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Luisa Piccarreta
mystique italienne
(23 Avril 1865 -  4 Mars 1947)
Luisa Piccarreta

Bernardino Giuseppe Bucci
LUISA
PICCARRETA
Recueil de mémoires sur la Servante de Dieu

A ma tante Rosaria,
fidèle gardienne de la vie de la Servante de Dieu Luisa Piccarreta

BERNADINO GIUSEPPE BUCCI
Frère Mineur Capucin

LUISA PICCARRETA
Recueil de mémoires sur la Servante de Dieu

 Propriété de l'auteur

En couverture:

    Œuvre d'Angela Ciccone, Portrait de Luisa Piccarreta
    Corato, Largo Plebiscito, 1938 (Collection privée, Prof. Giuseppe Gallo).

Les photographies reproduites à l'intérieur du livret font partie des Archives "Luisa Piccarreta" du Père Bernardino Bucci, Capucin

Imprimerie: Tipolitografia Miulli

Via Roma, 52 - San Ferdinando di Puglia- Tel: 0883.622036

2000 Propriété de l'auteur

71049 Trinitapoli (FG)

Paroisse Immaculée des Frères Mineurs Capucins

Edition non commerciale

INDEX

PRESENTATION

PREFACE

CHAPITRE UN

Notes biographiques

Dates significatives

Confesseurs et conseillers spirituels

Les évêques

Liste des écrits de Luisa Piccarreta

CHAPITRE DEUX

Le Royaume de la Volonté Divine

Prières inédites

CHAPITRE TROIS

Guérison de l’épileptique

La sonnette de la discorde

Une parfaite brodeuse

Les plaies mystérieuses

Le Bienheureux Padre Pio, Luisa Piccarreta et Rosaria Bucci

Le secret de tante Rosaria

CHAPITRE QUATRE

Annibale Di Francia et Luisa Piccarreta

Le Bienheureux Annibale et les Frères Capucins de la Province Monastique des Pouilles

Prédilection de Luisa pour les Capucins. P. Salvatore de Corato et Luisa Piccarreta

 CHAPITRE CINQ

Un repas bien étrange

Une privation manquée

La prophétie

Une mer agitée

 CHAPITRE SIX

Prophétie de la pourpre

Guérison d'un évêque

CHAPITRE SEPT

Luisa et les enfants de Corato

Le soldat manqué

La résurrection d’un enfant

Isa Bucci et Luisa Piccarreta

Gemma Bucci et Luisa Piccarreta

CHAPITRE HUIT

Une guérison

Des chevaux capricieux

Le cénacle de via Panseri

Guérison d’un cheval

Un fiancé soldat

CHAPITRE NEUF

Luisa, terreur des puissances diaboliques

La sainte mort de Luisa Piccarreta

Le jeune homme mort et ressuscité

 NOTES BIOGRAPHIQUES SUR L’AUTEUR

Présentation

La sollicitude affectueuse tendant à conservre le souvenir de personnes de nos régions qui, en raison de leur humble travail quotidien et l'acceptation des souffrances de la vie, se sont signalées par leur amour de Dieu et du prochain, a encouragé le P. Bernardino Bucci, Frère Capucin, à mettre par écrit "des souvenirs de famille" concernant la personne de Luisa Piccarreta, appelée familièrement "Luisa la sainte".

L'attention à la personne de Luisa est digne d'être signalée pour deux motifs. D'abord pour l'intérêt suscité de nos jours par l'étude de la mystique. Dans le cas de Luisa sa contemplation et son acceptation des souffrances physiques et spirituelles lui ont permis d'atteindre une notable intimité avec Jésus. Ensuite parce que Luisa a été connue et a entretenu des relations avec plusieurs de nos confrères (P. Fedele da Montescaglioso, P. Guglielmo da Barletta, P. Salvatore da Corato, P. Terenzio da Campi Salentina, P. Daniele da Triggiano, P. Antonio da Stigliano, P. Giuseppe da Francavilla Fontana, pour n'en citer que quelques-uns) qui ont pu lui communiquer les éléments essentiels de la spiritualité franciscaine, en lui permettant d'en retenir l'amour pour le Christ et l'engagement à accomplir la Volonté Divine.

Puisse ce livre qui a vu le P. Bernardino au travail avec tant d'amour et d'enthousiasme, aider ceux qui le liront à éprouver le désir d'approfondir la spiritualité de Luisa et à devenir des promoteurs de sa béatification.

P. Mariano Bubbico

Ministre Provincial des Frères Mineurs Capucins des Pouilles

Photo page 8:

Luisa en contemplation du "Fiat Suprême".

Préface

En réponse au vif encouragement de Monseigneur Giuseppe Carata, vénérable Archevêque de Trani, aujourd'hui émérite, j'ai été amené à mettre par écrit des témoignages sur Luisa Piccarreta, tels que je les ai recueillis de vive voix de la part de membres de ma famille et d'autres personnes qui ont connu personnellement la Servante de Dieu, certains cas me concernant directement.

Dans mon enfance j'ai eu des contacts directs et continus avec la Servante de Dieu, par l'intermédiaire de ma tante, Rosaria Bucci, qui pendant presque quarante ans a assisté, nuit et jour, la Servante de Dieu. Toutes deux travaillaient ensemble la dentelle aux fuseaux, activité qui assurait leur subsistance. Mes parents étaient très liés à la famille Piccarreta. Mes soeurs, Isa, Maria et Gemma fréquentaient assidûment la maison de Luisa; elles y apprirent la dentelle aux fuseaux. Gemma, la plus jeune, était la préférée de Luisa, qui avait suggéré, à sa naissance, de lui donner le nom de Gemma. La soeur de Luisa, Angelina, a été la marraine de baptême et de confirmation de mes soeurs. Nous avions avec elle une telle familiarité qu'en famille tous l'appelaient "Tante Angelina".

Avec Luisa nous parlions très familièrement. Je me souviens que ma mère se rendait périodiquement à la maison de Luisa et s'entretenait longuement avec elle. Nous n'avons rien su de ces entretiens. Je pense que Luisa lui avait prédit sa mort précoce. Je le présume du fait que ma mère parlait souvent de sa mort et nous faisait comprendre qu'elle n'aurait plus vécu très longtemps. Elle mourut à cinquante-et-un ans, trois ans après la mort de Luisa. Elle portait, le jour de sa mort, une chemise de la Servante de Dieu.

Personnellement j'ai reçu de la Servante de Dieu des images pieuses. Malgré notre grande familiarité, en présence de Luisa je restais en silence, comme fasciné par le charme qui émanait de sa personne.

J'ai recueilli et annoté beaucoup de documents, mais il ne m'est pas possible de les classer pour les confier à l'imprimeur; cela exigerait beaucoup de travail et un temps suffisant dont je ne dispose pas. J'ai donc dû faire des choix et publier ce que j'ai estimé d'un plus grand intérêt. Cela ne signifie pas que d'autres faits recueillis ne soient pas dignes d'être publiés. Je suis tout-à-fait convaincu que n'importe quel épisode qui concerne Luisa Piccarreta est utile pour situer sa figure dans le cadre de son époque.

Je projette de continuer le travail de classement et de recherche des souvenirs et de faire imprimer une biographie plus complète de la Servante de Dieu. J'ai commencé ce projet depuis un certain temps et espère le mener à bien au plus tôt.

Père Bernardino Giuseppe Bucci

CHAPITRE UN

Notes biographiques

La Servante de Dieu Luisa Piccarreta est née à Corato (Bari) en Italie, le 23 avril 1865. Elle y mourra en odeur de sainteté le 4 mars 1947.

Sa famille était l'une de ces famille patriarcales que l'on trouve encore aujourd'hui dans les Pouilles. Des gens qui aiment vivre à l'air des champs. Ses parents, Vito Nicola et Rosa Tarantino, eurent cinq filles: Maria, Rachele, Filomena, Luisa et Angela. Les trois aînées se marièrent. Angela, que l'on appelait "la petite Angela" resta célibataire et vécut aux côtés de sa sœur, Luisa, jusqu'à sa mort.

Luisa naquit le dimanche in Albis et fut baptisée le jour même. Son père - quelques heures après sa naissance - l'enveloppa dans une couverture et l'emmena à la paroisse pour y recevoir son Baptême.

Nicola Piccarreta travaillait comme métayer dans une ferme qui appartenait à la famille Mastrorilli. Cette ferme se trouvait dans une petite localité des Murge, Torre Disperata, à 27 kilomètres de Corato. Ceux qui connaissent l'endroit peuvent apprécier la solennité du silence qui règne sur ces collines ensoleillées, dépouillées et pierreuses. Luisa y passa toute son enfance et son adolescence. Le grand bon vieux mûrier au tronc percé dans lequel elle aimait se cacher pour prier loin des regards indiscrets, existe encore. C'est dans ce lieu solitaire et ensoleillé que commença pour Luisa cette grande aventure divine qui la conduira sur les sentiers de la souffrance et de la sainteté. C'est d'ailleurs là qu'elle subira les assauts du démon; des souffrances indicibles dont son corps ne saura être épargné. Pour se libérer de ses peines, Luisa se réfugiait sans cesse dans la prière, s'adressant en particulier à la Très Sainte Vierge dont la seule présence constituait pour elle une grande consolation.

La Divine Providence conduisait la jeune fille sur des sentiers d'un tel mystère qu'il ne pouvait y avoir de joie plus grande que Dieu et la Grâce de Dieu. Un jour, en effet, le Seigneur lui dit: " J'ai remué la terre entière, regardant une par une toutes les créatures. Je voulais choisir la plus petite d'entre elles, et c'est toi que j'ai trouvée, toi, la plus petite d'entre toutes. Tu me plaisais alors je t'ai choisie; puis je t'ai placée sous la protection de mes anges, non pas pour qu'ils te fassent grandir, mais pour qu'ils veillent sur toi, toi si petite; ma volonté était faite et je pouvais poursuivre mon oeuvre. Ceci n'est pas pour que tu te sentes plus grande, bien au contraire; ma volonté te fera encore plus petite et tu resteras la petite fille de la Volonté Divine" (cf. Volume XII, 23 mars 1921).

A l'âge de neuf ans, Luisa reçût l'Eucharistie pour la première fois, puis sa Confirmation. Dès lors, elle apprit à rester en prière des heures entières au pied du Saint Sacrement. A onze ans, elle fut Fille de Marie - alors en pleine floraison - à l'église Saint-Joseph, puis Tertiaire Dominicaine, sous le nom de Sœur Madeleine. Elle fut l'une des premières à s'inscrire au Troisième Ordre, dont son curé de paroisse était le fondateur. Sa dévotion pour la Mère de Dieu développera en elle une profonde spiritualité mariale, prélude de ce qu'un jour elle aurait écrit sur la Vierge Marie.

La voix de Jésus accompagnait Luisa dans son cheminement: elle se détacha d'elle-même, de tout et de tous les autres. Vers l'âge de dix-huit ans, du balcon de chez elle, via Nazario Sauro, elle eut une vision: Jésus, souffrant sous le poids de sa croix était là, sous ses yeux. Il la regardait et lui disait: " Ame! Aide-moi!". Cette apparition suscita en elle le désir insatiable de souffrir pour Jésus et pour le salut des âmes. Commencèrent alors pour elle ces souffrances physiques qui, ajoutées aux souffrances spirituelles et morales, allèrent jusqu'à l'héroïsme.

Sa famille, voyant tous ces phénomènes, la crut malade et fit appel à la science médicale. Mais tous les médecins interpellés à son chevet ne surent résoudre son cas, un cas aussi unique que singulier. A leur grande stupeur, Luisa, pourtant bien vivante, souffrait de rigidité cadavérique, et aucune cure au monde n'arrivait à la soulager de ses terribles souffrances. Ayant tout essayé sur le plan médical, il ne restait plus qu'un seul espoir: les prêtres. Ainsi fit-on appel à un prêtre augustin, le P. Cosma Loiodice, de retour chez lui après la condamnation des fameuses «lois siccardiennes»; et, à la stupeur générale, il suffit d'un signe de croix du père sur le pauvre corps de l'infirme pour que cette dernière retrouvât tous ses moyens. Du coup Luisa fut convaincue que tous les prêtres étaient des saints. Or, un jour le Seigneur lui dit: "non pas parce que ce sont des saints, mais parce qu'ils sont la continuité de mon sacerdoce dans le monde, tu dois te soumettre à leur autorité sacerdotale; ne les contrarie jamais, bons ou mauvais qu'ils soient". (cf. Volume I). Luisa se soumettra à eux toute sa vie. Et elle en souffrira. Ce besoin quotidien d'avoir recours à eux pour redevenir normale était source de grande mortification pour elle. Au début, c'est d'ailleurs des prêtres eux-mêmes qu'elles subira toutes les incompréhensions et toutes les souffrances les plus humiliantes. Pour eux, Luisa était une jeune fille exaltée, une pauvre folle qui voulait attirer l'attention des autres sur elle. Il leur arrivait parfois de la laisser dans cet état pendant plus de vingt jours. Puis Luisa finit par accepter son rôle de victime et sa vie prit un nouveau tournant: le matin, elle se réveillait le corps raide et immobile. Recroquevillée au fond de son lit, personne n'arrivait à l'allonger. Impossible de relever ses bras, ni de bouger sa tête ou ses jambes. Comme nous le disions, il lui fallait la présence d'un prêtre qui, en la bénissant d'un signe de croix, aurait éliminé la rigidité de son corps. Sans cela elle ne pouvait retourner à ses occupations (travail de dentelle). Cas unique: ses confesseurs n'étaient pas ses directeurs spirituels. Une tâche que Notre Seigneur gardait pour Lui. Jésus préférait s'adresser à elle directement. Il l'éduquait, corrigeait ses fautes, et s'il le fallait, n'hésitait pas à lui faire des reproches, la portant peut à peu au plus haut sommet de la perfection. Luisa, sagement, fut instruite et préparée, pendant de longues années, à recevoir le don de la Volonté Divine.

Après avoir su ce qu'il se passait à Corato, l'Archevêque de l'époque, Mgr Giuseppe Bianchi Dottula (22 décembre 1848-22 septembre 1892), consulta plusieurs prêtres et décida de prendre sur lui la responsabilité de cette affaire. Après mûres réflexions, il délégua un confesseur personnel en la personne de Don Michele De Benedictis, un excellent prêtre auquel la jeune fille ouvrira son âme en profondeur. Don Michele, un homme avisé, imposa des limites à ses souffrances. Luisa ne devait rien faire sans son consentement. Il lui ordonna de manger au moins une fois par jour, tout en sachant parfaitement qu'elle aurait immédiatement tout rejeté. Luisa ne devait vivre que du Divin Vouloir. Dès lors elle reçut l'autorisation de garder son lit pour toujours, victime d'expiation. Nous sommes en 1888. Luisa restera clouée sur son lit de souffrance jusqu'à sa mort, survenue cinquante neuf ans plus tard. Si Luisa acceptait jusqu'ici son état de victime, elle ne pouvait cependant garder son lit toute la journée. Il lui fallait obéir aux règles de l'obéissance. A partir du 1er janvier 1899, Luisa ne quittera plus son lit.

En 1898, le nouvel Archevêque du lieu, Mgr Tommaso De Stefano (24 mars 1898- 13 mai 1906) décida de nommer un nouveau confesseur en la personne de Don Gennaro Di Gennaro. Celui-ci restera vingt-quatre ans à son service. Le nouveau confesseur, percevant les merveilles que produisait le Seigneur sur cette âme, ordonna à Luisa de mettre par écrit tout ce que la Grâce de Dieu opérait en elle. Toutes les raisons avancées par la Servante du Seigneur pour échapper à de telles obligations furent vaines: même ses capacités littéraires, très modestes, ne suffirent pas à la dispenser de faire ce qu'on lui demandait. Don Gennaro Di Gennaro, qui avait les idées claires, ne céda pas. Il était pourtant parfaitement au courant que la pauvre fille n'avait fréquenté que l'école primaire. Ainsi, le 28 février 1899, Luisa commença son journal, un énorme recueil de trente-six volumes! Le dernier chapitre fut achevé le 28 décembre 1939, date à laquelle elle reçut l'ordre de ne plus écrire.

A la mort de son confesseur, le 10 septembre 1922, arriva un chanoine, Don Francesco De Benedictis, qui mourut le 30 janvier 1926, au bout de quatre ans de service. L'Archevêque, Monseigneur Giuseppe Leo (17 janvier 1920-20 janvier 1939) délégua un autre confesseur, Don Benedetto Calvi, un jeune prêtre ordinaire qui assista Luisa jusqu'à sa mort. Il partagea avec elle toutes les souffrances et toutes les incompréhensions qui l'affligèrent durant les dernières années de sa vie.

Au début du siècle passé, la visite du Bienheureux Annibale Maria Di Francia dans les Pouilles fut une bénédiction pour nos populations. Venu chercher à Trani une nouvelle maison pour les hommes et les femmes de sa toute jeune Congrégation, il avait entendu parler de Luisa Piccarreta et avait décidé d'aller lui rendre visite. Les deux grandes âmes devinrent inséparables. Mais il ne fut pas le seul à la fréquenter. D'autres prêtres venaient la voir: le Père Gennaro Braccali, Jésuite, le Père Eustachio Montemurro, mort en odeur de sainteté, et Don Ferdinando Cento, Nonce Apostolique et Cardinal de Notre Sainte Mère l'Eglise. Le Bienheureux Annibale devint son confesseur extraordinaire et le réviseur officiel de ses écrits, examinés et soumis au fur et à mesure à l'approbation des autorités ecclésiastiques. Vers 1926, le Bienheureux Annibale ordonna à Luisa d'écrire un cahier de mémoires sur son enfance et son adolescence. Lui-même publia divers écrits de Luisa, dont le célèbre ouvrage L'Horloge de la Passion qui connut quatre éditions. Le 7 octobre 1928, à Corato, le couvent des sœurs de la Congrégation du Divin Zèle était achevé et Luisa, pour répondre au vœu du Bienheureux Annibale, y fut transférée. Le Bienheureux Annibale était déjà mort en odeur de sainteté à Messine.

En 1938, la vie de Luisa Piccarreta subit un bouleversement total: Rome la désavouait publiquement et ses écrits furent mis à l'index. A la publication de la condamnation du Saint-Office, Luisa se soumit à l'autorité de l'Eglise. (1)

De Rome, les autorités ecclésiastiques envoyèrent un prêtre lui réclamer tous ses écrits. Elle les lui remit immédiatement, et très gentiment. Ses écrits finirent dans les Archives secrètes du Saint-Office.

Le 7 octobre 1938, sur ordre de ses supérieurs, Luisa dut quitter le couvent et se trouver un nouveau logis. Elle passa les neuf dernières années de sa vie dans un appartement de la via Maddalena, bien connu des personnes âgées de Corato qui assistèrent à la sortie de sa dépouille, le 8 mars 1947.

Luisa connut une existence modeste. Elle occupait un appartement en location avec sa sœur Angelina et plusieurs autres femmes pieuses. Mais ce qu'elle possédait ne suffisait pas à payer son loyer. Alors elle faisait de la dentelle. Et ce qu'elle gagnait, en travaillant avec acharnement, lui permettait de subvenir aux besoins de sa sœur, dans la mesure où elle-même n'avait besoin ni de vêtements ni de chaussures. Sa nourriture se limitait à quelques grammes d'aliments que lui servait son assistante, Rosaria Bucci. Luisa ne demandait jamais rien. Elle ne désirait jamais rien, d'autant que son estomac rejetait immédiatement tout ce qu'elle mangeait. Mais son aspect n'était pas celui d'une mourante. Ce qui ne veut pas dire non plus qu'elle respirait la santé. Non plus. Mais elle n'était jamais inerte. Ses forces s'épuisaient dans la souffrance, le travail; et pour ceux qui la connaissaient, sa vie était considérée comme un miracle permanent.

Son détachement de tout ce qu'elle aurait pu gagner en dehors de son travail était admirable. Elle refusait l'argent et les offrandes que les autres voulaient lui donner. Au moment de la publication de ses ouvrages, alors que le Bienheureux Annibale était venu un jour lui remettre l'argent relatif à ses droits d'auteur, elle répondit: "Je n'y ai pas droit, car ce qui est écrit là n'est pas à moi" (cf. "Préface" du livre L'Horloge de la Passion, Messine, 1926). Lorsqu'une âme charitable s'avisait de lui envoyer de l'argent, elle le lui renvoyait immédiatement.

L'appartement de Luisa ressemblait à un monastère. Sa porte était fermée au regard des curieux. Seules quelques personnes, animées de la même spiritualité, et les jeunes filles venant prendre des cours de dentelle, l'entouraient. De ce cénacle sortirent de nombreuses vocations religieuses. Mais cette œuvre de formation n'était pas uniquement réservée aux filles. Il y avait aussi des garçons qui entrèrent dans les ordres et furent orientés vers le sacerdoce.

Sa journée commençait vers cinq heures, l'heure à laquelle arrivait le prêtre pour la bénir et célébrer la messe, celle-ci était présidée par son confesseur ou par un de ses délégués: un privilège accordé par Léon XIII et confirmé par Saint Pie X en 1907. Après la messe, Luisa restait deux heures en prière. Vers huit heures, elle commençait son travail qui durait jusqu'à midi; à l'issue d'un repas frugal, elle se retirait dans sa chambre pour se recueillir. Dans l'après-midi - au bout de quelques heures de travail - elle récitait son chapelet. Le soir, vers 20h., Luisa prenait son journal et se mettait à écrire jusqu'à minuit. Elle se réveillait au petit matin, le corps immobile, bloqué, toute recroquevillée dans son lit, la tête penchée vers la droite. Et il fallait attendre l'intervention du prêtre pour pouvoir l'asseoir dans son lit et qu'elle puisse reprendre sa routine.

Luisa mourut à l'âge de 81 ans, 10 mois et 9 jours, le 4 mars 1947, au bout de quinze jours de maladie, la seule et unique maladie que l'on ait réussi à diagnostiquer: une pneumonie. Elle mourut au petit matin, à l'heure même où le prêtre, en la bénissant, l'aurait libéré de son état. L'Archevêque du lieu était alors Mgr Francesco Petronelli (25 mai 1939-16 juin 1947). Luisa garda sa position assise. L'allonger était absolument impossible et - phénomène extraordinaire - son corps ne souffrait plus de rigidité.

