dire ce qui maintient la correspondance entre l'âme
et Dieu?» Avec une lumière venant de lui, je lui répondis:
«la prière».
Approuvant ce que j'avais dit, il poursuivit: «Mais qu'est-ce
qui amène Dieu à une conversation familière avec l'âme?»
Comme je ne savais que répondre, une lumière entra en moi
et j'ai dit: «La prière orale sert à maintenir la correspondance
avec Dieu et, bien sûr, la méditation intérieure sert
de nourriture pour maintenir la conversation entre Dieu et l'âme.»
Content de ma réponse, il reprit: «Me diras-tu ce qui
peut briser la colère amoureuse qui peut s'élever entre Dieu
et l'âme?» Comme je ne répondais rien, il poursuivit:
«Ma fille, l'obéissance seule à ce pouvoir, parce qu'elle
seule décide de toutes les choses concernant l'âme et moi.
Quand une querelle s'élève ou même quand on se fâche
assez pour blesser, alors l'obéissance intervient, arrange les choses
et restaure la paix entre Dieu et l'âme.»
Je lui dis: «Oh! Seigneur! souvent il me semble que même
l'obéissance ne veut pas prendre intérêt à ces
choses et que la pauvre âme est forcée de rester dans l'état
de dispute.»
Jésus poursuivit: «Elle fait ainsi pendant un certain
temps parce qu'elle veut s'amuser à ces querelles amoureuses mais,
ensuite, elle assume son devoir et elle pacifie tout. Ainsi l'obéissance
établit la paix entre l'âme et Dieu.»
4 septembre 1900
Après la communion, mon adorable Jésus me transporta
hors de mon corps en se montrant extrêmement affligé et triste.
Je le priai de verser son amertume en moi. Il ne m'écouta pas mais,
après que j'eus beaucoup insisté, il la déversa avec
joie. Ensuite, après qu'il en eut versé un peu, je lui ai
dit:
«Seigneur, ne te sens-tu pas mieux maintenant?
Oui, mais ce que j'ai déversé en toi n'est pas ce qui
me donne tant de souffrance. Il s'agit d'une nourriture fade et infectée
qui ne me laisse pas de repos.»
Verses-en un peu en moi pour que tu sois réconforté.
Je ne peux pas la digérer et l'endurer, comment le pourrais-tu,
toi?
Je sais que ma faiblesse est extrême mais tu me donneras la force
et, ainsi, je réussirai à la retenir en moi.»
J'ai compris que la nourriture infectée avait trait aux actes
d'impureté et la nourriture fade, aux bonnes actions faites avec
négligence, sans soins, et qui sont plutôt un ennui et un
fardeau pour Notre-Seigneur; il dédaigne presque de les accepter;
incapable de les endurer, il veut plutôt les cracher de sa bouche.
Qui sait combien des miens agissent ainsi! Forcé par moi, il me
servit un peu de cette nourriture. Comme il avait raison: l'amertume est
plus endurable que la nourriture fade et celle qui est infectée.
Si ce n'avait été de mon amour pour lui, je ne l'aurais jamais
acceptée.
Après cela, Jésus béni mit son Bras derrière
mon cou et, penchant sa Tête sur mon épaule, il prit une posture
comme pour se reposer. Pendant qu'il dormait, je me suis trouvée
dans un lieu où il y avait beaucoup de chemins entrecroisés
et, plus bas, c'était le gouffre. Effrayée d'y tomber, je
le réveillai pour lui demander son aide. Il me dit: «N'aie
pas peur, c'est le sentier que chacun doit fouler. Il demande une complète
attention. Puisque la majorité marche sans précaution, c'est
la raison pour laquelle tant de personnes tombent dans l'abîme et
que ceux qui arrivent au port du salut sont peu nombreux.»
Ensuite, il disparut et je me suis retrouvée dans mon corps.
FIAT
1. Probablement Umberto I de Savola, assassiné à Monza
le 29 juillet 1900.
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