|   Léandre Lachance n’est pourtant pas tombé sur la tête. J’ai 
                pu m’en rendre compte à l’occasion de l’interview qu’il m’accordait 
                dans sa confortable résidence avec vue splendide en plein terrain 
                de golf de Sherbrooke. 
                Un homme posé, serein, pratique, qui, au sommet de sa carrière, 
                dirigeait diverses entreprises, dont une maison de courtage en 
                assurances occupant plus de cent employés répartis en une vingtaine 
                de bureaux. Le personnage a donc les pieds bien solidement ancrés 
                sur terre. Et il ne présente aucun symptôme de délire mystique. 
               
              Dictée ou inspiration?
              Je lui ai quand même demandé comment un homme comme lui, habitué 
                à brasser bien des affaires matérielles et financières, pouvait 
                en venir à recevoir des «messages» du Seigneur? Et tout de suite, 
                il me corrige. 
                «Je ne prétends pas recevoir des messages du Seigneur. Je crois 
                plutôt avoir été inspiré pour écrire.» 
                La nuance est importante. Une analogie tirée du contexte professionnel 
                de L. Lachance permet de s’en rendre compte. Dans les communications 
                prophétiques, la situation des «instruments» divins pourrait se 
                comparer soit au sténographe qui prend une dictée, soit au collaborateur 
                à qui son patron confie la rédaction d’un rapport quelconque. 
                Dans le premier cas, le travail du secrétaire consiste à reproduire 
                textuellement un discours. Dans le deuxième, le collaborateur 
                devra composer lui-même un texte qui reflète fidèlement la pensée 
                de son patron. 
                Il va de soi que l’apport de ce dernier au texte final est considérable 
                par rapport à la reproduction mécanique du secrétaire. Transposé 
                en termes mystiques, ce type de prophétisme requiert plus d’avancement 
                dans la vie spirituelle, et corollairement, implique plus de responsabilité 
                de l’auteur tant dans la forme littéraire de son écrit qu’en regard 
                des possibilités d’erreurs. 
                De toute évidence, les colloques célestes de L. Lachance s’apparentent 
                au deuxième type. Mais il est modeste. Tout en admettant l’importance 
                de sa contribution à la composition de son œuvre, il refuse de 
                s’en attribuer un mérite quelconque qui lui viendrait d’une relation 
                privilégiée avec le Seigneur. 
                Son livre, soutient-il, est issu d’un «cœur à cœur. J’ai la conviction 
                que les communications que j’ai pu avoir avec le Seigneur sont 
                possibles à toute personne qui prie et se place à Son écoute.» 
              Une œuvre de couleur l’Esprit
              Mais qu’est-ce qui vous assure qu’il s’agit bien du Seigneur? 
                lui ai-je demandé. 
                «J’avoue que j’ai eu des doutes au début. Entre l’imagination 
                et l’inspiration divine, la marge peut être mince. 
                Ce qui m’a amené à croire à l’inspiration, c’est la paix indescriptible 
                que je ressens à chaque fois que je me place devant le Seigneur 
                pour me mettre à Son écoute. Et puis, quand je relis mon texte, 
                parfois même des années plus tard, je retrouve la même paix que 
                je ressens lorsque j’écris. 
                Je n’ai jamais entendu une voix parler à mon oreille physique. 
                C’est dans la foi pure, comme le Seigneur me l’a dit, qu’Il veut 
                me conduire. 
                Un autre signe m’a indiqué que je pouvais faire confiance à l’inspiration 
                que j’éprouve, c’est le fait qu’écrire ait toujours été pour moi 
                une expérience difficile. Normalement, je fais beaucoup de ratures 
                et je recommence plusieurs fois. Mais mon livre a été entièrement 
                écrit sans ratures, d’un premier jet.» 
                Tout de même, ai-je objecté, lorsque vous écrivez sous l’inspiration, 
                vous parlez au nom de Dieu. Ne trouvez-vous pas ça un peu beaucoup 
                audacieux? 
                «C’est dans la foi que je le fais. Que ce soit au nom de Jésus 
                ou de Marie, je me laisse simplement guider pour exprimer ce que 
                l’Esprit m’inspire dans le cœur. La clef de cette inspiration, 
                c’est l’Esprit Saint. 
                L’Esprit veut prendre de plus en plus d’espace en nous. Je pense 
                que ça fait partie des signes des temps dans lesquels nous sommes. 