A l'annonce de sa mort, toute la population, tel un torrent en pleine crue, se déversa chez elle et il fallut faire appel aux forces de l'ordre pour contenir la foule qui, jour et nuit, venait la voir. Luisa était chère à leurs cœurs. "Luisa la sainte est morte!" s'écriait-on. Et tout le monde se précipitait. Ainsi, les autorités publiques et sanitaires acceptèrent d'exposer sa dépouille pendant quatre jours de suite, sans qu'il n'y ait aucun signe de corruption du corps. Luisa n'avait pas l'air morte. Elle était assise dans son lit, vêtue de blanc; on aurait dit qu'elle dormait car, comme nous le disions, son corps avait perdu toute rigidité. En effet, bouger sa tête, lever ses bras, plier ses mains et tous ses doigts, ne demandait aucun effort. On pouvait même soulever ses paupières et observer ses yeux; des yeux tout à fait brillants, absolument pas voilés. Pour tout le monde, Luisa était encore vivante, plongée dans un sommeil profond. Un conseil de médecins, convoqué pour la circonstance, prit le temps de bien examiner sa dépouille avant d'en conclure que Luisa était vraiment morte et qu'il ne s'agissait pas d'une mort apparente comme tout le monde croyait.

Luisa disait toujours qu'elle était " née à l'envers", il est donc juste que sa mort fut "à l'envers" par rapport aux autres. Elle restera donc assise, sa position habituelle, position qu'elle gardera jusqu'au cimetière. Installée dans un cercueil aux parois de verre construit spécialement pour elle, tout le monde pouvait la voir, telle une reine assise sur son trône, toute de blanc vêtue, le Fiat posé sur sa poitrine. Plus de quarante prêtres, le Chapitre et le Clergé local, participèrent au cortège funèbre; les sœurs, à tour de rôle, la portaient sur leurs épaules, se créant un passage dans la foule immense: les rues étaient bondées. C'était incroyable. Il y avait des gens partout, sur les toits, aux balcons, et le cortège avait du mal à passer. Les obsèques de la petite fille de la Divine Volonté furent célébrées par le Chapitre au grand complet en l'Eglise Mère. Toute la population de Corato accompagna le corps jusqu'au cimetière. Tous voulaient ramener chez eux un petit souvenir, des fleurs. Au bout de quelques années, sa dépouille fut transférée en l'église Sainte-Marie-la-Grecque.

En 1994, jour de la fête du Christ-Roi, Son excellence Monseigneur Carmelo Cassati, en présence d'une foule nombreuses de fidèles et de personnalités étrangères réunies en l'Eglise Mère, ouvrit officiellement le procès de béatification de la Servante de Dieu Luisa Piccarreta.

Dates significatives

1865 Luisa Piccarreta naquit le 23 avril, un dimanche in albis, à Corato (BA), de Nicola Vito et Rosa Tarantino, lesquels eurent cinq filles: Maria, Rachele, Filomena et Angela.

                    Quelques heures après sa naissance, son père l'enveloppa dans une couverture et se rendit à la paroisse pour la faire baptiser. L'accouchement de sa mère fut un accouchement sans souffrance.

1872 Elle fit sa première communion et sa confirmation le dimanche in albis. La cérémonie était présidée par Mgr Giuseppe Bianchi Dottula, Archevêque de Trani.

                    1883 A l'âge de dix huit ans, du haut de son balcon, elle eut une vision: Jésus plié sous le poids de sa croix lui disait: "Ame, aide-moi!". Ainsi commença l'existence solitaire de Luisa qui ne cessera de vivre en union avec les souffrances indicibles de son Divin Epoux.

                    1888 Elle devient Fille de Marie et Tertiaire Dominicaine, sous le nom de Sœur Madeleine.

                    1885-1947 Ame élue, épouse séraphique de Jésus, humble et pieuse, dotée par le Seigneur de dons extraordinaires, victime innocente, paratonnerre de la Justice Divine. Ses 62 années d'existence clouée au lit font d'elle un Héraut du Royaume du Divin Vouloir.

4 mars 1947 Pleine de mérites, dans la lumière éternelle du Divin Vouloir, elle s'éteignit comme elle avait vécue, pour triompher avec les anges et les saints dans les splendeurs éternelles du Divin Vouloir.

7 mars 1947 Sa dépouille mortelle fut exposée pendant quatre jours à la vénération des fidèles, venus par milliers, regarder une dernière fois cette "Santa", si chère à leur cœur. Ses funérailles furent un vrai triomphe; Luisa passa, comme une reine, à dos d'hommes, au milieu de la population disposée en haie d'honneur. Tout le clergé, séculier et religieux, accompagna sa dépouille.

La liturgie funèbre fut célébrée en l'Eglise Mère.

Tout le Chapitre y participa. Dans l'après-midi,

Luisa fut enterrée dans la chapelle de la noble famille des Calvi

3 juillet 1963 Sa dépouille fut transférée pour toujours à Sainte-Marie-la-Grecque

20 novembre 1994 Fête du Christ-Roi. Mgr Cassati, en l'Eglise Mère de Corato, devant une foule immense de fidèles du lieu et d'ailleurs, procéda à l'ouverture Officielle du procès de Béatification de la Servante de Dieu Luisa Piccarreta.

Photo p. 21:

La première petite image de la Servante de Dieu Luisa Piccarreta, publiée en 1948 sous l'imprimatur de l'Archevêque Mgr Reginaldo Addazi O.P.

Confesseurs et Conseillers spirituels

1. Père Cosma Loiodice: frère et premier confesseur

2. Don Michele De Benedictis: confesseur de Luisa enfant, nommé, en 1884, sous mandat officiel de l'Evêque, Mgr Giuseppe B. Dottula.

3. Don Gennaro Di Gennaro: curé de la paroisse Saint-Joseph, confesseur en 1898 et 1922; par obédience, il ordonna à la Servante de Dieu de transcrire au fil des jours, tout ce que le Seigneur lui révélait.

4. Père Annibale Maria Di Francia: confesseur extraordinaire de Luisa entre 1919 et 1927; réviseur officiel des écrits de la Servante de Dieu; il publia plusieurs de ses ouvrages dont L'Horloge de la Passion

5. Mgr Ferdinando Cento: Nonce apostolique et Cardinal de la Sainte Eglise Romaine.

6. Don Francesco De Benedictis: confesseur de Luisa entre 1922 et 1926; successeur de Don Gennaro Di Gennaro.

7. Don Felice Torelli: Curé de paroisse à Sainte-Marie-la-Grecque

8. Don Ciccio Bevilacqua: coadjuteur de l'Eglise Mère; confesseur irrégulier

9. Don Luca Mazzilli: coadjuteur, confesseur irrégulier

10. Don Benedetto Calvi: confesseur attitré de Luisa entre 1926 et 1947, sous mandat de l'Archevêque Mgr Giuseppe Leo.

Don Peppino Ferrara, célébrant occasionnel

Don Vitantonio Patruno, célébrant irrégulier

Don Clemente Ferrara, archiprêtre et célébrant irrégulier.

Don Cataldo Tota, recteur du Séminaire de Bisceglie et curé de la paroisse Saint-François

Mgr Michele Samarelli, vicaire général de Bari

Mgr Ernesto Balducci, vicaire général de Salerne.

Mgr Luigi D'Oria, père spirituel du Séminaire régional de Molfetta et vicaire général de Trani.

De nombreux autres prêtres, religieux et séculiers, que nous ne citons pas ici, étaient périodiquement appelés au chevet de la Servante de Dieu.

Photo p. 23:

Don Benedetto Calvi, dernier confesseur de Luisa Piccarreta.

Les évêques (2)

    1. Mgr Bianchi Dottula Giuseppe 1848-1892

    2. Mgr Marinangeli Domenico 1893-1898

    3. Mgr de Stefano Tommaso 1898-1906. [Luisa commence son journal]

    4. Mgr Vaccaro Giulio 1906, administrateur

    5. Mgr Carraro Francesco P. 1906-1915

    6. Mgr Regime Giovanni 1915-1918

    7. Mgr Tosi Eugenio 1918-1920, administrateur

    8. Mgr Leo Giuseppe M. 1920-1939

    9. Mgr Petronelli Francesco 1939-1947. Il mourut le 16 juin 1947, trois mois après Luisa Piccarreta.

        10. Mgr Addazi Reginaldo G.M. 1947-1971. Il donna à Luisa le titre de Servante de Dieu et autorisa la divulgation des petites images de prière écrites par la sainte.

        11. Mgr Carata Giuseppe, émérite depuis 1971. Il marqua le lancement avec approbation canonique, en 1986, de l'Association du Divin Vouloir, à Corato, après un chemin de 10 ans. En même temps, il donna l'ordre, à la demande du Cardinal Palazzini, Préfet de la Sainte Congrégation pour la Cause des Saints, de rassembler les témoignages sur la Servante de Dieu Luisa Piccarreta.

12. Mgr Cassati Carmelo, émérite. Il ouvrit le procès de béatification de Luisa Piccarreta le jour de la fête du Christ-Roi, en 1994.

13. Mgr Giovanni Battista Picchierri, Archevêque actuel de Trani. C'est à lui que l'on a demandé de poursuivre la cause de béatification de la Servante de Dieu Luisa Piccarreta.

Liste des écrits de Luisa Piccarreta

Dates des journaux écrits par Luisa Piccarreta, en obéissance à ses confesseurs.

Luisa, pour ses écrits également, dépendait uniquement de l'autorité de l'Eglise.

En effet, à contrecœur, Luisa se soumit aux ordres de l'Eglise et commença à écrire le 28 février 1899.

Volumes Dates

Volume I et II du 28 février au 30 octobre 1899

Volume III du 1 novembre 1899 au 4 septembre 1900

Volume IV du 5 septembre 1900 au 18 mars 1903

Volume V du 19 mars au 30 octobre 1903

Volume VI du 1 novembre 1903 au 16 janvier 1906

Volume VII du 30 janvier 1906 au 30 mai 1907

Volume VIII du 23 juin 1907 au 30 janvier 1909

Volume IX du 10 mars 1909 au 3 novembre 1910

Volume X du 9 novembre 1910 au 10 février 1912

Volume XI du 14 février 1912 au 24 février 1917

Volume XII du 16 mars 1917 au 26 avril 1921

Volume XIII du 1 mai 1921 au 4 février 1922

Volume XIV du 4 février au 24 novembre 1922

Volume XV du 28 novembre 1922 au 14 juillet 1923

Volume XVI du 23 juillet 1923 au 6 juin 1924

Volume XVII du 10 juin 1924 au 4 août 1925

Volume XVIII du 9 août 1925 au 21 février 1926

Volume XIX du 23 février au 15 septembre 1926

Volume XX du 17 septembre 1926 au 21 février 1927

Volume XXI du 23 février au 26 mai 1927

Volume XXII du 1 juin au 14 septembre 1927

Volume XXIII du 17 septembre 1927 au 11 mars 1928

Volume XXIV du 19 mars au 3 octobre 1928

Volume XXV du 7 octobre 1928 au 4 avril 1929

Volume XXVI du 7 avril au 20 septembre 1929

Volume XXVII du 23 septembre 1929 au 17 février 1930

Volume XXVIII du 22 février 1930 au 8 février 1931

Volume XXIX du 13 février au 26 octobre 1931

Volume XXX du 4 novembre 1931 au 14 juillet 1932

Volume XXXI du 24 juillet 1932 au 5 mars 1933

Volume XXXII du 12 mars au 10 novembre 1933

Volume XXXIII du 19 novembre 1933 au 24 novembre 1935

Volume XXXIV du 2 décembre 1935 au 2 août 1937

Volume XXXV du 9 août 1937 au 10 avril 1938

Volume XXXVI du 12 avril au 28 décembre 1938

Photo p. 26:

La Servante de Dieu en train d'écrire son journal, en regardant le crucifix.

Notes du chapitre 1

1) Voici le texte que la Servante de Dieu adressa à son Evêque à cette occasion.

Fiat! in Voluntate Dei! Je soussignée, ayant pris connaissance du décret par lequel, le 13 juillet 1938, la Suprême Congrégation du Saint-Office, mettait à l'index certains de mes ouvrages publiés: 1.L'Horloge de la Passion de N.S.J.C., accompagné d'un traité de la Sainte Eglise Romaine; 2. Dans le Royaume de la Volonté Divine; 3. La Reine du Ciel dans le Royaume de la Volonté Divine; spontanément et promptement, je fais mon devoir d'âme chrétienne d'humilier ma soumission, inconditionnelle, prompte, pleine et absolue, au jugement de la Sainte Eglise Romaine, et donc, je réprouve et condamne, sans réserve aucune, ce que la Suprême Congrégation du Saint-Office réprouve et condamne dans mes ouvrages publiés, comme l'entend cette même Suprême Congrégation. Cette déclaration, je la fais parvenir également, en toute humilité, à mon très cher Archevêque Mgr D. Giuseppe M. Leo, en l'implorant d'avoir la charité paternelle de la faire parvenir, par son entreprise, au Saint-Office.

Je soussignée

Luisa Piccarreta de Corato

2) Nous publions la liste des évêques qui se succédèrent à la tête du diocèse de Trani du vivant de Luisa Piccarreta et ceux qui s'intéressèrent à sa cause de béatification.

CHAPITRE DEUX

Le Royaume de la Volonté Divine

"Et maintenant je m'adresse à tous ceux qui liront ces écrits"... Je vous en prie, je vous en supplie, prenez avec amour ce que Jésus veut nous donner, c'est-à-dire, Sa Volonté.

Mais avant de vous donner La Sienne, il lui faut la vôtre, autrement Sa Volonté ne pourra régner. Si vous saviez!... Grâce à cet amour, Jésus veut vous faire le plus grand des dons du Ciel et de la terre: Sa Volonté!

Oh, que de larmes amères s'écoulent des yeux de Jésus qui voit votre volonté vous conduire à ramper sur le sol de cette terre remplie de misère! Vous êtes incapables de respecter une bonne résolution, et savez-vous pourquoi? Parce que Son Vouloir ne règne pas avec vous.

Oh, combien Jésus pleure et soupire sur votre sort! Et tout en sanglotant, Il vous prie de faire régner son Vouloir en vous. Il veut faire tourner votre chance: que les malades deviennent sains, que les pauvres deviennent riches, que les faibles deviennent forts, que les volages ne le soient plus, que les esclaves soient rois. Il ne veut pas de grandes pénitences, ni de longues prières, ni rien d'autre; mais que règne en vous Son vouloir, et que votre volonté ne soit plus.

Ecoutez-le. Et moi je suis prête à offrir ma vie pour chacun d'entre vous, prête à souffrir toutes les peines, mais à condition que vous laissiez les portes de votre âme s'ouvrir, et que le Vouloir de mon Jésus puisse régner et triompher sur les générations humaines!

Veuillez tous accepter mon invitation: entrez avec moi dans l'Eden, lieu de vos origines premières, l'endroit où l'Etre Suprême créa l'homme, fit de lui un roi, et lui donna un royaume à dominer. Ce royaume c'était l'univers tout entier, mais son sceptre, sa couronne, ses ordres venaient du fond de son âme, de là où se trouvait le Fiat Divin, comme Roi dominant, et constituait la vraie royauté dans l'homme. Ses habits étaient royaux, plus rutilants que le soleil, ses actes étaient nobles, sa beauté captivante. Dieu l'aimait tant. Il s'amusait avec lui, l'appelait mon petit roi, mon petit garçon. Tout était bonheur, ordre et harmonie.

Mais cet homme, notre premier père, se trahit lui-même et trahit son royaume. En suivant sa propre volonté, il attrista son Créateur qui l'avait tant exalté et tant aimé. Il perdit alors son royaume, le royaume de la Volonté Divine, dans lequel tout lui avait été donné. Il n'avait plus accès au royaume que Dieu avait donné à l'homme et qu'Il avait repris pour Lui. Mais je vais vous confier l'un de mes secrets. Ecoutez...

En reprenant pour Lui le royaume de la Volonté Divine, Dieu n'a pas dit qu'il ne l'aurait plus donné aux hommes. Il le garde de côté dans l'attente des générations futures, prêt à les inonder de grâces surprenantes, prêt à les éclairer d'une lumière éblouissante, au point d'éclipser ce vouloir humain qui leur avait fait perdre un royaume si sacré. Sous l'attrait de prodigieuses et admirables connaissances de la Volonté Divine, Il veut susciter en eux la nécessité, le désir de mettre au ban cette volonté, la nôtre, qui nous rend malheureux, et nous lancer dans la Volonté Divine. Ce royaume est à nous; alors courage!

Le Fiat Suprême nous attend, il nous appelle, nous presse à prendre le pouvoir. Qui peut avoir aussi peu de cœur au point de le renier, qui sera aussi perfide au point de ne pas écouter son appel et de refuser autant de bonheur?

Laissons de côté les pauvres loques de notre volonté, l'habit de deuil de notre esclavage dans lequel nous avons été jetés, et nous revêtirons l'habit des reines et porterons les ornements divins!

C'est pourquoi je fais appel à vous tous: écoutez-moi! Vous savez, je suis toute petite, la plus petite de toutes les créatures... Je me dédoublerai dans le Divin Vouloir avec Jésus. Je me ferai toute petite et entrerai en vous, je gémirai et pleurerai aux portes de votre cœur, pour réclamer, telle une petite mendiante, vos pauvres loques, vos habits de deuil, votre malheureux vouloir, que je remettrai à Jésus pour qu'il les brûle et, en vous restituant Son Vouloir, vous rende Son royaume, Son bonheur, la pureté de Ses habits de roi. Si vous saviez ce que signifie la Volonté de Dieu! Elle englobe le Ciel et la terre; si nous sommes avec Elle, tout est à nous, tout dépend de nous; mais sans Elle, tout se met contre nous; et si nous avons quelque chose, nous sommes les vrais voleurs de notre Créateur et vivons de fraudes et de rapines.

Donc si vous voulez la connaître, lisez ces feuillets: vous y trouverez le baume pour panser les blessures que le vouloir humain nous a cruellement infligées, le nouveau souffle divin, la nouvelle vie céleste; vous entendrez le Ciel entrer dans votre âme, vous verrez de nouveaux horizons, de nouveaux soleils. Le plus souvent, Jésus vous apparaîtra le visage couvert de larmes. Il veut vous donner Son Vouloir. Il pleure car il veut vous voir heureux, et de vous voir malheureux le fait sangloter, soupirer et prier pour le bonheur de Ses enfants; il réclame votre vouloir pour vous arracher du malheur, mais il vous tend en même temps le Sien, comme confirmation du don de son Royaume.

C'est pourquoi je lance un appel à tous. Et cet appel je le lance en union avec Jésus. J'unis mes larmes, mes longs soupirs, mon cœur brûlant à Celui qui veut donner Son Fiat. Du Fiat nous sommes sortis, nous sommes nés à la vie et il est juste que nous y retournions. Il est juste que nous retournions à notre cher et éternel héritage.

Mon appel s'adresse d'abord au Souverain Pontife, à Sa Sainteté, au Représentant de la Sainte Eglise, et donc au Représentant du Royaume de la Volonté Divine. A ses vénérables pieds "la petite" dépose ce royaume, afin qu'il le fasse connaître; et qu'il appelle ses enfants, de son ton paternel et plein d'autorité, à vivre dans ce royaume¼ si, sacré. Que le Fiat Suprême pénètre en lui et forme le premier Soleil du Vouloir Divin à travers son Représentant sur terre; qu'il fonde sa vie primaire sur Celui qui est le chef de toute l'Eglise et que ses longs rayons traversent la terre tout entière pour former, en éclipsant tout le monde de ses feux, une seule et unique bergerie pour un seul Berger!

Mon deuxième appel s'adresse à tous les prêtres. Prostrée aux pieds de chacun, je prie, j'implore, qu'ils veuillent connaître la Volonté Divine. Et je leur dis: le premier pas, le premier acte, tirez-le de la Volonté Divine, enfermez-vous dans le Fiat, et vous sentirez combien sa vie est si douce et si chère; vous puiserez en Elle tout votre agir; vous sentirez en vous une force divine et entendrez une voix incessante vous murmurer des choses admirables, jamais entendues; vous sentirez une lumière qui éclipsera tous les maux; et les peuples, émus, resteront sous votre coupe.

Que d'efforts inutiles sans la Volonté Divine! Vous avez distribué aux peuples le pain du Fiat sans levain. Ils l'ont mangé mais l'ont trouvé dur, indigeste; ne sentant plus la vie couler en eux, ils n'ont pas voulu suivre vos enseignements. C'est donc à vous de manger ce pain du Fiat Divin; et vous formerez tous sa vie et une seule volonté.

Mon troisième appel je l'adresse au monde entier, à tous mes frères et sœurs, à mes enfants. Et savez-vous pourquoi je vous appelle tous? Parce que je veux que tout le monde reçoive la Volonté Divine! La Volonté Divine est plus que l'air, et tous nous pouvons la respirer; Elle est comme le soleil avec ses rayons de lumière dont nous pouvons tous bénéficier; elle est comme le battement de votre cœur; et moi, petite fille, je veux, je souhaite que vous preniez tous la vie du Fiat! Oh, si vous saviez tout le bien que vous pourriez recevoir! Vous n'hésiteriez pas à donner votre vie pour la faire régner en vous tous!

Votre petite Luisa veut vous confier un autre secret que Jésus lui a révélé; et je le fais pour que vous me donniez votre volonté et receviez Celle de Dieu en échange. Cette Volonté qui gonflera votre corps et votre âme de bonheur.

Vous voulez savoir pourquoi la terre ne produit pas? Pourquoi dans certains endroits du monde, la terre, frappée par les tremblements de terre, s'ouvre et engloutit les villes et les personnes? Pourquoi le vent et l'eau se transforment en tempêtes et ravagent tout sur leur passage? Pourquoi tous ces maux, que vous connaissez tous si bien?

Parce que les choses créées possèdent une Volonté Divine qui les domine et les rend puissantes; elles sont plus nobles que nous, car nous, nous sommes dominés par une volonté humaine qui fait de nous des êtres faibles et impuissants. Si, par bonheur, il nous arrivait de laisser de côté la volonté humaine et d'opter pour la vie du Divin Vouloir, alors nous aussi nous deviendrions forts et puissants; tous frères aux côtés de toutes les choses créées, qui ne nous porteraient plus atteinte; nous aurions le pouvoir sur elles et trouverions notre bonheur à présent et pour l'éternité!

Vous êtes contents? Alors faites vite: écoutez cette pauvre Petite qui vous aime tant. Quelle joie serait pour moi de pouvoir dire un jour que tous mes frères et sœurs sont des Rois et des Reines, qu'ils possèdent tous la vie de la Volonté Divine!

Alors allez-y, répondez à mon appel.

Oui, j'attends que tous en chœur vous me répondiez: d'autant que je ne suis pas seule à vous appeler, à vous prier: mon doux Jésus s'est joint à moi. Il vous appelle de sa voix tendre et émouvante, Lui qui, des sanglots dans la voix, nous dit si souvent: "Que ma Volonté soit votre vie, entrez dans son royaume".

Sachez que le premier à prier le Père céleste pour que Son Règne vienne, et que sa Volonté soit faite sur la terre comme au ciel, fut Notre Seigneur, lorsqu'il récita le Notre Père. En nous transmettant Sa prière, il nous appelle tous à demander "Fiat Voluntas Tua sicut in coelo et in terra".

Aussi, chaque fois que vous récitez le "Notre Père", Jésus, envahi du grand désir de vous donner son Royaume, son Fiat, s'empresse-t-il de s'unir à nous pour dire: " Mon Père, c'est moi qui vous le demande pour mes enfants, faites vite". Le premier à prier est donc Jésus suivi de vous tous qui le demandez à travers le Notre Père.

Un dernier mot.

Sachez que cette petite Enfant que je suis, à la seule vue du désir ardent, des délires et des larmes de Jésus, si désireux de vous transmettre son Royaume, son Fiat, ressent elle aussi, en elle, toute cette agitation, cette frénésie de vous voir tous entrer dans le Royaume de la Volonté Divine; tous heureux de faire sourire Jésus. Et si la prière ou les larmes ne suffisent pas, elle aura recours aux caprices, auprès de Jésus et auprès de vous aussi.

Ecoutez donc cette Petite, ne la faites plus soupirer, ayez grâce et dites-lui: "Ainsi soit-il, ainsi soit-il... nous voulons tous le royaume de la Volonté Divine. Fiat"". (1)

Quelques prières inédites (2)

Je m'enferme dans ta volonté

Mon Jésus, je m'enferme dans Ta Volonté pour vivre de ta vie, pour vivre de la vie de tous et échanger tant de signes d'affection.

Je glisse chaque battement de mon cœur dans Ta Volonté pour te dire chaque fois "Je t'aime, je t'aime". En agissant selon ton vouloir, je voudrais que tous t'embrassent, pour qu'en me serrant dans tes bras, personne ne t'offense plus et que tous t'aiment, t'adorent, te bénissent et fassent ta sainte volonté.

Tu es mon guide

Mon doux Jésus, enferme-moi dans Ta Volonté, pour que je ne voie, je ne perçoive, je ne touche que Ton Saint Vouloir, et par ta puissance forme des saints. Jésus, en toutes mes actions que je remplisse ciel et terre de la vie divine.

Ma mère et ma Reine, sois mon guide, mon éducatrice. Ne permets pas que j'exhale ne fût-ce qu'un seul soupir en dehors de la Volonté Divine.

Prends ma volonté

Mon Jésus, donne-moi Ta Volonté et prends la mienne, pour que je me sanctifie de ta sainteté, que j'aime avec ton amour, que mon cœur batte avec ton cœur, que je marche avec tes pas, que je répare avec tes réparations et que par ma parole je forme un Jésus dans le cœur de ceux qui m'écoutent.

Ma mère, ma Reine, cache-moi sous ton manteau pour me défendre de tout et de tous.

Photo p. 34:

Une des nombreuses prières écrites de sa main, que la Servante de Dieu aimait faire circuler au dos de petites images pieuses.

Notes du chapitre 2

1) Cet appel fut écrit par la Servante de Dieu en 1924.

2) Les titres ne sont pas originaux. Il sont tirés du texte des prières. Ces prières furent retrouvées parmi les objets personnels de Rosaria Bucci. Elles sont aujourd'hui conservées dans mes archives sur la Servante de Dieu.

CHAPITRE TROIS

Guérison de l'épileptique

Ma tante Rosaria, née le 4 avril 1898, était la petite dernière d'une ribambelle d'enfants. Sujette à des crises d'épilepsie, elle était, aux dires de ma grand-mère, la plus "malchanceuse" de la famille. Sans compter qu'elle avait du subir l'amputation de phalanges à trois doigts de sa main droite, à la suite d'un banal accident.

Ma grand-mère, dans l'espoir d'une guérison, décida un jour de la conduire chez Luisa pour lui demander de la prendre dans son groupe de jeunes filles et de l'initier à la dentelle. Bien qu'elle en paraissait beaucoup plus, ma tante Rosaria n'avait alors que 9 ans. C'était en 1907, par une froide journée de janvier. Luisa était désormais célèbre dans tout Corato. "Luisa la Sainte", comme ils l'appelaient tous, n'était pas seulement une femme dévote que tout le monde respectait; elle était aussi très active sur le plan social. Sa maison, transformée en école de broderie, était considérée à l'époque comme un instrument de promotion sociale. Les jeunes filles qui s'y rendaient venaient d'un milieu rural ou domestique. (1)

Voici comment se déroula cette rencontre:

Il était à peu près 10 h. lorsque ma grand-mère et ma tante se rendirent au domicile de Luisa, via Nazario Sauro (ou rue de l'Hôpital). C'est la mère de Luisa, une femme d'un certain âge, qui vint leur ouvrir la porte. Elle se mit d'abord à converser avec ma mère, lui demandant des nouvelles de notre famille. (2)

Puis, à la fin de leur conversation, la mère de Luisa accompagna mère et fille dans la petite chambre de Luisa qui, de son lit, donnait un cours de dentelle aux fuseaux.

Angelina, la sœur cadette de Luisa, fit sortir les élèves de la pièce et apporta une chaise pour ma grand-mère. Les deux femmes se mirent à parler.

Voici le témoignage de ma tante: "Toutes deux parlèrent de choses dont je ne me souviens pas bien, comme deux vieilles amies qui ne se voyaient pas depuis longtemps. Puis ma mère embrassa Luisa et s'en alla. Je compris que les deux femmes avaient aussi parlé de moi et que Luisa avait accepté la requête de maman. Restée seule dans la pièce avec Luisa, je sentais sur moi le poids de son regard. Elle me scrutait attentivement, les yeux plein de bienveillance, l'air de vouloir m'encourager. J'étais loin d'imaginer que ce moment aurait marqué le début de 40 ans d'existence commune".

Quelques jours plus tard, alors qu'elle suivait ses premiers cours de dentelle, ma tante eut une attaque d'épilepsie. Un épisode dont elle-même n'avait jamais parlé car elle était plutôt réservée sur tout ce qui concernait Luisa. Elle en parlait d'ailleurs rarement. On le sut par ma mère qui l'avait appris par une de ses amies ayant assisté à la scène.

Lorsque ma tante tomba à terre, la langue sortie et recouverte de cette mousse caractéristique des attaques convulsives, ses camarades, affolées, prirent la fuite. Seule Angelina, la sœur de Luisa, vint à son secours. Luisa, quant à elle, ne bougeait pas, imperturbable. Elle se comportait comme si la chose ne la regardait absolument pas, continuant à travailler comme si de rien n'était. Une de ses élèves qui avait surmonté sa peur, était restée là. Elle raconte: "Lorsque Rosaria s'est écroulée au sol, Luisa a levé les yeux au ciel et prononcé ces mots: `Seigneur, si tu l'as voulu près de moi, je la veux en bonne santé'. Puis elle se remit au travail". Dans l'affolement général, la prière de Luisa était passée complètement inaperçue.

Mais prière ou pas, depuis ce jour-là ma tante Rosaria n'eut plus jamais d'attaques. Elle vécut jusqu'à l'âge de 80 ans et mourut de diabète au bout d'un jour et demi de maladie.

Photo p. 37:

Luisa Piccarreta lisant les Saintes Ecritures.

La sonnette de la discorde

Rosaria, copropriétaire de biens avec le reste de notre famille, avait pratiquement renoncé à la moitié de ses revenus qui, à l'époque, représentaient une somme non négligeable, car nous étions une famille nombreuse. Six enfants, tous étudiants. Elle venait presque tous les jours prendre ses repas chez nous et se sentait maître à bord. Il faut dire que son aide était très précieuse. Elle faisait le ménage, participait à la cuisine, préparait la table et aidait à débarrasser avant de s'en aller.

Ma mère étant enseignante et nous tous étudiants, il était difficile pour nous de nous occuper de la maison. Son aide n'en était donc que plus appréciée. D'ailleurs, lorsque ma tante avait un empêchement, ce qui était rare, c'était la panique et le désordre total à la maison. Je me souviens qu'à chaque fois que nous rentrions de l'école, ma tante nous attendait sur le pas de la porte. Elle nous envoyait nous laver les mains et nous obligeait à faire le signe de croix avant de commencer le déjeuner.

Mais elle était parfois bizarre et nous nous mettions à chuchoter sur son compte, ma mère surtout. Son comportement, que nous jugions insolent, provocateur, nous agaçait. On trouvait qu'elle jouait trop à la maîtresse de maison.

Mais cela venait aussi de son caractère fort et détaché qui, difficilement, se laissait aller aux confidences.

Sa présence créait une certaine tension dans la maison. Tout le monde faisait attention à son langage, et il était très rare qu'elle satisfasse nos désirs; elle ne nous faisait jamais de cadeaux et ne nous donnait jamais d'argent. Elle se rendait disponible uniquement lorsque nous émettions le désir d'aller nous confesser ou d'aller à l'église, en l'occurrence pour les Vêpres auxquelles elle-même ne manquait jamais d'assister. Elle fréquentait en général la paroisse Sainte-Marie-la-Grecque, s'agenouillant toujours dans un même petit coin de la chapelle du Saint-Sacrement. D'ailleurs, lorsque quelqu'un de chez nous avait besoin d'elle, il fallait d'abord aller voir si elle était chez Luisa, puis à la paroisse où l'on était sûr de la trouver. Dans son petit coin habituel, en train de prier.

Un jour je lui dis: "Tu n'as pas mal aux genoux?". Le sourire aux lèvres elle me dit: "C'est ici que Luisa s'agenouillait lorsqu'elle pouvait se rendre à l'église. C'est ici que Luisa parlait avec Jésus".

Son comportement étrange nous agaçait et, à la maison, les réflexions à son égard ne manquaient pas. Les causes de nos disputes, surtout entre ma tante et ma mère, étaient les suivantes:

Souvent, alors que nous nous trouvions encore à table, ma tante se levait, enfilait son manteau et sortait à toute vitesse.

D'autres fois, alors que nous discutions de choses importantes concernant notre famille, elle coupait la conversation et s'éclipsait. Son attitude nous laissait tous sans voix car il n'y avait aucune explication logique à cela. Aussi ma tante Rosaria fut-elle considérée comme fausse et hypocrite, ma mère attribuant son comportement à de l'orgueil. Seul mon père, qui aimait vraiment beaucoup sa sœur, maintenait un certain équilibre. Il lui trouvait toujours des excuses, provoquant la colère de ma mère, piquée de voir qu'il accordait aussi peu d'attention à ce qu'elle disait sur le compte de ma tante.

Nous, les enfants, nous faisions corps avec notre mère. Ma tante Rosaria, que nous considérions comme la brebis galeuse de la famille, était victime de nos sarcasmes. Au point même que notre mère finissait par intervenir, freinant notre emportement qu'elle jugeait peu correct. Car malgré tout, ma mère avait beaucoup d'estime pour notre tante. Elle nous reprenait en disant: "N'oubliez pas que votre tante reste une âme consacrée".

Mais ce qui nous choquait le plus dans tout cela était que, le lendemain, tante Rosaria se présentait chez nous comme si de rien n'était, ignorant les demandes d'explications de ma mère.

Devenu prêtre, j'ai voulu demander à ma tante, désormais très âgée et vénérée par toute la famille, les raisons de son comportement. Elle me déclara: "Tu veux vraiment le savoir? Tu y tiens vraiment?". "Oui", lui répondis-je.

Et elle commença à parler: "Je souffrais terriblement de toutes ces incompréhensions, mais elles étaient pour moi des épreuves auxquelles le Seigneur me soumettait pour être digne de rester auprès de Luisa et de prendre soin d'elle. Luisa restait des heures entières à prier. Lorsque je comprenais qu'elle avait besoin de rester seule, je me levais et quittais mon travail de dentelle. Sans avoir besoin qu'elle me le dise, je prenais son fuseau des mains et le déposais sur la table. Puis je faisais sortir tout le monde de la pièce et refermais les petits rideaux de son lit. Je fermais ensuite la porte de sa chambre et nous nous remettions à travailler en silence dans la pièce d'à côté. Les heures s'écoulaient doucement. Quant sa petite cloche se mettait à sonner, je me levais et entrais dans sa chambre, rouvrais ses petits rideaux et lui redonnais son fuseau. Ainsi tout le monde, en rentrant, l'aurait retrouvée telle qu'ils l'avaient quittée, c'est-à-dire absorbée dans son travail. Le matin aussi, alors que j'étais encore au lit, moi seule entendais la clochette, certaines fois vers trois heures ou quatre heures du matin. Angelina, sa sœur, qui m'entendait me lever, bougonnait dans son sommeil. Entrée dans la chambre de Luisa, je la trouvais comme morte, immobile. Alors j'ajustais ses cheveux, ramassais ses oreillers qui étaient tombés par terre et les lui remettais derrière le dos. Mais Luisa ne s'y appuyait jamais. Ils ne lui servaient qu'à combler le vide qui séparait son dos du montant du lit. Après avoir fini de m'occuper d'elle, j'allais préparer l'autel pour la messe. Lorsque le prêtre arrivait pour la célébration, je ne faisais entrer que lui dans la pièce. Il lui faisait un signe de croix sur le corps et la rappelait à la vie. Luisa redevenait alors normale et toutes les autres personnes pouvaient alors entrer et suivre la messe, y compris l'immanquable enfant de chœur. Luisa, en pleine extase, suivait la messe avec grande ferveur, parlant parfaitement le latin. Après la communion, tous s'en allaient, laissant Luisa dans le recueillement et la prière. Ses actions de grâce pouvaient durer quelques heures. Puis vers neuf heures du matin, les gens commençaient à sonner à la porte. Alors nous entrions dans sa chambre et commencions notre travail de broderie. Je travaillais aux côtés de Luisa , utilisant les mêmes fils, les mêmes fuseaux et les mêmes épingles. Je corrigeais également ses travaux, tirant les fils qu'elle n'avait pas la force de tirer, gênée par la souffrance de ses mains portant les stigmates".

Je l'interrompis aussitôt pour dire: " Mais je n'ai jamais vu de stigmates sur ses mains!".

Elle me répondit: "Bien sûr que non. Elles étaient internes. Seulement moi et quelque autre personne les avons vues. Ses confesseurs, les soeurs Cimadomo et, me semble-t-il, sa nièce Giuseppina. En effet, si l'on prenait la main de Luisa et qu'on la mettait face au soleil, le trou interne était visible. Il m'arrivait souvent d'entrer la nuit dans sa chambre et de la trouver pleine de sang; sa tête et son visage aussi: on aurait dit un crucifié. La première fois j'étais très impressionnée, car je la croyais morte. Alors je courrais chercher des serviettes pour l'essuyer mais, à mon retour, elle n'avait déjà plus rien. Le sang avait disparu, sauf sur les draps. Il n'y avait plus rien. Ce phénomène se produisait deux ou trois fois par an".

" Mais toi - m'exclamais-je- en as-tu déjà parlé?".

"Non, me répondit-elle, le seul à être au courant était Don Benedetto Calvi. Mais il m'interdisait d'en parler. Il menaçait de me refuser l'absolution s'il apprenait que je l'avais raconté à quelqu'un. Tu es le seul à le savoir et j'espère que Luisa ne le prendra pas à mal".

Puis elle marqua une pause avant d'ajouter: "Je t'en supplie, ne le raconte à personne".

J'eus l'impression qu'elle regrettait de me l'avoir dit. C'était en effet la première fois qu'elle en parlait.

Ce phénomène est l'un des nombreux phénomènes jusqu'ici méconnus de la vie de Luisa.

Au bout d'un bon moment, ma tante reprit:" Généralement Luisa ne travaillait que pour les églises. Elle confectionnait des nappes pour les autels, des chemises et des cottes pour les prêtres. Parfois elle se mettait à prier, et ça durait longtemps. Elle brodait des couvre-lits pour les jeunes ménages. Luisa avait un faible particulier pour la sanctification des familles, ainsi beaucoup de jeunes époux se rendaient chez elle pour lui demander des conseils. Que de bien a-t-elle fait autour d'elle et que de familles a-t-elle sauvées de la misère! Quant à moi je sortais quand Luisa s'enfermait dans ses prières. A mon retour, elle sonnait sa petite clochette pour me tranquilliser. Lorsque j'avais besoin de m'éloigner quelques jours, c'est ma nièce Giuseppina qui prenait la relève. Mais il m'arrivait parfois de me trouver un peu plus loin, à la maison, à l'église ou chez une de mes amies, et que j'entende sa clochette; alors j'interrompais tout, même le déjeuner, pour me précipiter chez elle. D'où mon comportement, ce comportement que tout le monde trouvait étrange, et pas seulement ma famille, mais tant d'autres gens aussi. Or, je ne pouvais donner d'explications, car j'étais la seule à entendre le son de clochette; et si je l'avais dit aux autres, tout le monde m'aurait pris pour une folle, pour une visionnaire. J'ai donc choisi de me taire et lorsqu'on me demandait pourquoi je me comportais ainsi, j'essayais toujours de changer de sujet, en faisant semblant de ne pas entendre. Tout ceci me faisait très mal. Et souvent, après une course folle jusqu'à chez elle, je trouvais Luisa encore en train de prier".

Je lui demandai: "Et qui appuyait sur la sonnette?".

"ça je ne sais pas!" me répondit-elle.

"Et Luisa que disait-elle?"

"Rien!"

"Et toi que faisais-tu?"

"Je m'agenouillais au pied de son lit et priais".

"Tu ne remarquais rien durant sa prière? On raconte que, très souvent, Luisa était suspendue dans les airs. C'est vrai?"

"Je n'ai pas le droit de parler de ça. Luisa me l'a toujours interdit. Seul son confesseur était au courant de tout. Il était le dépositaire de tous ces phénomènes extraordinaires. Elle, Luisa, faisait toujours semblant de rien et nous interdisait d'en souffler mot. Tout devait être soumis à l'autorité du prêtre qui était le seul à pouvoir dire si tel ou tel phénomène pouvait être divulgué. Luisa ne faisait rien et n'écrivait rien sans l'autorisation de son confesseur. Elle était tellement soumise à l'autorité de l'Eglise, que rien ne devait se savoir ni être écrit ou divulgué sans le consentement de cette dernière. C'est dans cette ligne que nous pourrons tout savoir sur le compte de Luisa; tout est enregistré dans ses écrits".

Et moi d'ajouter: "Mais ses écrits ne peuvent tout dire sur sa vie, car la vie de Luisa est beaucoup plus complexe".

"Cela est vrai - me répondit-elle - je pourrais dire tant de choses que personne ne sait".

"Et pourquoi est-ce que tu t'obstines tant à ne rien dire?". " Si Luisa avait tenu à ce que les gens le sachent, elle les aurait écrites ou l'Eglise lui aurait ordonné de les écrire; il est clair que certains phénomènes auxquels quelques personnes et moi-même avons assisté ne sont pas utiles à la sanctification des âmes. Le Seigneur a permis que tout ce qui est utile pour l'Eglise et pour les âmes soit connu. Le reste ne sert pas. En parler me donnerait l'impression de violer l'intimité qui s'était créée entre Dieu et Luisa. Les hommes ne comprendraient pas. Le message que Luisa a laissé derrière elle va au-delà même de sa personne. Elle voulait que l'honneur et la gloire soient entièrement pour le Seigneur et que sa propre personne disparaisse dans le néant. C'est pourquoi elle aimait la solitude, le silence. Elle ne voulait en aucun cas que les gens vénèrent sa personne. Cela l'agaçait énormément. Car elle se considérait une pauvre malade qui avait besoin de tout. Moi et quelques autres savions parfaitement que Luisa n'avait besoin de rien. Nous devions être les gardiens de son mystère. Que de fois ai-je trouvé notre Luisa toute prête, bien arrangée, l'autel déjà dressé pour la messe, les cierges allumés".

"Comment est-ce possible vu que cela faisait plus de soixante ans que Luisa ne posait plus le pied par terre? Mais es-tu sûre de ce que tu dis?".

"Absolument! Car j'étais la seule à entrer dans sa chambre".

"Mais tu ne t'es jamais posé de questions?"

"J'ai pensé que des Anges la servaient, surtout son Ange gardien, pour qui elle avait beaucoup de dévotion. Sa chambre était souvent toute parfumée".

"Et les autres, le sentaient-ils ce parfum?"

"Oui, tous ceux qui assistaient à la messe. Je me souviens qu'une fois, Don Cataldo De Benedictis, venu célébrer la messe en l'absence de son confesseur, me dit: `Ne parfumez pas cette chambre sinon je vais sortir de la pièce avec la tête qui tourne'. Mais moi j'avais beau dire que personne n'avait mis de parfum il ne me croyait pas".

"C'est vrai que Luisa rejetait tout ce qu'on lui donnait à manger?".

"Oui. Peu de gens connaissent ce phénomène car Luisa devait vivre uniquement de la Volonté de Dieu. Mais beaucoup n'y croyaient pas et pensaient qu'elle avalait bien quelque chose.".

"Moi aussi je l'ai vu, et plus d'une fois, lorsque je venais te voir chez elle".

"Alors que veux-tu savoir de plus? Il est vrai qu'à l'époque il y avait beaucoup de misère et que cela faisait beaucoup de gâchis. Je l'ai d'ailleurs fait remarquer à Luisa, même si à vrai dire ce qu'elle mangeait était l'équivalent d'un repas pour bébé. Et sa réponse fut: `Nous faisons acte de soumission'. En effet, ses confesseurs étaient intransigeants sur ce point, durs et inflexibles. Il me semble qu'il y avait un ordre précis de l'Evêque. Une fois le confesseur me dit d'une voix forte: Elle doit manger tous les jours et tout le monde doit le savoir, autrement ils mettront des gardes à sa porte comme ils l'ont fait pour Teresa Newmah, et les journaux feront plein de tapage".

"Mais elle buvait de l'eau ou d'autres boissons?"

"Moi je ne lui ai jamais donné d'eau à boire; elle ne buvait que du sirop d'amande amère que les sœurs Cimadomo lui apportaient. Ta sœur Isa aussi en préparait quelquefois. Elle se procurait les amandes chez la tante Nunzia". (3)

"Mais les amandes amères ne contiennent-elles pas du poison? Et avec le temps, ne créent-elles pas de problèmes à notre organisme?".

"Je ne le sais pas, mais je peux te dire en mon âme et conscience que c'était la seule boisson qu'elle arrivait à boire sans la recracher".

"Il y avait au moins du sucre dedans?"

"Non - me répondit-elle - et maintenant ça suffit. J'ai dit tout ce que je pouvais dire et ce que tout le monde savait d'ailleurs".

"Mais moi je voudrais en savoir un peu plus."

"Non! Ce n'est que de la curiosité. Si Luisa le veut, je te dirai tant d'autres choses. C'est alors moi qui t'appellerai".

Ainsi s'acheva mon entretien avec la tante Rosaria, (4) le 15 octobre 1970.