                Nous sommes dans un temps où la grâce surabonde en toute personne 
                qui se met à l’écoute de l’Esprit Saint.» 
              Le fruit de la constance
              Une telle docilité à l’Esprit ne s’est pas réalisée du jour 
                au lendemain. L’homme d’affaires de Sherbrooke évoque rapidement 
                à ma demande les grandes étapes de son cheminement. 
                «Toute ma vie, j’ai été croyant. La pratique religieuse a toujours 
                eu beaucoup d’importance pour moi. Dans les années soixante, j’étais 
                impliqué dans les mouvements d’Action catholique.» 
                Le chef d’entreprise souffre alors beaucoup, confie-t-il, «de 
                l’écroulement des valeurs sociales et religieuses». Il se désole 
                d’observer un effritement progressif des structures, tant dans 
                l’Eglise dans la foulée du Concile Vatican II que dans la société 
                québécoise alors en pleine «révolution tranquille». 
                Dans l’Eglise, il voit avec angoisse les prêtres abandonner leur 
                sacerdoce, les religieuses sortir de communauté, les couples se 
                séparer. Mais le laïc engagé se garde bien d’associer ces défections 
                au Concile lui-même. 
                «J’ai toujours bien vécu avec Vatican II. La transformation qui 
                s’est faite dans l’Eglise ne m’a pas posé trop de problèmes. 
                Là où j’ai eu plus de difficultés sous ce rapport dans les années 
                soixante, c’est plutôt du côté de notre société où on s’est appliqué 
                — et on continue de le faire — à attaquer l’Eglise sur tous les 
                fronts. Pour moi, c’est une injustice flagrante, par exemple, 
                que des hommes et des femmes d’Eglise qui ont consacré toute leur 
                vie à l’éducation sans recevoir une vraie rémunération se fassent 
                accuser de tenir le peuple dans l’ignorance.» 
              Amour de l’Eglise
              Mais L. Lachance ne fait pas que poser un regard complaisant 
                sur l’Eglise d’ici. Il estime qu’avant Vatican II, elle se tenait 
                trop à distance de notre peuple. Et il croit que pour s’inscrire 
                dans la ligne d’orientation imprimée par le Concile, elle se devait 
                d’amorcer un sérieux virage «pour se rapprocher du monde». 
                Il déplore toutefois qu’on soit allé à l’autre extrême dans le 
                mouvement de balancier de sorte qu’on a «laissé les pensées du 
                monde envahir l’Eglise. Et notre Eglise ne doit pas être là pour 
                plaire au monde. Elle est là pour plaire à Dieu. Elle est là pour 
                conduire ses enfants à Dieu et non faire la volonté du monde. 
                Si j’ai une souffrance à exprimer à l’intérieur de mon Eglise, 
                c’est celle-là.» 
                Ceci dit, l’auteur du best-seller religieux s’empresse aussitôt 
                d’affirmer sans équivoque possible son entière soumission à l’Institution 
                fondée par le Christ: 
                «Je veux être très fidèle à mon Eglise et je l’aime beaucoup. 
                Je suis bien conscient que nous vivons en Eglise une période difficile. 
                Nos prêtres et nos évêques, ce sont les piliers de notre Eglise. 
                Et je pense que lorsque les piliers sont affaiblis, ce n’est pas 
                le temps de frapper dessus. On doit plutôt les aimer et leur témoigner 
                de la compréhension.» 
              Eglise nouvelle
              Dans votre livre, vous évoquez assez souvent l’avènement d’une 
                Eglise nouvelle. Est-ce à dire que notre Eglise actuelle est destinée 
                à être remplacée un jour par une nouvelle structure ecclésiale? 
                lui ai-je demandé. 
                «Quand je parle d’une Eglise nouvelle, il est bien important de 
                comprendre qu’il ne s’agit d’aucune façon d’une Eglise parallèle 
                ou d’une Eglise en marge de notre Eglise actuelle. Il s’agit d’une 
                Eglise renouvelée, comme elle a été renouvelée à plusieurs époques 
                dans l’histoire. Ce renouveau est très présent actuellement dans 
                l’Eglise. 
                Il y a quelque 25 ans, j’ai assisté à une conférence de Marcel 
                Clément au cours de laquelle il a prophétisé que le Seigneur allait 
                refaire tous les tissus de son Eglise par des micro-chrétientés. 