Photo p. 45:

Rosaria Bucci vécut quarante ans aux côtés de Luisa Piccarreta.

Une parfaite brodeuse

Tante Rosaria, malgré ses doigts mutilés, devint une excellente brodeuse, sous l'œil émerveillé de son entourage. Elle perfectionnait les ouvrages de Luisa et, ayant pris la tête des cours, apprenait aux jeunes filles à broder. A la mort des parents de Luisa, c'est elle qui gouverna la maison. Sa présence était devenue indispensable: c'est elle qui recevait les commandes et concluait les contrats de travail. Mais elle ne disait à personne quelles étaient les broderies de Luisa, la Servante de Dieu ne voulant en aucun cas que son travail puisse faire l'objet d'une attention ou d'une admiration particulière. A la mort de Luisa, Tante Rosaria perpétua la tradition que Luisa avait rendue florissante. Le fait que ma tante Rosaria soit devenue une excellente brodeuse était considéré comme un miracle permanent par tout le monde. Car, avec une infirmité comme la sienne, la réalisation d'un travail aussi délicat que la dentelle aux fuseaux aurait dû être impossible. Pour des ouvrages qui pouvaient valoir des millions - vu les années de travail nécessaires - elle demandait des sommes très modestes. Et nous, ses neveux, nous nous en plaignions. Mais elle nous répondait: "l'argent compte peu. L'essentiel est de pouvoir vivre". Tante Rosaria nous racontait qu'elle avait reçu de Luisa l'interdiction la plus stricte de recevoir de l'argent. Et si quelqu'un avait le malheur d'envoyer de l'argent par la poste, ce argent repartait immédiatement d'où il venait. Luisa affirmait que ce qu'elle possédait était déjà trop pour elle et qu'elle n'avait besoin de rien. Son peu d'argent suffisait tout juste à couvrir les frais d'entretien de ma tante Rosaria et de sa sœur Angelina. Très caractéristique fut la réponse que la Servante de Dieu lança au Bienheureux Annibale venu lui remettre ses droits d'auteurs pour la publication de ses œuvres: "Moi je n'ai aucun droit - dit-elle en refusant l'argent qu'il lui offrait - car ce qui est écrit n'est pas à moi".

Les plaies mystérieuses

En 1940 environ, sans ressentir de souffrance, ma tante Rosaria, femme robuste et pleine de santé, commença à avoir des plaies qui, avec le temps, devenaient toujours plus grosses et plus purulentes. Les plus visibles étaient les deux grosses plaies, semblables à deux gros furoncles, positionnées sous le menton. Ces plaies suppuraient sans arrêt, au point que quelques gouttes finissaient toujours par tomber dans son assiette pendant que nous déjeunions. Assez dégoûté, j'essayais de me lever de table, mais, ma mère, pour alléger l'atmosphère, m'en empêchait en me retenant pas la main ou en me pinçant légèrement le bras. Tante Rosaria étant copropriétaire des biens de famille, elle venait souvent prendre ses repas chez nous. Ses plaies, répandues sur tout le corps, notamment sur sa poitrine et ses épaules, étaient soigneusement pansées par ma mère qui l'exhorta à aller trouver un spécialiste de Bari pour une consultation. Mais un jour, à la stupeur générale, ma tante se présenta à table complètement guérie. A l'endroit des plaies, il ne restait plus que de petites cicatrices. Personne ne fit de commentaires, si ce n'est mon père lorsque ma tante s'en alla. Se souvenant d'épisodes passés et récents, il s'exclama: "Cette femme nous a toujours fait voir quelque chose de nouveau". Mon père avait lui aussi une grande dévotion pour Luisa la Sainte. Sur son lit de mort, il voulut serrer sa chemise contre son cœur. Cette même chemise que revêtira ma mère au moment de monter aux cieux.

Mais qu'était-il arrivé à ma tante?

Voici ce qu'elle me raconta durant l'une des visites que je lui rendais régulièrement alors que j'étais vice-curé à la paroisse du couvent de Barletta:

Ma tante, sur l'insistance de ma mère, se rendit à Bari pour une visite chez un dermatologue. Le diagnostic fut terrible. "Chère Mademoiselle - lui dit le médecin - ces plaies sont cancéreuses. Elles se répandront sur tout votre corps. Vous avez une sorte de lèpre. Une maladie très rare". Vous pouvez imaginer l'état d'âme de ma tante en entendant ces mots. Après avoir erré plusieurs heures dans les rues de Bari, elle retourna le soir chez Luisa. Se défoulant avec la Servante de Dieu, elle lui dit d'une voix irritée: "Je suis toujours avec toi et tu permets certaines choses? Moi je n'ai pas d'enfants qui peuvent prendre soin de moi". Luisa la laissa parler puis lui dit:"Rosaria, Rosaria... tu as fait le tour de tous les médecins mais tu as négligé le seul et unique vrai médecin". A ces mots, ma tante attrapa tous ses médicaments, gazes et coton, et les jeta du haut du balcon (cet épisode eut lieu dans la maison qu'elles habitaient jadis dans la via Maddalena). Puis elle dit: "Maintenant je m'en remets à Notre Seigneur et à tes prières". Avant d'aller se coucher, Luisa l'appela, la fit agenouiller au pied de son lit et, ensemble, elles prièrent un long moment. Après quoi, ma tante partit se coucher. Elle dormait dans un grand lit avec Angelina. Durant cette nuit-là, tante Rosaria sentit un certain bien-être envahir tout son corps. Le lendemain, à son réveil, elle s'aperçut que toutes ses plaies avaient séché. Il n'y avait plus que de légères croûtes; des croûtes qui s'en allèrent au fil de la journée. Elle était parfaitement guérie. La rumeur du miracle se répandit, mais personne n'osait en parler ouvertement, sachant tous que Luisa y était pour quelque chose. Car Luisa ne voulait absolument pas que l'on attribue ces phénomènes à sa personne. "Je ne suis pas capable de faire des miracles, c'est Notre Seigneur qui les fait", affirmait-elle. Raison pour laquelle aucun épisode extraordinaire qui eut lieu grâce à son intervention ne fut proclamé. Mais le bruit circulait, en silence.

Le Bienheureux Padre Pio, Luisa Piccarreta et Rosaria Bucci

Luisa Piccarreta et le Bienheureux Padre Pio da Pietrelcina se connaissaient depuis longtemps sans jamais s'être rencontrés, car Luisa était toujours assise au lit et Padre Pio enfermé dans le couvent des Pères Capucins de San Giovanni Rotondo. (5)

Spontanément nous nous demandons alors comment se sont-ils connus?

C'est difficile à savoir. Une chose est sûre, c'est qu'ils se connaissaient et qu'ils s'estimaient.

Ma tante raconte que Luisa parlait avec respect et vénération du Bienheureux Padre Pio. Elle le définissait: "un véritable homme de Dieu" qui avait encore beaucoup à souffrir pour le bien des âmes.

Vers 1930, arriva chez Luisa un personnage envoyé personnellement par Padre Pio. C'était un converti, Federico Abresch. Ce dernier s'entretint longtemps avec Luisa. Ce qu'ils se dirent, nous ne le savons pas, mais une chose est sûre c'est que ce Federico devint un apôtre de la Volonté Divine. Il venait régulièrement rendre visite à Luisa avec laquelle il entretenait de longues conversations.

Lorsque son fils reçut sa première communion des mains de Padre Pio, il fut vite conduit au chevet de Luisa qui - à ce que l'on raconte - lui aurait prédit le sacerdoce.

L'enfant de jadis est aujourd'hui un prêtre. Il travaille à Rome au sein de la Congrégation pour les Evêques sous le nom de Mgr Pio Abresch.

Lorsque Luisa fut condamnée par le Saint Office et que ses œuvres furent mises à l'index, Padre Pio lui envoya un message, par l'intermédiaire de Federico Abresch: "Chère Luisa, les saints servent pour le bien des âmes, mais leurs souffrances n'ont pas de limites". A cette époque, Padre Pio se trouvait lui aussi en grande difficulté.

Le Bienheureux Padre Pio envoyait beaucoup de gens chez Luisa Piccarreta et disait aux habitants de Corato qui venaient à San Giovanni Rotondo: "Que venez-vous faire ici, vous avez Luisa, allez chez elle".

Padre Pio conseilla à plusieurs de ses fidèles (dont Federico Abresch) d'ouvrir à San Giovanni Rotondo un centre de spiritualité s'inspirant de la Servante de Dieu, Luisa Piccarreta.

L'héritière de cette volonté de Padre Pio, est actuellement Mademoiselle Adriana Pallotti ( fille spirituelle de Padre Pio) qui a ouvert une Maison du Divin Vouloir à San Giovanni Rotondo. Adriana Pallotti affirme que c'est le Bienheureux Padre Pio qui l'a encouragée à répandre la spiritualité de Luisa Piccarreta à San Giovanni Rotondo et à contribuer à la diffusion de Divin Vouloir dans le monde, comme Padre Pio le souhaitait.

Tante Rosaria fréquentait assidûment San Giovanni Rotondo, surtout après la mort de Luisa. Padre Pio la connaissait très bien; et du vivant de Luisa, lorsqu'il voyait tante Rosaria, il lui disait: "Rosa, comment va Luisa?".

Rosaria lui répondait: "Elle va bien!"

Après la mort de Luisa, ma tante multiplia ses visites à San Giovanni Rotondo, notamment pour avoir des éclaircissements ou recevoir des conseils de Padre Pio.

Ma tante fut la seule lueur d'espoir pour tenter de résoudre l'affaire Luisa Piccarreta concernant la sentence du Saint-Office. Elle rencontra plusieurs personnalités ecclésiastiques, et affronta même la Congrégation du Saint-Office. Une fois, elle s'enfila - on ignore comment - dans le bureau du Cardinal Préfet Ottaviani qui l'écouta gentiment et lui promit de s'intéresser au cas.

En effet, quelques jours plus tard, Rosaria fut convoquée par Mgr Addazi, Archevêque de Trani. Il lui dit: "Mademoiselle, je ne sais pas si je dois te gronder ou t'admirer pour le courage dont tu as fait preuve. Tu as affronté le mastiff de l'Eglise, le grand défenseur de la foi, sans te faire mordre.".

Le résultat fut qu'elle reçut l'autorisation de transférer la dépouille de Luisa du cimetière à l'église Sainte-Marie-la-Grecque.

Luisa dit à ma tante: " Tu seras mon témoin" et Padre Pio, un jour, lui déclara à brûle-pourpoint dans son dialecte natal: " Rosa' va nanz, va nanz ca Luisa iè gran e u munn sarà chin di Luisa" ( Rosaria vas-y, vas-y. Luisa est grande et le monde sera plein de notre Luisa).

Ma tante racontait souvent cet épisode, mais les choses n'allaient pas bien: tout laissait supposer que Luisa aurait fini par tomber dans l'oubli.

A la mort du Vénérable Padre Pio, ma tante me dit un jour: "Pare Pio a prédit que Luisa serait connue du monde entier". Et elle répétait la phrase que Padre Pio avait prononcé dans son dialecte.

Je lui répondis que le cas de Luisa Piccarreta n'aurait pas été facile à résoudre. A Corato, en effet, on n'en parlait plus et la phrase de Padre Pio pouvait être vue comme une parole de consolation. Mais Rosaria insistait: "Non, Padre Pio durant la confession m'a dit que Luisa n'est pas un fait humain, c'est une œuvre de Dieu. Lui-même la fera apparaître et sa grandeur stupéfiera la terre entière; il nous faut attendre quelques années avant que cela ne se produise. Le nouveau millénaire verra la lumière de Luisa".

Une assertion qui me laissa sans voix. Alors ma tante me demanda: "Mais toi, tu y crois à Luisa?"

Je lui répondis oui.

Alors elle me dit: "Dans quelques jours viens me voir car j'ai quelque chose de très important à te dire".

Nous sommes dans les années 70 et Padre Pio était mort depuis quelques années.

Le secret de tante Rosaria

En 1975, le 2 février précisément - je me souviens que c'était un jour de grand froid - ma tante me convoqua chez elle. Elle était déjà fort âgée et commençait à avoir des problèmes aux yeux à cause de son diabète. Mes deux neveux, Vincenzo et Sara, venaient chez elle lui tenir compagnie.

Ce jour-là, je la trouvai assise derrière la vitrine en train de réciter son chapelet.

Je me suis assis à côté d'elle et, après lui avoir dit bonjour, je lui demandai ce qu'elle me voulait dire d'aussi important.

Elle me regarda et dit: "Ce que je vais te dire est très important. Essaies d'en faire bon usage et je t'exhorte à méditer sur les merveilles du Seigneur que nous a données Luisa, précieuse créature aux yeux de Dieu et instrument de sa miséricorde. Tu trouveras difficilement une âme aussi précieuse et aussi grande. Luisa se surpasse elle-même et tu ne peux la contempler totalement que dans le mystère de Dieu. Marie est celle qui a porté dans le monde la Rédemption, à travers son Fiat; ainsi le Seigneur la combla au point de l'élever à la plus haute dignité de Mère de Dieu. Marie est la Mère de Dieu et jamais aucune créature ne pourra l'égaler dans sa grandeur et sa puissance. Après Dieu, elle est la seule à pouvoir exprimer les merveilles du Seigneur. Après la Vierge Marie, c'est au tour de Luisa d'apporter au monde le troisième Fiat, le Fiat de la Sanctification".

Elle dit cela lentement, articulant bien ses mots, convaincue de ce qu'elle disait. J'étais bouleversé.

"Voilà pourquoi Luisa est toujours restée clouée au lit, offerte chaque jour au Maître Divin comme victime d'expiation à la Très Sainte Volonté de Dieu - continua-t-elle - Cette créature lui plaisait et il en était tellement jaloux qu'il l'enleva d'entre les hommes, la confiant tout entière à son Eglise, afin qu'elle veille sur elle et, humainement, la façonne à une infinité de pénitences et d'incompréhensions. Ma Luisa ne connut aucune sorte de consolation humaine, uniquement la consolation divine, et son corps lui aussi était continuellement suspendu entre le ciel et la terre. Sa vie sur terre fut en contradiction permanente avec celle des hommes. De même que son corps ne devait appartenir qu'à Dieu".

Puis elle me confia: "Un jour le Seigneur dit à Luisa: "Tous ceux qui t'ont vue et connue seront sauvés". (6)

Cher Peppino, ceci est un superbe don de Dieu que Luisa a voulu garder sous silence pour ne pas que le monde sache et que sa personne devienne objet de curiosité et de vénération, ce qu'elle disait ne pas mériter. Seul son confesseur, un jour, me dit que je pouvais le dire et le répandre discrètement autour de moi. A toi je l'ai dit, espérant que tu en feras bon usage".

Ce jour-là je fus émerveillé par le langage qu'utilisait ma tante, à savoir un langage poétique qui exprimait des concepts théologique d'une grande précision.

Les notes recueillies furent, par un hasard malheureux, furent égarées et je me suis limité à écrire ce dont je me souviens.

Sa mort, presque subite, ne me laissa pas le temps de lui poser d'autres questions qui auraient pu apporter de nouvelles lueurs à ce qu'elle m'avait confié.

Ma tante Rosaria mourut en 1978.

Photos P. 54:

La main blessée de Padre Pio da Pietrelcina s'est levée des milliers de fois pour bénir les fidèles au terme de la messe.

Corato, via Maddalena. La maison où demeura la Servante de Dieu, Luisa Piccarreta, au cours des dernières années de sa vie.

Notes du chapitre 3

1) C'est un aspect de Luisa qui n'a jamais été approfondi et qui aurait mérité plus d'attention: Quelle incidence Luisa a-t-elle eu dans le milieu paysan?

2) La maman de Luisa mourut quelques mois après sa rencontre avec ma tante Rosaria, le 19 mars 1907 précisément, jour de la saint Joseph. Et son Père quinze jours plus tard. Luisa en parle longuement dans ses écrits.

3) Nunzia était une soeur de ma mère. Son père était paysan.

4) Rosaria nous donnait souvent l'impression de parler à Luisa avant de répondre à la question qui lui était posée. Cela nous a été confirmé par mon neveu Vincenzo et par un Mexicain qui avait participé au Congrès international sur Luisa Piccarreta au Costa Rica. Cet homme, lors d'une visite à Corato, avait eu de longs entretiens avec ma tante.

5) Lorsque Luisa fut condamnée, l'Archiprêtre de Corato, Don Clemente Ferrara, aurait averti les fidèles durant son sermon de ne plus aller chez Luisa, leur disant que c'était interdit et qu'ils risquaient tous l'excommunication. Cette interdiction fut étendue aux prêtres qui prêchèrent la même chose dans leurs paroisses. Sous l'oeil émerveillé de tous, spécialement des soeurs Cimadomo, qui n'abandonnèrent pas leur Luisa, se présenta un jour à sa porte un frère religieux qui s'entretint de longues heures avec elle. Personne ne sut dire qui était ce frère Capucin. Certains dirent qu'ils avaient cru reconnaître Padre Pio qui serait venu la consoler. Mais rien n'est confirmé et ma tante Rosaria n'a jamais voulu engager de discussions sur ce qui c'était passé. Impossible également d'interroger Angelina et les soeurs Cimadomo, décédées depuis longtemps.

6) Je pense que le Seigneur voulut dire que la connaissance de Luisa ne devait pas se limiter à sa seule personne mais qu'elle devait être axée sur son message.

CHAPITRE QUATRE

Annibale Maria Di Francia et Luisa Piccarreta

Ma tante Rosaria parlait souvent et bien volontiers du Bienheureux Annibale Di Francia, fondateur des Pères Rogationnistes et des Filles du Divin Zèle.

Elle parlait de lui comme d'un ami très intime, le désignant sous le nom de 'P. Francia'. Moi-même, prenant très à cœur l'histoire de cet homme, j'ai demandé plusieurs fois aux Pères Rogationnistes de chercher dans leurs archives s'ils avaient par hasard des papiers se référant aux liens qui unissaient Luisa et le Bienheureux Annibale. Je me suis également rendu à l'Institut Saint Antoine de Corato que le Bienheureux avait fait ériger dans le but précis d'y transférer Luisa au milieu de ses sœurs.

Le P. Annibale, racontait ma tante, avait projeté de transférer Luisa dans son Institut des Sœurs à Trani. Mais Luisa, lui ayant fait part de la volonté du Seigneur de la garder à Corato, c'est en 1928 que le projet du P. Annibale se réalisera, c'est-à-dire après sa mort.

Confesseur spécial de la Servante de Dieu, Luisa Piccarreta, Annibale Di Francia prit également en charge la publication de ses écrits. Il est de ces prêtres dont la sainteté et le service auprès des orphelins et des jeunes laissés-pour-compte édifièrent l'Eglise de Dieu. Leur apostolat fut d'un grand concours pour l'Italie et pour l'Eglise de l'époque, frappées par une forte vague d'anticléricalisme.

A en croire les paroles de ma tante, le Bienheureux jouissait d'une grande estime auprès de Saint Pie X qui lui accordait facilement des audiences privées. Le Pape montrait, parait-il, beaucoup d'intérêt au cas de Luisa Piccarreta: c'est à lui que notre Bienheureux soumettait d'ailleurs ses écrits avant de les éditer.

Rosaria affirmait qu'après avoir lu plusieurs de ses ouvrages, en particulier ses fameux écrits sur la Passion de Notre Seigneur, publiés sous le titre L'Horloge de la Passion, Saint Pie X s'était exclamé: "Très cher Père tu dois lire ces écrits en t'agenouillant, car ici c'est Notre Seigneur Jésus Christ qui parle". Et ce fut le Saint-Père en personne qui exhorta le P. Annibale à publier ses écrits. (1)

Annibale se rendait périodiquement chez Luisa, via Nazario Sauro, pour des conversations spirituelles qui duraient des heures.

Souvent, il amenait avec lui un évêque italien ou d'ailleurs. Ma tante se rappelait d'un évêque de Hongrie. Pour lever certains, doutes le Bienheureux Père amenait chez elle des théologiens qui, à l'issue de leur longue conversation avec la Servante de Dieu, se retiraient dans une autre pièce pour discuter encore longuement de ce qu'ils venaient d'entendre.

Ma tante se rappelait qu'un évêque hongrois, après avoir parlé avec Luisa, était sorti de la pièce, l'air bouleversé, en disant dans un mauvais italien: "Priez pour mon peuple": Luisa lui avait annoncé qu'un sombre avenir attendait sa patrie. Rosaria ne sut me dire avec précision de quel évêque il s'agissait, ni d'où il venait exactement. Elle me dit simplement: "Evêque magyar".

Je compris qu'il s'agissait d'un évêque hongrois.

Les visites du P. Annibale ne se réduisaient pas à de simples entretiens avec Luisa. Il donnait chez elle des conférences pour tous ceux qui fréquentaient sa maison, la plupart étant des jeunes garçons ou des jeunes filles. Ces conférences feront d'ailleurs naître beaucoup de vocations, puisque plusieurs filles décidèrent de prendre le voile et beaucoup de garçons entrèrent dans les ordres. La toute jeune congrégation du P. Annibale en accueillit beaucoup.

Beaucoup de gens allaient chez Luisa dans l'intention de se confesser au P. Annibale. Ceci m'a été confirmé par le chanoine Andrea Bevilacqua qui, du temps de son séminaire, allait lui aussi s'y confesser. Le P. Annibale était également confesseur spécial du vénéré et bien-aimé Archevêque de Trani, Monseigneur Leo.

Ma précédente publication ne fait nulle part mention du Bienheureux Annibale Di Francia, car il me fut conseillé de me taire pour éviter toute entrave à la cause de béatification en cours.

Il serait très intéressant de consulter les archives de la Congrégation des Pères Rogationnistes et celles des Filles du Divin Zèle où, très certainement, l'on retrouverait des traces de la longue correspondance qu'entretenaient entre eux la Servante de Dieu, Luisa Piccarreta, et le Bienheureux Père Annibale. Ma tante me disait que la règle de l'institut était axée sur la spiritualité de Luisa. Il serait intéressant de lire les anciennes règles et constitutions des deux instituts. J'espère que maintenant que le Père Annibale a été proclamé Bienheureux par l'Eglise, les Rogationnistes et les Filles du Divin Zèle pourront élever la Servante de Dieu Luisa Piccarreta à sa juste valeur; ses prières, ses conseils et ses écrits ayant fortement contribué à leur essor.

Il reste encore beaucoup à dire sur les liens qui unissaient le Bienheureux Annibale, la Servante de Dieu Luisa Piccarreta et saint Pie X, pour lequel Luisa avait une grande vénération. A l'époque déjà, elle le vénérait comme un saint. Elle disait souvent: "Le Seigneur a donné à l'Eglise de notre époque deux grands Pontifes; le premier, fils bien-aimé de la Vierge Marie - en référence à Pie X -, le second, défenseur de la Foi et de l'Eucharistie".

Le Bienheureux Annibale Di Francia aura à surmonter de grandes épreuves avant de pouvoir réaliser son projet de transférer Luisa dans une des maisons de sa Congrégation . Il disait souvent: "L'accueil de Luisa dans une maison de mon Institut sera une bénédiction de Dieu pour toute la Congrégation".

En effet, bien qu'il y existât déjà deux maisons de la Congrégation des Filles du Divin Zèle à Trani, il s'obstinait à vouloir en construire une à Corato, non loin du village natal de Luisa. Les difficultés rencontrées furent grandes et le saint fondateur mourut avant de voir la fin des travaux.

Deux ans après sa mort, Luisa fit son entrée chez les Filles du Divin Zèle, via delle Murge.

Souvenirs de Rosaria Bucci

Le Bienheureux Annibale Di Francia fréquentait la Servante de Dieu et entretenait avec elle de longues conversations. Il restait des heures entières dans sa petite chambre où il avait d'ailleurs pris l'habitude de célébrer des messes.

Voici ce que ma tante Rosaria me racontait et ce dont je me souviens.

En 1910, arriva chez Luisa un prêtre demandant à lui parler. Ce fut la première des nombreuses rencontres entre les deux "saints". Ce jour-là, c'est ma tante Rosaria qui lui ouvrit la porte. Quatre ans après son arrivée, ma tante était désormais bien intégrée dans l'entourage de Luisa et elle participait, avec Angelina, à l'entretien de la maison. De plus, elle avait si bien appris le travail aux fuseaux, qu'elle enseignait la dentelle aux autres jeunes filles. Luisa faisait également appel à elle pour rectifier son travail. Les stigmates, cachées sous sa peau, étaient une source de souffrance pour la Servante de Dieu qui avait beaucoup de mal à serrer ses nœuds.(2)

Rosaria, à plusieurs occasions, prépara un petit lit dans une des chambres pour que le Bienheureux Annibale puisse s'y reposer, notamment lorsque sa visite au sein de la famille Piccarreta durait plus d'une journée.

La durée de son séjour dépendait du temps que mettait Luisa à relire et à expliquer, point par point, certains passages de ses textes, trop flous ou difficiles à comprendre, avant de les lui remettre.

C'est ma tante Rosaria qui remit personnellement au Bienheureux Annibale le fameux manuscrit sur la Passion. Ce dernier le publia sous le titre: L'horloge de la Passion, un titre qui, au début, déplut beaucoup à notre Luisa. Accompagné d'une longue préface du Bienheureux, cet ouvrage fut publié quatre fois.

Un jour, se souvint Rosaria, le Bienheureux Annibale distribua cet ouvrage à toutes les filles et à toutes les personnes fréquentant habituellement la maison de Luisa. Les invitant à le lire et à méditer dessus, il leur dit: "Avant de faire imprimer ce manuscrit, j'ai été reçu par Sa Sainteté le Pape Pie X auquel j'ai remis un exemplaire. Quelques jours plus tard, j'y retournai pour des questions inhérentes à ma toute nouvelle Congrégation, et voici textuellement ce qu'il me dit: "Fais immédiatement imprimer "L'horloge de la Passion" de Luisa Piccarreta. Agenouillez-vous et lisez-le, car dedans c'est notre Seigneur qui parle".

Ne disposant d'aucune autre documentation nous devons nous fier au témoignage de Rosaria Bucci.

Le Bienheureux Annibale et les Frères Capucins de la Province Monastique des Pouilles

Les Pères Franciscains, et en particulier les Capucins, auraient, semble-t-il, suggéré au Bienheureux Annibale de placer ses œuvres sous la protection de saint Antoine de Padoue. Il est vrai que l'estime était réciproque entre le Bienheureux Annibale et les Capucins.

J'ai jadis moi-même entendu parler très souvent du Bienheureux Annibale Maria Di Francia dans la bouche de nos Pères.

Le Père Annibale divulguait les écrits de Luisa, dont la plupart était offert à nos religieux qui recevaient l'ordre de ne jamais révéler le nom de l'auteur, cette dernière préférant taire son identité.

Le Frère Capucin qui a le plus parlé de cette circonstance fut le P. Isaia da Triggiano, une authentique figure de prêtre, un homme simple et modeste. Ce Père avait une profonde vénération pour Luisa Piccarreta. Il conservait jalousement ses écrits et d'autres objets ayant appartenu à la Servante de Dieu. Parmi ces objets, une petite image sur laquelle Luisa avait inscrite à la main l'une de ses petites prières.

Le P. Isaia répétait souvent ces mots: "Luisa est une grande sainte et le P. Annibale un grand saint lui aussi puisqu'il nous l'a fait connaître. Les saints entre eux se comprennent. C'est Dieu qui les unit".

En 1917, le P. Isaia da Triggiano était étudiant chez les Capucins au couvent de Francavilla Fontana, un couvent situé non loin de la localité d'Oria, où le P. Annibale Maria Di Francia s'était retiré pour écrire une de ses œuvres. A cette occasion, les prêtres du couvent reçurent plusieurs visites du Bienheureux.

Voici les impressions du P. Isaia à son sujet: "C'était un vrai prêtre de Dieu et nous, étudiants, lorsqu'il nous arrivait de le voir, nous l'entourions de notre grande sympathie. Nous allions tous nous confesser avec lui. Son aspect était singulier, même dans sa manière de parler et de gesticuler. Toujours mesuré, il avait un caractère réservé qui inspirait, non pas la crainte, mais plutôt l'envie de se confier. Il nous parlait toujours de la Volonté de Dieu et nous exhortait à supporter toute privation et contradiction. Il nous disait qu'une âme, totalement consacrée à Dieu, souffrait et priait pour tous".

"Cette âme - disait le P. Annibale au P. Isaia - est une fille de chez toi. Signe que le Seigneur bénit le peuple de Bari". Pour le réconforter, dans ses doutes et ses souffrances, il lui donna L'horloge de la Passion. Le jeune Isaia lui demanda alors où elle vivait et qui était cette sainte âme, mais le P. Annibale répondit: "Pense d'abord à préparer dignement ton sacerdoce et à suivre la Volonté de Dieu; avec le temps, tu découvriras qui est cette âme".

Puis devenu prêtre, le Père Isaia eut recours aux conseils de Luisa Piccarreta. Il prit l'habitude d'aller la trouver, cherchant en elle un réconfort pour poursuivre son apostolat mis à mal par les mauvaises langues.

A l'époque, la Province Monastique des Pouilles traversait une période plutôt difficile: divers contrastes opposaient les villes de Bari et de Lecce, unifiées en une seule et unique Province Monastique. Certains pères avaient pris la tête d'une réforme qui fut bloquée par Saint Pie X.

La plupart d'entre eux se soumirent, mais d'autres, plus récalcitrants, finirent par être expulsés de l'Ordre puis excommuniés. Parmi eux le Père Gerardo, supérieur et directeur du collège de Francavilla.

Ce Père avait une manière singulière de diriger le collège. Il concevait la discipline de manière draconienne, n'hésitant pas à laisser ses élèves à jeun pour qu'ils se mortifient et ressemblent au crucifié. Pire encore, il leur interdisait d'étudier, ne fondant leur apprentissage que sur le crucifix et la pénitence (Un gros crucifix et un cilice pour le supplice furent accrochés aux murs de leurs chambres). L'on comprend parfaitement dans quel état psychologique pouvaient se trouver tous ces élèves. La plupart d'entre eux tombèrent malades. Le P. Annibale Di Francia, au cours de l'une de ses visites, rappela à l'ordre le P. Gerardo, lui faisant comprendre que l'on ne pouvait imposer un tel régime à des jeunes en phase de croissance. Et lui-même donna l'exemple en prônant plusieurs mesures dans ce couvent, notamment celle de les faire manger à leur faim, au moins une fois de temps en temps. Le P. Annibale était très sensible à la santé des étudiants et leur disait souvent: "Ceci n'est pas la Volonté de Dieu".

Il semble que le Père Gerardo ne resta pas insensible aux exhortations du P. Annibale. Ce dernier savait parler d'un ton si convaincant et si charitable que les cœurs les plus durs finissaient par être touchés. Les résultats se firent vite sentir: des livres utiles à la formation sacerdotale des jeunes furent achetés de même que l'on commença à voir apparaître sur les tables un peu plus de pain et de bouillon.

Quelques temps plus tard le P. Gerardo sortit de l'Ordre et fut excommunié pour ses idées bizarres et pour s'être rebellé à l'Eglise. Les paroles du Vénérable Annibale se réalisèrent. En effet, lorsque les étudiants découragés s'agenouillaient à ses pieds pour se confesser, il leur disait souvent: "Continuez de vivre intensément la Volonté de Dieu, car d'ici peu tout changera. Prenez courage!".

Plusieurs pères furent en contact avec le P. Annibale et, grâce à lui, firent la connaissance de Luisa. Comment oublier le Père Daniele da Triggiano, cette superbe figure de Capucin, fine fleur de saint François. Sa simplicité, ses paroles, ses gestes sont encore vifs dans la mémoire de notre Province Monastique.

Le Père Daniele parlait de Luisa Piccarreta comme d'une créature venue du ciel et lorsque, jeune séminariste, je me rendais chez lui pour me confesser, il me disait toujours: "C'est toi Bucci de Corato? Tu as connu Luisa? Sache que c'est une grande sainte et que tu ne dois pas t'arrêter de prier si tu veux être prêtre".

Le Père Daniele fut l'historien de Triggiano. Il écrivit plusieurs manuels de piété, puisant à pleines mains dans les livres de Luisa Piccarreta. La manière dont il parlait de Luisa nous fit penser qu'il avait eu des contacts directs avec la Servante de Dieu et avec le Vénérable Annibale.

J'ai également beaucoup entendu parler de la Servante de Dieu Luisa Piccarreta par les pères suivants: le Père Giovanni De Bellis, souvent invité à faire des sermons à Corato, et qui en profitait pour se rendre chez Luisa. Le Père Giovanni qui était avec moi au Couvent de Trinitapoli, alors que j'y étais comme supérieur et curé de paroisse, me parlait souvent de Luisa Piccarreta et du Bienheureux Annibale Maria Di Francia qu'il avait connu personnellement. J'eus la chance d'assister les derniers instants de la vie du Père Giovanni, mort à l'âge de 92 ans. Il mourut en prières, les mains jointes, son chapelet enroulé autour de ses doigts. Ses dernières paroles furent: "Que la Volonté de Dieu s'accomplisse". C'était en 1982.

Le Père Terenzio da Campi Salentina avait lui aussi une grande vénération pour la Servante de Dieu, Luisa Piccarreta, et à chaque fois que nous nous rencontrions, il me parlait d'elle. C'est lui qui m'annonça l'ouverture du procès de béatification du Père Annibale, confesseur de Luisa. Quand j'étais jeune novice au couvent d'Alessano, le Père Terenzio était supérieur. Un jour il m'offrit ce témoignage: "Ma foi traversait une période de crise et un jour je me rendis chez Luisa qui, après m'avoir gentiment écouté, clarifia tous mes doutes en me donnant des explications théologiques si claires et si profondes qu'elles furent pour moi une révélation. Tous les doutes que mes études de théologie n'avaient pas réussi à effacer, c'est elle qui me les ôta. Luisa avait le don de la science infuse. C'est certain".

Le Père Guglielmo da Barletta, l'un des prêtres les plus illustres de la Province, plusieurs fois ministre provincial, recteur de notre institut de théologie, profita un jour d'un cours sur l'ascétisme, pour nous parler du vénérable P. Annibale et de ses œuvres. Il parla longuement de L'Horloge de la Passion et du livre Marie dans le Royaume de la Volonté Divine. Au sujet de Luisa Piccarreta il déclara: "C'est une grande et merveilleuse âme. Et nous ne sommes même pas le quart de ce qu'elle est." Le Père Guglielmo ne me dit pas s'il l'avait connut personnellement.

Presque tous nos pères de l'époque eurent des contacts directs ou indirects avec le Vénérable Annibale et Luisa Piccarreta. Parmi eux: le P. Zaccaria de Triggiano, plusieurs fois provincial; P. Fedele de Montescaglioso; P. Giuseppe de Francavilla Fontana; P. Tobia de Triggiano; P. Antonio de Stigliano, qui laissa plusieurs écrits sur le Serviteur de Dieu Fra Dionisio de Barletta; P. Arcangelo de Barletta, lui aussi provincial; P. Pio de Triggiano, provincial; P. Gabriele de Corato; P. Timoteo d'Acquarica, grand ami du dernier confesseur de Luisa, Don Benedetto Calvi, qui prêcha maintes fois dans sa paroisse (il assista aussi au transport de la dépouille de Luisa du cimetière à l'église et célébra en l'Eglise Mère la fonction de l'ouverture du procès de béatification de la Servante de Dieu Luisa Piccarreta); P. Salvatore de Corato, dont je parlerai dans un chapitre à part. Plusieurs frères laïcs, qui se rendaient à Corato pour la quête, ne manquaient pas de rendre visite à notre Luisa: Fr. Ignazio, Fr. Abele, Fr. Rosario, Fr. Vito, Fr. Crispino, très enthousiastes, me parlaient souvent de Luisa. Ils lui vouaient une grande vénération.

Photo P. 64:

Père Terenzio da Campi Salentina, grand admirateur de Luisa Piccarreta.

Prédilection de Luisa pour les Capucins. P. Salvatore de Corato et Luisa Piccarreta.

Le Père Capucin Salvatore de Corato, était imprégné du charisme de Luisa. Il fit sa connaissance lorsqu'il était élève au Séminaire de Giovinazzo (en troisième et seconde). Le Père Salvatore venait passer ses vacances chez nous. Durant ses promenades dans les allées du potager, il me parlait toujours de Luisa et m'expliquait comment avait mûri sa vocation de Capucin.

C'était un très bon Capucin, de bonne famille, et extrêmement gentil. Il avait une délicatesse d'âme qu'il était rare de rencontrer chez d'autres frères. Sa vocation de Capucin et de prêtre fut une vocation tourmentée et plein d'embûches. Orphelin de père et de mère, il fut élevé par une tante qui le conduisait souvent chez Luisa la Sainte. Cette dernière avait de la sympathie pour lui et s'attardait volontiers à lui parler.

Un beau jour elle lui dit: "Le Seigneur veut que tu sois prêtre", mais l'enfant n'attacha pas beaucoup d'importance à ce qu'elle disait. Devenu un beau jeune homme, riche et courtisé par toutes les filles, il entra dans la marine et voyagea beaucoup. Durant ses longues traversées, qui duraient parfois des mois, le brillant jeune homme prenait plaisir à rester sur le pont, contemplant l'étendue infinie de la mer et du ciel étoilé. Il se rappelait alors des paroles de Luisa: "Le Seigneur veut que tu sois prêtre".

En danger de mort, il invoquera Luisa dans ses prières: "Luisa, si tu veux que je sois prêtre, sauve-moi!". Le hasard voulut que la plupart de ses compagnons moururent et que lui, par un étrange destin, fut sauvé. Il quittera alors sa carrière pour rentrer à Corato. Là, il eut une longue entrevue avec Luisa qui lui conseilla d'entrer chez les Capucins tout en lui disant qu'il aurait rencontré de très grandes difficultés. Le Seigneur aurait mis sa vocation à dure épreuve.

Son admission ne fut en effet pas facilement acceptée, contestée par ceux qui étaient chargés de la formation des élèves, sous prétexte de son âge, déjà avancé par rapport aux autres élèves, de son passé dans la marine, certainement plein de vices, et du fait surtout qu'il provenait d'une famille aisée et qu'il aurait trouvé beaucoup de difficultés à suivre une règle qui, en soi, était déjà fort stricte. Les lettres de présentation de l'archiprêtre, Don Clemente Ferrara, et de Don Andrea Bevilacqua qui l'avait accompagné personnellement au noviciat de Montescaglioso, ne servirent à rien.

Le maître des novices et le supérieur rejetèrent son admission. Ils allèrent jusqu'à lui refuser l'accès au couvent. Ainsi, trois jours durants, le pauvre homme resta sur le pas de la porte, dans l'attente d'une réponse du P. Provincial auquel se seraient probablement adressés le supérieur et le maître des novices.

Les paroles de Luisa se réalisèrent totalement.

Finalement admis chez les Capucins, le P. Salvatore renonça généreusement à tous ses biens de famille et se lança dans ses études de formation le préparant au sacerdoce. Après son ordination, il voulut se rendre chez Luisa pour y célébrer une messe d'action de grâce. Ses récits finissaient toujours par: "Luisa est entrée dans mon cœur et dans ma vie, je la sens si proche, comme si elle voulait encore me parler". Et d'ajouter: "Je suis convaincu de ne pas vivre encore longtemps, car Luisa a hâte de m'emmener au Paradis". Et il disait ces mots en souriant. Un sourire indéchiffrable qui paraissait venir du ciel.

Le Père Salvatore fut utilisé par ses supérieurs comme éducateur et directeur dans nos petits séminaires. Tout le monde l'appréciait et l'aimait. Ses qualités spirituelles et humaines enrichissaient l'exercice de son ministère sacerdotal. Sa santé, plutôt précaire depuis son entrée dans les Ordres, fut un signe de la Volonté de Dieu qui le fit grandir dans la souffrance pour son Royaume.

Lorsque je lui demandai s'il était permis de lire les écrits de Luisa condamnés par le Saint-Office, il me répondit non et me dit: "Luisa appartient tout entière à l'Eglise, laquelle nous dit souvent de renoncer également aux bonnes choses. Souviens-toi que tout ce que l'Eglise accomplit est la Volonté de Dieu qui lui seul juge si le moment est venu. Le monde n'est peut-être pas encore mûr pour recevoir et comprendre cette grande sainte. Je crois que d'ici peu ce sera le Seigneur Lui-même qui l'élèvera aux honneurs des autels". Le P. Salvatore mourut le 3 septembre 1956, à l'âge de 41 ans.

Photo P. 67:

Le P. Salvatore da Corato.

Photos P. 68:

La plupart des Capucins photographiés ici ont connu directement Luisa Piccarreta et le Bienheureux Annibale.

Le Bienheureux Père Annibale, confesseur extraordinaire et réviseur ecclésiastique des écrits de Luisa Piccarreta.

Notes du chapitre 4

1) L'Horloge de la Passion connut plusieurs éditions. Toutes publiées par le Père Annibale comme le montrent les longues préfaces qui les accompagnent.

2) Le fait que Rosaria fut devenue une excellente brodeuse était considéré comme un miracle vivant. Car rationnellement, ce genre de travail était impensable pour quelqu'un à qui il manquait les quatre doigts de la main gauche. Et pourtant elle brodait à une vitesse et avec une perfection qui ravissait tout le monde.

CHAPITRE CINQ

Un repas bien étrange

Je n'avais pas cinq ans quand j'ai commencé à aller chez Luisa Piccarreta. J'y accompagnais ma Tante Rosaria.

Plus tard, il m'arriva assez souvent d'apporter à Luisa des paniers de fruits frais que mon père cueillait pour elle sur nos terres.

Il était fréquent que ma tante et moi-même soyons retenus pour déjeuner par les Piccarreta. Luisa ne mangeait pas avec nous car elle restait, alitée, dans sa chambrette. C'était là qu'on lui apportait les quelques grammes de nourriture qu'elle réussissait à ingurgiter quotidiennement.

Pris par la curiosité, un jour - un dimanche - je me mis à observer l'assiette qu'on lui préparait, contenant tout son repas. Le dimanche était un jour où nous mangions des pâtes courtes en forme de disques concaves, dénommées "orecchiette", accommodées avec une sauce tomate à base de viande hachée. L'assiette destinée à Luisa ne contenait que cinq ou six "orecchiette" et trois ou quatre grains de raisin. Ma tante vit mon étonnement et me jeta un coup d'œil amusé et indulgent. Elle m'interpella pour me dire: "Va donc porter son déjeuner à Luisa". De plus en plus surpris, je portais l'assiette jusque dans la chambre de Luisa, qui était alitée. Elle avait cessé son travail de dentelle aux fuseaux et on lui avait mis une table de malade sur les genoux, avec un napperon. Elle y déposa avec soin l'assiette que je lui tendais. Elle me regarda intensément avec ses grands yeux, mais sans rien dire. Elle pris ensuite un grain de raisin et me le mit dans la bouche. Quand elle commença son étrange repas, je sortis de la chambre pour rejoindre les autres à table. Je n'étais pas plus tôt assis que nous entendîmes le son d'une clochette. Ma tante se leva aussitôt, se saisit d'un plateau et monta immédiatement dans la chambre de Luisa. Instinctivement je l'y suivis et je fus donc le témoin involontaire d'un phénomène qui me laissa perplexe. Luisa rendit, intacte, toute la nourriture qu'elle avait avalée. La chose la plus étrange est qu'elle ne sembla pas du tout incommodée comme il est usuel dans ces cas-là. Ma tante ôta la table de malade des genoux de Luisa, la posa dans un coin, ferma les persiennes, tira les rideaux qui isolaient le lit et me dit: "Allons-nous en, Luisa doit prier". De retour à la maison, je voulus tout raconter à ma mère, mais elle ne s'en montra pas du tout étonnée, disant qu'elle était au courant de ce phénomène depuis longtemps. Luisa, de fait, ne mangeait pas et ne buvait pas, elle ne vivait que grâce à la volonté divine. Cela dura presque soixante-dix ans, avec quelques vicissitudes. Pour obéir à ses confesseurs, elle était obligée de manger au moins un fois par jour, même si elle devait tout rendre après.

Une privation manquée

Un dimanche matin, j'étais chez Luisa quand elle m'appela pour me dire: " Aujourd'hui, c'est dimanche et tu mangeras de la viande. N'oublies pas d'en laisser un peu pour l'Enfant Jésus ". Je le lui promis mais, à peine sorti de chez Luisa, j'oubliais ma promesse de laisser un peu de ma part pour l'Enfant Jésus.

Je rappelle qu'à l'époque manger de la viande était un privilège et que ce privilège n'avait lieu que les dimanches et jours de fêtes et en portions toujours congrues.

Je mangeais donc tranquillement ma viande, oublieux de mes promesses du matin. Luisa, toutefois, ne les avait pas oubliées. Je n'étais pas plus tôt arrivée chez elle l'après-midi qu'elle me dit: " Tu as oublié ta promesse à l'Enfant Jésus ". J'en restais tout interdit, incapable de me justifier. Ma tante Rosaria vint à mon secours en disant: " Il est petit, il ne peut pas comprendre ! ". Je compris pourtant que Luisa n'était pas satisfaite de cette réponse.