                Je constate que c’est vraiment ce qui se passe actuellement. Tous 
                ces groupes de prière qui sont radicalement engagés dans une démarche 
                de foi, c’est notre espérance. C’est ça l’Eglise nouvelle!» 
                Un renouveau qui commence à se manifester pour lui à la fin des 
                années soixante au plus fort de sa déprime spirituelle. Sa désolation 
                se mue en joie de voir surgir un peu partout des petits groupes 
                de prière. C’est le début du Renouveau charismatique. 
                «Je n’ai pas participé directement à ce mouvement, précise-t-il, 
                mais, par la suite, j’ai eu l’occasion de vivre certaines expériences 
                que l’on peut relier à ce renouveau, surtout dans le mouvement 
                catholique des hommes d’affaires, ACTE (Association des Chrétiens 
                Témoins dans leur Entreprise).» 
                L. Lachance expérimente alors un éveil plus profond de sa foi. 
                A plusieurs occasions, il constate que le Seigneur est présent 
                dans sa vie. «J’ai toujours cherché à me situer dans la volonté 
                du Seigneur, même si je n’ai pas la certitude d’avoir toujours 
                fait ce qu’Il voulait», s’esclaffe-t-il. 
              Un choix décisif
              Mais la décision qui a été déterminante dans sa vie spirituelle 
                remonte à une dizaine d’années. Son épouse et lui cheminent alors 
                dans la foi avec un groupe de prière. Parmi eux, certains sont 
                interpellés pour consacrer toute une journée de la semaine, le 
                mercredi, à la prière. 
                Léandre est invité par un homme à la retraite à participer à ce 
                mouvement. L’esprit de la démarche était un acte de réparation 
                envers le Seigneur pour les violations du repos sabbatique. Le 
                mercredi avait été choisi précisément parce que ça dérange plus, 
                en plein milieu de la semaine de travail. 
                «Ma réaction a été de répondre non en raison de mes obligations 
                professionnelles. Mais par la suite, un autre homme, qui n’était 
                pas à la retraite celui-là, me fait la même invitation. 
                Je me suis alors demandé si c’était possible que le Seigneur me 
                demande ça! Je Lui disais souvent: “Demande-moi ce que Tu voudras 
                et je le ferai.” Et là, se pouvait-il que ma première réaction, 
                quand Il me demandait effectivement une chose, était de répondre 
                non? 
                A ce moment-là, j’étais PDG de mon entreprise. Je ne voyais vraiment 
                pas comment je pourrais consacrer une journée à la prière au milieu 
                de la semaine, en plein cœur d’activités débordantes. 
                J’ai tout de même dit au Seigneur que s’Il voulait mon mercredi, 
                il fallait qu’Il s’arrange pour que personne ne me demande de 
                rendez-vous pour le mercredi suivant et, deuxième chose, que je 
                n’aie plus aucun dossier en suspens le mardi soir.» 
              Piégé
              «Le mardi suivant, je constate que mon bureau est net. Je vérifie 
                mon agenda et je n’ai aucun rendez-vous le lendemain. Je venais 
                d’avoir ma réponse, j’étais piégé!» 
                Qu’à cela ne tienne! Joignons l’utile à l’agréable, se dit-il. 
                Il pourra en profiter pour prendre une journée de congé à la campagne 
                avec Elisabeth, son épouse. Ils pourront se joindre au groupe 
                de prière durant l’après-midi et prendre un bon repas en tête-à-tête 
                au restaurant durant la soirée. 
                Mais lorsqu’il propose ce joli programme à Elisabeth, elle lui 
                répond qu’elle n’avait pas besoin de faire une heure et demie 
                d’autoroute pour prier et qu’elle pouvait très bien prier chez 
                elle. Il lui raconte ce qui s’était passé et lui fait comprendre 
                qu’il n’avait plus le choix. Elle lui répond: «Mais vas-y.» 
                «Alors, par un beau mercredi ensoleillé du mois d’août, je me 
                suis payé une heure et demie d’autoroute pour aller prier. Je 
                ne sais pas si vous pouvez vous douter de ce qui s’est passé dans 
                ma tête durant le trajet! je croyais être devenu fou. Je pensais 
                à tout ce que j’aurais pu faire si j’étais resté au bureau. Finalement, 
                ça été une très belle journée. Et ça s’est passé comme ça trois 
                mercredis consécutifs. 