La prophétie

Ma famille était très pieuse et désirait que l'un d'entre nous se fit prêtre. Du côté de mon père, ma famille était riche en prêtres et un cousin de ma mère était même vicaire général du diocèse de Salerne, alors dirigé par Mgr Balducci, Evêque Monterisi. Ma mère et mon cousin s'écrivaient, mais nous ne l'avions jamais vu en personne. Je me souviens uniquement du fait que ma mère en parlait avec enthousiasme.

Les yeux de la famille se tournaient vers sur mon frère Agostino. C'était un enfant ordonné, bien élevé, studieux, réservé: l'idéal pour en faire un prêtre. Ma tante fut ravie quand mon frère exprima son désir d'entrer au séminaire. Quant aux commentaires de notre curé, Don Cataldo Tota, de vénéré et sainte mémoire, ils furent hautement élogieux.

On prépara donc son trousseau. Ma tante lui fit de ses mains un surplis orné de dentelle. Tout était prêt pour son entrée au séminaire de Bisceglie. Pourtant, cela ne se fit pas, et mon frère n'entra pas au séminaire à cause de Don Andrea Bevilacqua, professeur d'Agostino au collège, qui conseilla de lui laisser finir ses études secondaires jusqu'au brevet, ce qui lui aurait permis d'entrer directement au grand séminaire de Molfetta sans passer par le petit séminaire dont le niveau d'études, selon Don Andrea, n'était pas suffisant pour lui fournir un bagage approprié. Notre tante en fut très contrariée et commenta amèrement la nouvelle à Luisa en disant: " Après tout l'argent que nous avons dépensé, Agostino ne va plus au séminaire ".

Il faut reconnaître que jusqu'alors Luisa était restée muette et indifférente face à ce projet. Agostino allait souvent chez elle et elle en connaissait les intentions. Toutefois, jamais elle ne lui avait prodigué un mot d'encouragement alors qu'elle le faisait usuellement avec les autres garçons qui exprimaient leur désir d'entrer au séminaire. Une fois que ma tante continuait à s'en plaindre, moi présent, Luisa répondit: " Rosaria, Rosaria... Cesse de te substituer à la volonté de Dieu ! C'est le Seigneur qui ne veut pas ". Se tournant alors vers moi, elle ajouta: "Occupe-toi donc de lui ! C'est lui que le Seigneur veut, pas l'autre ". Rosaria en fut éberluée, mais Luisa ajouta: " Oui, lui, le rebelle de la famille ! ".

De fait, à l'époque, j'aimais vivre dans la rue. J'étais très remuant et je m'entourais d'enfants défavorisés. Mes compagnons de jeux faisaient systématiquement l'école buissonnière, allaient nu-pieds dans les rues et étaient imprégnés de l'odeur des poules, des moutons et des lapins qui vivaient avec eux dans leurs maisons. Je n'étais donc pas brillant à l'école et je jetais ma famille de moyenne bourgeoisie - ma mère était maîtresse d'école et mon père était fonctionnaire - dans le désespoir le plus total.

Je n'accordais pas d'importance particulière aux paroles de Luisa. Il me fallait encore un an avant de finir l'école primaire. De nombreux problèmes sociaux s'accumulaient sur nos têtes: la chute du fascisme, l'occupation allemande, les études étaient interrompues, la nourriture se faisait rare. J'oubliais totalement ces paroles de Luisa. Après sa mort, le 4 mars 1947, il arrivait par contre souvent à ma tante Rosaria d'y penser. Elle commença à me jeter des regards interrogateurs, comme si elle voulait discerner des signes précurseurs de ma vocation. Plus tard, à la grande surprise générale, moi, Peppino, le gosse le plus turbulent de tout le quartier de via Andria, entrait au séminaire, et pas dans n'importe quel séminaire diocésain, mais au Séminaire séraphique des Frères Mineurs Capucins de Barletta. Nous étions en 1948, Luisa était morte depuis un an. Connaissant mon caractère, beaucoup crurent que mon séjour au séminaire allait être bref, et que j'allais n'y faire que des bêtises comme à mon accoutumée. Certains allèrent jusqu'à critiquer ma mère qui aurait malgré tout permis mon entrée au séminaire.

Le temps démentit ces vilaines prévisions et le village commença à croire aux dires de ma tante qui racontait à tout le monde, pleine de fierté, que Luisa avait prophétisé ma vocation. Avec opiniâtreté, elle répétait que: " Peppino deviendra prêtre parce que c'est la volonté de Dieu, et Il l'a dit par la voix de Luisa ".

 Une mer agitée

Plusieurs années se sont écoulées. Mon père et ma mère sont morts prématurément. Notre famille nombreuse s'est éparpillée, trois frères se sont mariés, une sœur habite Trieste, une autre Bologne, mon frère est en Suisse. Notre maison est restée vide, uniquement habitée par notre tante Rosaria à qui nous en avons laissé la jouissance.

J'étais désormais étudiant en théologie au Collège d'études supérieures de Santa Fara. J'avais reçu les ordres mineurs et le diaconat.

Pendant l'été, l'ensemble des étudiants se rendait au couvent de Giovinazzo. Surplombant la mer, c'était un endroit idéal où passer l'été. De plus, le grand séminaire y était installé. Une fois, au mois d'août, nous nous rendîmes sur la plage. La mer était plutôt agitée. Imprudemment, un étudiant alla se baigner mais, immédiatement, il fut englouti par les flots. Deux de mes compagnons et moi-même, très bons nageurs, nous nous lançâmes à son secours mais la tempête fit que nous fûmes emportés par les vagues qui nous jetaient contre les rochers et nous poussaient sans cesse vers le large.

Luttant contre la mer, à demi assommé, je méditais sur la mort et pensais: " C'est fini, je ne réussirai plus à être prêtre ! ". J'invoquais alors Luisa en disant: " Luisa, toi qui étais une sainte, aide-moi ! " et je me laissais aller. Je sentis brusquement que mon corps était saisi par les mains de mes confrères et je fus tiré au sec avant d'être définitivement englouti par les flots.

Sorti de l'eau, j'étais tout sanglant et lacéré, mais bien vivant. Luisa m'avait sauvé et elle avait sauvé mes trois autres compagnons d'infortune.

La nuit, je vis Luisa en rêve. Elle me regardait de ses deux grands yeux, restés gravés dans ma mémoire, mais elle ne me dit rien.

Etait-ce un rêve prémonitoire ou du délire ? Quoi qu'il en soit, j'eus une forte fièvre les jours suivants, mais je m'en remis.

L'année suivante, j'étais prêtre. Je fus ordonné par l'Archevêque de Bari qui, à l'époque, était Mgr Enrico Nicodemo, en l'église des Père Capucins de Triggiano, le 14 mars 1964.

Photo P. 74:

Frère Bernardino Giuseppe Bucci, alors étudiant capucin, au milieu de ses camarades dans une photo souvenir (le second en haut, à gauche, à côté du Directeur).

CHAPITRE SIX

Prophétie de la pourpre

Le Cardinal Cento - de vénérée et sainte mémoire ! - était également très proche de Luisa Piccarreta.

Il venait la voir régulièrement, dès les débuts de son sacerdoce. Ma tante me parlait souvent du Cardinal Cento qu'elle continuait à appeler simplement le Père Cento ou Don Cento, même après qu'il eût été créé Cardinal.

Tant et si bien qu'au début je n'avais pas réalisé que le père Cento et le Cardinal Cento ne faisaient qu'un. C'est en prenant un jour, des mains du facteur, une lettre timbrée du Vatican et ornée de l'emblème cardinalice, que je compris finalement qui était ce Père Cento dont ma tante me parlait si souvent. Je lui demandais alors pourquoi elle parlait d'un cardinal avec tant de familiarité et elle me répondit: "Je connaissais bien le Père Cento, il était un frère pour moi. Chaque fois qu'il venait voir Luisa à Corato, c'était moi qui l'accompagnait chez l'archiprêtre, à l'évêché de Trani. Je lui ai fais visiter Corato à plusieurs reprises. C'était un homme gai, qui aimait plaisanter; quand il disait sa messe, on aurait dit un ange. J'étais jeune quand j'ai connu le Père Cento et nous avons souvent mangér ensemble chez Luisa, avec Angelina. Une fois il m'a raconté que Luisa lui disait souvent "que j'aurais été teint de pourpre" mais - commentait-il en riant - "je ferai de mon mieux pour éviter de me faire déguiser comme pour le mardi-gras". Un jour pourtant, je vis le Père Cento bien sombre, il ne plaisantait plus et ne prononça que quelques mots. C'était quand Luisa fut condamnée. Malgré la censure du Saint-Office, le Père Cento ne cessa pas de venir la voir. Quand, une fois, je lui ai demandé pourquoi, à son avis, ce désastre s'était-il produit, il me répondit sèchement: "Je vous en prie, Rosaria, ne parlons pas de cela, c'est nous qui en souffrons le plus" puis, après un long silence, il ajouta "ce sont là de terribles épreuves que le Seigneur nous envoie"".

Comme on le sait, le Père Cento a joué un rôle important à la Curie romaine.

Ma tante a continué ses contacts épistolaires avec lui et il semblerait que le Cardinal ait fait jouer toute son influence pour que le corps de Luisa soit ôté du cimetière pour être inhumée dans l'église même de Sainte-Marie-la-Grecque.

Je dois dire que j'ai commis une grande omission: je n'ai pas conserver la correspondance entre ma tante le Cardinal Cento. A la mort de ma tante, en effet, ses enfants débarrassèrent la maison et jetèrent tout ce qui, à leur avis, n'avait aucune importance, dont notamment les lettres du Cardinal Cento.

Il s'agit d'une grande perte. Ces informations auraient donné du poids à ce que j'ai exposé jusqu'ici et nous aurions pu connaître la pensée du Cardinal Cento sur Luisa Piccarreta. Il faudrait faire des recherches dans les archives de la famille du Cardinal pour récupérer ce matériel.

Guérison d'un évêque

En 1917, le nouvel Archevêque de Trani, Mgr Regime, sans doute influencé par la partie du clergé qui non seulement n'accordait aucun crédit à ce qui arrivait à Luisa Piccarreta mais lui manifestait même ouvertement son hostilité, le nouvel Archevêque de Trani, donc, avait promulgué un décret très rigide à l'égard de cette servante de Dieu: il y interdisait aux prêtres de fréquenter sa maison et d'y célébrer la sainte messe, alors que ce privilège avait été accordé à Luisa par Léon XIII puis confirmé par Pie X en 1907.

Le décret prévoyait que cette disposition soit lue dans toutes les églises du diocèse.

Voici les faits: (1)

Alors qu'il apposait sa signature sur le "fameux décret", Mgr Régime fut soudainement pris d'une paralysie partielle. Quand les prêtres autour de lui le secoururent, il leur fit comprendre par ses signes qu'il voulait être conduit chez Luisa.

Ma tante décrit ainsi ce curieux épisode: "Il était environ onze heure quand nous entendîmes le bruit d'une voiture s'arrêtant devant la porte de Luisa. Je suis sortie sur le balcon pour voir de qui il s'agissait et je vis trois prêtres, dont l'un était nettement soutenu par les deux autres. Luisa me dit: "Ouvre la porte, c'est l'Evêque". C'était vrai, derrière la porte se trouvait Mgr Regime soutenu par deux prêtres - probablement son Vicaire et le Greffier de la Curie de Trani -. L'Evêque balbutiait des mots incompréhensibles. On l'accompagna tout de suite dans la chambre de Luisa. C'était la première fois qu'il s'y rendait. Dès qu'elle le vit, cette Servante de Dieu lui dit: "Excellence, bénissez-moi". L'Evêque leva le bras comme si rien ne s'était passé. Il lui donna sa bénédiction. Il était complètement guéri.

Mgr Regime resta dans la chambre de Luisa, à huis clos, pendant environ deux heures. A la surprise de tous, notamment celle des prêtres présents, il en sortit souriant. Il donna sa bénédiction aux personnes présentes et s'en alla."

On essaya de garder le secret pour le grand public. Tant qu'il resta à Trani, Mgr Regime rendit souvent visite à Luisa avec qui il s'entretenait de choses spirituelles. Le clergé conçut une sainte crainte de l'événement et le saint confesseur de Luisa, le Père Gennaro Di Gennaro, put continuer son ministère avec une plus grande sérénité. Même Annibale Maria Di Francia intensifia ses visites à la Servante de Dieu après cet événement.

Note du chapitre 6

1) L'épisode m'a été raconté par ma tante, puis confirmé par mon curé, Don Cataldo Tota, par Mlle Mangione et par Mlle Lina Petrone, alors ministre du Tiers Ordre Dominicain.

Alors qu'il parlait de Luisa-la-sainte avec certains fidèles (par trop zélés), Don Cataldo prononça les mots suivants: "Il faut faire attention avec les saints, sans ça on risque de se brûler. Les saints appartiennent à Dieu, pas aux hommes. Soyez donc attentifs pour qu'il ne vous arrive pas ce qui est arrivé à Mgr Regime, qui a apposé sa signature bien trop rapidement."

CHAPITRE SEPT

Luisa et les enfants de Corato

Les vieilles femmes de Corato, encore dans mon enfance, affirmaient avec force que lorsque Luisa sortait de chez elle, la nuit, dans une voiture fermée pour ne pas être vue, les gosses de Corato déguerpissaient en voyant arriver sa voiture et criaient: " Voici Luisa la Sainte... ". Luisa ne pouvait sortir que la nuit parce que les autorités ecclésiastiques en avaient décidé ainsi pour éviter les rassemblements et les risques de manifestations fanatiques. Une fois par an, en général en été, Luisa se transférait ailleurs afin que l'on puisse procéder à l'entretien extraordinaire de sa maison: passage des murs internes à la chaux, changement du bourrage des paillasses, lavage et cardage de la laine des matelas.

Les familles aisées de Corato se disputaient l'honneur de recevoir Luisa, dont notamment les familles Capano, Cimadomo, Padroni Griffi, Azzariti et d'autres. Elles envoyaient une voiture chercher Luisa. A l'occasion de ces transports, effectués dans le secret, il arrivait que les enfants de Corato, dûment inspirés, se réunissent dans les rues pour annoncer le passage de Luisa: " Sortez tous, c'est Luisa la Sainte qui passe!". Et les habitants sortaient tous sur le seuil de leurs portes, une lanterne à la main.

Un jour, je sus que mon père s'était souvent joint aux autres gosses du village lors des ces rassemblements nocturnes, fêtant Luisa qui passait. Désormais adulte et étudiant chez les Capucins, je demandais une fois à mon père: "Quelqu'un vous prévenait au préalable?". "Non - me répondit-il - quelque chose parlait en nous et nous savions que ce soir-là la voiture de Luisa devait passer".

Le soldat manqué

Divers événements et certains revers financiers firent que notre famille, autrefois plutôt aisée, tomba pratiquement dans l'indigence. Différents malheurs nous frappèrent: mort de deux sœurs de ma tante, paralysie partielle de leur père, émigration du frère aîné en Argentine pour y chercher fortune. En fin de compte, toutes nos propriétés furent vendues ou hypothéquées.

Il ne restait plus que mon père - Francesco - le cadet, pour gérer les biens familiaux et reprendre en mains le destin familial, il n'avait plus qu'un four à bois.

La première Guerre mondiale était déclarée et Francesco fut appelé sous les armes.

Leur mère pressait Rosaria de parler avec Luisa. C'était la seule, selon elle, en mesure de résoudre leur triste situation. Rosaria faisait semblant de ne pas entendre jusqu'au jour où sa mère, usant la manière forte, lui dit: " Si tu ne parles pas aujourd'hui même avec Luisa, dès demain je t'interdirai d'aller chez elle et tu resteras à la maison pour t'occuper du ménage ".

Rosaria s'en fut chez Luisa, le visage sombre. Ce fut Luisa qui l'appela: " Pourquoi ne me dis-tu rien ? Cela fait longtemps que je suis au courant. Dis bien à ta mère que Francesco ne partira pas ". Et il en fut ainsi...

Quand mon père alla se présenter, il avait un tel œdème au cou qu'il passa en révision. L'œdème était sans douleur et, sur le trajet de son retour à la maison, disparut. Ce phénomène se reproduisit trois ans de suite, jusqu'au moment où il fut définitivement réformé.

Cet épisode me fut confirmé par mon père qui disait, en accompagnant par des gestes son dialecte de Corato " Ched femn ma fatt vdai caus nov " (Cette femme m'a fait connaître de nouvelles choses).

En faisant marcher son four à bois, mon père réussit à redresser, du moins en partie, les finances de notre famille.

La résurrection d'un enfant

Cet épisode étonnant m'a été raconté par Mlle Benedetta Mangione alors qu'elle était très âgée. Elle avait le même âge que Rosaria et, comme elle, faisait partie du groupe de jeunes filles qui allait chez Luisa apprendre à faire la dentelle aux fuseaux.

Voici le récit qu'elle me fit: " Un matin de 1920 ou 21, alors que j'étais chez Luisa après avoir entendu la sainte messe célébrée par son confesseur, le Père Gennaro Di Gennaro, une jeune femme bouleversée se présenta chez la Servante de Dieu. Poussant des cris de désespoir, elle déposa sur les genoux de Luisa son nourrisson mort, puis elle s'agenouilla à la tête du lit, pleurant toutes les larmes de son corps. Tous les présents étaient figés, stupéfaits, et Rosaria essayait de la relever. Les mots qu'elle utilisait me firent comprendre qu'il s'agissait de l'une de ses parentes. Luisa ne s'impatienta pas. Elle se mit à caresser l'enfant déposé sur ses genoux et s'adressa à la mère: "Qu'y a-t-il Serafina ? Reprends donc Luigi et donne-lui le sein, il a faim ! Ce disant, elle remis le nourrisson dans les bras de sa mère. "

Rosaria l'accompagna hors de la pièce et l'exhorta à rentrer chez elle, ce que la jeune femme fit sans attendre.

Mlle Mangione, à l'instar de tous ceux qui assistaient à la scène, restèrent convaincus qu'ils avaient assisté à un résurrection. Toutefois, comme ils savaient que Luisa ne voulait pas que certaines choses se sachent, ils n'en parlèrent jamais.

Rosaria ferma les rideaux du lit et fit sortir tous les gens de la pièce , leur disant que Luisa devait se recueillir en action de grâce pour la communion qu'elle venait de recevoir.

Le confesseur de Luisa ne prononça pas un mot, et s'en fut avec la mère du nourrisson.

Quelques jours après ces faits, Rosaria dit à Angelina en parlant de son frère et de sa belle-sœur: " Il faut que ces deux-là cessent d'aller à l'opéra, sans quoi ils finiront tous les deux en prison ".

Voici les faits ce cette mort présumée du nourrisson en question.

Francesco Bucci et Serafina Garofalo, mes parents, étaient jeunes mariés et nourrissaient tous deux une passion pour l'opéra où ils allaient dès qu'ils le pouvaient. Ils eurent un fils qu'ils appelèrent Luigi. Un soir, on jouait (il me semble) Rigoletto à l'Opéra de Corato. La tentation fut telle qu'ils installèrent confortablement leur enfant dans son berceau et s'en allèrent. Quand ils rentrèrent - c'était presque l'aube - l'enfant s'était retourné dans son berceau et avait suffoqué. Pris de panique, Francesco s'enfuit de Corato alors que Serafina, en proie au désespoir, enveloppait son nourrisson dans une couverture et se rendait chez Luisa. Jamais personne ne parla jamais de cet épisode à la maison. Pourtant, il arriva qu'une fois ma mère parla d'un nourrisson ressuscité mais, sans doute en raison d'un sentiment de culpabilité, elle ne dit pas de qui il s'agissait.

Tout ce que je peux en dire c'est que ma mère portait un amour viscéral à l'aîné de ses enfants et qu'elle nourrissait une vénération sans borne pour Luisa la Sainte, au point qu'il en parlait souvent. Mon frère aîné, Luigi, portait également une grande vénération à Luisa. De fait, en 1938, après la condamnation de Luisa, Rosaria vint chez nous et voulut y brûler tout ce qui avait appartenu à Luisa. Mon frère, alors âgé de 18 ans (il attendait d'être appelé au service militaire), s'insurgea. Même quand il lui fut dit que ceux qui n'obéissaient pas à l'Eglise finissaient en enfer, il répondit: " J'irai en enfer, mais personne ne brûlera cela " et, par précaution, il rangea tout ce qui avait appartenu à Luisa dans un coffret qu'il emporta avec lui.

Actuellement ces objets se trouvent chez ma belle-sœur, Rita Tarantino. Elle et ses enfants les conservent soigneusement.

Isa Bucci et Luisa Piccarreta

La maison de Luisa était fréquentée par mes sœurs Luisa, Maria et Gemma et par mes frère Agostino et Luigi, ainsi que par moi, le plus petit de la famille, Giuseppe, surnommé Peppino.

Nous avons tous donné nos témoignages écrits sur Luisa Piccarreta, mais nous n'en avons donné que l'essentiel, par une sorte de pudeur. Pourtant, moi du moins, je connais d'autres choses qui se racontaient en famille.

Ma sœur aînée, Luisa, était celle qui fréquentait le plus souvent la Servante de Dieu. Elle n'y allait pas pour apprendre à faire de la dentelle, mais simplement parce qu'elle était la nièce de Rosaria. Il lui arrivait souvent d'aider Angelina et tante Rosaria dans la maison et elle avait beaucoup de familiarité avec Luisa. C'est elle qui veilla Luisa, la nuit, durant sa dernière maladie. Quand le médecin confirma que Luisa était morte, c'est elle qui prit l'initiative de lui faire sa toilette mortuaire, de l'habiller et d'essayer de l'étendre sur son lit de mort.

Photo P. 83:

Mes parents, Francesco Bucci et Serafina Garofalo.

Voici ce qu'elle raconta à son retour à la maison:

" Luisa une fois morte, un climat entre la vénération et la crainte se créa. Personne n'osait la toucher. Rosaria et Angelina, en sanglots, avaient été éloignées de la chambre. J'ai essayé de l'allonger sans y parvenir. Les jambes se levaient ou sa bouche s'ouvrait comme si elle avait voulu dire: "Laissez-moi en paix". J'ai donc proposé à sa nièce, Giuseppina, et aux personnes présentes de la changer tout de suite, avant que ne s'installe la rigor mortis. Nous nous y sommes employées. Nous l'avons ensuite transportée dans une pièce voisine où nous avions dressé une sorte de catafalque entièrement tendu de blanc. C'est alors que, fort étonné, je me rendis compte en la transportant que Luisa ne pesait presque rien. Ceci expliquerait donc pourquoi, à chaque fois que je voyais ma tante Rosaria la prendre et la déposer sur la chaise roulante pour refaire son lit, tout avait l'air facile. Nous plaçâmes sur la poitrine de Luisa une sorte de bavoir où était brodé le mot "FIAT" et on lui mit sa croix de tertiaire dominicaine".