                Alors, j’ai compris. Depuis ce temps, je donne au Seigneur tous 
                mes mercredis. Je pense que ça été une décision importante pour 
                ma vie spirituelle. Ça été aussi une excellente chose pour ma 
                santé et pour préparer ma retraite.» 
              Le «oui» total
              Dans votre livre, vous revenez souvent sur l’importance de donner 
                un OUI inconditionnel et irrévocable au Seigneur pour progresser 
                dans la vie spirituelle. Quand on lit votre livre, ça semble facile. 
                Vous-même, vous semblez répondre oui invariablement au Seigneur. 
                Est-ce que c’est vraiment si facile de toujours dire oui? 
                «La partie la plus difficile, je pense, c’est qu’il faut aussi 
                dire non. On ne peut pas dire oui au Seigneur et ne pas dire non 
                aux choses qui sont contraires à l’Amour On ne peut pas dire oui 
                au Seigneur et dire oui en même temps à tous les courants de pensée 
                du monde. 
                Pour dire oui, il faut d’abord accepter de dire non, et c’est 
                ce qui est le plus difficile. Si on veut vivre une vie plus intime 
                avec le Seigneur, il faut décider, par exemple, de ne pas se laisser 
                déranger par la télévision. Mais après qu’on a pris la décision 
                de se contenter de regarder les nouvelles, on se rend compte que 
                ce n’est pas si difficile que ça. On s’en trouve même très bien.» 
                Comment discerner la volonté de Dieu, une fois qu’on a exclu les 
                fautes morales? ai-je objecté. Comment comprendre Son plan sur 
                nous dans les détails de la vie quotidienne? 
                «En plusieurs occasions, j’ai pu vérifier que le Seigneur nous 
                parle. Il s’agit d’être attentif dans la prière et attentif aux 
                événements. Et il faut être prêt à accueillir la réponse. Quand 
                on est prêt à accueillir la réponse, peu importe la direction, 
                que ce soit oui ou que ce soit non, on peut capter Sa volonté.» 
              Le plan de Dieu
              Mais qu’est-ce que le Seigneur veut de nous? lui ai-je demandé. 
                Est-Il vraiment en train de nous façonner? N’aura-t-Il pas un 
                gros boulot devant Lui pour parvenir à nous façonner à Son image? 
                «Ce que je comprends, c’est que le Seigneur veut nous transformer 
                pour que nous devenions des êtres d’amour. Je pense que c’est 
                là le véritable plan du Seigneur. 
                Jésus nous a enseigné à prier Dieu Notre Père en lui disant: “Que 
                ton Règne vienne, que ta volonté soit faite sur la terre.” Son 
                règne et sa volonté pour nous aujourd’hui, c’est que l’amour règne 
                sur la terre. Et on est tout près de ce temps où l’amour va régner 
                sur terre. 
                Mais pour que l’amour règne, il faut accepter de se laisser transformer 
                par Lui. Chacun en particulier. Il n’y a pas d’autre chemin pour 
                transformer le monde que la transformation des cœurs. 
                Il y a plus de vingt ans, nous faisions, un collaborateur et moi, 
                le constat que s’il n’y a pas la conversion des cœurs, la société 
                est foutue. Il n’y a pas de moyens humains capables de rétablir 
                la situation. On en est de plus en plus témoin à l’heure actuelle. 
                Je parle de tout ce qui se passe dans le monde. 
                Le vingtième siècle a été un siècle où on a mis l’emphase sur 
                la puissance de l’homme. On a cru en la puissance de l’homme et 
                on a mis toute sa confiance en ses seules forces… pour se rendre 
                compte à l’aube du troisième millénaire qu’on n’y arrive pas. 
                Alors, ça urge qu’on prenne conscience que ça ne fonctionne pas. 
                Et ça urge qu’on se décide à mettre sa confiance en Dieu. Et lorsque 
                nous aurons mis notre confiance en notre Créateur, Il pourra changer 
                nos cœurs. Il pourra achever Sa création et réaliser enfin Son 
                plan d’amour qui passe nécessairement par le cœur de l’homme.» 
                par Paul Bouchard 
                (Paru dans le Nouvel Informateur Catholique du 26 décembre 1999, 
                6650, Route 125, Rawdon QC J0K 1S0, Canada) 
               Littérature: 
                «Pour le bonheur des Miens, Mes choisis. Jésus», 278 pages, 14x21 
                cm, EUR 16.– CHF 24.– En vente à la librairie du Parvis.  |