Ma sœur plia la chemise qu'elle venait d'ôter à Luisa et la porta à Rosaria qui lui dit: " Emporte-la à la maison ". C'est ma sœur Gemma qui l'a actuellement.

La croix des tertiaires dominicaines que Luisa portait sur son lit de mort lui fut ôtée le jour de son enterrement. Ma tante Rosaria l'a ensuite toujours portée. C'est maintenant moi qui en suis le possesseur et je la conserve pieusement.

Photo P. 84:

La croix des tertiaires dominicaines ayant appartenu à Luisa Piccarreta. Cette croix est actuellement conservée par le Père Bernardino.

Gemma Bucci et Luisa Piccarreta

Quand nous étions petits, nous fréquentions tous la maison de Luisa, en particulier mes sœurs qui y allaient pour apprendre l'art de la dentelle aux fuseaux. Petite et menue, ma soeur Gemma avait presque le même âge que moi. Presque tous les jours, elle accompagnait volontiers Rosaria chez Luisa. Toutes deux l'aimaient beaucoup. C'est Luisa qui avait suggéré à mes parents de m'appeler Giuseppe et de changer le nom de ma sœur, Giuseppina, en Gemma. C'est ce qu'ils firent: on me donna le nom du père terrestre de Jésus et ma sœur, âgée de deux ans au moment de ma naissance, ne fut plus connue que sous le nom de Gemma, même si elle conserva son nom de Giuseppina à l'état civil.

Gemma entrait et sortait sans problème de la chambre de Luisa. Luisa aimait sa vivacité et la chargeait de ramasser les épingles qui tombaient par terre. Il arriva un jour que ma sœur se cacha sous le lit de Luisa, sans doute pour faire une farce à notre tante. Elle se retrouva le témoin involontaire d'un phénomène mystique.

Sur sa table de chevet, Luisa tenait un petit Jésus sous une cloche de verre. A un certain moment, ma sœur sentit quelque chose de bizarre. Un grand silence était tombé sur la pièce, on n'entendait même plus les jeunes dentellières travaillant dans la pièce à côté. Gemma sortit de dessous le lit et vit que le petit Jésus s'était animé, que Luisa l'avait pris dans ses bras et l'embrassait à plusieurs reprises. Gemma ne se souvient pas combien de temps dura cette scène, elle resta immobile, contemplant l'événement puis, sans que plus rien d'étrange ne se produise, tout rentra dans l'ordre. Rosaria entra dans la chambre, comme d'habitude, et Luisa faisait de la dentelle. Ma sœur ne me parla jamais de cet épisode quand nous étions petits. Elle gardait jalousement ce secret dans son cœur. Je ne le sus qu'après son témoignage lors du procès diocésain de canonisation (témoignage acquis au dossier). Je suis convaincu que Luisa a toujours veillé sur ma sœur Gemma et j'ai été le témoin d'une grâce particulière qu'elle lui a faite.

A l'occasion de son second accouchement, l'incapacité du médecin et de ses assistants fit que ma sœur risqua de mourir. On lui lacéra l'utérus, ce qui lui provoqua une terrible hémorragie. Le médecin sortit de la salle d'accouchement pour dire à la famille ces mots terribles: "L'enfant est sauvé, mais pour la mère, il n'y a plus rien à faire ". Tout le monde éclata en sanglots, pourtant l'image de la chemise de Luisa me revint en mémoire. Je me précipitais à Corato dans notre maison familiale, je réveillais la tante Rosalia au cœur de la nuit et lui racontais ce qui se passait, en lui demandant de me prêter la chemise de Luisa. En pleurs, elle la sortit de la commode et nous repartîmes immédiatement pour l'hôpital de Bisceglie. Nous demandâmes à une infirmière de mettre la chemise de Luisa sous la tête de Gemma, ce qui fut fait sans plus attendre. Le Chef de clinique était parti. Quelques minutes plus tard, son assistant nous appela et nous dit: " Si vous m'en donnez l'autorisation, je l'opère tout de suite ". L'autorisation fut donnée, malgré l'observation du mari de Gemma: " Opérez-la si elle est inconsciente, sinon il est inutile de la faire souffrir plus longtemps ".

Un ami de mon beau-frère, infirmier à l'hôpital psychiatrique de Bisceglie se présenta. Il fit don de six litres de son sang pour la transfusion. L'opération réussit et Gemma fut sauvée. Rosaria ne douta pas de l'intervention de Luisa en l'occurrence.

Gemma raconte: " Le chirurgien était en train d'opérer et j'ai vu Luisa aux pieds de la table d'opération avec mon enfant dans ses bras: "Lui, il est destiné au Paradis, toi, par contre, tu vivras longtemps". Je ne sais comment mais j'étais consciente d'avoir la chemise de Luisa sous la tête. ". Le lendemain, l'enfant fut mystérieusement atteint par une bronchite aiguë. J'eus juste le temps de le baptiser avant qu'il ne mourut. Toute la famille considéra cet épisode comme un miracle véritable. A l'époque, on ne parlait pas encore de canonisation et on ne pensa donc pas à recueillir les témoignages du chirurgien et des infirmiers qui, eux aussi, étaient convaincus qu'un miracle avait sauvé ma sœur, son cas clinique étant unique et inexplicable.

Photos p. 88:

Mgr Giuseppe Bianchi Dottula, Archevêque de Trani, le premier à s'être intéressé à la Servante de Dieu, Luisa Piccarreta.

Federico Abresch, tertiaire franciscain. Sur décision du Père Pio da Pietrelcina, il fut le premier apôtre de la Divine Volonté à San Giovanni Rotondo. C'est lui qui divulgua les écrits de Luisa Piccarreta.

CHAPITRE HUIT

Une guérison

Une voisine raconte un épisode qui se produisit en 1935.

Sa belle-sœur, qui avait une tumeur au cerveau, était en train de mourir.

Le mari et deux des fils avaient été appelés sous les armes pour la conquête de l'Ethiopie et il ne restait plus qu'une fille à la maison, Nunzia.

La famille possédait de nombreux hectares de terrain.

Nunzia demanda à Rosaria d'avoir une entrevue avec Luisa, dans l'espoir d'une guérison.

Rosaria, attendrie par cette requête, lui promit de l'aider et en parla à Luisa qui lui répondit: " Il est inutile qu'elle vienne me voir car je suis incapable de faire des miracles et, même si elle ne vient pas, je prierai quand même le Seigneur pour elle. Donne-lui plutôt ce message: à Sainte-Marie-la-Grecque, on fait les Quarante Heures. Qu'elle aille prier le Seigneur et qu'elle Lui demande les grâces dont elle a besoin, mais recommande-lui de le faire avec beaucoup de foi ".

La jeune fille reçut le message avec déception, elle aurait préféré avoir un contact direct avec Luisa pour lui parler de ses problèmes.

Rosaria s'en aperçut et lui dit: "Vas donc faire ce que t'a dit Luisa!". Rosaria connaissait bien Luisa et elle savait interpréter ses paroles.

La jeune fille se rendit donc à l'église et s'agenouilla devant le Très Saint Sacrement, laissant libre cours à sa douleur.

Deux heures plus tard, elle rentra chez elle. Mais une impression de trop grand silence régnait dans la maison: une de ses parentes, qu'elle avait laissée là pour s'occuper de sa mère durant son absence, était sortie.

Nunzia entra donc dans la chambre de sa mère et se trouva face à un spectacle affreux. Sa mère baignait dans une mare de sang. Il y en avait partout.

Devant ce désastre, la jeune fille poussa un cri de douleur, croyant sa mère morte. Pourtant l'incroyable se produisit: sa mère se réveilla de son état léthargique et lui demanda, étonnée, pourquoi avait-elle poussé un tel cri.

La tumeur s'était vidée et, de la tête jusqu'alors enflée, tout le liquide s'était évacué par le nez, se répandant sur le lit.

Elle était guérie!

Dans les jours suivants, Nunzia se rendit chez Luisa avec sa mère pour la remercier. La Servante de Dieu ne les reçut toutefois pas, leur faisant dire qu'elle n'était pas au courant de la grâce reçue, qu'elle n'avait rien à y voir: " Qu'elles aillent donc remercier le Seigneur qui leur a fait la grâce!" (1)

 Des chevaux capricieux

En 1970, alors que j'étais Curé-Adjoint de la paroisse de l'Immaculée à Barletta et Assistant local et régional de la Jeunesse franciscaine, après la Messe du dimanche de 10h00, réservée aux jeunes, alors que j'ôtais les parements sacrés, une certaine Mme Livia D'Adduzzio entra dans la sacristie. Elle m'avait entendu citer le nom de Luisa Piccarreta dans mon sermon et elle venait me dire qu'elle était originaire de Corato et qu'elle avait connu Luisa dans sa jeunesse.

Je m'intéressais immédiatement à ce qu'avait à me dire cette femme, tertiaire franciscaine et fidèle paroissienne.

Son mari, Savino D'Adduzzio, était un grand bienfaiteur du couvent. Il avait financé les inscriptions que le père Ugolino da Belluno avait réalisé dans le sanctuaire.

La famille D'Adduzzio était très riche. Elle possédait de nombreux terrains mais les époux, Savino et Livia, n'avaient pas eu d'enfants.

Je fixais donc un rendez-vous avec Mme D'Adduzzio pour enregistrer ses souvenirs sur la Servante de Dieu et, le lendemain matin, dès 9h, j'étais chez les D'Adduzzio. Ils habitaient non loin de la paroisse, à environ cinquante mètres, dans une rue qui donnait sur la via Milano.

Mme D'Adduzzio connaissait bien la vie que menait Luisa et les phénomènes qui l'accompagnaient. Il y en avait que j'ignorais complètement. Elle me dit qu'elle avait également bien connu ma tante et la sœur de Luisa, Angelina. Elle avait même assisté à l'enterrement de la Servante de Dieu.

Elle parlait avec enthousiasme et, parmi les nombreu faits qu'elle me raconta, un phénomène concernant des chevaux piqua ma curiosité. Je n'en avais jamais entendu parler. Je me fis répéter plusieurs fois l'épisode en prenant des notes.

Voici son témoignage: " En 1915, j'avais dix ans et j'étais allée avec ma mère à l'église de Sainte-Marie-la-Grecque pour assister aux Quarante Heures. Alors que nous écoutions la réflexion sur l'Eucharistie du prêtre, nous entendîmes un grand bruit qui venait de l'extérieur. Un homme criait "Hue! hue!" et on entendait son fouet claquer.

Saisis par la curiosité, tous les enfants qui se trouvaient dans l'église sortirent, suivis du prêtre et de quelques fidèles. Deux chevaux attelés à une voiture fermée étaient devant l'église, mais ils étaient agenouillés.

Le prêtre comprit tout de suite de quoi il en retournait et, s'agenouillant à son tour, déclara: "C'est Luisa la Sainte qui adore l'Eucharistie de Jésus!".

Nous nous agenouillâmes tous à notre tour, en silence. Après un long moment, le prêtre ouvrit la porte de la voiture. Il adressa quelques mots à Luisa et, tout de suite, les chevaux se relevèrent et la voiture s'éloigna.

Nous rentrâmes alors dans l'église et le prêtre reprit son exhortation. ".

Après son récit, je lui posai quelques question: " Etait-elle sûre que c'était bien Luisa qui se trouvait dans la voiture ? Pourtant, à ma connaissance, elle ne sortait jamais de chez elle ".

" C'est vrai - me répondit-elle - elle ne sortait que très rarement et toujours le soir, uniquement par hygiène, pour permettre que l'on puisse battre les matelas de paille ou de laine et en faire sortir les parasites, en particulier les puces et les punaises qui sont choses courantes en milieu rural ".

"Comment pouvez-vous affirmer que les chevaux s'agenouillèrent pour permettre à Luisa d'adorer l'Eucharistie de Jésus?".

"Je peux dire que tous crurent à un miracle et que le phénomène fit le tour de tout Corato. Certes, beaucoup n'y crurent pas. Les prêtres, en particulier, continuaient à dire que Luisa n'avait rien à voir avec cet incident, que cela avait été un simple caprice des chevaux qui, d'une manière fortuite, s'étaient arrêtés devant l'église de Sainte-Marie-la-Grecque et que Luisa ne se trouvait pas dans la voiture".

Je lui posais une dernière question: "Et vous, êtes-vous sûre que Luisa se trouvait dans la voiture?". "Tout à fait sûre - me répondit-elle -. J'ai vu Luisa de mes propres yeux quand le prêtre a ouvert la porte de la voiture et lui a parlé. Il me semble que le prêtre en question était Don Gennaro Di Gennaro".

"Mais n'était-ce pas le prêtre que l'évêque avait nommé pour être le confesseur de Luisa?".

"Je ne sais pas, je sais simplement qu'il s'agissait d'un saint homme que tout Corato avait en estime et qu'il avait reçu une grâce par l'intermédiaire de Luisa".

C'est sur ces mots que notre entrevue se termina. (2)

Le cénacle de via Panseri

En 1943-44, ma famille habitait via Pansieri, où elle exploitait un four à bois qui marchait très bien.

Non loin du four habitait ma tante Nunzia, une sœur de ma mère qui, restée veuve, avait convolé à nouveau avec un autre veuf, un cultivateur que nous appelions zi'Ciccil.

En face de chez ma tante habitait une famille extrêmement pauvre avec beaucoup d'enfants. Ils ne possédaient qu'une vache. Ils vivaient de la vente du lait de cette vache et de quelques expédients, genre vols à la tire, etc.

La femme s'appelait Maria, mais tout le monde la surnommait Marietta la vachère.

Cette famille avait une particularité: les gens de la rue se réunissaient avec elle autour d'un grand feu. Un vieil aveugle y venait avec sa mandoline pour chanter des épisodes sur les événements, présents et passés, qui avaient marqué la vie de Corato. Il ravissait tout le monde. Quel dommage que les magnétophones, à l'époque, n'existaient pas. On aurait pu enregistrer ces improvisations !

Il chantait ainsi des faits qui avaient eu lieu et qu'il mettait en beaux refrains.

Dans son genre, c'était un rhapsode, un Homère en miniature. Il passait ainsi du religieux au tragique, de l'exemplaire à l'héroïque, comme l'histoire de cette mère qui s'était faite tuer pour sauver son fils que poursuivaient les Garibaldiens.

J'avais entre neuf et dix ans, et j'aimais me rendre à ce cénacle avec ma tante. Je me souviens que je m'asseyais sur les genoux du fils aîné de Marietta, qui répondait au nom de Pasquale.

Un soir de grand froid, l'aveugle chanta la légende de Luisa la sainte.

Il la décrivait comme une grande héroïne, vivant entre ciel et terre, au milieu des anges et des saints. Deux épisodes m'impressionnèrent particulièrement: Jésus qui lui parle tout en traînant Sa Croix sur son dos, et l'épisode de la ferme Torre Disperata, avec l'Enfant Jésus jouant et courant dans un champ de blé en tenant la piccirella (la petite Luisa) par la main.

De retour chez moi, je le racontais à ma mère qui m'interdit de fréquenter ultérieurement cette famille. Elle reprocha également à ma tante Nunzia de m'y avoir emmené.

Quant à ma tante Rosaria, qui avait entendu toutes ces choses sur le compte de Luisa, elle fut bouleversée et demanda à mon père de rappeler le vieil aveugle pour le prier d'effacer Luisa la Sainte de son répertoire.

Pour ma tante, c'était une profanation.

Plus tard, une fois adulte, il m'est souvent arrivé de repenser à ce vieil aveugle. Si nous avions eu la possibilité d'enregistrer ces chants sur Luisa, nous serions actuellement en possession d'un poème entier sur la Servante de Dieu. Une chose est certaine, Luisa avait tellement marqué Corato, que tous la considéraient comme une héroïne de sainteté.

Guérison d'un cheval

A Corato, en particulier les soirées d'hiver, il arrivait souvent que plusieurs familles se retrouvent devant un même feu pour écouter les personnes âgées raconter leurs mémoires. C'était passionnant!

La plupart des événements contés, tirés du passé ou du présent, parlaient de Luisa la sainte.

C'est au cours d'un de ces cénacles populaires que j'entendis raconter l'épisode de la guérison du cheval. C'est un très vieil homme (presque centenaire) plein de verve qui, joignant le geste à la parole, le raconta.

Voici son récit:

" Dans ma jeunesse, nous habitions via delle Murge, près de chez Luisa la sainte. J'étais un tout jeune homme quand un grand malheur frappa la pauvre famille de Luisa: on trouva un matin leur cheval moribond dans l'étable. Le père de Luisa, Nicola, appela le vétérinaire qui lui conseilla de vendre tout de suite le cheval au boucher pour en tirer quelque chose, la pauvre bête n'ayant plus longtemps à vivre.

Cette histoire plongea toute la famille Piccarreta dans l'angoisse, car, pour eux, ce cheval représentait un précieux outil de travail.

La famille Piccarreta n'était pas riche et ses seuls revenus venaient du travail du père. Nicola hocha désespérément la tête et dit: " Comment vais-je faire maintenant ? Comment vais-je pouvoir donner à manger à mes cinq filles ? "

Le père Piccarreta travaillait dans une ferme dénommée Torre Disperata. Il était logé avec sa famille dans des locaux que le propriétaire mettait à leur disposition.

Tous les membres de la famille et leurs voisins s'étaient réunis dans l'étable. La seule absente était Luisa, à l'époque âgée de quatre ans. Elle était très attachée à ce cheval et sa maman n'avait pas voulu qu'elle descende dans l'étable pour lui éviter l'émotion.

Pourtant, la petite fille fit tant qu'elle finit par y descendre.

J'étais présent quand elle y arriva.

Luisa s'approcha du cheval et lui caressa la tête en l'appelant par son nom: " Ne meurs pas, je t'aime ".

A ces paroles, le cheval se leva.

Le vétérinaire put constater que la fièvre était tombée et que le cheval avait retrouvé toute sa forme !

La maman de Luisa, Rosa, prit sa fille dans ses bras et l'éloigna en murmurant "Ma fille, ma fille".

Tout le monde était éberlué et pendant longtemps tout le quartier de via delle Murge ne parla que de l'affaire du cheval guéri. Une vieille prophétisa: "Le doigt de Dieu est sur cette petite, vous verrez, tout Corato restera envoûté par les choses qu'elle fera"".

C'est sur ces paroles que se termina le récit du vieil homme presque centenaire.

Un fiancé soldat

Je connaissais une très vieille femme, appelée du nom de Maria Doria, qui racontait que sa mère, du même âge que Luisa, passait ses étés dans une ferme non loin de celle de Torre Disperata où habitait la famille Piccarreta.

Cette dame connaissait bien les phénomènes qui avaient marqué l'enfance de Luisa. Sa mère les lui avait racontés sans lésiner sur les détails.

Enfant, en effet, sa mère jouait avec Luisa et ses sœurs, avec lesquelles elle était intime.

A plusieurs reprises, elles avaient remarqué que Luisa jouait avec un jeune inconnu.

Au début, elles croyaient qu'il s'agissait d'un enfant en vacances dans l'une des maisons voisines.

La chose curieuse est qu'il ne jouait qu'avec Luisa, et jamais très longtemps. Après quoi il disparaissait.

Les sœurs et les petites amies de Luisa lui demandaient qui était ce garçon, mais elle se limitait à sourire sans répondre. Une fois, à la question malicieuse qu'on lui posa: " C'est ton fiancé ? ", elle répondit " Oui !".

Peu à peu, elles comprirent qu'il s'agissait d'un phénomène surnaturel: c'était l'Enfant Jésus qui se manifestait sous les traits d'un jeune garçon. Ce phénomène se produisait chaque fois que Luisa était assaillie par les forces du mal.

Jésus lui apparaissait pour la consoler de ce qu'elle avait subi. Une fois, on la retrouva enroulée en spirale autour des barres de fer de son lit et il fallut appeler le forgeron pour l'en libérer.

Le plus curieux est qu'elle n'eut pas même un bleu.

Une autre fois, on la trouva attachée à un clou du plafond, utilisé généralement pour suspendre les aliments.

Luisa se libérait normalement de ces phénomènes en allant prier la Vierge Marie dans le creux d'un grand tronc de mûrier, qui existe encore.

Une autre fois encore, sur un monticule proche de la ferme un incendie se déclara tout à coup. Le père et la mère de Luisa, sachant que leur fille aimait particulièrement cet endroit, se précipitèrent pour éteindre l'incendie. Inutilement. Ils trouvèrent leur fille tranquillement assise sur un rocher, le visage tourné vers le ciel. Et aucune trace de flamme sur elle.

Il arrivait souvent que Luisa se mette à contempler le soleil, même en plein midi, sans que cela semble gêner ses yeux. Ma tante Rosaria me confia un jour que ce phénomène dura jusqu'à sa mort. De fait, quand on parcourt ses écrits, on voit que Luisa considérait le Soleil comme un astre privilégié, qu'elle rapportait à la Sainte Trinité.

Les années passèrent, Luisa était désormais connue de tout Corato. La première Guerre mondiale battait son plein. Le frère de Maria Doria était engagé, et se trouvait en garnison en Sicile. Dans une lettre, il annonçait ses fiançailles avec une jeune sicilienne.

Leur mère en fut désespérée. Son garçon s'était auparavant fiancé à une jeune fille riche de Corato, un "bon parti". Ces fiançailles avaient été décidés par les parents, comme c'était l'usage à l'époque. Leur mère pleurait: " Mon pauvre fils, on l'a envoûté, c'est la mafia qui entre chez moi ! ". La Sicile était à l'époque sous la coupe du bandit Giuliani.

Un jour, elle demanda à Maria Doria d'aller voir Luisa et de lui dire qu'elle était la fille aînée de son amie d'enfance, et elle lui recommanda de faire bien attention à ce que Luisa lui aurait dit.

Maria Doria s'en fut chez Luisa à via Maddalena. Elle lui présenta les bons souvenirs de sa mère, ce qui fit très plaisir à Luisa. La conversation tourna autour de l'époque où, enfants, elles jouaient ensemble à la ferme de Torre Disperata. Luisa brusquement s'interrompit: " Que de prières et que de mortifications là-bas ! ". Puis, remerciant la jeune fille de sa visite, elle la pria de dire à sa mère de prier beaucoup, comme jadis à la ferme, et de faire tous les exercices de dévotion qui ne doivent jamais être abandonnés si l'on veut que soit accomplie la volonté de Dieu.

Puis, à brûle-pourpoint, regardant la jeune fille elle lui dit: " Pourquoi donc es-tu triste ? ". La jeune fille raconta l'annonce des fiançailles de son frère et les préoccupations de leur mère.

Luisa répondit: " Comment peut-elle savoir si cette deuxième fiancée est moins bien que la première ? Qu'elle prie le Seigneur, et son cœur trouvera sa consolation ".

Maria Doria rapporta le toute à sa mère qui s'exclama: " Dieu soit loué, mon fils est sauf ! ". En effet, elle vint très vite à savoir que la jeune sicilienne était de bonne famille, très dévote, et que deux de ses oncles étaient prêtres.

Son frère finit donc par se marier en Sicile et son ménage fut très heureux, pour le plus grand bonheur de leur mère.

Notes du chapitre 8

1) J'ai beaucoup d'autres récits de guérison, mais j'ai cru bon de ne pas les publier, dans la mesure où tous sont dépourvus de documents prouvant les faits. Certaines guérisons ont eu lieu du vivant de Luisa, d'autres après sa mort. Elles pourront être inclues dans un recueil général de souvenirs. De nombreux épisodes recueillis sous serment et dûment signés sur autorisatin de l'Archevêque, Mgr Giuseppe Carata, sont actuellement conservés dans les dossiers de la cause de béatification de Luisa Piccarreta, Servante de Dieu. J'ai pensé raconter ce seul miracle parce qu'il me semble le plus authentique, et suffisamment antérieur dans le temps pour ne pas donner lieu à un équivoque. Je dois ajouter que cet épisode n'est pas le fruit d'une légende. J'ai entendu ma tante le confirmer, dans un langage concis, sans participation émotive d'aucune sorte.

2) Don Gennaro Di Gennaro fut le confesseur de Luisa et l'obligea à écrire quotidiennement ses expériences. C'était un prêtre irréprochable et les habitants de Corato le tenaient pour un saint. Il souffrait d'un fort défaut de prononciation. Ce défaut disparut un jour: Luisa avait obtenu du Seigneur sa guérison pour que le saint homme puisse annoncer dignement la Parole de Dieu.

CHAPITRE NEUF

Luisa, terreur des puissances diaboliques

En lisant son autobiographie, il est clair que Luisa eut, au début, beaucoup à lutter contre de terribles forces diaboliques qui n'épargnaient même pas son corps.

Dans un passage de ses écrits on lit ces mots: " Je t'ai touchée, Je ne t'ai pas faite immaculée parce que Je n'ai plus à m'incarner, mais Je t'ai ôté la cause du pêché. ". C'était le Seigneur Jésus qui disait cela. Pour les croyants, il est facile de comprendre la portée de ces affirmations qui, d'un point de vue théologique, sont pratiquement incroyables. Certains pourraient hurler au scandale et taxer le tout d'hérésie. Je ne veux pas trancher sur cette question, les tribunaux ecclésiastiques auront amplement le temps de l'examiner et de statuer. Une chose est certaine: à un certain moment de sa vie, Luisa accède à la paix intérieure, à un calme serein qui émane d'elle et impressionne tous ceux qui l'approchent et lui parlent. Tout pouvait se produire autour d'elle sans que rien ne la touche. En 1938, lorsqu'elle est condamnée par le Saint-Office, clergé et fidèles prennent peur, s'agitent, à croire qu'un tremblement de terre a tout fait s'écrouler. Mais, comme d'habitude, Luisa reste calme, comme si elle n'était pas concernée. Elle se soumets docilement aux décisions de l'Eglise et remet tous ses manuscrits au Représentant du Saint-Office. Elle continue tranquillement sa vie de prière, sereine, et poursuit ses travaux de dentelle aux fuseaux.

Luisa est donc confirmée dans la grâce et devient la terreur des démons, lesquels prennent la fuite. Certains épisodes semblent le confirmer.

On raconte que lorsque la voiture fermée de Luisa, la transportant dans une autre demeure pour que les grands nettoyages annuels soient effectués, passait devant certaines maisons, ces dernières se mettaient à trembler et que l'on entendait des bruits de chaînes et des cris de gens en fuite. Ce fut le cas notamment d'un hôtel particulier, donnant sur la place du marché de Corato, encore aujourd'hui en travaux de restauration. On rapporte, en effet, que cet immeuble a été le théâtre de choses terribles: assassinats, pendaisons, tortures, etc.

Une femme racontait qu'elle était allée vivre dans un appartement de Rotondella, en province de Matera, ayant obtenu un poste d'enseignante dans une école primaire. Or, dans cet appartement, elle ne se sentait pas à l'aise car elle y rencontrait souvent un homme, l'air terrible, qui essayait de l'attraper. Pour se défendre elle lui montrait le chapelet qu'elle tenait dans ses mains, faisant fuir ce personnage qui ne pouvait en supporter la vue. La femme, terrorisée, abandonna alors son poste et rentra à Corato avec ses enfants. Personne ne crut ce que racontait cette pauvre femme. Tout le monde la traitait de folle, à commencer par son mari, qui avait des idées francs-maçons. Ne sachant plus quoi faire, elle alla rendre visite à Luisa qui gentiment l'écouta, la consola et lui dit de cesser d'avoir peur parce que le démon n'avait aucun pouvoir sur elle. Cette dernière la somma d'aller reprendre son poste. Suivant ses conseils, la femme décida de repartir en emportant avec elle une photo de Luisa. Elle lui acheta un cadre et la plaça sur sa table de nuit. Un soir, alors qu'elle récitait le chapelet avec ses enfants, elle revit cet homme. Il s'approcha de son lit, prit la photo de Luisa qu'il jeta par terre puis, en criant, il s'enfuit. Après quoi, plus rien. Le calme et la sérénité revinrent dans cette maison. Le sous-verre de la photo de Luisa, qui avait pourtant été si violemment jeté au sol, ne subit aucun mal. Le verre ne s'était même pas cassé. Il est aujourd'hui entre les mains de la belle-fille de cette dame, qui la garde sur sa table de chevet.

Un autre épisode, plus récent, concerne un vol de meubles. Alors que nous participions à un congrès international au Costa-Rica, nous fûmes informés qu'il y avait eu un vol chez Luisa. Les voleurs avaient emporté les meubles anciens qui avaient été ceux des parents de la Servante de Dieu. Cette information nous troubla. A notre retour, on fit circuler le bruit parmi la population que ces meubles pouvaient être dangereux parce que les démons y dansaient quand ils avaient le pouvoir de tenter Luisa. Luisa la sainte était la seule à pouvoir les contenir. Hors de son influence, ils pouvaient se déchaîner. De fait, sans que personne n'y comprenne rien - sans doute les démons se déchaînaient-ils vraiment - des choses incroyables se produisirent en chaque lieu où les meubles étaient entreposés. C'est le seul cas que l'on connaisse, mais les voleurs, une nuit, rapportèrent les meubles en les laissant derrière la porte de Luisa. Cela se passe de commentaires.

J'ai vécu personnellement une autre manifestation de ce pouvoir. L'année dernière, je participais à un exorcisme que pratiquait le père Cipriano, Doyen des exorcistes italiens, dans l'église de Saint-Sévère. L'église était pleine de gens qui se croyaient possédés par le démon. J'avais avec moi une image de Luisa et je la montrais à une femme en lui demandant: " La connais-tu ? ". La femme regarda l'image et me répondit que non, pourtant, à un certain moment, ses yeux s'agrandirent et on entendit une voix venant de sa poitrine qui disait: " Moi, oui ! Moi, oui je la connais, allez-vous en, allez-vous en ! " et je reçus un formidable coup de pied visant à m'éloigner, pendant que quelqu'un cherchait à arracher mon étole. Je porte toujours avec moi une image ou une relique de Luisa.

La sainte mort de Luisa Piccarreta

Quand, le 4 mars 1947, se répandit la nouvelle de la mort de Luisa, on aurait dit que toute la population de Corato s'arrêtait pour mieux vivre un événement extraordinaire. Leur Luisa, leur sainte, n'était plus. Comme une rivière en plein crue, toute la population envahit la maison de Luisa pour la contempler et exprimer son affection à celle qui, pendant tant d'années, avait été estimée et aimée de tous. Le conseil municipal déclara le jour de son enterrement, jour de deuil municipal. Le corps de Luisa resta exposé à la vénération du public (avec l'autorisation du médecin légiste) pour permettre aux milliers de personnes de Corato et des alentours de venir saluer sa dépouille. La force publique dut intervenir pour régler la circulation. L'impression générale était qu'elle était endormie, non qu'elle fut décédée. Son corps, déposé sur un lit d'apparat, était dépourvu de toute rigidité cadavérique. On pouvait lui prendre la main, faire bouger sa tête dans tous les sens, plier ses doigts sans effort, lever ses bras et les plier. On pouvait soulever ses paupières et, sous celles-ci, ses yeux étaient brillants, et n'étaient pas voilés par la mort. Tous, qu'il s'agisse d'étrangers, de prêtres, de personnalités ecclésiastiques ou civiles, tous voulaient constater ce fait unique et merveilleux. De nombreuses personnes sceptiques sortaient de la chambre mortuaire en état de choc, en pleurs, mais se sentant renouvelées. Luisa semblait vivante, comme si un sommeil placide et serein l'avait interrompue un instant. Beaucoup étaient convaincus qu'elle n'était pas morte et certains disaient même: " Appelez donc l'évêque et vous verrez que par le prodige d'un simple signe de croix elle se réveillera, Luisa n'est-elle pas l'obéissance personnifiée ? ". Cet espoir exprimait l'amour ressenti par tous pour la Servante de Dieu. Une consultation de médecins fut convoquée par les autorités religieuses, civiles et médicales. Après un examen attentif, la mort de notre chère Luisa fut confirmée. Tant que Luisa resta exposée à la vénération du public, son corps ne donna nul signe de corruption et n'émana aucune odeur de putréfaction. Telle une reine, elle resta assise sur son lit. On n'était pas arrivé à l'étendre, il fallut donc lui construire un cercueil spécial en forme de "p". Le couvercle et les parois latérales étaient munies de vitres pour permettre à tout le monde de la voir pour la dernière fois. Luisa la sainte qui, pendant presque soixante-dix ans, était restée assise dans son lit sans jamais sortir de sa chambre, fit son dernier parcours entre deux immenses haies de spectateurs, son cercueil porté sur les épaules d'un groupe de fidèles, entouré de sœurs de tous les ordres confondus, au milieu d'un nombre non mieux précisé de prêtres et de religieux. Les obsèques eurent lieu à l'église mère, en présence de tout le chapitre et avec la participation de toutes les confréries de Corato.

Durant les quatre jours de son exposition, je pus aller plusieurs fois saluer et toucher la dépouille mortelle de Luisa. J'emportais avec moi des fleurs provenant de celles qui, continuellement, avaient été déposées à ses pieds ou sur ses jambes. Ces fleurs, pendant des années, je les ai conservées jalousement au milieu des pages de mes livres. Elles furent également données à de nombreux malades qui, à peine les eurent-ils touchées, guérirent et purent ainsi participer aux obsèques. Sur le passage du cercueil, des alités furent portés sur le seuil de leur porte et on raconte que beaucoup en reçurent des grâces spéciales. Luisa fut enterrée dans la chapelle de la famille Calvi, une importante famille du lieu. Le 3 juillet 1963, ses restes furent restitués à Corato pour reposer définitivement dans la paroisse de Sainte-Marie-la-Grecque.

Photo P. 103:

Luisa, dans la sérénité de notre sœur la mort.

Photos p. 104:

Luisa sur son lit de mort. A côté d'elle, sa sœur Angelina, sa fidèle Rosaria et les Filles du Divin Zèle en visite.

Ce cercueil particulier était muni d'une vitre supérieure et de deux vitres latérales.

Photos P. 105:

Le cercueil est porté par des fidèles de la Servante de Dieu.

Tous les habitants de Corato se déplacèrent pour saluer une dernière fois Luisa " la sainte ". Les Filles du Divin Zèle entourent le cercueil.

Le jeune homme mort et ressuscité

Avant de mettre un point final à mes mémoires, je ne peux manquer de rapporter un dernier fait extraordinaire.

J'avais toujours entendu dire qu'un jeune homme mort avait été ressuscité par Luisa. Je l'avais entendu raconter par le vieil aveugle qui venait chanter au cénacle de via Pansieri.

Un jour, on trouva un jeune homme mort, étendu à terre dans une mare de sang. Sa mère, informée de la funeste nouvelle, ne se précipita pas pour voir son fils mais courut plutôt, en criant et la chevelure défaite, vers la maison de Luisa. Tombant à genoux devant la porte, elle criait: " Luisa, Luisa, on a tué mon fils ! ".

La sainte "piccirella", comme l'appelait le vieil aveugle, s'en émut et lui répondit: " Va donc reprendre ton fils, le Seigneur te le rend ".

De pieuses personnes aidèrent la mère à se relever et l'accompagnèrent à l'endroit où son fils gisait.

Dès qu'elle aperçut son fils, la mère, passant outre les policiers de garde, se jeta sur son corps qu'elle prit dans ses bras en l'embrassant, telle une Mater Dolorosa au pied de la Croix.

Soudainement, le jeune homme ouvrit les yeux et dit: " Maman, ne pleure pas, je suis là ! ".

En entendant ce récit, toute l'assemblée pleurait, notamment les femmes dont les fils étaient partis en guerre.

Il est arrivé que j'entende parler de cet épisode dans ma famille, mais rarement. Je me souviens que ma tante Rosaria dit un jour à mon père: " Ne commence pas à dire des bêtises, mange plutôt ! ". Mon père était justement en train de raconter l'histoire de ce jeune homme ressuscité par Luisa la sainte.

Dans ma paroisse, j'ai entendu une fois Mlle Redda, appartenant au Tiers Ordre franciscain, raconter ce miracle à un groupe de femmes. S'apercevant de ma présence, elle se mit immédiatement la main sur la bouche, regrettant son imprudence. Notre curé, Don Cataldo Tota, qui était également présent lui dit: " Il ne faut pas dire en public certaines choses tant que les intéressés sont vivants. ".

Je n'ai jamais accordé beaucoup de crédit à cet épisode, toujours raconté à mi-voix, parce qu'il me semblait bien incroyable. Ma tante Rosaria ne voulut jamais répondre à mes questions sur ce thème et se limitait à clore la conversation par un: " Laisse donc ces bêtises ! ".

Je compris qu'il existait une interdiction absolue de parler de cela, aussi bien de la part de Luisa que de la part du clergé.

Le récit du vieil aveugle me paraissait trop fantaisiste, trop artificiel, ressemblant plus à une tragédie grecque qu'à un fait réel. Jusqu'à présent, je n'en avais jamais parlé dans mes écrits pour ne pas exposer la Servante de Dieu au ridicule, pensant que cet épisode était né de l'imagination populaire.

Depuis, j'ai lu une lettre du Bienheureux Annibale Maria Di Francia où ce dernier affirme qu'il y a eu résurrection d'un jeune homme mort. J'ai donc cru bon de parler ici de ce fait dont j'avais entendu parler.

Le bienheureux Annibale confirme, avec son autorité de saint, que la résurrection du jeune homme mort fut le résultat des prières de Luisa Piccarreta.

Cette lettre est datée du 5 mai 1927. Quelques jours après, le 1er juin 1927, le bienheureux Annibale mourait dans la sérénité à Messine.

Photo P. 108:

Lettre que le bienheureux Annibale Maria Di Francia envoya à Luisa Piccarreta quelques jours avant de mourir. Il y confirme qu'il y a bien eu miracle.

NOTES BIOGRAPHIQUES SUR L'AUTEUR

Le père Bernardino Giuseppe Bucci est né à Corato, le 15 juin 1935, de Francesco Bucci et de Serafina Garofalo. Il était le dixième de douze enfants. En 1940, sa tante Rosaria le conduisit pour la première fois chez Luisa Piccarreta et, en 1944, celle-ci prophétisa qu'il prendrait les ordres.

En 1947, il assiste aux obsèques solennelles de la Servante de Dieu et, en 1948, il entre au Séminaire séraphique de Barletta.

En 1951, il perd sa mère à laquelle il était tendrement lié alors qu'il fréquente le Séminaire séraphique de Francavilla Fontana.

En 1955, il entre au noviciat des Frères Capucins à Alessiano, dans la province de Lecce. Il suit ses études de philosophie au Collège d'Etudes supérieures de Scorrano.

En 1959, il perd son père et, en 1960, il est transféré au Collège d'Etudes supérieures de Théologie de Santa Fara. Le 14 mars 1964, en l'église des Capucins de Triggiano, il est ordonné prêtre par S.Exc. Mgr Nicodemo, Archevêque de Bari.

Il est ensuite envoyé à Rome au Collège international pour se spécialiser en théologie missionnaire. A son retour dans sa Province, il est envoyé au couvent de Scorrano pour y remplir le rôle de Père spirituel du Séminaire séraphique.

En 1968, il part au Portugal pour y apprendre le portugais en vue de son départ imminent comme missionnaire au Mozambique.

Des problèmes politiques retardent son départ en mission, reporté à une date ultérieure encore à définir. Il rentre donc dans sa Province où il devient Curé Adjoint de la paroisse des Capucins à Barletta et Adjoint provincial de la Jeunesse franciscaine.

Il prépare alors sa licence et son doctorat à la Faculté œcuménique de Saint-Nicolas, à Bari. Dans le même temps, il termine sa maîtrise en Lettres, en 1972.

En 1976, il est nommé Supérieur et Curé du couvent des Frères Mineurs Capucins à Trinitapoli, dans la province de Foggia. C'est là qu'il apprend la mort de sa très aimée tante Rosaria (1978) qui, pendant presque quarante ans, était restée aux côtés de Luisa Piccarreta.

En 1980, à la demande de S.Exc. Mgr Giuseppe Carata, Archevêque de Trani, il recueille les témoignages sur la Servante de Dieu, Luisa Piccarreta. Il lui est recommandé de ne pas nommer le bienheureux Annibale Maria Di Francia pour ne pas gêner sa cause de béatification, alors en cours. Il publie en 30 exemplaires une première petite biographie de la Servante de Dieu qui, traduite en plusieurs langues, contribue à mieux faire connaître Luisa Piccarreta.

En 1988, il est nommé Supérieur et Curé du couvent de Triggiano, où il assure également le poste de Secrétaire provincial des paroisses.

En 1994, il est élu Définisseur provincial et revient à Trinitapoli comme Curé. C'est là qu'il vit actuellement. Il y assure les mandats de Définisseur provincial, Secrétaire provincial des paroisses et Conseiller du Secrétariat national italien des paroisses.

Il est co-fondateur de l'Association du Divin Vouloir avec Sœur Assunta Marigliano et, pendant de nombreuses années, il a été Assistant spirituel de l'Association, créée canoniquement à Corato le 4 mars 1987.

Il est actuellement membre du Tribunal de la Cause de Béatification de la Servante de Dieu, Luisa Piccarreta, cause qui a été ouverte le jour de la fête du Christ-Roi de 1994, en l'église mère de Corato par S.Exc. Mgr Carmelo Cassati, aujourd'hui émérite, en qualité de Promoteur de la foi.

Prières
pour implorer la Béatification
de la servante de Dieu
L U I S A P I C C A R R E T A

I

O Cœur Sacré de mon Jésus, qui a choisi ton humble servante LUISA comme messagère du règne de ta Volonté Divine et comme l'ange de la réparation pour les innombrables fautes qui affligent ton Divin Cœur, je te prie humblement de m'accorder la grâce que, par son intercession j'implore de ta Miséricorde, afin qu'elle soit glorifiée sur terre comme tu l'as déjà récompensée au Ciel. Amen.

Pater, Ave, Gloria.

II

O Cœur Divin de mon Jésus, qui a donné à ton humble servante Luisa, victime de ton Amour, la force de souffrir pendant toute sa vie les affres de ta douloureuse Passion, fais en sorte que pour ta plus grande gloire resplendisse bientôt sur son front l'auréole des Bienheureux. Et par son intercession accorde-moi la grâce qu'humblement je te demande...

Pater, Ave, Gloria.

III

O Cœur Miséricordieux de mon Jésus, qui pour le salut et la sanctification de tant d'âmes a daigné garder sur la terre pendant de longues années ton humble servante LUISA, ta petite Fille de la Volonté Divine, exauce ma prière: qu'elle soit bientôt glorifiée par ta sainte Eglise. Et par son intercession accorde-moi la grâce qu'humblement je te demande.

Pater, Ave, Gloria.

Nulla osta pour l'impression
Trani, 27 novembre 1948

Fr. Reginaldo ADDAZI O.P.
Archevêque

Prière de la petite image (avec relique) imprimée immédiatement après la mort de Luisa Piccarreta sur autorisation de l'Archevêque de Trani, Mgr Reginaldo Addazi O.P.

L'attention à la personne de Luisa est digne d'être signalée pour deux motifs. D'abord pour l'intérêt suscité de nos jours par l'étude de la mystique. Dans le cas de Luisa, sa contemplation et son acceptation des souffrances physiques et spirituelles lui ont permis d'atteindre une notable intimité avec Jésus. Ensuite parce que Luisa a été connue et a entretenu des relations avec plusieurs de nos confrères (P. Fedele da Montescaglioso, P. Guglielmo da Barletta, P. Salvatore da Corato, P. Terenzio da Campi Salentina, P. Daniele da Triggiano, P. Antonio da Stigliano, P. Giuseppe da Francavilla Fontana, pour n'en citer que quelques-uns) qui ont pu lui communiquer les éléments essentiels de la spiritualité franciscaine, en lui permettant d'en retenir l'amour pour le Christ et l'engagement à accomplir la Volonté Divine (tiré de la Présentation du P. Mariano Bubbico).

Le père Bernardino Giuseppe Bucci est né à Corato, le 15 juin 1935.

En 1955, il entre au noviciat des Frères Capucins à Alessiano, en province de Lecce. Il suit ses études de philosophie au Collège d'Etudes supérieures de Scorrano. Le 14 mars 1964, en l'église des Capucins de Triggiano, il est ordonné prêtre par S.Exc. Mgr Nicodemo, Archevêque de Bari.

Il est ensuite envoyé à Rome au Collège international pour se spécialiser en Théologie missionnaire. A son retour dans sa Province, il est envoyé au couvent de Scorrano pour y remplir le rôle de Père spirituel du Séminaire séraphique. Il prépare alors sa licence et son doctorat à la Faculté œcuménique Saint-Nicolas, à Bari. En 1972, il termine sa maîtrise en Lettres.

Co-fondateur, avec Soeur Assunta Marigliano, de l'Association du Divin Vouloir, érigée canoniquement à Corato le 4 mars 1987, il en a été l'Assistant spirituel pendant de longues années. Actuellement, en qualité de Promoteur de la Foi, il est membre du Tribunal de la Cause de Béatification de la Servante de Dieu Luisa Piccarreta, ouverte le jour de la fête du Christ-Roi de 1994, en l'église mère de Corato par S.Exc. Mgr Carmelo Cassati, aujourd'hui émérite, en qualité de Promoteur de la foi.

En couverture: le regard de la servante de Dieu, Luisa Piccarreta, sur la ville et les gens de sa terre.
 

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